Réflexions sur l'exhaustivité
Plus un discours est exhaustif et plus il tend vers l'objectivité ;
plus il sélectionne les informations à verbaliser et plus il
encourt le risque de passer pour subjectif, ce constat est très marquant
dans l'étude de la presse. Or, l'absence porte sens comme la
présence201(*).
Il faudra donc nous intéresser à ce qui est dit mais aussi
à ce qui ne l'est pas de manière explicite ou implicite. Etre
exhaustif ne veut pas dire, tout dire sur tout, mais dire tout et seulement ce
qui, dans une situation donnée et compte tenu des savoirs
préalables des énonciateurs, est pertinent sur un sujet
donné, et par rapport à cette norme informationnelle, peuvent se
mesurer des écarts aussi bien positifs (informations
superfétatoires et
« déplacées ») que négatifs
(informations lacunaires).
Nous avons donc opté pour une analyse qualitative de
l'énonciation plutôt qu'une analyse quantitative dont nous n'avons
jugé la réelle pertinence, que ce soit pour les messages du forum
ou pour les entretiens. Il nous a semblé plus juste qu'une analyse
continue ainsi que les articulations pouvaient nous montrer la conscience,
l'évidence et le côté communautaire du groupe
étudié. En effet, il n'est pas certain que l'on y trouverait une
signification statistique. Il convient donc plutôt de s'attarder sur les
« échappées de l'inconscient202(*) »,
annoncées et véhiculées par les indications fournies, leur
forme, les nominations...etc...tout ce que l'on pourra trouver de subjectif
dans l'énonciation, voire même dans l'argumentation. Il ne s'agit
pas de comptabiliser ou de classifier mais de « reconstituer le
puzzle d'un sens » en s'attardant également sur les
thématiques mises en scène, puisque le discours est le
résultat d'une construction203(*), surtout lorsqu'il est écrit et en situation
d'entretien.
Ce qui n'est pas dit, a une aussi grande importance que ce qui surgit
involontairement, et ce qui surgit involontairement a plus d'importance que
l'expression volontaire. On y trouvera plus de vérité que dans la
parole réductible à la conscience et à la logique. Les
distinctions entre ce qui est explicite et ce qui est implicite204(*) dans le discours, ainsi que
ce qui est tu, latent et ce qui est dit, ont ici toute leur importance.
Au fil de l'analyse se sont rajoutés d'autres éléments qui
nous ont paru pertinents, comme notamment la manière dont se
désigne le groupe, la manière dont les membres du forum se
désignaient entre eux, les mots ou expressions inventés par les
membres qui peuvent constituer une sorte de vocable propre au groupe, mais
aussi les différentes expressions de la solidarité. Il faudra
cependant se demander, compte tenu de notre interrogation, si ce système
de valeurs « solidaires » est propre à un
groupe de fans, un mouvement lesbien naissant ou plus
généralement aux jeunes adolescentes, dont nous avons
constaté la majorité sur ce forum.
De plus, nous avons tenté de prendre en considération
les différentes étapes de la carrière de la chanteuse dans
l'analyse des messages. Certains thèmes apparaissaient au début
du forum, à son ouverture, puis ont totalement été rendus
tabous, c'est notamment le cas pour l'homosexualité, thème qui
nous intéresse particulièrement ici.
6. L'analyse de contenu appliquée aux entretiens
Nous avons appliqué une analyse linguistique de l'énonciation aux
messages constituant la première partie de notre corpus. Une telle
analyse peut également s'appliquer aux entretiens, même si le
discours oral est plus spontané que le discours écrit, les
tournures énonciatives utilisées par les enquêtés
peuvent aussi être décomposées et nous fournir des
indications. Cependant, c'est l'analyse de contenu thématique qui a
été mise en oeuvre pour les entretiens afin d'extraire les
éléments pertinents pour l'objet de notre recherche, ils
prendront alors le statut d'indices205(*). Ces données permettent ainsi la
confrontation des hypothèses aux faits et viennent consolider ou
infirmer les premiers résultats obtenus grâce à l'analyse
des messages interactifs du forum de discussions.
Cette analyse s'est effectué sur l'ensemble de notre corpus,
c'est-à-dire, l'ensemble des discours produits par les
interviewés et l'enquêteur, retranscrits de manière
littérale206(*).
Nous rappelons que ce discours est une production et non une donnée, il
est largement pré-fabriqué et co-construit par l'interaction, et
les biais qu'elle peut engendrer, comme par exemple l'influence que
l'enquêteur peut avoir sur les enquêtés, même si nous
avons essayé de créer un climat de confiance et de connivence
avec les personnes que nous avons interrogées. Les discours sont
retranscrits et ce sont ces matériaux écrits que nous avons
tenté de « faire parler, après avoir fait parler
les interviewés »207(*).
Découper l'entretien par thèmes revient à ne pas tenir
compte de la logique cohérente et chronologique du discours. Nous
opérons des découpes transversales permettant d'organiser
l'analyse de chacun de nos entretiens en différents thèmes. Nous
avons donc recherché une « cohérence
thématique inter-entretien »208(*). Cette méthode s'est
révélée efficace surtout lorsque nous avons eu à
interroger les discours recueillis par messagerie instantanée,
étant donné la faible architecture constructive de ces
discours209(*).
L'identification des thèmes et la construction de ce qui pourrait
être une grille d'analyse s'effectuent à partir de nos
hypothèses de départ qui peuvent éventuellement être
reformulées après la lecture et la confrontation des entretiens.
Dans notre cas, cette grille d'analyse correspond à notre guide
d'entretien qui avait préalablement été conçu selon
certains thèmes que nous voulions alors aborder avec les personnes
interrogées.
CHAPITRE
III) LA RECONNAISSANCE MEDIATIQUE ET VIRTUELLE : ENJEUX D'UNE CULTURE
JUVENILE ACTUELLE ?
Les études sur la sociologie des publics et de la réception se
sont souvent centrées sur la télévision. De plus, les
enquêtes sur les pratiques culturelles des français210(*) ont montré que la
télévision était la première source d'occupation en
la matière : 96% des foyers sont équipés d'un
téléviseur, 77% des personnes la regardent tous les jours, et la
durée d'écoute moyenne est de 21 heures par semaine. Ces
études font apparaître que la multiplication des programmes rend
l'écoute de plus en plus individualisée, chaque membre de la
famille regardant ses émissions, ses programmes. Cette individualisation
se poursuit avec le déploiement des nouvelles pratiques
médiatiques et aux nouveaux modes de communication à distance,
principalement Internet. La consommation dite culturelle, même de masse,
s'individualise et les premiers touchés sont les jeunes, malgré
le fait que ce sujet reste peu abordé dans les travaux sur la jeunesse.
Ce phénomène est à l'origine de, ou a été
entraîné par, l'autonomie croissante que les jeunes
acquièrent au détriment de la socialisation familiale :
« plusieurs indices semblent montrer que l'autonomie culturelle
des jeunes, c'est-à-dire le fait d'affirmer des goûts et des
fréquentations en partie indépendants des normes et des choix
familiaux, se manifeste de plus en plus
précocement »211(*). Ce contrôle de moins en moins pesant des
parents s'est effectué en faveur de la culture de masse qui joue
désormais un rôle grandissant dans la construction identitaire des
adolescents, tout comme l'organisation des sociabilités juvéniles
qu'elle entraîne. La création d'un groupe de fans qui constituent
notre population d'enquête s'inscrit, au départ, dans ce
processus. Nous qualifions nos enquêtés de
« jeunes », l'âge moyen étant de 21
ans au moment de l'analyse, qui se trouve être aussi l'âge de la
chanteuse.
Nous avons élargi la reconnaissance médiatique à la
reconnaissance virtuelle car il semble d'après nos résultats que
le réseau de fans auquel nous nous sommes intéressés sur
Internet ait, comme nous l'avons vu, des fonctions expressives comme
l'affinité et l'amitié et des fonctions instrumentales comme la
solidarité et l'entraide, qui nous semble être des notions
importantes dans le processus de reconnaissance, dont un des enjeux les plus
importants chez les jeunes aujourd'hui est la sexualité212(*).
I
) LES MEDIAS : VECTEURS D'UNE CONSTRUCTION IDENTITAIRE INDIVIDUELLE ET
COLLECTIVE
A l'ère de la communication, les médias bénéficient
d'un poids symbolique non négligeable, ils servent notamment à
définir et banaliser des réalités sociales213(*). La télévision
par exemple, offre une expérience collective, elle est un support pour
les interactions sociales. Elle s'insère dans le tissu social pour y
redéfinir des identités. Les téléspectateurs d'un
programme peuvent avoir le sentiment d'appartenir à une
communauté imaginée214(*). Ainsi, ce que l'on regarde à la
télévision nous inscrit dans un groupe social ou nous en
exclut215(*). Les
programmes de télé-réalité ont pris beaucoup de
poids dans le paysage télévisuel français, même si
aujourd'hui les audiences s'essoufflent. Cependant, ils permettent de
constituer des groupes de soutien pour les différents candidats, et donc
des sortes de groupes éphémères défendant ce que
nous pourrions appeler des « intérêts
communs ». Chaque participant des émissions de
télé-réalité va représenter un certain type
social auquel le public peut facilement s'identifier, et notamment le public
jeune qui nous intéressent plus particulièrement ici. Autour de
ce mouvement s'organise une sociabilité, qui prend son essor, nous
l'avons vu, sur Internet. Cette scène des interactions à distance
semble occuper aujourd'hui une place très importante dans la
régulation de la sociabilité juvénile216(*). Elle possède
certains éléments propres aux scènes intimes, comme la
possibilité de se confier, le dévoilement de soi ou encore le
droit de se montrer différent. Le point d'équilibre entre la
singularité et le conformisme de « l'être
fan de » réside dans le fait de trouver des
semblables, un groupe à intégrer permettant de partager avec
d'autres les expériences liées d'une part au fanatisme et d'autre
part, dans ce cas, liées aussi à d'autres paramètres que
nous avons tenté de mettre au jour. La passion n'est donc pas seulement
une affaire d'individualisation, elle est aussi prétexte à
relations sociales217(*).
1.
Les médias comme diffuseur de modèle et de ressources
identitaires
Le
fait de s'intéresser à une participante d'une émission de
télé-réalité, implique de travailler
également sur ce programme télévisé et par
conséquent sur son public avant même de parler de fans. Dans ce
sens l'étude de D.Pasquier218(*) sur l'expérience télévisuelle
des adolescents à travers l'exemple de la série
« Hélène et les garçons »
peut nous éclairer. Nous ne pouvons pas véritablement comparer
ces deux genres de programmes, cependant ils se recoupent en ce qu'ils sont
tous deux destinés à un certain public, bien que Star
Academy semble touchée un public plus large, du fait notamment de
son horaire de programmation (en prime time le samedi ou le vendredi soir),
mais les deux programmes sont plutôt féminins. Ce constat se
vérifie au sein du fan-club d'Anne-Laure, où 94% des membres sont
des filles, à cela il faut ajouter que les fan-clubs font plutôt
partie des préoccupations féminines pour ne pas se laisser trop
influencer par ce chiffre. La télévision est un support important
à l'expression de soi chez les filles219(*) et elle donne lieu à des échanges
notamment au sein du groupe de pairs. Ces échanges permettent de parler
de soi sous couvert d'un personnage du petit écran, que ce soit dans une
série ou dans une émission, d'affirmer des
préférences ou de porter des jugements moraux. Les programmes de
télévision se révèlent être des supports
particulièrement utiles pour exprimer les identités
personnelles.
« Hélène et les garçons »
est une fiction mettant en scène des personnages qui suivent un
scénario évoquant généralement les rapports entre
les sexes, Star Academy doit aussi être
appréhendée comme une fiction, dont les candidats sont des
acteurs du quotidien et qui répondent à un certain nombre de
critères auxquels chaque téléspectateur potentiel pourra
se rattacher. Le fait de voir les comédiens de sitcom, ou les candidats
d'une émission de télé-réalité comme
Star Academy de façon quotidienne donne au public un sentiment
de familiarité. On peut suivre le déroulement de leur
journée, vivre leur joie, leur peine, vivre avec eux le moment de leur
nomination (chaque semaine, 3 élèves sont nominés à
la Star Academy, et le soir du prime time, un est
éliminé selon les votes du public tout au long de la semaine) et
bien sur leur départ. Il peut ainsi se créer comme le signaler
D.Pasquier à propos des personnages de la série, une
amitié télévisuelle. La télévision est
organisée pour créer un climat de proximité avec le
téléspectateur220(*). Ainsi toutes les personnalités que l'on
retrouve sur le petit écran font partie de l'existence quotidienne.
Cette amitié n'est pas irrationnelle, elle est sans doute
nécessaire à certain à un moment donné, elle
s'inscrit dans une communauté passagère, fugitive, transitoire
dans un moment de la vie. Quand les personnages ne jouent plus ce rôle,
ils sont oubliés pour d'autres ou désertés, c'est cette
dernière solution qui est le plus à l'oeuvre quand l'adolescent
grandit. Dans notre cas, nous avons fait l'hypothèse qu'Anne-Laure, en
ayant fait son coming-out, a pu tenir ce rôle, ce rôle
d' « amie qui nous ressemble » pour des
jeunes (ou moins jeunes) filles en pleine découverte de leur
homosexualité. Elle en a d'ailleurs tout à fait conscience :
« Il y a plein de petites puces en France qui m'écrivent
des lettres, qui ne se sentaient pas bien, qui ont regardé la
télévision et que j'ai pu aider »221(*).
De
plus, les termes que les membres du fan-club utilisent pour évoquer ce
que leur a apporté Anne-Laure correspond tout à fait au
rôle de planche de salut qu'elle a pu jouer ; Anne-Laure les aurait
aidées à « s'assumer »,
« survivre » ou « remonter la
pente », et elles n'hésitent pas à employer des
expressions sur le thème du secours et de la
révélation222(*) :
o
« Sans elle, je ne serais pas là »
o
« Grâce à elle, j'ai une nouvelle vie
rayonnante »
o
« Grâce à elle, j'ai eu un
déclic »
o
« Grâce à elle, j'ai appris à ne plus vivre
cachée »
o
« Elle m'a permis d'assumer des amours
différentes ».
Un
des constats que nous avons pu faire en majorité lors de l'analyse des
entretiens, est celui la représentativité que les
enquêtées ont évoqué en utilisant des mots comme
« modèle »,
« identifier », « se
reconnaître », « se sentir
proche », « mode d'emploi » pour
parler d'Anne-Laure. Cela peut valider l'hypothèse de l'identification
comme un des usages sociaux de certains programmes
télévisés, malgré le fait que les personnes
interrogées ont conscience que les producteurs de ces émissions
savent savamment orchestrer des stratégies de mise en
proximité223(*)
avec le public. Le personnage d'Anne-Laure est constitué pour certaines,
en modèles de vie : il faut lui ressembler pour arriver à
être soi : « J'ai fait la même chose quand
Mauresmo l'a dit, il y a quelques années. Ca aide forcément parce
que tu peux te cacher derrière quelqu'un en disant « Y'a pas
que moi, y a pas que moi, et en plus elle est bien, elle est pas
droguée, elle est pas ceci ou cela... » »224(*). De cette façon,
le fan-club d'Anne-Laure pourrait jouer un rôle important dans la
reconnaissance de l'homosexualité de ces jeunes filles. Ainsi, pour
« apprendre à être lesbienne » au
sens très primaire du terme c'est-à-dire dans un premier temps
pour apprendre à se reconnaître en tant que telle et à
s'assumer (pour reprendre les mots employés par certaines), les jeunes
filles ont recours comme les jeunes filles hétérosexuelles - si
l'on peut se permettre cette classification normalisatrice - à des
modèles, des images positives que l'on veut bien leur donner à
voir. C'est ainsi que peut naître le fan, mais l'identification à
une célébrité peut se faire par rapport à ses
oeuvres, à sa propre vie et à son physique225(*). Anne-Laure aurait donc pu
poser les limites d'une mode vestimentaire et comportementale de la nouvelle
génération de lesbienne, c'est-à-dire celles qui ont son
âge et qui représentent la majorité du forum de
discussions. En effet, l'apparence physique et vestimentaire de la chanteuse a
été suivi de prés par les fans, allant même
jusqu'à servir de référence en matière de
sexualité :
o
« Moi, je préférais nettement quand elle avait son look
sportwear...elle faisait plus homo...plus proche de
nous... »226(*)
o
« Je trouve qu'elle a parfois l'air ridicule dans ses nouvelles
tenues...elle veut se la jouer féminine mais bon...moi je trouve que
ça lui va pas... »227(*)
Ces
messages font donc clairement référence à
l'homosexualité ; ainsi, en plus de jouer le rôle de
modèle au sens physique du terme, elle a pu jouer un rôle de
modèle au sens moral et c'est en ce sens que les fans disent qu'elle
leur a apporté de l'aide. Les fans pouvant s'inspirer des
réflexions de leur idole pour construire leurs propres opinions, il
n'est pas impossible qu'Anne-Laure ait servi également de
révélateur. De cette façon, pour certaines, admirer
Anne-Laure a pu être un moyen pour affirmer ses choix, sa
personnalité propre : prendre parti pour ou contre Anne-Laure peut
être considéré comme un révélateur de
l'homosexualité de la personne dans l'opinion générale et
publique, notamment au sein du groupe de pairs et au sein de la cellule
familiale ; c'est en tout cas, ce que rapportent certains messages que
nous avons étudiés et sur lesquels nous reviendrons.
