L'arbitrage et le contrat de consommation: Le point sur l'état du droitpar Rithy Chey Université Lumière Lyon 2 - Master 2 recherche Droit européen et international des contrats 2006 |
2. La transmission de la clause compromissoireLe problème de la transmission de la clause résulte du fait qu'une personne qui n'est pas initialement partie à un contrat contenant une clause compromissoire entend se prévaloir de la clause compromissoire où se voit opposer un tel engagement219(*). Il s'agit notamment du cas d'une chaîne de contrats translatifs de propriété, une cession de créance ou d'autres contrats, il y a une transmission d'un bien ou d'un droit. Dans ce cas, tous les droits attachés à ce bien ou à cette créance sont en principe transmis également220(*). En effet, le premier contrat peut comporter une clause compromissoire impliquant le recours à l'arbitrage pour des litiges résultant de ce contrat. Ensuite, il n'y a point de clause compromissoire dans le dernier contrat où il y a le consommateur, ou il n'y a aucune mention sur l'existence de la clause. La question se pose de savoir si la clause compromissoire est également transmise. Selon l'article 1165 du Code civil, les conventions ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas de l'article 1121 (la stipulation pour autrui). Auparavant, la Cour de cassation prenait une position plus restrictive en matière de circulation de la clause compromissoire. Ainsi, dans son arrêt du 6 novembre 1990, la clause compromissoire reste soumise au principe de l'effet relatif des conventions et qu'elle ne peut ainsi circuler dans une chaîne de contrat à moins que les parties n'aient expressément prévu le contraire221(*). L'évolution est ensuite entreprise en faveur de l'arbitrage. Ainsi, la transmission de la clause compromissoire peut être volontaire ou par l'effet de mécanismes légaux ou jurisprudentiels222(*). La clause peut notamment être transmise dans le cas de cession du contrat223(*), de cession de créance, ou dans une chaîne de contrats translatifs de propriété. Selon l'arrêt du 5 janvier 1999 de la première Chambre civile de la Cour de cassation, la créance étant transmise au cessionnaire telle qu'elle existe dans les rapports entre le cédant et le débiteur cédé, la clause d'arbitrage international, valable par le seul effet de la volonté des cocontractants, est transmise au cessionnaire avec la créance et s'impose au cessionnaire224(*). Dans le cadre d'une chaîne des contrats translatifs de propriété, la Cour de cassation225(*) a récemment admis la transmission de la clause compromissoire. La Cour a retenu que « Attendu que dans une chaîne homogène de contrats translatifs de marchandises, la clause d'arbitrage international se transmet avec l'action contractuelle, sauf preuve de l'ignorance raisonnable de l'existence de cette clause ». Si la Cour de cassation admet que l'on puisse écarter la clause par l'apport d'une preuve de l'ignorance suffisante de la clause, il semble que le consommateur aura du mal à prouver cette ignorance. Il faut donc une appréciation au cas par cas, ce qui exclut le cas de la nullité manifeste de la clause compromissoire empêchant la compétence de l'arbitre. On constate donc qu'ici le consommateur est exposé aux risques au moins égaux du cas de la clause compromissoire par référence. Cela est également critiquable. De plus, la possibilité même de la transmission de la clause compromissoire constitue, dans l'état du droit, une incohérence avec le principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage. La doctrine a constaté cette incohérence : comment prétendre à la fois que la clause compromissoire est autonome par rapport au contrat qui la contient, et qu'elle se transmet avec lui à un non-signataire ?226(*) N'y a-t-il pas dans la jurisprudence une contradiction irréductible entre les motivations proposées ? Comment concilier en effet le caractère autonome de la clause d'arbitrage et son caractère accessoire ou dépendant227(*) ? Malgré cette incohérence, ce que compte le juge judiciaire est toujours en faveur de l'arbitrage228(*). Il faut noter également que certaines conventions internationales excluent le contrat de consommation de leur champ d'application ou édictent des règles spécifiquement applicables au consommateur. Ainsi, la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles prévoit-elle que, dans certaines conditions, le consommateur ne peut être privé de la protection impérative du pays de sa résidence habituelle (article 5). De même, la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, s'inscrivant dans le but de la protection du consommateur, exclut également de son champ d'application le contrat de vente qui est un contrat de consommation (article 2). C'est la raison pour laquelle Messieurs les Professeurs Jean-Claude Dubarry et Eric Loquin ont retenu qu' « il est alors raisonnable de soutenir que le consommateur, partie à un contrat, même mettant en jeu les intérêts du commerce international, au sens du droit de l'arbitrage international, ne peut se voir opposer par les règles matérielles créées pour les professionnels du commerce international »229(*). * 219 Fouchard (Ph.), Gaillard (E.), Goldman (B.), Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996, n° 690 et s. V. aussi Nougein (H.-J), Reinhard (Y.), Ancel (P.), Rivier (M.-Cl.), Boyer (A.), Genin (Ph.), Guide pratique de l'arbitrage et de la médiation commerciale, Litec 2004, n° 48 et s. ; Pour une étude comparative Cf. Cadiet (L.), Clay (Th.) et Jeuland (E.), Médiation et arbitrage, Alternative dispute resolution, Alternative à la justice ou justice alternative ? Perspectives comparatives, Litec 2005, p. 207 et s. * 220 Selon l'article 1692 du Code civil, la vente ou cession d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque. * 221 Cass. Civ. 1re, 6 nov. 1990, Rev. arb. 1991.81. * 222 Nougein (H.-J), Reinhard (Y.), Ancel (P.), Rivier (M.-Cl.), Boyer (A.), Genin (Ph.), Guide pratique de l'arbitrage et de la médiation commerciale, Litec 2004. * 223 Cass. Civ. 1re, 28 mai 2002, Rev. arb., 2003.397, note Cohen (D.). * 224 Cass. Civ 1re, 5 jan. 1999, Defrénois 1999.752, obs. Delebecque (Ph.). Pour le cas de l'arbitrage interne, la Cour de cassation a également admis la transmission de la clause compromissoire par la cession de créance : Cass. Civ. 2e, 20 déc. 2001, RTD com. 2002.279, obs. Loquin (E.). * 225 Cass. Civ. 1re, 6 févr. 2001, Rev. arb. 2001.765 Cohen (D.). * 226 Clay (Th.), L'efficacité de l'arbitrage, Petites affiches, 02 oct. 2003 n°197, p. 4, n°22. * 227 Racine (J.-B.), Réflexion sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international, Rev. arb. 2005.305, n°13. * 228 En ce sens, cf. Clay (Th.), L'efficacité de l'arbitrage, Petites affiches, 02 oct. 2003 n°197, p. 4, n°22 ; Racine (J.-B.), Réflexion sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international, Rev. arb. 2005.305, n°15 : « Ce qui compte c'est donner à la clause d'arbitrage sa plus grande utilité, autrement dit une efficacité maximale ». * 229 Dubarry (J.-C.) et Loquin (E.) obs. sous CA Paris, 7 déc. 1994, RTD com, 1995.401. |
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