3. La dimension cognitive du KM
3.1. Intérêt de l'approche
L'utilisation des tests de personnalité dans les milieux
professionnels est de plus en plus répondue et elle répond
à plusieurs finalités. Quel pourrait en être
l'intérêt dans la perspective
du KM ?
Les progrès de la psychologie ont permis de comprendre que
les gens ne pensent pas tous
de la même façon : «ils peuvent avoir
une tournure d'esprit analytique ou intuitif, conceptuelle ou
expérimentale, collective ou individualiste, logique ou
éthique»30 . Ce sont des
préférences cognitives qui caractérisent
«les dissemblances entre individus dans les domaines suivants :
perception et assimilation de l'information, prise de
30 Leonard D. et Straus S.,
Comment tirer parie de toute la matière grise de votre firme ?,
in Harvard Business
Review : Le Knowledge Management, Ed. d'Organisation,
Paris, 1999, p.146. Première publication dans HBR : Juillet-Août
1997.
39
décisions, résolution de problèmes et
relations avec autrui. Il s'agit dans ce cas de
préférences (à ne pas confondre avec des capacités
ou des compétences)»31 .
La représentation du système de gestion
des connaissances par un individu se retrouve étroitement liée
à ses préférences cognitives. Par exemple, un individu
porté sur l'abstraction cherchera à récolter le maximum
d'informations à propos d'une situation, à comprendre son
contexte général avant d'agir. Alors qu'un autre plus
porté sur l'expérience, essayera de rapporter la nouvelle
situation à une autre qu'il a déjà vécue et
privilégiera l'action pour en apprendre plus. Dans le premier cas, le
système de gestion des connaissances adéquat du point
de vue de cette personne sera plutôt une base de
données riche en rapports, livres et articles de presse. Dans le
second cas, le «bon» système de gestion des
connaissances sera plutôt une base de retour d'expérience avec
des cas réels et des solutions clairement décrites et
prêtes à l'emploi.
3.2. Les applications possibles
Dans l'entreprise, à quelque niveau que ce soit
; Equipe projet, groupe de travail, département...etc. ces
différents profils sont représentés. La
cohabitation de ces différentes visions du monde est souvent
la source de blocages et de conflits. Un bon management doit savoir
tirer profit de cette diversité pour accroître la
créativité et l'intelligibilité des problèmes.
Pour cela, il faut d'abord prendre conscience de
l'existence de telles divergences cognitives puis les évaluer.
Des tests éprouvés (Voir : Identification des modes de
pensée : le Myers Briggs Type Indicator®
MBTI) et utilisés par des millions de gens32
permettent à chacun de comprendre ses
préférences cognitives et celles des autres. Plusieurs
bénéfices peuvent être obtenus à travers
l'utilisation de ces tests.
Encadré 1 : Identification des modes de
pensée : le Myers Briggs Type Indicator®
(MBTI)
Le Myers-Briggs Type Indicator (MBTI®) est
l'instrument de typologie des personnalités le plus utilisé au
monde. Conçu par Isabel Myers et sa mère, Katherine Cook
Briggs, il s'inspire des travaux de C. G. Jung. Les deux femmes
l'ont mis au point au cours de la Seconde Guerre mondiale en partant de
l'hypothèse que la compréhension des préférences
sous-jacentes à la personnalité pourrait aider ceux qui entraient
pour la première fois dans
la population active à trouver l'emploi qui leur
convenait le mieux. L'instrument se conforme aux normes de test
consacrées, et on estimait en 1994 qu'il avait été
appliqué à plus de 2,5 millions de personnes de par le monde. Le
MBTI est très utilisé dans le monde
de l'entreprise, dans le domaine de la psychologie, dans la
pédagogie et dans l'orientation professionnelle.
Le MBTI® se sert de quatre paires
d'attributs pour créer une matrice de seize types de
personnalité :
31 Leonard D. et Straus S.,
ibid., p.147.
32 Dueck G., ibid.,
p.886.
40
Extraversion contre
Introversion. La première paire considère le
sens dans lequel on préfère tourner son attention. Ces
descripteurs recherchent la source de l'énergie mentale de
l'individu : l'Extraverti E tire son énergie d'autrui,
tandis que l'Introverti
I la tire de lui-même.