L'affirmation identitaire devient une explication de la conduite des
publics228(*) ; et
comme nous l'avons déjà souligné nos identités ne
sont pas construites seulement par notre origine sociale et nos moyens
économiques229(*). Ainsi pour chaque téléspectateur, la
relation à un programme se joue sur deux registres à la
fois : comme mode de consolidation du soi et comme mode d'affirmation du
soi pour les autres230(*).
2.
Internet comme vecteur d'autonomisation
« sexuelle »
De
plus en plus et de plus en plus tôt, l'enjeu de l'adolescence se situe au
niveau du corps qui se sexualise. Et beaucoup de jeunes d'aujourd'hui231(*), jugent et jaugent leur
corps et leur sexualité à l'aune des « miroirs
médiatiques »232(*), parfois déformants, parfois
complaisants, parfois stéréotypant, parfois insuffisant. Internet
apparaît comme une véritable technologie sociale233(*). Les jeunes se racontent, se
mettent en mots, en images, en scène. Les nouvelles technologies font
écran devant cette sorte de tension identitaire que les adolescents
vivent, et permettent de contrôler l'image que l'on donne de soi de
façon autonome. A travers Internet, les jeunes cherchent de profonds
besoins d'appartenance, de reconnaissance et de différenciation.
L'identité se forgeant ainsi en permanence par une
auto-réflexivité qui permet de se raconter sa propre histoire et
d'en réaffirmer sans cesse la cohérence234(*). En instaurant une
interactivité, Internet devient l'endroit approprié pour mettre
à l'épreuve cette réflexivité, comme cela a pu
être le cas pour des émissions de radio comme
« Lovin'Fun » où les auditeurs exposaient
à l'antenne leurs difficultés au niveau sentimental ou
sexuel235(*). Inciter
les individus à se confier revient à un besoin de dialogue et de
reconnaissance, dans la mesure où l'on ne peut découvrir son
identité qu'en la négociant dans le dialogue.
Les
messageries instantanées constituent un immense champ d'expression et
d'expérimentation de la parole sur autrui, à un âge
où on construit son identité. L'écran permet des audaces
que les jeunes ne s'autoriseraient peut être pas aussi facilement dans le
réel, il lève les inhibitions et libère les convenances
sociales et de leurs peurs propres à cette période de la
vie236(*). Toutes nos
enquêtées ont évoqué leur présence
régulière sur Internet à travers des messageries
instantanées comme MSN Messenger237(*) en y accordant souvent simplement une attention
phatique, c'est-à-dire, parler pour parler, pour maintenir et renforcer
le lien en s'inscrivant dans une certaine tyrannie du branchement, du sentiment
de connexion, une obsession du lien : le fait de recevoir un mail, ou une
réponse à un message que l'on aurait posté sur le forum de
discussion peut apparaître comme une caresse à
l'égo238(*) : « Oui, je suis connectée
en permanence, mais je ne suis pas toujours vraiment présente...mais
ça me permet de surveiller si quelqu'un se connecte
etc... »239(*).
L'ordinateur
connecté au réseau Internet offre à chacun, et notamment
à ceux en quête d'autonomie et en phase d'élaboration
identitaire (ici les jeunes de notre enquête), la possibilité de
construire ou de faire vivre des liens échappant largement au
contrôle du groupe des pairs et à celui des parents240(*). Les jeunes adolescents
vivant chez leurs parents et utilisant l'ordinateur familial ont mis en place
de nombreuses stratégies d'individualisation : possession de
répertoires ou de dossiers réservés, propre code
d'accès, adresse e-mail personnelle, nettoyage systématique de
l'historique des sites après usage241(*). Cette « autonomie
relationnelle »242(*) permet de saisir différentes
utilisations d'Internet selon des variables, comme la plus ou moins grande
sociabilité de l'individu ou le niveau plus ou moins élevé
de contrôle parental. Nos résultats ont montré qu'Internet
peut constituer une fenêtre ouverte sur l'extérieur, une ouverture
improbable que n'offre pas le monde réel mais aussi une sorte
d'échappatoire, un refuge, une fuite hors du monde. Ce constat revient
souvent dans nos entretiens, en particulier quand les jeunes sont en conflit
avec leurs parents ou leur groupe de pairs à qui ils ne peuvent pas
parler de leur passion pour la chanteuse. En effet, une des expériences
communes qui revient souvent dans le fil des messages est que la façon
dont l'entourage appréhende le fait de défendre et d'admirer une
candidate lesbienne plutôt qu'une autre. Certains ont tendance à
faire l'assimilation « fans d'Anne-Laure =
lesbienne »243(*), constat qui n'est pas forcément faux
dans la plupart des cas étudiés ici, mais cela peut être vu
par l'entourage comme un coming-out indirect244(*) :
o
« Mes parents m'ont dit que j'avais 5 ans d'âge mental pour la
Star Ac puis après pour Choupi, c'était le pompom, en plus ils
apprécient pas trop sa différence, ils pensent que je la cultive
aussi »
o
« Elle est cool Anne-Laure mais je te laisserais passer toute une
nuit avec elle »
o
« J'veux pas Anne-laure comme beau-fils »
o
« Ma famille ne comprend comment on peut adorer une personne qui a
cette différence »
o
« T'adore Anne-Laure alors t'as la même différence
qu'elle »
o
« Moi, ma mère l'aimait bien jusqu'au moment où elle a
su que j'étais ... »
o
« Mon père est homophobe »
o
« Mon mari se fout de moi d'apprécier une
camionneuse »
o
« Anne-Laure=lesbienne. Je déteste cette mentalité. On
me traite aussi de lesbienne, alors je réponds que oui, et on me regarde
comme si j'étais bizarre »
Au sein de la famille, les enquêtés se construisent des espaces
objectifs et symboliques d'intimité nécessaires à une
certaine autonomie. Le repli sur une sorte de communauté virtuelle
permet d'accéder à un espace privé où le
contrôle familial n'existe quasiment pas, même si cette pratique
nécessite l'achat d'un ordinateur, le plus souvent aux frais des
parents : « Etant donné que je ne suis pas sur mon
propre ordinateur et que je suis un peu pudique, je me débrouille pour
laisser le moins de traces possibles...je vois mal laisser mon frère
accéder à des sites homos...même s'il est au courant...je
ne sais pas c'est une sorte de respect...[...]...j'ai des espaces de
liberté [...] quand je suis enfermée seule dans ma chambre. Le
net n'est pas pour moi un espace de liberté mais je le considère
parfois comme un moyen d'évasion »245(*).
3.
La création de collectifs entre marginalité et
conformisme
Nous
trouvons sur Internet, et suivant notre analyse, des sites dits personnels (ou
blogs) où s'expriment les passions individuelles et des sites
de minorités actives ou de groupes d'affinités où
s'expriment les passions collectives. Cet effet de rupture et d'isolement et
cet effet de création et de formation de
« groupes » ou encore de
« tribus » sont complémentaires. En effet,
le relâchement ou la dissolution des liens sociaux traditionnels permet
une recomposition du social, un « nouveau tissage de la
sociabilité »246(*). Ils permettent à la fois de s'affirmer
individuellement tout en recherchant une agrégation à un groupe,
afin de valider une certaine reconnaissance, notamment au niveau des passions
ou encore au niveau d'une certaine identité revendiquée. Nous
avons pu constater que la formation des groupes sur Internet s'effectue sur des
bases très sélectives d'appartenance identitaires.
Cependant,
malgré la relative marginalité que les individus, en particulier
les jeunes, mettent en avant dans la recherche de collectif, le groupe reste
construit selon des normes sociales, propres au réseau Internet. Les
membres doivent utiliser un langage spécifique, respecter des
règles de savoir-vivre propres au groupe et, dans les forums de
discussions, ne pas s'écarter des thèmes
fédérateurs sous peine d'exclusion247(*) ; nous avons
retrouvé ces constats dans l'étude du forum de discussions qui
nous intéresse ici ; nous verrons plus après que les
règles du fan-club sont assez strictes. La vie sociale alternative
qu'offre Internet n'est donc pas complètement dégagée des
contraintes et des tabous du monde réel. En effet, même si les
adultes et parents ont un pouvoir moindre sur les différents choix des
jeunes, le groupe de pairs vient exercer une certaine pression sociale sur ses
membres. Les groupes dictent des codes, et le ridicule et la marginalisation
guettent ceux qui refusent de les suivre. Ce sont souvent des mises en
scène qui sont destinées à faciliter l'intégration
dans un groupe plutôt que de véritables goûts
personnels248(*). Si le
groupe de pairs est un espace de découverte et d'autonomisation, il se
pose également comme un lieu de contrôle et de régulation
sociale. Le collectif prend des fonctions de régulateur dans le
processus de construction identitaire, mais contraint également les
membres à se conformer à certains codes, certaines règles
auxquels il faut se plier pour en faire parti.
Les
groupes qui se créent sur Internet répondent à des codes
distinctifs fondant une communauté virtuelle, comme nous l'avons
définit précédemment. Au coeur de ces groupes, se trouvent
très souvent des fondements idéologiques mais aussi marchands. Il
ne faut pas oublier la valeur mercantile que représentent les
sphères numériques d'Internet. Ainsi, certains portails Internet
dits communautaires ont des visées plus commerciales et
spéculatives destinées à des groupes en
particulier249(*) :
nous prendrons ici le cas des sites de rencontres pour gays, qui moyennant un
abonnement, permettent de dialoguer, voire de faire des rencontres.
Les
jeunes présents sur Internet veulent à la fois se
différencier, se singulariser mais parallèlement ils sont
régis par des logiques puissantes d'appartenance et d'identification au
groupe. Les opérateurs et les publicitaires l'ont bien compris :
ils vendent de la « communauté » ou de la
« tribu ». Ainsi la notion de
« club » est omniprésente sur les pages
d'accueil de leurs sites commerciaux250(*) ; comme par exemple, les opérateurs de
téléphonie mobile251(*). Plus généralement c'est l'idée
de « tribu numérique » qui est
omniprésente, un espace hors du temps et de l'espace qui échappe
aux contraintes familiales. Cette « nouvelle
culture », si l'on utilise les termes médiatiques
concernant le phénomène, possède ses codes, ses
règles, ses langages, ses icônes, ses mythes, ses tribus et son
éthique.
Internet
a la capacité de fabriquer des mondes de substitution à nos
échanges sociaux quotidiens. Il invente de nouvelles manières
d'être ensemble, de dire, de faire, de vivre ; de nouvelles
façons de se confronter à l'autre, de le rejoindre et de lier
avec lui des interactions. Mais aussi peut être de nouvelles
façons d'appréhender notre propre identité en offrant
une « théâtralisation nouvelle des
émotions »252(*). Il faut chercher dans les motifs
d'agrégation et de reconnaissance que la vie réelle ignore ou
refuse pour voir les véritables fondements communautaires sur
Internet.
L'opposition
entre le conformisme et la marginalité au sein du collectif, notamment
celui qui nous préoccupe ici se retrouve dans la façon dont les
membres appréhendent l'homosexualité de la chanteuse. D'une
manière générale, par rapport à ce sujet, les fans
ont des opinions partagées : il y a ceux qui mettent tout de
même en avant le fait de l'aimer pour son talent et pas pour son
homosexualité, ils argumentent et justifient leur position par leur
inquiétude quant à la marginalisation que pourrait engendrer un
tel coming-out :
o
« Il ne faut pas penser que tous les fans d'Anne-Laure sont
homos »253(*)
o
« C'est quelque chose de privé, c'est sa
vie ! »254(*)
o
« Je ne suis pas fan d'Anne-Laure parce qu'elle est lesbienne, ce
serait débile et réducteur »255(*)
Et,
il y a ceux moins catégoriques qui avouent que c'est une bonne chose
qu'elle ait été vraie avec le public ; et il y a ceux qui
parlent d'elle avec fierté en tant que nouvelle icône lesbienne et
qui avouent s'être intéressés à elle aussi pour
cette raison256(*) :
o
« Grâce à elle, j'ai enfin su m'avouer qui
j'étais vraiment »
o
« Je lui dois beaucoup et je la remercie »
o
« [...] même si j'admets que ses yeux au bleu pétillant
et son sourire me font aussi craquer »
o
« En tant que gay, je peux dire que je suis fière de mon
icône »
o
« Je voudrais remercier cette fille (Anne-Laure) car elle a permis de
m'ouvrir les yeux et de me trouver et surtout on peut être fier de
Choupinette car c'est vraiment notre symbole pour tous et puis je la
remercie »
o
« Je crois au fond de moi savoir vraiment pourquoi c'est elle que
j'affectionne autant... ».
Il
y a donc celles qui mettent en avant l'homosexualité, et celles qui la
cantonnent à la sphère privée de la vie personnelle.
Ainsi, les désaccords entre les fans ont pour enjeu leur propre
identité, l'image qu'ils ont d'eux-mêmes, nous sommes alors dans
une logique de stratégie identitaire. L'identité
différentielle est utilisée pour désigner cette recherche
de positionnement particulier257(*).
II
) LA MISE EN VITRINE DE L'INTIMITE ET DE LA SEXUALITE
Aujourd'hui, la sexualité apparaît sur la scène publique.
L'intimité se transforme258(*) et certaines pratiques et représentations
qui, jusqu'à une certaine époque pouvaient sembler provocantes,
choquantes ou étaient tout simplement interdites, se
dévoilent259(*),
essentiellement dans les médias. Les émissions de
télévision, les séries, les films, les émissions de
radio, la presse, et maintenant des sites Internet, tous mettent en
scène ou en récit des images de la sexualité, ou qui
touchent à la sexualité, utiles aux individus dans leur
construction identitaire et sociale260(*). La sexualité fait de moins en moins partie
des territoires de l'intime tout en devenant un enjeu central de la
construction de soi261(*).
En 2000, sont apparus sur la toile Internet, les blogs, un
phénomène qui ne cesse de prendre une ampleur
considérable262(*) chez les jeunes et qui s'inscrit bien dans ce
processus de mise en vitrine de l'intimité. Le blog est la
contraction du mot web et log et qui peut se traduire par
« carnet de bord ». Il désigne une
« page personnelle » interactive, une sorte de
journal intime numérique, ouvert à tous ceux qui souhaitent le
lire et le commenter, une sorte de carte d'identité
améliorée, avec des photographies, des confidences, des avis sur
la vie, des coups de coeur, des coups de gueule en mots et en images. Nous
retrouvons ici les thèmes de notre corpus de messages du forum
interactif de discussion et le principe est un peu le même, en ce qui
concerne la mise en scène de soi. On retrouve un sentiment de communion
et une impression de maîtrise de ce que l'on y dit.
Ces pratiques courantes, presqu'usuelles pour les jeunes sur Internet (dans
tous nos entretiens, se connecter à Internet est devenu un geste
machinal) apparaissent comme des sortes de « bricolages
esthético-identitaires » délimitant une
« self-culture » ou « culture sur
mesure » reliée à un individualisme expressif
contemporain263(*). Dans
le cadre de cette étude, il etait pertinent de poser la question des
modalités de la validation de la reconnaissance de ces formes
singulières d'expression de soi par autrui, durant le processus de
construction identitaire de nos jeunes enquêtées, l'expression,
écrite même numériquement, favorisant une
auto-réflexivité264(*).
1.
La nécessaire organisation réflexive de la
sexualité
La
sexualité, nous dit M.Bozon, « socialement construite par
le contexte culturel dans lequel elle est inscrite, tire son importance
politique de ce qu'elle contribue en retour à structurer les rapports
sociaux dont elle dépend en les « incorporant » et
en les représentant »265(*). La sexualité est une construction
sociale et lui donner un sens fait parti du processus de construction
identitaire.
