Chapitre 2 :
Spécificités du journalisme environnemental en Afrique
2.1
Généralités
L'Afrique est restée longtemps en dehors du
débat sur l'environnement. Elle commence seulement à y prendre
part (Niang, 1990). La prise en compte progressive des préoccupations
environnementales est donc un phénomène récent en Afrique
et porte encore les marques de ses origines occidentales. Au début des
années 60 où émergeait et se renforçait en occident
le journalisme environnemental avec le large écho fait au livre de
Rachel Carson, Printemps silencieux, les pays de l'Afrique francophone
venaient d'accéder à la souveraineté internationale. Et
l'option «uniformisante» du développement qui prévalait
dans ces pays nouvellement indépendants est la croissance tous azimuts.
La presse locale encore embryonnaire mais très contestataire sur le plan
politique et qui ne s'adressait qu'à la poignée d'élites
intellectuelles n'a pas échappé à cette tendance
générale de l'époque. Puis, il s'en est suivi, dans la
plupart des pays, des régimes dictatoriaux ou à parti unique qui
ont consacré la disparition d'une presse libre et indépendante.
Le paysage médiatique est alors dominé par des médias
d'État ou des organes de presse à la solde du
«parti-État».
Par ailleurs, il est à noter que les prémisses
du journalisme environnemental en Afrique étaient trop tributaires des
médias occidentaux. En effet, il n'est pas rare de voir la presse
africaine reprendre in extenso les dépêches, les
reportages et autres analyses des grandes multinationales que sont les agences
de presse internationale délaissant du coup les problèmes
environnementaux locaux. Ces sujets de proximité ne trouvent
d'écho dans la presse africaine que lorsque les médias
occidentaux trouvent un intérêt inédit et subit sur ce qui
se passe dans le tiers monde et en Afrique. Par exemple, pour des sujets aussi
graves que l'importation et l'enfouissement des déchets
nucléaires dans certains pays africains, ce sont des groupes
environnementaux occidentaux relayés par la presse
étrangère qui ont fait pression sur les gouvernements
concernés. A cela, il faut ajouter que la presse écrite a du mal
à s'imposer comme média de masse dans des pays ayant, en
majorité, un taux d'analphabétisme avoisinant les 80% et
où règne encore la tradition de l'oralité. Et plusieurs
études comme celle de Njatang (2000), démontrent que la radio
demeure le médium d'information le plus populaire et le plus
répandu en Afrique. Une popularité qui s'explique, en grande
partie, par le coût d'acquisition relativement modeste du poste
récepteur et la possibilité d'utiliser des piles comme source
d'énergie dans la plupart des zones rurales qui ne sont pas desservies
par l'énergie électrique.
Il a fallu donc attendre le début des années 90
avec le vent de démocratie qui a soufflé sur l'Afrique pour voir
l'éclosion d'une presse plurielle et relativement libre. C'est
également à cette époque et dans la mouvance du sommet de
la Terre (Rio de Janeiro, 1992) que beaucoup de ministères de
l'environnement ont été créé en Afrique. L'Agenda
21, document officiel issu de ce sommet, présente au chapitre 40,
l'information comme un des éléments clés de
développement durable. Ainsi, les médias se sont vus investir
davantage le rôle de sensibiliser et d'éduquer les populations
à l'environnement. Progressivement, les journaux vont consacrer leurs
colonnes aux préoccupations environnementales surtout lors des campagnes
de sensibilisation. Mais les pages ou rubriques «environnement»
lorsqu'elles existent sont très irrégulières et ne rendent
pas souvent compte des préoccupations environnementales locales. Et pour
remédier à cet état de chose, des projets nationaux et
régionaux seront mis en oeuvre avec plus ou moins de succès.
C'est le cas du projet PACIPE.
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