Chacun trouve débilitantes les conditions de fonctionnement
préférées de l'autre ;
Sensation contre
Intuition. La deuxième paire identifie la
manière dont on absorbe des informations. Le Sensoriel S
recueille des données par les cinq sens, alors que
l'Intuitif N passe par des formes de perception moins directes
comme des tendances générales, des relations ou des
pressentiments. Si, par exemple, on interroge les membres d'un groupe de
S sur un tableau, ils pourraient faire remarquer les traits de
pinceau utilisés ou la cicatrice sur la joue gauche du sujet,
alors que ceux d'un groupe de N déduiraient
plutôt du regard inquiet du sujet qu'il avait vécu à une
épo- que difficile ou qu'il avait subi une dépression ;
Réflexion contre
Sentiment. La troisième paire se rapporte
à la manière dont on prend une décision après
avoir recueilli des informations. L'Affectif F se sert de son
intelligence émotionnelle pour prendre des décisions
fondées sur ses valeurs, sur ses convictions en matière de bien
et de mai. Le Penseur T quant à lui, fait plutôt
appel à
la logique et à des critères
prétendument objectifs qui tournent autour de sa conception du
vrai et du faux ;
Jugement contre
Perception. La quatrième paire concerne
l'orientation de la personne vers le monde extérieur. L'individu
porté à faire des Jugements J
éprouve
un fort besoin de clore les débats. Il tire
rapidement des conclusions à partir de l'information disponible
et passe aussitôt à autre chose. L'individu tourné
vers la Perception P préfère ne pas s'engager
irrévocablement. Avant de décider, il attend d'avoir réuni
la quantité d'informations qui lui semble suffisante. Le J
ne peut vivre sans certitudes, alors que le P adore
l'ambiguïté.
La matrice présentée ici donne une description plus
détaillée des personnalités identifiées par le
MBTI.
41
|
|
Les intuitifs (N)
|
|
|
Sentiment (F)
|
Réflexion (T)
|
|
|
INFJ
Il réussit grâce à sa
persévérance,
à son originalité et à son désire de
faire le nécessaire ou tout ce
qu'on lui demande.
Consciencieux, d'une force tranquille, il est mû par le
souci d'autrui. Il est estimé pour la fermeté de ses
principes.
|
INTJ
Plutôt original, il est d'un grand
dynamisme dans la réalisation de ses idées et de
ses objectifs. Sceptique, critique, indépendant,
déterminé, il fait souvent preuve d'obstination.
|
|
INFP
Il s'intéresse au savoir, aux idées,
au langage et à ses propres projets autonomes. Il a
tendance
à trop entreprendre et à réussir
malgré tout à y faire face. Bien que sympathique
il est souvent trop plongé dans ses pensées.
|
INTP
Calme, réservé, il entretient des
rapports impersonnels. Attiré par des sujets
théoriques ou scientifiques, il s'intéresse surtout aux
idées et n'affectionne guère
les menus propos ou les conversations mondaines. Ses
centres d'intérêts sont clairement
définis.
|
|
|
ENFP
D'un enthousiasme chaleureux, plein de vivacité,
ingénieux, imaginatif, il réussit dans
pratiquement tout domaine qui l'intéresse. Il est prompt
à fournir une solution ou à donner de
l'aide.
|
ENTP
Vif, ingénieux, il a des compétences dans beaucoup
de
domaines. Il lui arrive de défendre
un point de vue ou son contraire pour s'amuser. Il trouve des
solutions astucieuses à des problèmes difficiles, mais il a
tendance à négliger des tâches plus banales.
|
|
ENFJ
Réceptif, responsable, il se soucie
réellement des idées et des désirs
d'autrui. Sociable, très apprécié,
il est sensible aux louanges
comme aux critiques.
|
ENTJ
Franc, chaleureux, résolu, c'est un
meneur d'hommes. Il réussit généralement
dans toute activité demandant des raisonnements et une bonne
maîtrise de la parole. Il peut se montrer catégorique sur
des questions qu'il ne connaît pas forcément
très bien.