Aujourd'hui,
nous sommes passés du modèle de l'autorité à celui
du contrat, du respect des normes dictées par les adultes à celui
de l'expression et de la valorisation des individualités266(*). Ce processus de
« démocratisation de la sphère
privée »267(*) entraîne chez les acteurs un projet
réflexif du soi, mais qui s'inscrit, chez les jeunes, dans des
réseaux de sociabilité à travers lesquels ils forment
leurs relations amicales, amoureuses et sexuelles268(*). Le groupe des pairs ainsi
que les médias jouent un rôle important dans l'élaboration
des normes et des valeurs. Le corps et le paraître deviennent des enjeux
de la construction sexuée adolescente. C.Moulin montre que la presse
jeune place le corps et l'apparence au centre des préoccupations ;
la féminité adolescente est alors mise en images269(*). Elle observe que les revues
véhiculent un modèle assez normatif de la féminité
basé sur la dichotomie traditionnelle entre les sexes. La moitié
des filles que nous avons interrogées se référe à
de tels critères de définition de la féminité, mais
cela varie en fonction de leur niveau social et de leur niveau de
scolarité. Plus les personnes montent dans la hiérarchie sociale
et plus elles ont de diplômes, plus elles ont une réflexion
critique sur les modèles définis de la féminité et
de la sexualité. Pour les plus jeunes, on voit que les parents
participent à leur socialisation sexuelle, que l'éducation
traduit des comportements sexuels adaptés à chaque sexe (c'est
notamment le cas pour une de nos enquêtés qui se compare avec son
frère en ce qui concerne la permissivité sexuelle), et enfin que
le discours ou l'absence de discours (extrait d'entretiens) entraîne chez
l'adolescente une intériorisation d'une certaine représentation
de la sexualité, d'en délimiter les tabous, le socialement
acceptable270(*).
Cependant, il apparaît clairement que la famille n'est plus le lieu de
l'apprentissage, surtout pour les lesbiennes, dans ce cas minoritaire et non
basé sur l'évidence hétérosexuelle, la
socialisation secondaire est très importante, notamment par le biais des
médias (extrait d'entretiens) ou par le groupe de pairs auquel les
jeunes vont se rattacher, fonction que peut remplir le forum de discussions,
comme nous l'avons constaté chez certains membres, étant
donné que le plus souvent le groupe de pairs
« réel » est composé
d'hétérosexuels271(*). Ainsi, même si ces derniers ont une opinion
favorable quant à l'homosexualité, ils ne peuvent toutefois pas
renvoyer une image constructive de celle-ci.
Les
représentations sont utiles pour accomplir des actes sexuels.
Désir et relations nécessitent des improvisations qui se
construisent à partir d'expériences vécues ou connues et
de représentations cultuelles disponibles. L'expérience
médiatique chez les jeunes renvoie aux questions liées à
l'identité sexuelle. Des études ont montré que la
télévision renvoyait des manières de manifester
l'émotion amoureuse et d'extérioriser le désir de
séduction272(*).
Cela peut renvoyer à la théorie des scripts sexuels273(*) que les adolescents
piocheraient dans les médias afin de construire leur propre
modèle de sexualité. Les scripts sexuels apparaissant comme des
scénarios, guides d'orientation ou de lecture permettant aux individus
de donner un sens sexuel à des sensations, des situations274(*). Le corps et l'apparence
deviennent des lecteurs identitaires.
L'étude
des blogs que nous avons effectuée nous permet de mieux saisir les
enjeux d'une telle implication virtuelle. Nous avons recensé pour le
moment environ 70 membres du forum possédant un blog. Nous avons
consulté chacun d'entre eux pour tenter de trouver des
éléments pouvant participer à l'élaboration de
notre étude et de notre guide d'entretien. La tendance
générale voit se dessiner 2 types de
« créatrice de blog », de
« blogueuse » :
Ø
Les filles entre 15 et 17 ans ayant des préoccupations d'adolescentes,
qui ne mettent en avant aucune sexualité affirmée, qui sont
plutôt mal dans leur peau - parce-que ne correspondant pas aux
critères physiques de la majorité - qui se rattachent aux stars
( et pas forcément Anne-Laure qui n'a pas toujours sa place dans ces
blogs), au virtuel, au rêve...C'est ce que nous nous proposons d'appeler,
les « fans midinettes ».
Ø
Les filles dont l'âge se rapproche plus de celui de la chanteuse, qui
montrent une (homo)sexualité affirmée - photographies et textes
personnels à l'appui- qui se côtoient très souvent entre
Choupifans...C'est ce que nous nous proposons d'appeler, les
« fans impliquées » (impliquées
plutôt que politisées qui nous semblait trop fort pour ce genre de
groupe) voire même les « fans intimes »
parlant d'Anne-Laure comme d'une copine.
Ces
deux catégories se retrouvent également au sein même du
forum. Nous voyons donc ici, que le fan-club peut avoir, pour ces adolescentes,
des fonctions différentes. Internet permet d'exposer publiquement son
intimité, c'est-à-dire, mettre des textes personnels en ligne,
des photographies de famille, d'amis, de raconter des expériences
vécues...Internet peut être vécu comme un nouveau moyen de
communication à distance. Il fait de plus en plus partie
intégrante du processus de socialisation des jeunes qui se servent
d'Internet pour communiquer, rencontrer des personnes qui leur ressemblent,
échanger tout un tas de choses...des actes qui ne s'effectuent pas aussi
facilement pour tout le monde dans la réalité, où les
individualités ne peuvent pas s'exprimer aussi librement275(*).
La
puissance de diffusion des moyens modernes de communication explique en grande
partie la prolifération et l'exploitation lucrative des images du sexe.
Très omniprésent dans les médias, le sexe est un produit
de consommation qui se donne à voir, se vend et fait vendre276(*). L'intimité des
comportements sexuels des gens ordinaires est dévoilée,
analysée, au cours d'émissions télévisées et
la sexualité a envahi l'univers de la publicité. La
médiatisation des expériences sexuelles, des plus ordinaires aux
plus insolites, en banalisant certaines formes d'érotisme, a pu
transformer les représentations de la sexualité.
La
relation amoureuse et sexuelle devient
« démocratique »277(*). Chacun cherche dans la
rencontre de l'autre, réellement ou virtuellement, une instance de
reconnaissance comme accomplissement d'une invention de soi. La
sexualité devient affaire de poursuite de son identité dans la
relation.
2.
L'expression des sentiments
Le
sentiment est une tonalité affective envers un objet, marquée par
la durée, homogène dans son contenu sinon sa forme. Il manifeste
« une combinaison de sensations corporelles, de gestes et de
significations culturelles apprises à travers les relations
sociales »278(*). L'émotion est très souvent le
fait d'une négociation avec soi, avec les autres en soi, elle
résulte d'une interprétation. Elle peut apparaître aussi
comme un mode d'affiliation à une communauté sociale, une
manière de se reconnaître et de pouvoir communiquer ensemble sur
le fond d'un ressenti proche.
L'expérience
médiatique est appréhendée comme une expérience
émotionnelle et physique. L'émotion, quelle qu'elle soit, est la
matière première des médias de masse279(*), et le sentiment de
proximité que les téléspectateurs ressentent
vis-à-vis de ce qu'ils voient sur le petit écran rend
légitime cette émotionnalité ; les membres du forum
Planèteannelaure ne cessent de faire partager ces sentiments au
fil des messages, en évoquant notamment ce qu'elles ont ressenti quand
Anne-Laure a été éliminée du jeu : les membres
ont employé des expressions liées à la tristesse et ont
largement manifesté un sentiment d'injustice.
Cette
expérience permet des échanges, vécus, par les membres du
forum, comme un acte de solidarité et entraînant de
véritables relations d'amitié. Les enquêtes sur les valeurs
des jeunes ont montré la place considérable que la
sociabilité amicale occupe dans la vie des jeunes280(*), 61% des jeunes de 18
à 29 ans estimaient que les amis sont très importants dans la
vie. Ils sont un vecteur important de la socialisation, de même que le
fait d'appartenir à un groupe de pairs pour les adolescents. Les
mêmes circonstances déclenchent des comportements affectifs
sensiblement différents si l'individu est seul, devant sa
télévision par exemple ou mêlé à un groupe de
gens qui lui sont proches ou inconnus281(*). Les autres, à plus fortes raisons lorsque
ceux-ci partagent la même passion, sont les modulateurs, exerçant
selon les circonstances et leur influence un rôle d'apaisement ou
d'exacerbation. De ce point de vue, les relations interpersonnelles qui se
nouent entre les membres du forum nous ont apporté des
éléments quant au sentiment de proximité qu'ils
entretiennent entre eux alors qu'ils ne se connaissent pas
nécessairement « réellement ». Bien
sûr certains facteurs comme l'âge ou la proximité dû
à un regroupement comme celui du forum de discussion entraînent un
tutoiement instantané. On trouve également les marques de la
relation à travers les interpellations directes par le véritable
prénom du membre, qui sous-entend une connaissance plus intime ou encore
l'utilisation de petits affectueux employant généralement un
pronom possessif282(*) :
o
« Et Kro arrête de te poser des
questions »
o
« Cette fois Juky c'est plus de l'amour c'est de la
rage »
o
« Lili fait ce qu'il te plait, ne change rien pour
personne »
o
« Yes Aurore ça faisait longtemps qu'on t'avait pas vu ici, tu
nous as manqué »
o
« Bonjour mon papa-loup »
o
« Courage ma p'tite Manue »
De
plus, lorsque l'on demande aux fans de parler de leur sentiment
vis-à-vis du forum, ils le font tous dans des termes aspirant à
l'amitié virtuelle, à la convivialité, à la
solidarité, à la liberté, au soutien, au partage voire
même à l'amour. Ils aiment à se mettre en mots surtout
lorsqu'il s'agit d'évoquer leur passion et ce que cette dernière
a entraîné : l'éclosion d' « une
nouvelle famille », cette expression revient dans quasiment tous
les messages, les fans se désignant comme membre de la
Choupifamily.
Nous
l'avons vu, les échanges par ordinateur permettent d'ouvrir le registre
de la parole de l'intime283(*). Ce processus s'effectue de manière
différente chez les filles et chez les garçons, les
prédispositions à l'amour et à la sexualité
n'étant pas intériorisées de la même
manière284(*).
Notre corpus étant presqu'entièrement féminin (nous
n'avons pu interroger qu'un seul garçon), nous nous penchons donc plus
généralement sur l'expression des sentiments au féminin,
et dans une optique minoritaire du point de vue de la sexualité.
3.
Les « choix sexuels » conditionnent-ils les choix
culturels, médiatiques et virtuels ?
Nous
avons posé au départ l'hypothèse qu'un grand nombre de
jeunes lesbiennes sont inscrites au sein du fan-club d'Anne-Laure, du fait de
son coming-out. Les résultats de l'analyse n'ont pas directement
répondu par l'affirmative, mais il faut s'attarder sur certains
détails pour comprendre que cela peut tout de même être le
cas. Les membres ont du mal à « avouer »
les raisons qui les ont poussés à soutenir une telle candidate -
non pas que nous pensons qu'une candidate lesbienne ne peut être
encouragée par un public homogène, mais le fait est que la grande
majorité revendique une homosexualité, qui a souvent
été mise au jour « grâce à
Anne-Laure » selon les propos de certaines. Il serait faux de
dire que ce sont les textes des chansons ou la musique d'Anne-Laure qui ont
influé le soutien des membres lesbiennes du forum, étant
donné que l'on n'y trouve aucune allusion à
l'homosexualité, chaque texte prenant au contraire grand soin de ne pas
impliquer de pronom particulier, ni de « elle »,
ni de « il » dans les chansons d'amour notamment.
Il s'agit bien de la chanteuse elle-même. C'est pourtant la
première justification que les fans nous ont donnée, en se
définissant comme des sortes de « consommateurs
émotionnels »285(*), ne cherchant qu'à trouver un exutoire
à ses propres sentiments dans l'oeuvre de l'artiste. Les membres parlent
d'une sensibilité qu'elles retrouvent dans les chansons d'Anne-Laure.
Une phrase tirée d'un entretien exprime bien ce paradoxe, entre la
sensibilité d'une part et le rapport à l'homosexualité
d'autre part : « Ce qui m'a touché en premier, c'est
sa sensibilité, elle dégageait un truc spécial, son
charme, son talent, m'avaient sauté aux yeux » et elle
poursuit, « elle m'avait donné les frissons un soir en
interprétant une chanson de Lara Fabian sur l'homosexualité,
c'est là que c'était une sorte de déclic pour
moi »286(*).
Nous
l'avons vu, l'étude des blogs met au jour ces différences
d'affirmation. Celles qui mettent en avant leur homosexualité, comme une
sorte de fierté en affichant photographies de baisers entre filles ou
encore les couleurs de l'arc-en-ciel représentant le drapeau gay et
lesbien, s'inscrivent dans une mouvance, que nous avions mise en lumière
lors d'une première étude sur les notions de culture et de
communauté homosexuelle. Le forum aborde également certains
thèmes287(*), que
nous pourrions retrouver sur un forum de discussions lesbiens avec des sujets
relatifs au coming-out ou à l'homophobie, avec un vocabulaire presque
militant : « courage » lorsque l'on
évoque le coming-out d'Anne-Laure,
« combativité » lorsque l'on évoque
les affrontements auxquels les lesbiennes peuvent être soumises,
« reconnaissance » à travers
l'homosexualité d'Anne-Laure,
« fierté » revenant comme un leitmotiv tout
au long des messages. A l'inverse, le fait, pour certaines de nier le lien qui
peut exister entre la sexualité et les choix « culturels
et médiatiques » pourrait s'expliquer par une
volonté d'affirmer des choix réfléchis et consentis et non
des choix subis. Ces dernières auraient plutôt tendance à
réfuter l'idée d'une culture spécifiquement homosexuelle
et auraient pour souhait de banaliser l'existence homosexuelle.
La
socialisation en matière de sexualité fait donc pleinement partie
du processus de construction de l'identité sociale. Nous avons vu que
l'identité se caractérise par la dualité entre une image
pour soi et une image pour autrui, par la
« nécessité de sauvegarder une part de ses
identifications antérieures (identités héritées) et
le désir de se construire de nouvelles identités
(identités visées) »288(*). Le contenu des identités va
dépendre de leur reconnaissance par les institutions et
« partenaires » sociaux mais aussi et surtout de
la trajectoire vécue par l'individu lui-même. Les lesbiennes, tout
comme la majorité, construisent leur soi réel à partir des
identités héritées, attribuées et visées. Le
mouvement des modèles d'identification permet de comprendre comment les
adolescentes, surtout si elles se reconnaissent dans une minorité,
s'approprient une histoire qui n'est pas le simple reflet d'une trajectoire
familiale. La cellule familiale participe dans un premier temps à la
socialisation sexuelle de leur enfant. L'éducation traduit par exemple
des comportements sexuels adaptés à chaque sexe permettant ainsi
l'identification à un modèle sexuel. De plus, le discours ou
l'absence de discours permet à l'enfant d'intérioriser une
reproduction de la sexualité, d'en délimiter les tabous, le
socialement acceptable. De cette façon, les adolescentes
découvrant leur homosexualité ne trouvent pas, dans la
majorité des cas, les réponses qui les concernent en
matière de sexualité au sein du cercle familial,
l'homosexualité étant un sujet peu évoqué ou alors
sur le ton de la plaisanterie, de la moquerie voire même d'un rejet
total. Très souvent, les individus entendent des injures sur
l'homosexualité avant même de connaître leur propre
sexualité289(*).
Dans ce climat peu propice, les adolescentes, qui ne trouvent pas les
réponses à leurs besoins ni au sein de leur famille, ni au sein
de leur groupe de pairs, vont alors se lancer à la recherche de
semblables. (extraits d'entretiens, montrer les indices)
III
) LE PROCESSUS DES AFFINITES ELECTIVES
Les jeunes cherchent donc des moyens de se socialiser, de se reconnaître
en dépit des transformations des repères, tant au niveau familial
qu'au niveau institutionnel. Nos entretiens ont tous, pour message sous-jacent,
qu'il faut pouvoir se situer pour donner du sens à son existence et
agir. Nous l'avons vu, la mise en scène et en récit de
l'intimité et de la sexualité, le processus différentiel
de construction identitaire chez les garçons et les filles290(*), ainsi que le
développement des nouveaux médias entraînent une nouvelle
forme de sociabilité. Une des valeurs centrales qui ressort de notre
analyse est celle de l'amitié, cela tient peut être au fait que ce
soit une des valeurs les plus répandues chez les jeunes en
général291(*), ou peut être encore que le groupe de fans que
nous avons pris pour exemple est justement un regroupement dont les membres
partagent la même passion, créant irrémédiablement
des affinités entre eux. De ce fait, l'association que forme le
fan-club, n'est pas uniquement le cadre d'une activité, elle est surtout
le lieu où l'on passe du temps avec des personnes. Ainsi, malgré
le faible effectif qu'elle représente, cette association apparaît
comme le lieu d'un réel investissement pour ses membres. Cependant, nous
avons constaté que le niveau d'études et social étaient
une variable assez pertinente dans la considération du groupe. Plus le
niveau de scolarité et le niveau social sont élevés et
plus les membres prennent du recul pour parler de leur expérience, pour
évoquer des questions d'ordre politique comme pour aborder
l'homosexualité. Enfin ce qui apparaît nettement, que ce soit dans
l'analyse des messages du forum de discussions, ou dans les entretiens, ce sont
les élans de solidarité des membres entre eux : une
solidarité explicite à l'égard du fan-club et une
solidarité parfois implicite lorsqu'il est question
d'homosexualité.
