Les adjectifs subjectifs195(*)
A l'inverse des adjectifs objectifs comme célibataire,
marié ou encore les adjectifs de couleur, nous trouvons un grand nombre
d'adjectifs ou de verbes dits subjectifs :
Les
adjectifs affectifs : ils énoncent, en même temps qu'une
propriété de l'objet qu'ils déterminent, une
réaction émotionnelle du sujet parlant en face de cet objet. Dans
la mesure où ils impliquent un engagement affectif de
l'énonciateur, où ils manifestent sa présence au sein de
l'énoncé, ils sont énonciatifs. Ainsi ils sont proscrits
de certains discours qui prétendent à
l'objectivité.
Les
adjectifs évaluatifs non-axiologiques196(*) : tous les adjectifs
qui, sans énoncer de jugement de valeur, ni d'engagement affectif du
locuteur, impliquent une évaluation qualitative ou quantitative de
l'objet dénoté par le substantif qu'ils déterminent, et
dont l'utilisation se fonde à ce titre sur une double norme :
interne à l'objet support de qualité et spécifique du
locuteur- et c'est dans cette mesure qu'ils peuvent considérés
comme subjectifs. L'usage d'un adjectif évaluatif est relatif à
l'idée que le locuteur se fait de la norme d'évaluation pour une
catégorie d'objets donnée197(*). La norme est bien sûr relative au sujet
d'énonciation.
Les
adjectifs évaluatifs axiologiques : leur utilisation permet
aussi une double norme. La norme interne à la classe de l'objet-support
de la propriété : par exemple, les modalités du beau
varient avec la nature de l'objet à propos duquel on prédique
cette propriété ; et la norme interne au sujet
d'énonciation et relative à ses systèmes
d'évaluation (esthétiques, éthiques...)198(*). Ils portent sur l'objet
dénoté par le substantif qu'ils déterminent un jugement de
valeur. Ils sont donc doublement subjectifs : dans la mesure où
leur usage varie avec la nature particulière du sujet
d'énonciation dont ils reflètent la compétence
idéologique et dans la mesure où ils manifestent de la part du
locuteur une prise de position en faveur ou à l'encontre de l'objet
dénoté.
Les
verbes subjectifs : certains verbes comme
« aimer » sont nettement plus marqués
subjectivement que d'autres (comme « acheter » par
exemple). On trouve les verbes qui impliquent une évaluation en terme de
bon/mauvais ou de vrai/faux : c'est le cas des verbes de sentiment,
à la fois affectifs et axiologiques, ils expriment une disposition,
favorable ou défavorable, de l'énonciateur vis-à-vis de
son objet et corrélativement une évaluation positive ou
négative de cet objet ; c'est le cas également des verbes
locutoires qui dénotent un comportement verbal ; c'est la cas
ensuite des verbes qui dénotent la façon dont un agent
appréhende une réalité perceptive ou intellectuelle, comme
les expressions verbales fonctionnant comme des indices de subjectivité,
et signalent que l'impression perceptive est spécifique de l'individu
qui la reçoit, ou encore les verbes d'opinion, « servant
au locuteur à informer le destinataire des croyances d'un
tiers »199(*), ils indiquent en même temps quel est
le degré d'assurance avec lequel ce tiers adhère à sa
croyance200(*).
* 195 KERBRAT-ORECCHIONI C.
op cit
* 196 On appelle
axiologiques, les termes impliquant un jugement de valeur comme les termes
péjoratifs ou mélioratifs.
* 197 Par exemple, la
phrase « cette maison est grande » signifie
« cette maison est plus grande que la norme de grandeur pour une
maison d'après l'idée que je m'en fais (elle-même
fondée sur mon expérience personnelle des
maisons) ».
* 198 Par exemple,
« cet arbre est beau » signifie
« plus beau que la moyenne des arbres - ou d'autres types
d'arbres que je prends implicitement pour modèle - d'après la
conception que j'ai de la beauté pour un arbre » ou
encore « c'est beau les arbres » signifie
« plus beau que d'autres catégories
d'objets ».
* 199 DUCROT O. Dire et ne
pas dire. Principes de sémantique linguistique, Hermann, Paris,
1972
* 200 Il existe une graduation
entre « il semble à x que P... »,
« x estime que P ...» ou « x pense
que P... » et « x est sûr que
P... ».
|