L'arbitrage et le contrat de consommation: Le point sur l'état du droitpar Rithy Chey Université Lumière Lyon 2 - Master 2 recherche Droit européen et international des contrats 2006 |
B. L'inadaptation de l'arbitrage pour le contrat de consommationEn effet, le recours à l'arbitrage privera le consommateur du droit à son juge naturel. En ce qui concerne l'affaire Rado, Monsieur le professeur Thomas Clay a retenu qu' « il semble assez sévère pour un particulier comme celui qui est en cause en l'espèce d'être ainsi distrait de son juge naturel pour connaître les délices de la procédure arbitrale Outre-Atlantique »230(*). Dans le cas de l'arbitrage, le consommateur fait face au même problème qu'un salarié. On a critiqué la différence de régime de la clause compromissoire dans ces contrats231(*). Le salarié bénéficie d'une protection à cet égard. Il peut ignorer la clause compromissoire dans le contrat en saisissant le juge français compétent, la clause étant inopposable aux salariés. La Cour de cassation a expressément retenu que « Attendu, cependant, que la clause compromissoire insérée dans un contrat de travail international n'est pas opposable au salarié qui a saisi régulièrement la juridiction française compétente en vertu des règles applicables, peu important la loi régissant le contrat de travail232(*) ». A priori, l'arbitrage n'est pas nécessairement adapté aux litiges résultant du contrat de consommation. Il est évident que même si l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) ne s'applique pas à l'arbitrage qui n'est pas considéré comme une institution de l'Etat membre de l'Union européenne233(*), cela est en effet purement formel234(*). L'arbitre doit respecter les règles d'ordre public, notamment la contradiction235(*), ce qui est donc un respect indirect des règles de la convention. Il est évident qu'au fond, par son impartialité et son indépendance, l'arbitre ne favorise pas le professionnel ; l'accès à la justice arbitrale par le consommateur n'est pas nécessairement si courageux. Il faut noter que la conclusion d'une clause compromissoire vaut une renonciation préalable à son droit au juge étatique, et ce en absence de connaissance sur l'étendue du litige. La question du coût peut également poser des problèmes. La Cour de cassation a néanmoins écarté ce raisonnement. Dans son arrêt du 28 janvier 2003236(*), la Cour a retenu que « ... il est irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait et de droit, en ce qu'il invoque le coût excessif de la procédure arbitrale ; qu'il ne peut pas dès lors être accueilli ». Il est possible que le coût de l'arbitrage puisse être plus élevé, ce qui peut décourager le consommateur de recourir à ce mode de règlement de litige. Le consommateur n'aurait pas l'initiative à une contestation, donc à une constitution du tribunal arbitral pour régler les différends dont le montant est quelquefois moins élevé que l'honoraire et les frais de l'arbitrage237(*). Le coût de la procédure, ainsi que sa relative complexité, risquent de décourager le consommateur et le priver de la faculté d'agir en justice pour faire valoir ses droits238(*). Ainsi, dans le cas de l'affaire Rado, le consommateur, en situation déficitaire doit-il saisir l'instance arbitrale se trouvant à Chicago qui est très éloigné de son domicile à Paris. Cela est difficile à comprendre sur le plan de l'équité239(*). Le coût de la procédure correspond ainsi à l'effectivité de l'accès au juge240(*). Après avoir traité l'admission de la clause compromissoire en matière internationale de consommation, il convient ensuite d'envisager le renforcement de cette reconnaissance par le principe de compétence-compétence.
* 230 Clay (Th.), Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges : panorama 2005, D. 2005, panorama, p. 3051. * 231 Bureau (Hélène), Droit de la consommation transfrontière, Préf. de Calais-Auloy (J.), Litec, n° 42, Bibliothèque de droit de l'entreprise. * 232 Cass. Soc., 9 nov. 2001, Rev. arb. 2002.347, note Clay (Th.). * 233 Cass. Civ. 1re, 20 févr. 2001, Cubic, Rev. arb. 2001.511, note Clay (Th.). * 234 Racine (J.-B.), Réflexion sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international, Rev. arb. 2005.305, n°23. * 235 Pour la responsabilité de l'arbitre cf. notamment Nougein (H.-J), Reinhard (Y.), Ancel (P.), Rivier (M.-Cl.), Boyer (A.), Genin (Ph.), Guide pratique de l'arbitrage et de la médiation commerciale, Litec 2004, n°178 et s. * 236 Cass. Civ. 1re, 28 jan. 2003, Rev. crit. DIP, 2003.641, notes Jault-Seseke (F.) * 237 Pour le montant de l'honoraire des arbitres voir notamment Nougein (H.-J), Reinhard (Y.), Ancel (P.), Rivier (M.-Cl.), Boyer (A.), Genin (Ph.), Guide pratique de l'arbitrage et de la médiation commerciale, Litec 2004, p. 103 et s. * 238 Dubarry (J.-C.) et Loquin (E.) obs. sous CA Paris, 7 déc. 1994, RTD com, 1995.401. * 239 Clay (Th.), Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges : panorama 2005, D. 2005, Panorama, p. 3051. * 240 En ce sens, Jault-Seseke (F.), note sous Cass. Civ. 1re, 28 jan. 2003, Rev. crit. DIP, 2003.641. |
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