1.
Le groupe comme réponse à un besoin d'intimité
homolatique ?
La
fabrication des identités sexuées et sexuelles s'inscrit dans un
processus d'expériences socialisantes comprenant des
sociabilités, des modèles, des représentations, des
conformités ou encore des déviances. Nous l'avons vu, la
construction identitaire s'interroge à travers des dynamiques
interactives. La socialisation dite secondaire, se fait au contact
d'autrui : des pairs ou encore de certaines représentations
médiatiques ; elle permet à l'individu
d'intérioriser, de concrétiser et d'exprimer les changements
identitaires qui l'affectent et participe à
« l'appropriation intérieure d'un
monde »292(*). La période de l'adolescence est un
processus, un temps de recomposition identitaire, d'expérimentation et
d'autonomisation, durant lesquels filles et garçons forment des groupes
sociaux, des valeurs échappant aux processus d'institutionnalisation,
voire aux normes dominantes, en créant des groupes, des sous-groupes,
des contre-cultures293(*).
Nous
avons utilisé pour cette partie le terme d'homolalie
employé par C.Moulin et qui désigne les sociabilités
entretenues entre individus de même sexe et de même
âge294(*). Notre
corpus est presque exclusivement féminin, cette donnée
s'explique, d'une part parce que les fan-clubs ont majoritairement des
participations féminines comme nous l'avons déjà
vu295(*) ; d'autre
part, parce que le public de l'émission Star Academy est
plutôt féminin comme nous l'avons dit précédemment,
et enfin parce que ce regroupement rassemble des jeunes filles qui se
reconnaissent en la chanteuse ayant effectué son coming-out, selon une
des nos hypothèses. Dans de telles conditions, l'homolalie est
évidente : les membres du fan-club se retrouvent donc entre filles
et leur âge varie peu, à quelques exceptions prés. En
effet, certains membres très actifs du forum sont plus âgés
que la moyenne, mais ils jouent très souvent le rôle de
modérateur ou de pilier du forum, c'est-à-dire, une personne qui
est présente depuis le début de la carrière de la
chanteuse et qui gère plus ou moins le bon fonctionnement du
site.
Les
messages du forum mettent en avant cette idée d'exacerbation de la
revendication de tous critères de différenciation dont parlait
C.Moulin à propos du groupe des filles qui insistait sur le pronom
personnel « nous » pour s'affirmer en tant que
groupe : « nous les filles »296(*). Les membres emploient
les mêmes expressions : « nous les fans »
ou encore « nous les Choupifans ». Les
féminités étudiées par C.Moulin se construisent
dans un repli homolatique et donc en référence et en opposition
à l'autre groupe, celui des garçons. Il n'est pas certain que le
groupe des fans d'Anne-Laure se construise en réelle opposition avec un
autre groupe de fans, mais il existe pourtant quelque chose qui le
différencie des autres. Comme dans tous les groupes, les membres doivent
se soumettre à un ou plusieurs rites de conformation, comme peut
l'être le maquillage pour le groupe des filles ; le rite de
conformation étant une manière pour les adolescents de constituer
le socle d'un groupe social en l'inscrivant comme communauté de
goûts et de pratiques, de manières d'être et d'agir. Dans le
cadre d'un forum de discussions sur Internet, les rites sont tout d'abord des
rites d'intégration au groupe, passant par la création d'un
pseudonyme et d'un mot de passe pour pouvoir y accéder, puis par la
suite de certaines règles auxquelles il faut se soumettre. C.Moulin
défend l'idée selon laquelle le repli homolatique est à
l'origine de la composition d'une « sous-culture de
genre », s'inscrivant dans une société
adolescente, elle-même située dans la société
globale. Les codes, les rites, les normes et les modes de sociabilité
sont propres à ces adolescents et produisent le sens construit du
collectif, de l'entre soi. Nous sommes, avec le fan-club d'Anne-Laure,
confrontés à une « sous-culture de
goûts » mais aussi peut être à une
« sous-culture de pratiques » sans se
revendiquer comme telle. Il se dégage de cette revendication,
un sentiment de fierté et de solidarité, que nous mettrons en
parallèle avec les sentiments d'un groupe minoritaire, celui des gays et
des lesbiennes, dans un prochain chapitre. Les individus cherchent à se
rattacher à un groupe valorisant un certain modèle de
référence correspondant à leurs propres choix
identitaires, et dans lequel ils peuvent se reconnaître.
Les
pairs apparaissent comme porteurs de références et de normes et
le repli homolatique apparaît comme une phase de transition vers d'autres
modes de sociabilités, homosexuées ou
hétérosexuées. Dans notre cas, elles permettent aux
membres de s'inscrire dans une classe d'âge et de sexe, mais aussi de
goûts et d'exister au sein du groupe de pairs virtuel. Tout comme la
presse jeune297(*), les
sites Internet auxquels les jeunes participent, travaillent
« l'inscription du jeune dans des communautés (musicales,
de fans, de goûts, de mode, de manière d'être) où
celui-ci peut trouver des alternatives ou des substituts, à
l'égard des groupes familiaux et scolaires, vis-à-vis desquels il
se trouve alors en décalage, en conflit, sinon en
rupture »298(*). Les messages, de même que les entretiens
évoquent souvent le fait qu'elles ne puissent partager leur passion avec
leur entourage, leur groupe d'ami(e)s réel, car ces derniers
considèrent le fait d'être fans avec mépris, et encore plus
le fait d'être fan d'une chanteuse lesbienne, certaines ont fait
l'expérience de l'homophobie. En effet, C.Moulin a montré,
à travers l'étude de la presse jeune, qu'inconsciemment les
adolescentes se plient aux exigences attendues par leur sexe ; elles
évoluent « naturellement » vers un
conservatisme de genre, comme si la construction identitaire passait par
l'exacerbation des traits de définition des genres, afin d'exprimer
clairement une identité cohérente pour soi et pour autrui. Cette
presse jeune se réfère toujours à la différence
entre les sexes pour fonder les identités de genre, jamais sur une
appartenance culturelle ou générationnelle. Ainsi,
« l'intimité homolatique se pose comme un espace
d'apprentissage d'une continuité identitaire par identification au
semblable et par distanciation d'avec les différences ».
Les adolescentes qui se sentent en décalage avec ces valeurs dans le
monde réel, peuvent se retirer et ressentir le besoin d'un repli
homolatique quelque peu différent voire virtuel, où les
critères dits de féminité sont plus hybrides, plus
neutres, à travers le modèle d'Anne-Laure.
Cette
exclusion est symbolique car elle n'est pas conscientisée. Les jeunes
lesbiennes cherchent donc d'autres vecteurs d'identification entraînant
la reconnaissance de leur propre corps et ainsi de leur propre
sexualité. « Les adolescents doivent composer avec un
corps qui se transforme physiquement [et] son émergence participe d'un
processus plus large de reconstruction identitaire », le corps
et le paraître vont alors devenir des enjeux de la
féminité, elle-même enjeu d'un jeu de séduction
voire d'une sexualité à venir. Celles qui ne rentrent pas dans la
norme des critères de féminité en vigueur vont tenter de
construire leur définition du genre féminin contre des
modèles perçus comme contraignants et dévalorisants. Chez
les lesbiennes, la masculinisation du genre peut constituer de manière
générale une étape d'acceptation et de construction de
leur homosexualité, comme une sorte de revendication
communautaire299(*), un
moyen de reconnaissance, en s'y identifiant ou en la rejetant. (extraits
d'entretien)
2.
La recherche de « semblables »
Cette
recherche, d'un autre soi que n'offre pas forcément la
société, peut s'établir au travers d'Internet, avec le
développement d'une « socialité
élective »300(*) que l'on peut définir comme des
« communautés émotionnelles » au
sens de M.Weber301(*).
Les sites et forums sont accessibles avec un mot de passe ; on y entre
donc après franchissement des rituels archaïques, commençant
par l'apprentissage du vocabulaire et des terminologies propres à la
dite communauté302(*). Sans trop nous attarder ici sur le vocable propre
aux internautes (login, topic, post, forum...), nous pouvons citer les
expressions que les membres de notre forum emploient entre eux et qui sont des
dérivés du surnom d'Anne-Laure. Nous avons déjà
évoqué les Choupifans et la Choupifamily, mais
nous en avons noté toute une série : choupikiss, choupiteam,
choupichef, choupiland, choupibonheur, choupifolie, choupipassion,
choupirencontre, choupibise, choupistar, choupipotes, choupivoiture,
choupi-anniversaire, choupifree, choupimania, choupifanesque, choupipuce,
choupiheureuse, choupiesprit, choupiamitiés...et la liste est loin
d'être exhaustive. Le fait de se constituer un langage commun permet aux
membres de montrer leur adhésion à un certain esprit. En effet,
il est question tout au long des messages de l'esprit de la
Choupifamily. Cet esprit se retrouve pour une grande partie dans la
catégorie que nous avons appelée, l'accueil et la
solidarité entre les membres, avec très souvent une distinction
entre les « anciens » du forum et les
« petits nouveaux » ou les
« néochoupifans » à qui il faut
inculquer un certain nombre de valeurs303(*) :
o
« Si tu as un souci sur le forum, je suis là pour
t'expliquer »
o
« Qu'est ce qu'on ferait pas pour faire partie de la
Choupifamily »
o
« J'espère que vous m'acceptez au sein de votre
communauté choupinienne »
o
« Bienvenue à tous les petits nouveaux »
Ainsi
émerge un sentiment d'appartenance nouveau, une réinvention des
sociabilités réduites et sélectives s'exerçant
entre initiés désormais volontairement isolés du plus
grand nombre, de la foule sociale. Internet permet un rapprochement impossible
géographiquement dans la réalité. Il permet de donner
à ces réseaux une « périodicité
d'échange »304(*) qui n'est pas permise aux jeunes au vue de
leurs faibles possibilités de déplacement, faute de moyens de
transport autonomes et de moyens financiers suffisants. Beaucoup de membres se
plaignent de ne pas pouvoir se déplacer pour assister aux concerts ou
pour rencontrer d'autres membres. Ce nouvel espace, éloigné du
champ social ordinaire et tout entier bâti sur le désir
d'être « entre soi » mais cette recherche de
semblables signifie par conséquent exclusion de ceux qui ne nous
ressemblent pas. L'analyse des messages a notamment permis de
révéler que les fans parlent à la première personne
du pluriel et s'opposent très souvent à la troisième
personne du pluriel : le « nous » s'oppose
à « eux », qui n'est d'ailleurs pas
clairement défini305(*) :
o
« Nous sommes des Choupifans si fiers et si
soudés »
o
« Ils sont jaloux de nous... »
o
« Est-ce qu'elle pense à nous ? »
o
« Ca reflète notre communauté »
L'analyse
des entretiens ainsi que de certains messages du forum ont montré que
les membres pouvaient défendre certaines idées, se
révolter contre certaines choses avec une certaine fierté. Les
expressions de cette fierté reviennent à plusieurs reprises, et
les membres sont solidaires enter eux lorsque les messages prêtent au
débat. Mais encore une fois, même si le forum ne permet pas
d'identifier socialement les membres, il semble que ce soit les personnes les
plus âgées qui ont le regard le plus critique. La participation
contestataire est alimentée par l'interactivité : soit les
membres tentent de se démarquer par leurs opinions, soit elles se
rangent aux côtés de celles qui ont la plus grande
légitimité, c'est-à-dire, les modératrices ou les
membres les plus influents du forum, les plus anciennes. Par principe, tous les
messages sont interactifs. Toutefois, certains sujets ne demandent pas
forcément des réponses, ils ne sont là que pour venir
témoigner d'un sentiment, d'un souvenir, d'une rencontre etc...Mais la
catégorie « Partage d'opinions » encourage
les fans à émettre leur point de vue sur tel ou tel thème,
l'interactivité est alors évidente dans des sujets comme :
o
« Anne-Laure : une nouvelle icône gay ? Qu'en pensent
nos membres ? »
o
« Pourquoi nous l'aimons tant ? »
o
« Les looks d'Anne-Laure : lequel
préférez-vous ? »
o
« Vous ressentez quoi ? »
o
« Que pense votre entourage
d'Anne-Laure ? »
o
« Que représente Anne-Laure pour
vous ? »
Il
nous semble que l'emploi du pronom personnel
« vous » implique bien une marque
d'interactivité. Les membres ont conscience de s'adresser à un
collectif. Ils prennent en compte le fait qu'ils n'écrivent pas que pour
eux-mêmes, qu'ils vont être lu. Cette interaction se voit
également lors des différentes relances ou autres interpellations
ponctuant certaines réponses306(*) :
o
« Vous suivez toujours »
o
« Vous trouvez pas que... »
o
« Vous voyez ce que je veux dire par
là »
o
« Si vous permettez ce terme »
o
« Je ressens les mêmes choses que vous
tous »
o
« Elle n'est pas faite pour toi puisqu'elle préfère les
filles »
o
« Bon aprem à tous ceux qui liront ce message et à ce
soir »
Ces
forums de discussions correspondent à des machines à
relier307(*). Les
troubles de l'identité, rejetés dans la vie réelle, que
rencontrent les jeunes, deviennent des motifs de regroupement sur Internet.
Dans notre étude, le signe de ralliement, l'élément
fédérateur est la chanteuse autour de laquelle gravitent un
certain nombre d'éléments eux même
fédérateurs, comme son homosexualité notamment. De plus,
plus la passion est peu commune, plus le rôle d'Internet est important
car il est difficile de recruter d'autres passionnés dans l'entourage
direct. A ce sujet, les messages envoyés évoquent le site comme
étant un sauveur, et remercient amplement l'équipe qui l'a
instauré.
Il ne faut toutefois pas oublier, que ce qui rassemble et organise un fan-club
est, au départ, un artiste, ou une passion. Ici, les membres nous
révèlent que la musique et les textes d'Anne-Laure canalisent
l'insatisfaction fuyante des sentiments ordinaires308(*), ils véhiculent une
émotion à laquelle elles sont sensibles selon leurs propos.
Cependant, tout discours sur la musique est relativement absent des messages et
des entretiens. Pourtant les fans garantissent d'une certaine manière
que le disque apparaît comme un moyen d'expression et de reconnaissance
sociales pour des groupes qui partagent une réalité peu
formulée, et qui cherchent à se définir eux-mêmes
à travers une certaine communauté musicale, et en particulier
chez les jeunes qui ont peu accès à d'autres modes
d'identification sociale.
3.
Le mouvement de fans comme recours à un collectif
Le
sentiment d'appartenance est important dans le processus de construction
identitaire et dans celui de la reconnaissance. La sociabilité peut
s'étendre à l'appartenance associative, dont le fan-club est un
exemple. Les associations peuvent être considérées comme un
indice de la sociabilité générale de la
collectivité humaine309(*) : « la participation associative
peut ainsi être saisie dans la double perspective de la formation des
groupes en vue d'activités précises et de relations de pure
réciprocité sans fins pratiques »310(*). Aujourd'hui, beaucoup
d'associations visent l'épanouissement personnel, témoin d'un
renforcement de l'individualisation croissante de la société,
même si de tels groupes peuvent apparaître comme
éphémères et provisoires, comme la constitution d'un
public.