|
42
|
|
Les sensoriels (S)
|
|
|
Réflexion (T)
|
Sentiment (F)
|
|
|
ISTJ
Sérieux, calme, il réussit en se
concentrant et en faisant les choses à fond. Pragmatique,
ordonné, terre à terre, logique, réaliste et digne de
confiance, il assume des responsabilités.
|
ISFJ
Calme, sympathique, responsable,
consciencieux, il travaille avec dévouement pour faire
face à ses obligations. Scrupuleux et précis, il fait tout
à fond. Il est fidèle et attentionné.
|
|
ISTP
C'est l'observateur neutre, calme, réservé,
analytique. Il s'intéresse
plutôt aux principes généraux et au
fonctionnement des objets
mécaniques. Il a parfois des traits
d'humour originaux.
|
ISFP
Effacé, discrètement chaleureux,
sensible, prévenant, modeste au
sujet de ses capacités. Il fuit les désaccords.
Disciple fidèle, il prend souvent avec sérénité
les
tâches à accomplir.
|
|
|
ESTP
Terre à terre, il ne connaît ni l'inquiétude
ni la précipitation et profite de la vie telle qu'elle se
présente. Il peut se montrer brusque et insensible. Il se
trouve mieux face à des objets réels qui
se laissent démonter ou
assembler.
|
ESFP
Expansif, facile à vivre, arrangeant, sympathique, il
fait
profiter les autres de son plaisir, il
aime le sport et la fabrication d'objets. Il a moins de mal
à se souvenir de faits qu'à maîtriser des
théories.
|
|
ESTJ
Pragmatique, réaliste, terre à terre, il a des
dispositions pour
les affaires ou la mécanique. Il ne s'intéresse pas
aux sujets dont il
ne voit pas l'utilité. Il aime à
organiser et à diriger des activités.
|
ESFJ
Chaleureux, volubile, très apprécié,
consciencieux, c'est le
parfait collaborateur. Il a besoin d'harmonie et donne le mieux
de
lui-même quand on l'encourage. Il
montre peu d'intérêt pour la pensée abstraite
ou des questions techniques.
|
Source : Leonard D. et Straus S., Comment
tirer parie de toute la matière grise de votre firme ?, in
Harvard
Business Review : Le Knowledge Management, Ed.
d'Organisation, Paris, 1999, pp.172-173.
43
3.2.1. Se connaître soi-même
Se connaître soi-même, c'est être
capable d'expliquer son comportement dans un contexte donné. Cela
revient à évaluer ses forces et faiblesses par rapport
à des situations déjà vécues ou probables.
D'ailleurs, le MBTI est le test de choix pour
l'orientation professionnelle. Cette évaluation reste sans
intérêt si elle ne s'accompagne pas d'une remise en cause
perpétuelle de ses actions. Même si les
préférences cognitives sont profondément
enracinées en nous dès l'enfance, nous pouvons
apprendre à élargir notre gamme de représentations et de
comportements. En se posant
la question : qu'aurait fait une personne cognitivement
différente dans telle situation ? On apprend à aborder les
problèmes selon des points de vues différents.
3.2.2. Bâtir et manager les
équipes
Les bons managers sont ceux qui savent enrichir leurs
équipes sur le plan cognitif
et les gérer à fin de produire une friction
créatrice33 . Avec la complexité croissante des
situations de gestion, différents points de vue éclairent
différentes facettes d'un même problème. Le mouvement de
confrontation de ces visions conduit à des représentations
nouvelles non contenues dans les idées initiales.
Connaître les préférences cognitives des
autres, c'est aussi mieux communiquer avec eux. Au lieu de s'enfermer dans
un schéma de représentation unique, en déplorant
le manque de compréhension des autres ou carrément
leur stupidité, chercher à adapter
le message au mode de pensée de l'autre, c'est
déjà s'assurer son attention. Quelqu'un qui développe de
longs discours devant des financiers habitués aux chiffres et
aux graphismes aura toutes les peines du monde à les convaincre. De
même, une personne qui cherche à expliquer un
phénomène complexe, aux amateurs de théories
élégantes, à l'aide d'organigrammes et de
flèches qui vont de tous les sens, n'a guère plus de
chances d'y parvenir.
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