D.Pasquier
donne une définition du terme de fan, à propos de celles et ceux
dont elle a étudié les lettres pour les comédiens de la
série « Hélène et les
garçons »: elle dit qu'être fan, c'est
« mettre plus de passion. Le fan se manifeste plus dans sa vie
sociale et suit de plus près ce qui se passe autour d'une série,
c'est tout. Elle rêve d'une relation idéale avec un être
idéal. A un moment donné de sa propre histoire et pour un temps
donné. C'est d'ailleurs une passion plus éphémère
que celles qui animent bien des collectionneurs. Il faut aussi rappeler que les
fans se recrutent dans des lieux sociaux et géographiques où la
télévision occupe une place plus importante. Elles se recrutent
dans les milieux populaires où la télévision est plus
regardée qu'ailleurs et dans des zones non-urbaines où la
confrontation quotidienne avec des modes de vie différents est plus
rare »311(*). Le programme étudié par l'auteur
et celui dont est issue Anne-Laure peuvent se recouper par les controverses
qu'ils ont suscitées. La série
« Hélène et les
garçons » se voyait reprocher d'éloigner les
adolescents de la réalité sociale et Star Academy est
taxée de nombreuses critiques notamment à propos de ses candidats
jugés sans talent artistique, mais également car la
télé-réalité ne reflète pas la
réalité sociale. L'objectif de D.Pasquier était de
comprendre la relation des jeunes avec la fiction télévisuelle et
de savoir comment elle était utilisée pour appréhender le
monde, alors qu'elle semble très éloignée de la
réalité dans laquelle les adolescents évoluent. J.Jensen
défend une hypothèse intéressante, en disant que ce qui
est socialement stigmatisé n'est pas tant le fait d'être fan mais
l'objet de la passion : les héros de la culture populaire -les
chanteurs, les comédiens de la télévision, etc- ne
seraient pas dignes d'une passion312(*), c'est ce qui va pousser les fans à ce
regrouper entre eux, et à se démarquer des autres. Les entretiens
et les messages font très souvent état de cette
non-légitimité dénoncée par leur entourage du fait
d'admirer une candidate de la télé-réalité.
Le recours aux divers sous-ensembles d'Internet semble définitivement
représenter pour certains utilisateurs intensifs l'ultime tentative de
construire un substitut à un réel qui s'échappe, en
tentant de créer de nouvelles organisations sociales, un nouvel ordre de
« l'être ensemble », de nouvelles
façons de rejoindre les autres, « ces autres comme
soi » qui semblent plutôt participer d'un retrait
vis-à-vis du monde social quotidien que d'une simple volonté
d'être seul. Les refuges d'Internet regroupent sûrement une foule
d'individus isolés, mais convaincus désormais de faire groupe au
sein d'une communauté virtuelle s'établissant sur des mobiles
communs et utilisant le même jargon. Ces regroupements tiennent de
nouvelles relations sociales s'instaurant par Internet.
Le
principe de toute relation sociale est l'échange ; le slogan du
site officiel de l'artiste qui nous intéresse est, d'ailleurs :
« bienvenue sur la planète...communiquez et
échangez » ; et cela, d'autant plus lorsqu'il s'agit
d'un regroupement basé sur le soutien et la solidarité,
même dans un but commercial de construction de carrière.
L'échange se trouve au coeur du système du site Internet
fonctionnant comme un gigantesque réseau ; comme pour les adeptes
du téléchargement, il s'agit autant de donner que de prendre. La
nature des échanges que l'on observe peuvent être multiples. La
frontière est floue entre le déclenchement d'une réelle
solidarité et la recherche d'intérêts personnels, tant nous
avons vu que le fait de se mettre en récit et d'appartenir à un
groupe solidaire peut faire parti du processus de construction de soi, et de la
recherche de la reconnaissance.
Ce
ne sont donc pas nécessairement des biens qui s'échangent dans
les relations sociales mais aussi des services, des messages, des
symboles313(*)...Cette
circulation va dépendre des rapports qu'entretiennent les individus
entre eux. Alors que le troc et l'échange monétaire sont les
formes de l'échange marchand, le partage, le don, la
réciprocité, la redistribution constitue les modalités
principales de l'échange non marchand314(*). Pour M.Mauss, ces échanges donnaient
naissance à des liens entre les individus puisque celui qui
reçoit est dans l'obligation de rendre ; et notre morale se
rattache toujours à cette atmosphère du don, de l'obligation et
de la liberté mêlés. Ainsi les personnes impliquées
dans l'échange forment un système de prestation sociale. La mise
en place de ce système est peut être favorable à
l'élaboration constructiviste de la légitimité d'un
regroupement telle que celui que nous étudions ici. Les échanges
peuvent constituer un réseau d'entraide apportant des conseils à
quiconque en demande : des conseils propos de la chanteuse comme des dates
de concerts, des passages télévisés, des recherches de
coupures presse (tout ce qui se trouve dans la partie appelée
« Choupimédia ») ; des conseils
à propos d'un problème personnel, sentimental, familial ou autre
(tout ce que l'on peut trouver dans la partie
« Choupifamily ») ; ou encore des conseils
concernant des problèmes informatiques (tout ce que l'on trouve dans la
partie « Le garage de la planète »).
Dans
son dernier chapitre, D.Pasquier aborde directement la question liée aux
fans et à l'élaboration d'un collectif. Elle emploie alors le
terme de « communauté de fans » lorsque le
« je » du téléspectateur se
transforme en « nous », un être ensemble
face à la télévision. La communauté des fans est
celle qui se met socialement en scène de manière la plus visible.
Le fan est quelqu'un qui se montre comme fan, tout d'abord vis-à-vis de
son idole (justification en début de lettres, objets
dérivés, posters, vêtements...). L'intégration dans
un réseau d'échange et de discussion est indispensable.
Isolée, le fan serait condamné à redevenir un simple
téléspectateur, éventuellement plus assidue que d'autres.
Le
« Nous », renvoyant à l'appartenance, que
les membres utilisent très souvent, n'est pas stratégique, il
sert à rétablir du lien par-delà l'exclusion symbolique et
les dispositifs qui relient les individus au monde, autrement que par le
travail aliénant du 19ème siècle. P.Bouvier
constate que près d'un(e) Français(e) sur deux est membre d'une
association, soit en 2002, plus de 21 millions de personnes âgées
de 15 ans et plus. Ces adhésions recouvrent des associations de loisirs
pour 37%, de défense de droit et intérêts partagés
pour 36% et pour 27% de divers types : quartier, religion,
troisième âge...Ces associations remplissent aujourd'hui le
rôle exercé antérieurement par l'Eglise et l'Etat. Elles
occupent la fonction de vecteur d'un lien social anémié par la
relative fragilisation des institutions consacrées. Ainsi le
« Je » s'inscrit toujours dans un groupe, une
entité plus large...autant de formes d'appartenance à une
réalité transindividuelle qui permettent de décliner son
identité. Le lien social doit être étudié dans le
contexte des dynamiques affectives qui le portent. Dans ces rassemblements,
décrits par P.Bouvier comme les associations ou encore des
manifestations, des repas de quartiers, cherche à se dire un sentiment
ou une volonté d'exister ensemble, sur des temps plus ou moins longs et
dans des implications de basse ou de plus haute intensité.
« Elles mettent en scène des manières probables,
nouvelles mais virtuelles, de se relier sociologiquement à
l'environnement et anthropologiquement aux identités et aux attentes
existentielles contemporaines ».
Cela
nous renvoie à la notion de solidarité à laquelle le terme
de lien social est associé, et qui revient très souvent dans
notre corpus. La solidarité se définit comme l'existence de liens
sociaux se manifestant par des comportements de coopération
réciproque entre les membres d'un groupe. Cette notion est très
déclinée chez les jeunes315(*). Dans notre cas précis, il s'agit de se
demander si la solidarité qui se dégage des groupes que nous
distinguons est une solidarité provisoire, utile à un moment
donné dans le processus de construction identitaire ; si le lien
social ainsi mis en place peut être considéré comme un
vecteur de reconnaissance. Nous répondrons que les deux explications
sont justes et se complètent. Cette solidarité est provisoire,
d'une part entre les membres mais aussi entre les membres et leur
« idole » : en effet, pour certaines, la star
devient quelqu'un qui peut être présent à n'importe quel
moment, comme une « planche de salut » qui aide
à tout surmonter, une sorte d' « amie
imaginaire ». De plus, la relative proximité d'Anne-Laure
du fait de sa relative notoriété comme nous le verrons, permet de
créer du lien affectif. Même si cela rentre dans une
stratégie, que ce soit de sa part ou de celle de sa production, elle
reste proche de ses fans, notamment en participant au forum de discussions sur
son propre site. Ses messages sont autant d'occasion de ressouder
l'équipe, de rétablir le lien qui semble parfois se
relâcher316(*),
notamment en évoquant des souvenirs, ou en tenant en haleine les fans en
leur promettant une actualité chargée. Dans l'extrait qui suit,
elle ressoude le groupe avec une intention claire de faire venir ses membres
à ces différents concerts :
« Bonjour les Choupifans,
Après
un travail acharné où j'étais un peu loin de vous, par la
force des choses puisque je suis entrée en studio et j'ai
multiplié les réunions et rendez-vous de toutes sortes, je suis
ravie de revenir avec plein de bonnes nouvelles à vous
annoncer !!!
Je
suis plus qu'impatiente de vous retrouver comme quand on s'est connu au moment
de la tournée Starac !
Ca
a été long et difficile, mais pour les choses bien et jusqu'au
bout, rien n'est laissé au hasard, et je suis très fière
du travail avec mon équipe et du résultat final.
J'ai
confié à Wilo les dernières news qui seront sur le site
très vite, on se revoit très vite alors à Agen,
Nîmes, Avignon et même en clubs cet été.
Gros
gros bisous à tous et merci d'être là !!!
Anne-Laure »
Enfin,
être fan de quelqu'un, c'est appartenir à une bande, à un
groupe, et le choix de la star est souvent confrontée, comme nous
l'avons vu à l'avis général ; prendre parti pour ou
contre une star, c'est choisir son clan, affirmer ou assumer son avis, voire sa
personnalité. La star peut devenir un patron-modèle317(*) qui peut déterminer
l'allure extérieure de certains fans voire même un ressenti
intérieur. Certaines de nos enquêtées supposent qu'un
certain de membres sont « devenues lesbiennes »
uniquement par rapport à Anne-Laure. (illustrations à partir des
représentations)
Ainsi,
un regroupement tel que celui des fans d'Anne-Laure mobilise la reconnaissance
pour soi, c'est-à-dire une identification individuelle qui passe par un
modèle médiatique favorisant du même coup
l'émergence d'une solidarité collective, d'une reconnaissance
pour autrui d'un certain mouvement, pas forcément revendicatif, pas
forcément conscient, via le développement sur Internet d'un
certain réseau de fan.
Les blogs mais aussi les discussions sur les forums interactifs
permettent une mise en scène de l'individu, mais aussi et surtout, la
validation par autrui de ce que l'on montre de soi, même si cela se fait
par la procuration d'écrans318(*). Le forum apparaît comme un lieu
d'échanges, de conseils et de confidences :
« l'écriture sur Internet est d'abord bien souvent une
image de ses émotions et de ses intuitions tendue à l'autre dans
l'attente qu'il les reconnaisse et les valide »319(*). L'individu
sélectionne sur Internet, le lieu de rencontre, l'univers où il
peut espérer trouver le maximum de personnes partageant ses centres
d'intérêts et ses préoccupations. Il n'hésite pas
ainsi à mettre en mot, en récit voire même en images, son
intimité pensant qu'elle sera comprise et bien accueillie par les
interlocuteurs potentiels d'un forum de discussion, d'un chat ou
d'un blog. Cette « culture de
l'extimité »320(*) est vécue par les jeunes
interrogées, à la fois comme une démonstration de soi et
comme une sollicitation de reconnaissance par autrui.
Les jeunes s'emparent des médias afin d'y trouver leurs
« héros » qui leur ressemblent et qui
partagent leurs questions et leurs intérêts. La
télé-réalité semble offrir ces images proches du
réel tout en étant manipulées dans un but commercial. Les
téléspectateurs sont invités, par la construction d'un tel
programme notamment, à s'identifier à l'un des participants ou
encore à l'ensemble des téléspectateurs : un certain
nombre d'émotions communes pouvant donner une signification commune aux
images, et favoriser la création d'un éventuel collectif.
Aujourd'hui, la télévision publique donne une place plus grande
à des membres de catégories sociales jusque-là peu
représentées : par exemple en matière de
sexualité, la fonction érotique s'étant dissociée
de la fonction procréative, permettant une reconnaissance plus
poussée de la sexualité des femmes321(*), et de ce fait de la
sexualité lesbienne. Nous pouvons dire que les émissions de
télé-réalité, à commencer par le lancement
de Loft Story322(*), ont permis de rendre visible des
bouleversements sociaux comme « des déplacements des
limites de l'intimité et des repères de l'identité, des
héros radicalement différents de ceux des
générations
précédentes [...]»323(*).
CHAPITRE
IV ) L'EXPLOITATION ET LA RECUPERATION DE LA NOTORIETE PUBLIQUE
Le
choix d'éclaircir cette problématique en s'intéressant
à une candidate de la télé-réalité, nous
amène à penser tout d'abord en terme de production
médiatique et télévisuelle et tout ce que cela comporte
comme mise en scène, et comme stratégies commerciales qui vont
susciter les publics324(*) : le public étant « cette
partie de la population qui s'est distinguée en comprenant les ambitions
d'un auteur, la complexité d'une structure textuelle ou les
antécédents génériques d'une production
culturelle »325(*). Le but aujourd'hui, plus que jamais, est de
faire de l'audience. Pour cela, les télévisions recherchent les
scandales, les scoops, ainsi elles montrent aux téléspectateurs
ce qu'ils attendent et ce qu'ils jugent bon pour l'audimat même si pour
cela elles doivent exercer une certaine censure symbolique comme on l'a
déjà vu chez P.Bourdieu326(*). La post-télévision, notamment avec
l'avènement des programmes dits de
télé-réalité, est devenue un intercesseur entre le
public et les stars en devenir (rappelons ici l'interactivité de ses
programmes), les individus qui souhaitent acquérir rapidement une
quelconque notoriété. Sans revenir sur les principes fondateurs
de ce genre d'émission, il est important de souligner que ces jeunes
candidats se trouvent rapidement confrontés à la
réalité de la célébrité sans y être
préparés. La chanteuse qui nous intéresse ici est issue de
la deuxième saison de Star Academy (la saison dont on a sans
doute le plus parlé médiatiquement), elle a été
éliminée du jeu en novembre 2002. Le constat que nous avons pu
faire, est que, encore aujourd'hui ses fans sont encore là pour la
soutenir malgré les fluctuations relativement faibles de son
actualité.
Dans
ce chapitre, nous allons voir quels peuvent être les usages d'une telle
notoriété, en déduisant de notre analyse les
éléments constitutifs pour notre hypothèse d'exploitation
et de récupération de l'image. Dans un but, essentiellement de
reconnaissance identitaire, nous avons souligné dans le chapitre
précédent, l'utilisation que les individus peuvent faire des
représentations. Il faudra également tenir compte des
stratégies commerciales des productions visant justement à
favoriser cette identification.. Nous situons, ici, notre problématique
dans une logique minoritaire, c'est-à-dire en prétendant que
celle-ci puisse avoir recours à ce processus de construction identitaire
médiatique à des fins de reconnaissance ou de visibilité,
comme celle de l'homosexualité, après voir vu
précédemment une logique juvénile plus vaste.
I
) LA TYRANNIE DE LA MINORITE
Les produits de l'industrie de masse, tout comme les produits culturels
s'adressent à des publics de plus en plus ciblés. En effet, on ne
compte plus le nombre de chaînes de télévision
thématiques sur le câble, la presse et le nombre de sites Internet
spécialisés mais aussi la complexification des genres
musicaux327(*). Cela
repose sur la même logique que la spécificité des candidats
des émissions de télé-réalité qui se doivent
de représenter chacun un type social particulier afin de séduire
le plus grand nombre de téléspectateurs, afin de leur donner une
raison de « ressemblance identitaire » de suivre
l'émission et ceci dans un contexte de grande écoute ; les
émissions de télé-réalité s'adressant
à une tranche d'âge relativement étendue, même si
nous savons que ce sont les jeunes qui sont les plus assidus. Cette logique
peut donner lieu, comme c'est le cas pour notre groupe d'étude à
des rassemblements, comme celui d'un fan-club, défendant un goût
commun, une représentation commune ou des intérêts
minoritaires communs. Même si lorsque celui est très
exposé, il arrive de constater une disparition médiatique des
marges, c'est-à-dire, dans notre cas, qu'il va s'agir de mettre en avant
une reconstitution artificielle de la réalité gay et lesbienne.
En effet, d'une certaine manière, l'homosexualité se banalise,
certaines lois visant à lui conférer un statut de plus en plus
légitimé, et cela se répercute immanquablement sur la
scène médiatique, comme pour avoir une bonne conscience
d'accorder une place aux gays et aux lesbiennes328(*) presque dans un respect de
quotas d'images.
1.
L'homosexualité à la télévision : état
des lieux
Comme nous l'avons vu, la télévision tient un rôle
important dans la médiatisation de l'homosexualité : elle a
largement évoqué les débats sur le PACS, elle aborde
aujourd'hui les questions liées au mariage et à
l'homoparentalité, elle médiatise les candidats gays et
lesbiennes des jeux de télé-réalité et elle est
particulièrement sollicitée lors des Marches des fiertés
lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles annuellement ; et depuis
le 24 octobre 2004, Pink TV, la première chaîne gay et
gay friendly a ouvert son antenne avec pour slogan : « la
liberté, ça se regarde »329(*). Les médias
parlent donc désormais volontiers de tout ce qui a trait à
l'homosexualité, parfois pour des raisons positives, mais parfois pour
des raisons lucratives et commerciales.
Media-G330(*) a relevé 786
émissions abordant l'homosexualité à la
télévision française en 2004331(*), dont 250 sur les
chaînes hertziennes qui représentent 32 % des programmes. Ces
résultats, en légère augmentation, sont comparables
à l'année 2003. La bonne forme des chaînes
thématiques du câble depuis 2002 se confirme et les 536 programmes
diffusés sur le câble et le satellite l'année
dernière constituent un record absolu depuis la création de
Media-G en 1997. Comme en 2003, les bouquets de chaînes consacrées
au cinéma ont pour leur part diffusé un nombre
élevé de programmes à thématique lesbienne ou gay
en 2004.
La
répartition mensuelle des scores des chaînes hertziennes indique
un nombre important de programmes pendant le printemps 2004, la plupart
étant liée aux débats en cours comme l'homophobie, le
mariage ou l'homoparentalité. Le nombre de prime times relevés
sur les chaînes hertziennes a légèrement diminué (57
en 2004 contre 60 en 2003), et reste inférieur à son niveau de
2001 (67). M6, qui était l'année dernière la chaîne
ayant consacré le moins de prime times à l'homosexualité,
double son score de 2003 et se place cette année en première
position avec 17 soirées à thématique lesbienne ou gay,
dont une programmation importante de films, téléfilms et
séries.
L'actualité
de l'année 2004 a été jalonnée
d'événements liés à l'homosexualité qui ont
largement été couverts par les journaux
télévisés et les magazines d'actualité comme
par exemple les mariages homosexuels aux États-Unis, puis en France
à Bègles, ou les agressions homophobes comme celle de
Sébastien Nouchet. Lors du premier semestre 2004, le traitement de
l'information par les principales rédactions a été assez
faible, notamment sur TF1, en particulier à propos de l'homophobie. Fin
juin, c'est au contraire un traitement détaillé de la Marche des
fiertés qui a été constaté sur la Une, tandis que
France Télévisions était moins fidèle aux
observations sur place lors du défilé avec des choix dans
l'ensemble plutôt stéréotypés. En 2004, Arte se
démarque de ses consoeurs grâce à son traitement de
l'information : elle est la seule à dénoncer l'homophobie
des slogans de manifestants opposés au mariage de Bègles et
à apporter un éclairage original sur les difficultés des
homosexuels turcs en marge de la Marche des fiertés LGBT.
Au-delà
des débats de société du premier semestre 2004, la
visibilité homosexuelle à la télévision a
été très importante dans de nouveaux programmes de
divertissement dont le concept intègre l'homosexualité comme
thème principal. En 2004, deux programmes, Follement gay sur M6
et Queer sur TF1, ont déclenché un flot d'articles et de
commentaires dans les médias tout en véhiculant une image
particulièrement stéréotypée de
l'homosexualité : icônes gays sorties de nulle part,
travestissement, « branchitude »,
consumérisme. Non contentes de programmer des divertissements reposant
sur des clichés liés à l'homosexualité, TF1 et M6
ont également croisé le fer sur le terrain de la
télé-réalité avec pour la première fois en
2004 des programmes en concurrence directe, c'est-à-dire aux mêmes
horaires, et une surenchère de candidats gays. Dans La Ferme
célébrités, Le Chantier ou Les
Colocataires, les téléspectateurs ont pu découvrir
des candidats -- tous des hommes -- revendiquant leur
homosexualité comme rarement ce fut le cas jusqu'ici dans ce type de
programme. La télé-réalité peut résume ce
que l'on peut retenir à propos de la visibilité lesbienne et gay
en 2004 sur les écrans de télévision, avec certains
contrastes : l'extravagant stéréotype avec Vincent McDoom
dans La Ferme célébrités332(*) par exemple, ou la
« normalité »333(*) avec le couple gagnant du
Chantier334(*),
et où la visibilité lesbienne est pratiquement inexistante
à l'exception de quelques débats ou reportages sur
l'homoparentalité. Rappelons que jusqu'à présent, la seule
figure de l'homosexualité féminine des émissions de
télé-réalité a été
représentée par Anne-Laure en 2002, ou en tout cas, la seule
figure visible et reconnue comme telle.
Pour
certains observateurs, en particulier anglo-saxons, qui suivent l'aventure
Pink TV, le danger qui guette aujourd'hui les gays à la
télévision viendrait de ce genre de chaîne
« ghettoisée » diront certains.
Après une naissance difficile, la première chaîne gay et
gay-friendly est en train de trouver sa place et a rempli ses
objectifs de lancement avec 50000 abonnés. Le pari, il y a cinq ans
encore, était considéré comme impossible. Aujourd'hui, il
pourrait bien être gagné. Les gays ayant désormais leur
chaîne, les autres télévisions n'auraient donc plus
d' « efforts » à faire, comme le
prouve l'exemple canadien : depuis l'arrivée de la Pride Vision
TV, on ne trouve quasiment plus un programme homosexuel ni un personnage
gay sur les chaînes dites
« généralistes ».
2.
La mise en scène du politiquement correct
D'une
manière générale, la sexualité mise en avant
médiatiquement permet d'augmenter les chiffres de l'audience d'un
programme. Le sexe est un moyen convaincant pour interpeller le public. Si
certains opérateurs d'accès à Internet ou d'accès
aux chaînes câblées proposent de diffuser certaines
émissions de télé-réalité dans leur
intégralité, c'est-à-dire, une diffusion 22 heures sur
24335(*), les personnes
s'y abonnant, attendent entre autres qu'il se passe quelque chose entre deux
candidats : « Moi...ben, pour les deux premières
saisons de Star Academy...euh...je m'étais abonnée à TPS
pour avoir la chaîne 24 heures sur 24...bon des fois c'était
l'arnaque, la caméra bloquait sur une porte pendant des heures [...] en
fait je m'en foutais un peu des les voir répéter et tout...non
moi ce qui m'intéressait c'était les relations qui pouvaient se
faire...et qu'on nous montrait pas sur la Une... »336(*). (Compléter
avec JOST sur le loft) Les ébats amoureux et/ou sexuels ayant lieu dans
ce genre d'émission sont largement répandus dans les autres
médias comme la presse, discuter sur Internet, tout comme cela avait
été le cas pour l'histoire entre Loana et Jean-Edouard dans la
première saison de Loft Story337(*). Cependant, il est évident que les
médias ne parlent de la même façon de toutes les
sexualités.
Même
si aujourd'hui, le public n'est plus tellement appréhendé comme
une masse inactive, les fonctions des médias décrites par les
fonctionnalistes dans les années 60338(*) peuvent se prêter à notre regard actuel
sur le sujet. Nous adhérons au fait que les médias permettent de
conférer un certain prestige et une certaine
célébrité aux personnalités qui y apparaissent et
qui sont mis en lumière en leur donnant une certaine
légitimité. Le fait de voir accéder des gays et des
lesbiennes sur le devant de la scène publique permet d'une part de les
considérer et d'autre part de les légitimer dans une relative
mesure. Les médias jouent également le rôle de
consolidateur de normes sociales en présentant à profusion les
attitudes et les comportements normalement admis. Le gay ou le gay
friendly font partis de la culture médiatique actuelle tout en
restant cantonnés dans certains contextes. Ainsi, c'est pendant le mois
de juin, mois des Gay Pride que l'Observatoire du traitement de
l'homosexualité dans les médias339(*) constate le pic de représentation le plus
important. Ainsi, si auparavant, les homosexuels desservaient une image
stéréotypée de l'homosexualité que ce soit
masculine ou féminine, aujourd'hui, avec les différents
débats qui ont eu lieu que ce soit à propos du PACS ou encore
à propos de l'homoparentalité, les gays et les lesbiennes
à l'écran véhiculent, selon un certaine volonté des
médias certainement, une image lisse et normée sous peine
d'être taxée de racoleur. Thomas, gagnant de Loft Story
deuxième saison, et Anne-Laure ont joué ce rôle de
façon à encadrer une certaine minorité, alors que comme
nous le verrons plus loin, les cultures dites homosexuelles inventées
tout au long du siècle précédent se voulaient
résistantes face à la normalité340(*).
Ce
constat se répercute dans le discours des fans, que ce soit dans les
messages du forum de discussions ou dans nos entretiens. Il coexiste deux
formes de légitimation de l'homosexualité d'Anne-Laure et le
degré d'implication dans une de ces deux formes va dépendre d'une
part de l'âge mais aussi du niveau social et du niveau scolaire de la
personne membre : les plus jeunes ont tendance à mettre en avant
ses talents et à cantonner son coming out à la sphère de
sa vie privée, alors que lorsque l'on se rapproche de l'âge moyen
des membres, c'est-à-dire celui de la chanteuse (21 ans), il est
plutôt question de mettre aussi en avant le fait que le coming-out a
été une occasion de se créer une image positive ; de
même les plus dotés socialement vont avoir un regard plus critique
à ce sujet, en nous parlant de leur propre expérience. Ainsi,
certaines voient en Anne-Laure l'icône lesbienne qui manquait au paysage
médiatique français, d'autres dénoncent la mise en avant
de ce côté intime de sa vie en prônant un réel
cloisonnement entre ses fonctions artistiques et sa vie personnelle, ce sont
souvent ceux-là qui assimile l'homosexualité à un
secret341(*) :
o
« En tant que gay, je peux dire que je suis fière de mon
icône »
o
« J'ai toujours soutenu Anne-Laure pour des raisons purement
artistiques »
o
« Sa sexualité ne me regarde pas »
o
« Au risque de paraître un peu réac, je trouve dommage
qu'Anne-Laure ait tendance à trop se livrer aux médias
homos »
Ceux qui disent respecter sa vie personnelle le font sous couvert de
justifications, mettant en avant notamment leur sexualité :
o
« De toutes façons, je suis un mec et je suis
hétéro, donc à priori je n'ai aucune chance avec
elle... »
Ces
derniers refusent de voir leur site se sectoriser, devenir un site pro-lesbien,
et refusent l'idée que leur vie sexuelle dicte leurs goûts, leurs
comportements. Portant, certaines de ces mêmes membres mettent en ligne
leur vie dans des blogs, et notamment en avançant sur le terrain de
l'homosexualité. Nous ne remettons pas en cause la
sincérité des propos tenus dans les messages, cependant la
volonté de rester quelqu'un d'ouvert et de non-circonscrit à la
sphère homosexuelle de leur vie se fait largement jour.
De
plus, si au commencement du forum, les sujets touchant à la
sexualité de la chanteuse s'enchaînaient :
o
« Anne-Laure : une nouvelle icône gay ?Je lance un
sujet brûlant, qu'en pensent nos membres ?
Défoulez-vous ! Je veux dire par là...ouvrez votre coeur sur
ce sujet que les fans ne peuvent ignorer...pas de
tabou ! »342(*)
o
« Notre site gay friendly : qu'on nous traite d'homophobe me
fait bien rire »343(*)
aujourd'hui,
cela devient complètement tabou, et certains sujets jugés un peu
trop axés sur l'homosexualité d'Anne-Laure sont clairement
censurés, c'est-à-dire qu'ils sont immédiatement
retirés par les modérateurs ; la nouvelle charte stipulant
bien qu'il s'agit d'un site de fan et que par conséquent, la vie
privée de la chanteuse devait rester privée. Nous le verrons par
la suite lorsque nous aborderons les règles que ce dernier dicte
à ses membres.
La
publicité semble, elle aussi, un bon révélateur de la
prise en compte de l'homosexualité dans les médias et ses
représentations. Comme tout discours médiatisé, elle et
l'objet d'un double rapport avec la société qui la produit. A la
fois, reflet et symptôme, elle est en outre, du fait de sa puissance
évocatrice, un acteur agissant dans les mentalités344(*). Puisqu'il s'agit
d'économiser du temps et de l'espace, le discours publicitaire est un
discours qui ne peut être que réducteur et simplificateur. Il n'a
fait donc que renforcer, à une certaine époque, la
représentation stéréotypée de
l'homosexualité essentiellement masculine, même si aujourd'hui son
intention est plutôt liée à la légitimité
sociale croissante de l'homosexualité, mais aussi à un marketing
qui tente de cibler un certain public. En effet, à la fin du
millénaire, la publicité connaît un tournant avec
l'émergence de cette nouvelle cible marketing bien structurée et
d'un marché spécifique : les homosexuels eux mêmes
jouant quelques fois encore sur les clichés345(*). Les lesbiennes semblent
toutefois tenues à l'écart de ce phénomène, elles
restent relativement absentes des publicités ou lorsqu'elles y
apparaissent, c'est dans une imagerie hétérocentrée. En
effet, la vague de ce que l'on a appelé le « porno
chic » en publicité à partir de 1995, a
favorisé le « développement du fantasme masculin
archétypique de la lesbienne hyper-sexuée »346(*). Le fait de mettre en
scène des lesbiennes contribue surtout ici à alimenter de vieux
fantasmes hétérosexuels masculins, voire machistes.
Tout
se passe comme s'il ne fallait pas « choquer » le
public dit universel, et donc leur donner des images de l'homosexualité
et de la sexualité en général qui les rassurent ou les
confortent dans leurs représentations. Ainsi, lorsqu'en 1994, la
première soirée du Sidaction347(*) est diffusée sur les
chaînes de télévision, les reportages font quasiment
l'impasse sur les modes de contamination sexuels du virus en accordant la plus
grande place aux questions du sang contaminé, des drogués et de
la transmission du virus de la femme enceinte à son bébé.
En ce sens, la médiatisation d'une candidate lesbienne d'une
émission de télé-réalité, même si elle
apparaît normée, ou qu'elle est jugée comme étant un
« coup médiatique », comme cela a pu
être reproché au coming-out d'Amélie Mauresmo, permet une
visibilité quotidienne de l'homosexualité, étant
donné la proximité des participants avec le public. Comme les
personnages de sitcom348(*), les candidats sont familiers :
« on m'a dit qu'en matière de lutte contre l'homophobie
j'avais fait beaucoup. Au départ je voulais juste qu'on m'accepte [...]
mais après tu te rends compte que ça s'élargit, que tu
deviens le stéréotype d'un groupe, d'une
communauté »349(*).
3.
Les recours du minoritaire
Lorsqu'un
programme aborde le sujet de l'homosexualité, le message qu'il transmet
va d'abord être reçu par des spectateurs ou des auditeurs
attentifs, c'est-à-dire, relativement concernés par le
sujet : ce sont toujours les personnes déjà
intéressées par la problématique d'un message qui sont
disponibles pour le recevoir, et ensuite tenter de le faire diffuser d'une
manière plus large. En ce sens, les festivals de cinéma gay et
lesbien touchent avant tout un public gay et lesbien et que très
minoritairement le grand public.
Les gays et les lesbiennes ayant conscience de faire partis d'une
minorité, ont besoin, comme toute personne cherchant des repères
constructifs, d'une image, ils sont donc à l'affût du moindre
appel, de la moindre ambiguïté, de la moindre
révélation, quitte à déformer parfois quelque peu
les images, et quitte à, comme nous le verrons plus après,
à ériger certaines célébrités en
icônes sous couverts de quelques doutes ou simplement parce qu'elles ont
à un moment donné joué la carte de l'ambiguïté
sexuelle, que ce soit dans l'attitude ou dans les oeuvres. Ainsi, les membres
interrogés nous ont fait part de leur prise de conscience de
l'homosexualité d'Anne-Laure, en mettant soit en avant une
sensibilité différente, un look différent ou tout
simplement la mise en marche de leur « sens
pratique » :
o
« Sa sensibilité a été pour moi...un
déclic »350(*)
o
« Je dirais tout simplement qu'elle avait un style différent
des autres »351(*)
o
« J'avais lu un article disant que dans le château, il y avait
une fille qui avait dit qu'elle était lesbienne...du coup j'ai
regardé et bon ben j'avais compris de suite que c'était
elle »352(*)
o
« J'ai accroché sur son look »353(*)
o
« Je l'ai su dés la première fois que je l'ai vue
qu'elle était gay...ça doit être mon
antenne »354(*)
De
plus, ces images récupérées sont mises en avant dans
différents médias et alimentent l'existence de certains
goûts communs aux gays et/ou aux lesbiennes, de sorte à construire
artificiellement l'idée d'une culture médiatique propre. Le
groupe minoritaire valide son entrée dans le majoritaire par la
récupération et l'appropriation de certaines
représentations, de certains codes, de certaines figures. Tout le groupe
minoritaire est sensé se retrouver dans ces représentations,
moyennant à un niveau plus ou moins conscient, un but, un cadre de
référence et un vécu commun, entraînant une
idée de cohésion du groupe, c'est-à-dire
« la totalité du champ des forces ayant pour effet de
maintenir ensemble les membres d'un groupe et de résister aux forces de
désintégration, de l'attrait global du groupe pour tous ses
membres, l'accent pouvant être mis tantôt sur l'aspect fonctionnel
de contrôle, de normalisation, de pression vers l'uniformité,
tantôt sur l'aspect émotionnel de spontanéité
collective et le sentiment du « nous » de
« l'être ensemble » »355(*).
Dans
notre cas, les facteurs de la cohésion du groupe proviennent d'une part
de critères socio-affectif, les membres du groupe de fans ont un attrait
pour un but et/ou un goût commun, un attrait pour l'action collective
notamment à travers l'existence du forum de discussions, et l'attrait
pour l'appartenance au groupe favoriser par l'emploi massif du
« nous »; et d'autre part, de critères
opératoires et fonctionnels, c'est-à-dire, que le fan-club a
aussi des fins informatives sur l'artiste dont chaque membre est demandeur.
Cela signifie aussi que certains membres ont des rôles bien précis
dans cette action collective et qu'il existe pour cela un leader. Ici, le
leader est représenté par les modérateurs du site. Il a
des fonctions socio-opératoires : il s'occupe des opérations
concernant l'information et la méthode de travail (les
modérateurs dictent les normes du forum de discussions), des
opérations concernant la coordination des apports et des efforts (ils
mobilisent les fans pour les événements) et des opérations
concernant les prises de décisions. Il a également des fonctions
socio-affectives : les modérateurs interviennent à la
stimulation et au soutien des membres et à la facilitation sociale,
c'est-à-dire, qu'ils arrangent les différents problèmes
d'entente dans le groupe. Et enfin, il est l'intermédiaire entre
l'artiste et les fans. Celle que l'on nomme la
« Choupichef » est très souvent
citée dans les messages des membres, comme si le site était
devenu le site de Wilo (pseudonyme de la modératrice en chef, et
l'initiatrice du site et du forum) plus que le site officiel d'Anne-laure. Les
membres usent de termes honorifiques pour parler d'elle, il peut ici s'agir
d'une véritable forme d'affection, ou d'une stratégie visant
à obtenir les faveurs de la personne qui détient le pouvoir sur
le forum356(*) :
o
« Merci Chef de remettre les choses à leur
place »
o
« [...] ma Webmother »
o
« [...] ma Wilo qui compte tant »
o
« [...] ma petite Wilo [...] ma pupuce »
o
« Pour moi, tu es un être
exceptionnel »
o
« Tu es tout simplement parfaite »
o
« Pour moi Planète, c'est avant tout chez Wilo...et
après seulement arrive la Choup' »
En
effet, les modérateurs ont le pouvoir de faire évoluer les
membres vers des statuts plus importants ; nous avons pu
déjà noté les différentes distinctions existantes,
elles sont valorisantes et valorisées aux yeux de tous, elles
confèrent une certaine légitimité357(*) :
o
« T'as de la chance, moi j'en ai marre d'être
planétalienne »
o
« Tu n'as juste qu'à être présente et actif sur
le forum et ton tour viendra »
Ainsi,
pour engendrer une certaine reconnaissance, le minoritaire va
récupérer un certain nombre d'images, d'oeuvres ou de
personnalités à son compte, même si au départ tous
ces éléments vont partis d'un univers symbolique commun qu'il
partage avec le majoritaire. Les conduites des minoritaires apparaissent comme
des réponses à des impératifs de la société
majoritaire et leur propre identité se déploie dans un premier
temps à partir d'une reprise des impératifs qui leur sont
donnés par la culture majoritaire où ils vivent et dont ils
dépendent358(*).
Certains
programmes ont donné lieu à de véritables
« cérémonies
télévisuelles » regroupant le public assidu, les
fans de telle ou telle série par exemple. Dynasty a pu jouer un
rôle important dans des communautés gays américaines parce
que ces publics avaient pris l'habitude de se rassembler lors des
diffusions359(*). De
plus, être fan de Dynasty et participer aux soirées
organisées lors de chaque diffusion d'un épisode, c'est d'abord
affirmer son homosexualité. Ces soirées fonctionnent donc comme
des rites d'affirmation permettant le partage identitaire. La
communauté, comprise comme une sorte de tribu ou de clan, y
réaffirme sa présence et y reconstitue son unité.
II
) LA GESTION DE L'IMAGE
Les images que diffusent les médias sont contrôlées, mises
en scène, voire même manipulées et censurées. Les
masses culturelles peuvent s'illustrer par le système
totalitaire360(*),
profitant du désarroi d'un public pour s'installer en proposant une
certaine image maintenue dans les représentations collectives dont le
rôle est de sceller l'union des masses. Certains produits culturels ou
images font obstacles à la réalité, sont utopistes mais
sont largement diffusés, « et les stars qui vendent ces
produits sont les façades des industries du
divertissement »361(*). Star Academy pré-fabrique des
stars, et Anne-Laure aussi est façonnée d'une certaine
manière, sa production voulant gommer quelque peu l'image de
l'icône lesbienne362(*) qu'elle est devenue malgré elle après
son coming-out discret mais repris dans la presse. Aujourd'hui, la
télévision semble régir un certain nombre de
représentations majoritaires mais aussi minoritaires comme nous l'avons
vu, elle a le pouvoir de « montrer les choses » au
plus grand nombre, et elle offre au public ce que celui-ci demande. Nous avons
vu qu'elle permettait de créer du lien, le fan-club est l'exemple de ce
lien ; mais comme toute production médiatique, le fan-club est
aussi géré parfois par des manipulations et des censures.
1.
Des usages de la notoriété : le cas des icônes gays et
lesbiennes
Les
médias font parfois référence, à travers une
émission de télévision, d'un reportage ou dans les
colonnes people de l'actualité de certains sites gays ou lesbiens,
à ce que l'on appelle les icônes gays ou dans un moindre cas, les
icônes lesbiennes. La presse gay que nous avions étudiée
auparavant validait largement leur existence, un magazine avait même
été lancé, sans succès, et se proclamait
« magazine de la culture gay »363(*) véhiculant un
certain nombre d'égéries des gays de toutes sortes.
Les
icônes gays sont généralement des femmes, des artistes, des
chanteuses. Aujourd'hui, ce terme est couramment employé, pour parler
par exemple de Madonna, Mylène Farmer, Barbara ou encore Sheila.
Certains vont mettre en avant le fait que ce qui attire les gays, ce ne serait
pas la femme mais l'essence absolue de la femme, sa représentation
fantasmée, son image parfaite364(*). Ainsi, les gays s'éprendraient des divas,
symbole de la femme idéale et inaccessible, même si nous sommes en
droit de questionner la légitimité de considérer certaines
chanteuses comme Sheila ou Kylie Minogue comme des divas. Cet amour sans
désir trouverait même sa réalisation dans un
« fétichisme des plus fervents », certains
vont jusqu'à écrire qu'elles sont « les stars
incontestées du panthéon gay » et formeraient
« incontestablement une culture gay ». Ces
artistes cultivent plus ou moins leur rôle d'icône gay.
Cet
engouement est différent chez les lesbiennes : on parle
d'icône lesbienne, lorsqu'une certaine personnalité
révèle son homosexualité, comme c'est le cas actuellement
pour Amélie Mauresmo ou Anne-Laure. Nous avons fait l'expérience
en tapant « icônes lesbiennes » dans un
moteur de recherche sur Internet, puis « icônes
gays ». Les premiers résultats nous renvoyaient à
des noms tels que la chanteuse à l'image ambiguë Tracy Chapman, la
série lesbienne « The L Word »,
Amélie Mauresmo, la chanteuse lesbienne Mélissa Etheridge, le
groupe russe lesbien Tatu, les marseillaises du groupe des Belladonna, la
comédienne Ellen Degeneres de la série
« Ellen ! » ouvertement lesbienne, ou encore
le groupe lesbien Indigo Girls ; les seconds résultats renvoyaient
à des noms comme Dalida, Mylène Farmer ou Madonna.
Ce
constat peut s'expliquer par le fait que les lesbiennes, plus que les gays
cherchent à se voir représenter car elles sont le plus souvent
soumises à l'indifférence. La visibilité va alors se
trouver au coeur même des enjeux liés à la reconnaissance
des droits des minorités dans l'espace public. De plus en plus, les
lesbiennes produisent leur propre image dans les médias et le discours
public. Dés lors, il ne s'agit plus uniquement d'être
filmés par la caméra comme un objet de regard, mais aussi
d'intervenir directement sur l'image de soi que les médias et les
discours publics reproduisent et font circuler. Dans cette logique de
marché, le droit d'être vu et entendu, d'être visible,
devient un part essentielle d'une « économie identitaire
dans laquelle la marchandisation du corps lesbien est une valeur à la
hausse dans la mesure où sont respectés les préceptes
capitalistes de la saine compétition pour le maintien de
l'ordre social365(*) ». Il en découle des
conséquences sur la façon de s'auto-présenter comme
lesbienne. Cette économie identitaire va avoir une influence
sur la perception de l'identité lesbienne. Ce que l'on voit à
l'écran va immanquablement se ressentir dans l'espace public.
La mise en avant d'icônes est investie, comme la valorisation de culte
médiatique366(*),
de revendications identitaires, elle fédère les membres d'une
même génération ou d'une même minorité autour
de styles de vie ou goûts communs, elle traduit des stratégies
d'affirmation de soi, elle apparaît comme rassembleuse et distinctive,
puisque c'est quelquefois en fonction des goûts et des valeurs que nous
sommes renseignés sur l'affiliation identitaire d'une personne.
2.
L'éphémérité et la multiplicité de
l'«être star» : le rôle du fan-club
dans la construction d'une carrière
Aujourd'hui,
la première remarque que l'on peut faire est qu'il faut d'abord passer
à la télévision pour pouvoir espérer devenir
« star » ; nous prenons ce mot au sens
médiatique du terme, étant donné que n'importe qui passant
à la télévision devient une star, il n'y a plus vraiment
de mythe367(*) autour
des vedettes du petit écran. Au sein des émissions de
télé-réalité, la vocation artistique qui fait le
plus recette est celle de la chanson. Les chaînes françaises,
comme TF1 ou M6, l'ont bien compris en créant une filiale, une
société de production de disques. Ce qui explique le rôle
du média télévision dans la promotion d'un artiste. Il
s'agit alors d'un phénomène de masse « vite
fabriqué, vite consommé et vite jeté ». La
musique que la télévision propose est un simple produit marketing
destiné à vendre toujours plus de disques, notamment aux
adolescents, cible privilégiée des ventes.
Ainsi, la télé-réalité aide à devenir
célèbre rapidement mais ne promet une carrière d'artiste,
ce procédé est contesté par certains comme étant la
starisation de l'artiste moderne comme la première marche vers la
disparition de l'artiste, vers la transformation progressive de l'art en
instrument de communication. Pierre-Yves Garcin, directeur commercial de
« Une musique », filiale disque de TF1 parle
d'alliance objective entre la télévision et la musique, il
confirme alors un fait établi : la musique est désormais un
simple business, le disque, un pur produit et le chanteur, une marionnette dont
les fils sont tirés à la fois par les maisons de disques et par
la télévision. Prenons le seul exemple de Star Academy
qui développe une véritable économie parallèle
notamment par la création de produits dérivés et la vente
de ses licences. Pour Star Academy saison 3, TF1 a remporté 130
millions d'euros rien qu'en produits dérivés, appels
téléphoniques et surtout en recettes publicitaires (Star
Academy saison 2 : 105 millions d'euros, Star Academy saison
1: 60 millions d'euros). De plus, la liaison entre télévision et
musique a des répercutions sur d'autres secteurs comme la presse pour
adolescents et la presse people. TF1 a lancé le « Star Ac
Mag », un mensuel vendus environ à 350 000
exemplaires où l'on parle des candidats du moment, des candidats
précédents mais également d'artistes en vogue et touchant
le même public que celui de Star academy. Le coming-out
d'Anne-Laure est bien sûr pas ou peu abordé dans les magazines
pour jeunes368(*)
où l'on préfère évoquer son côté
« sportive, battante » ou poser à
côté de son idole « venue assister au
show », Amélie Mauresmo ou encore dire qu'elle
« apprend à être féminine »,
un seul article titrait : « il n'y a pas de honte
à préférer les filles ». La presse dite
« people », au contraire, s'oriente plus
généralement sur la vie sentimentale des
célébrités et Anne-Laure ne fut pas
épargnée, on la voit notamment en compagnie de sa petite amie de
l'époque, ou tout dernièrement à la une d'un magazine avec
celle qui va devenir sa femme en Belgique dans les mois à venir.
Ce marché fonctionne sur l'identification, les producteurs ont vite
compris que les cibles étaient les adolescentes qui s'identifient de
plus en plus à leur soeur aînée ou à leurs idoles et
adoptent les codes de l'adolescence où l'apparence est décisive.
A travers leurs mimiques, elles s'essaient à être. C'est le
travail de l'identité. Or les normes de l'apparence sont fortement
induites par les médias, la publicité et le star system. Nos
enquêtés nous ont parfois révélé qu'elles
avaient adopté pour un temps l'apparence vestimentaire
d'Anne-Laure.
Nous
sommes ici dans un monde marchand où règne le profit avant toute
chose. Les caractères internes du star-system sont ceux même du
grand capitalisme industriel, marchand et financier. Le star-system est d'abord
une fabrication369(*).
Le site Internet pourrait d'ailleurs être utilisé comme portail
avec des arrières pensées commerciales et lucratives, comme
peuvent l'être les sites destinés à des groupes
spécifiques comme par exemple, le site Adventice de vente en
ligne de produits socio-culturels entre autres, qui s'adressent aux gays et aux
lesbiennes. Cette contrainte économique doit être prise en compte
dans la construction de la notoriété qui doit forcément
obéir à une loi du marché qui offre donc une logique
d'action propre à celui-ci370(*).
Dans
un contexte de guerre concurrentielle, le système médiatique a
frénétiquement besoin de célébrités. Il veut
les produire vite et les exploiter à chaud. C'est exactement ce qui se
passe après que les candidats soient sortis du château de Star
Academy. De la même façon que la série
« Hélène et les garçons »
étudiée par D. Pasquier, Star Academy
génère de grands groupes de fans qui passent d'abord par la
constitution d'un public, d'une audience. Le cadre autour de la série
est le même que celui que l'on trouve autour de l'émission. Il est
géré par une société de production, plus ou moins,
indépendamment de la chaîne qui diffuse le programme, il donne
lieu à des fanzines consacrés exclusivement à la
série ou à l'émission, il se décline en une
multitude d'objets merchandising et donne donc l'occasion aux fans de devenir
de véritables petits collectionneurs (Images Panini, tee-shirts,
casquettes, disques, livres, vidéos, vêtements et accessoires en
tout genre), sachant que la collection sera
éphémère ; la série
« Hélène et les garçons » ne
pouvant pas durer éternellement et une promotion de Star
Academy ne durant qu'une année (après on choisit de suivre
tel ou tel personne qui continue une carrière en solo ou bien on se
replonge dans la nouvelle promotion de l'année).
Autour
de ce fan-club, autour de l'artiste gravite un certain nombre de personnes.
Même s'il s'agit ici d'un art mineur, on pourrait considérer ce
groupe de personnes comme un réseau qui coordonnerait leurs
activités pour la production d'une oeuvre371(*), ou même d'une
artiste. La production aurait donc une dimension collective, H.S.Becker parle
de réseaux coopératifs372(*) avec une segmentation du travail en tâches
diverses allant de la conception des idées à
l'appréciation et la critique. Les préoccupations
esthétiques, financières et professionnelles sont
différentes de celles de l'artiste. Chacun obéit à des
normes et à des préoccupations propres. L'artiste est
dépendant d'une part des ressources matérielles mais aussi, et
peut être même surtout, des ressources humaines pour produire et se
faire connaître. La mobilisation des ressources va plus ou moins influer
sur le projet initial de l'artiste.
Dans
notre cas, les ressources humaines ont la plus grande importance. Pour notre
part, ces ressources engloberaient également le public, sans qui il n'y
aurait pas d'artiste, de vedette. C'est à travers le public que peut se
construire une quelconque notoriété mais aussi à travers
les intermédiaires spécialisés qui s'en occupent, en
obéissant à des intérêts souvent différents
de ceux des artistes dont ils diffusent les oeuvres. Ici nous parlons des
producteurs, des attachés de presse...du monde des affaires qui fait
également parti du monde de l'art. Il peut, comme le montre certains
messages, parfois y avoir des conflits entre la production qui veut
générer une certaine image de son artiste, le public qui se
réapproprie cette image comme il le souhaite (notamment en
érigeant Anne-Laure en icône lesbienne) et les fans qui sont entre
les deux et qui tentent de gérer la carrière de l'artiste de
façon à suivre les exigences de la production tout en mettant en
avant certains aspects de leur vie personnelle. Ces personnes cherchent
à « produire » et diffuser l'oeuvre la plus
rentable et pas toujours forcément pour son côté
esthétique. A ce sujet, nous avons pu participer à la discussion
concernant le choix du premier single d'Anne-Laure ; malgré
l'unanimité que faisaient certains titres forts, comme notamment un
titre contre la pédophilie, le producteur a opté pour un titre
plus commercial, plus passe-partout et traitant d'un sujet léger, et
surtout pas tabou. Nous voyons bien sûr les enjeux que peuvent
représenter la sortie du tout premier single. L'art commercial est fait
pour répondre à une demande de plus en plus
éphémère.
D'une
manière générale, la constitution sur Internet d'un
fan-club tend à produire le phénomène grandissant de la
carrière de l'artiste autant qu'il le décrit.
2.
La mise en place d'un système normé : les règles du
fan-club
Ainsi,
il nous paraît juste d'inclure le regroupement des fans dans ces
réseaux coopératifs. Il semble être au coeur d'un
système mis en place au profit de l'artiste. Derrière un effort
de solidarité à l'oeuvre dans un tel rassemblement de personnes,
la production y voit peut-être des enjeux économiques importants.
Ce thème a fait l'objet d'un questionnement. Il est, en effet, paradoxal
d'avancer qu'il peut y avoir des solidarités d'un certain type dans un
tel système, d'autant plus lorsque l'on sait qu'il provient d'un
système encore plus construit et médiatisé qu'est celui
d'un programme télévisé comme Star
Academy.
Ce regroupement pourrait se définir en terme d'équipe au sens de
Goffman373(*), comme un
ensemble de personnes coopérant à la mise en scène d'une
routine particulière. En étant membre d'une équipe, les
acteurs se trouvent placés dans une étroite relation
d'interdépendance mutuelle. Cette mise en scène se retrouve,
notamment dans les messages émanant de la production d'Anne-Laure ou
bien des modérateurs du site Internet et du forum. C'est le cas en
particulier des messages de mise à contribution ou de mobilisation qui
s'avèrent être bien réglés et organisés par
la production dans le but de promouvoir au mieux la carrière de
l'artiste. Le producteur « dicte » en quelques
sortes l'attitude que les fans doivent avoir. Il fait très attention
à l'image de sa protégée, et cette image passe
évidemment par le fan-club, par les fans. Selon E.Goffman, tout membre
de l'équipe a le pouvoir de « vendre la
mèche », de casser le spectacle par une conduite
inappropriée.
Voilà ce que les membres ont pu recevoir lors de la sortie du premier
single d'Anne-Laure :
Sujet:
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Soutien
intensif au "démarrage médiatique" d'Anne Laure
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Anne-Laure,
à 1 mois de la sortie de son single, est à un tournant
décisif de sa "vraie" carrière. Le succès de son
single, et pour cela la campagne de promotion radio TV qui va l'introduire,
sera décisive.
Le Producteur fait appel au partenariat et au
"relais" des fans, par l'intermédiaire des administrateurs de ses 2
sites Planète et AL.net qui sont plus que jamais unis dans leur soutien
à Anne-Laure. Il faut appuyer cette campagne et garantir son
succès. Mais il faut le faire avec intelligence et avec naturel, et pas
de manière excessive et fanatique. Pour cela nous avons
décidé de ne pas faire un affichage de consignes publiques sur
nos forums. Voici la méthode que nous proposons : 1/ Nous ferons
figurer , au fur et à mesure, dans le forum A-L officiel, les dates de
passage d'A-L sur les radios, et les coordonnées (phone ou mail) de la
radio. Nous ouvrons pour cela un post "passages radio d'A-L" dans le forum A-L
officiel. 2/ Ensuite, chaque fois que le titre est entendu sur une radio,
le fan qui l'a entendu pourra appeler la radio pour dire qu'il a aimé.
Surtout, il pourra faire passer l'info à son "réseau" ou poster
dans le forum single -album des sujets tel que " j'ai entendu Imagine sur telle
radio"...en donnant le jour et l'heure, mais sans donner de consigne de
"matraquage". A partir de ces infos, vous pourrez, à votre tour,
appeller le media, ou lui envoyer un email pour dire que vous avez aimé,
remercier, redemander le titre, etc... Soyez NATURELS, ne montrez pas que
vous êtes fans de la première heure, il faut que la radio ait
envie de vous croire et de vous faire plaisir (sinon, ça peut faire
l'effet inverse). 3/ Utilisez votre "réseau" d'amis (mail, msn,
MP...) pour faire passer vos infos. Anne-laure a besoin de chacun.
Retransmettez ce message à vos amis. Si vous l'avez reçu
en email, quand vous le retransmettrez à vos amis prenez soin d'effacer
la liste des destinataires précédents, pour ne pas multiplier les
risques de diffusions de virus ! Merci à tous. Votre action dans les
deux mois à venir, même si elle vous paraît microscopique,
sera décisive. La choupiteam d'Annelaure.net
1ère
action concrète : samedi 9 octobre Montivilliers. Anne-Laure sur Radio
Résonance 02.35.28.78.7 ou par mail (directement sur le site
www.resonance.best.cd )
Cathy et la choupiteam. Bisous.
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Le forum exige des règles : il faut bien sûr
se respecter les uns les autres, ne pas tenir de propos déplacés,
respecter la vie privée d'Anne-Laure, tout un ensemble de règles
éthiques et juridiques mais aussi une sorte d'habitus de membre, chacun
doit savoir où poster son message, il faut pour cela respecter les
catégories du forum, les modérateurs étant là pour
rappeler à l'ordre ceux qui se tromperaient. Il existe d'ailleurs une
charte qui figure en annexes. Les anciens membres sont là pour rappeler
les « nouveaux » à l'ordre, pour leur
inculquer les règles en vigueur. Ils vont employer un ton
supérieur et bienveillant alors que les nouveaux ne vont cesser de
s'auto-justifier à chaque fois qu'ils vont poster un sujet374(*) :
o « Je vous écris ce post pour
m' excuser de ma trop rare présence »
o « Je sais que je vais me faire taper sur les
doigts parce que ce mail n'a rien à voir avec Choupi
mais... »
o « je suis désolée du message
qui va suivre »
Les anciens se considèrent un peu comme la
relève de l'équipe modératrice. Beaucoup proposent leur
service afin de « soulager » le travail des
modérateurs. Quelquefois leur zèle conduit à une trop
grande distance avec les nouveaux membres. Quelques sujets ont
été lancés afin de se plaindre de la difficulté de
s'intégrer sur le forum : « c'est cool d'être
apprentie choupifan mais c'est chaud de s'intégrer quand on
débarque... »375(*). Ainsi nous avons bien ici le sentiment de
l'existence d'un clan, d'une tribu et des problèmes d'intégration
que cela engendre.
Les nombreuses justifications, les auto-justifications qui ont
été repérées très souvent en début de
sujet montrent également à quel point les membres tiennent compte
des autres. En effet, tout est fait pour ne pas les choquer, les offusquer, les
déranger, un peu comme s'il y avait des codes à respecter. Il y a
plusieurs sortes de justification. Celles qui justifient le fait de dire
certaines choses par des excuses (1), ou encore des affirmations(2), ou encore
des caractéristiques propres à la personne (3). Par
exemple :
(1)
o « Pardonnez moi si vous l'avez
déjà lu »
o « Afin de ne pas raconter ma vie (on me l'a
assez reproché à mon arrivée, je crois alors que je ne
vais pas recommencer)... »
o « Désolé d'avoir ouvert un
sujet parlant de moi »
(2)
o « Nous parlons moins d'homosexualité
que d'autres sites sur elle, c'est vrai ! »
o « Je sais que tous les fans d'AL ne sont pas
homos... »
(3)
o « Avant qu'on me traite d'homophobe, je
précise que pour moi, le terme « gougnette » est
affectueusement gentil et vice-versa »
o « De toutes façons, je suis un mec et
je suis hétéro... »
o « Je précise que je suis un gars
hétéro... »
o « Je suis homo, j'ai 35
ans... »
Les justifications permettent également de ne
pas « sortir » du cadre du forum,
c'est-à-dire, étant donné que les règles sont
strictes et que les modérateurs veillent à ce qui est dit, le
fait de se justifier minimise ce qui pourrait éventuellement
déranger et ainsi cela permet au membre en question d'éviter la
sanction ou la réprimande. Les guillemets comme les parenthèses
ont également, une valeur de justification, et sont utilisés
notamment pour des termes qui peuvent être discutables et
discutés, des termes qui ne sont pas neutres. Ils peuvent aussi
être utilisés lorsqu'un membre emploie un mot ou une expression
qui ne peut se comprendre qu'entres membres. Dans les rares sujets
évoquant clairement l'homosexualité, les guillemets sont
massivement employés : « gougnette », la
« communauté gay », un passage
« obligé » qui ne la suivra pas forcément
toute sa carrière, [...] ne fait que « victimiser »
la différence, devenir la « mascotte »,
« coming out », communauté
« lesbienne », certains consommateurs
« hétéros », sa
« différence »,
« sexualité », « gay friendly »,
je viens « prendre de ses nouvelles », un site
« neutre », « homosexualité »,
qu'elle soit « récupérée » par la
« communauté », des personnes « comme
elle ». Ce qui révèle une sorte de malaise face
à ces sujets, malaise qui se justifie par la censure des
modérateurs à ce propos.
Le fan-club se trouve donc dans une double position, celle de
défendre les intérêts d'une artiste sous couvert de
défendre les intérêts de ses membres, cependant ces
derniers peuvent l'utiliser dans un souci de cohésion, de lien social
avec ceux qui leur ressemblent, mais toujours en prétextant le faire
dans le cadre d'un goût commun pour la chanteuse ici
représentée.
III ) LA MOBILISATION ET LE SOUTIEN DES
FANS
Ce terme de fan est assez récent dans notre
vocabulaire, il date de 1958, il est une abréviation du mot anglais
fanatic, signifiant admirateur. Le fan, serait alors, d'après
le dictionnaire usuel : un admirateur enthousiaste d'une vedette.
Ce terme semble être indissociable de l'avènement de la pop music
avec l'engouement des jeunes gens pour des groupes comme les Beatles ou des
chanteurs comme Elvis Presley. Le peu d'études sociologiques faites
à ce sujet portent d'ailleurs sur ces artistes là
considérés comme des mythes, comme des objets de culte. Ce culte
donne à voir la formation d'une sorte de « groupe
religieux »376(*) autour d'une figure charismatique largement
sacralisée et célébrée comme celle du King. A
partir de ce groupe peut s'élaborer une identité sociale et
collective, se créer du sens collectif, des significations
individuelles, alors que l'on tend à constater la fin des grands
dispositifs producteurs de sens. Dans ce cas là, on peut parler de
communauté émotionnelle ou même de
fratrie imaginaire, et le fait d'être fan joue sur la
construction identitaire des individus377(*). Aujourd'hui, la star est de plus en plus
banalisée, elle devient plus présente et plus intime, elle est
souvent à la disposition de ses admirateurs, nous ne sommes plus dans le
registre mythique des stars hollywoodiennes de la grande époque du
cinéma décrite par E.Morin378(*).
1. Retour sur la notion de fan
Le terme « fanatique » provient
du latin « fanaticus » signifiant
« le serviteur du temple », et de
« fanum » qui signifie « le
temple », il est employé ainsi depuis 1532. C'est
à partir de la seconde moitié du 18ème
siècle que l'on parle du verbe
« fanatiser », c'est-à-dire, rendre
fanatique : ses discours fanatisent les foules, on peut citer ici
l'exemple de la montée des fascismes en Europe avec à leur
tête des dictateurs capables de telle fascination sur la population. Le
fanatisme se définit alors comme l'attitude de celui qui croit de
façon aveugle à un dogme, un homme, une idée, un
parti...et qui se comporte en conséquence. Au 18ème
siècle, le mot fanatisme est opposé à celui de
philosophie. Le fanatique est celui dont la conviction est telle qu'elle le
rend incapable de juger par lui-même, ni d'envisager, ou même de
tolérer, tout autre option que la sienne. Comme l'explique le philosophe
Alain, paradoxalement, le fanatique s'appuie sur cette idée juste selon
laquelle « il n'est point de vérité qui subsiste
sans serment à soi » : considérant
abusivement son opinion comme une vérité, le fanatique refuse en
conséquence d'en changer ou qu'autrui puisse en avoir une
différente. Il existe beaucoup d'a priori sur les fans, ils apparaissent
quelquefois comme une « [...] sorte d'adolescent
aliéné, dépourvu de personnalité, manipulé
par l'industrie du show-business [...] »379(*).
Le parcours de fan pourrait, selon certaines transpositions,
ressembler, dans la forme, à la construction de la carrière de
déviant380(*) au
sens où l'entendait H.S.Becker, et notre analyse, parallèlement
à celle de C.Le Bart va nous guider dans notre démarche. Le fan
va passer par un certain nombre d'étapes. La première est celle
de la découverte de la passion : les fans utilisent la
thématique de la révélation pour l'évoquer, il est
même parfois question d'un avant et d'un après381(*) :
o « C'est mon modèle »
o « Elle représente la femme
idéale »
o « C'est la femme parfaite »
o « Grâce à elle, je me suis
découverte »
o « Elle m'a appris indirectement à
accepter mon attirance...à faire le premier pas qui a changé ma
vie »
Même s'il ne s'agit pas ici, comme le veut H.S.Becker
d'une transgression d'une norme définit institutionnellement ou non, le
fait de se particulariser en étant fan de tel ou tel artiste permet
d'éviter de se conformer aux autres, sauf dans le cas des
phénomènes de mode. Dans cette première étape, les
médias jouent un rôle très important, ainsi que
l'environnement dans lequel le fan évolue. Dans notre cas, il s'agit le
plus souvent du milieu familial, qui peut être conciliant et
compréhensif ( « Mes parents trouvaient que
c'était bien que je découvre une autre vision de la chanson
grâce à elle, il m'encourageait à soutenir cette
artiste »382(*)) ou hostile ( « Ma famille ne comprend
pas qu'on puisse admirer une personne qui a cette
différence »383(*) ).
La deuxième étape peut donc être celle de
l'étiquetage du fan, et ce d'autant plus si l'objet de sa passion n'est
pas considéré comme un objet légitime, comme cela peut
être le cas pour les candidats de
télé-réalité, et encore plus lorsque l'objet de la
passion est lui-même stigmatisé, comme cela peut être le cas
pour Anne-Laure384(*) :
o « [mes parents] n'apprécient pas trop
sa différence, ils pensent que la cultive aussi »
o « Anne-Laure = lesbienne, je déteste
cette mentalité. On me traite aussi de lesbienne, alors je
réponds oui, et on me regarde comme si j'étais
bizarre »
o « Bien sûr j'ai eu droit aux questions
genre : tu l'aimes parce qu'elle est homo ? »
Cette étape entraîne la formation d'un univers
à soi comme le lieu d'affirmation identitaire, pouvant être
symbolisé soit par le lieu de vie comme la chambre du fan, soit par son
blog virtuel, soit encore par son intrusion dans un forum de discussions
concernant l'objet de sa passion. L'environnement familial joue, dans cette
étape, le rôle de médiateur. Il participe au processus de
« domestication de la passion ». C'est un
« espace intermédiaire entre l'exclusivité
symbolisée par la chambre (où se déchaîne la
passion) et la censure imposée par la vie sociale »385(*).
Enfin, la dernière étape dont H.S.Becker fait
état est celle de l'entrée dans un groupe déviant
organisé qui va développer chez les individus une identité
déviante. Ici, il peut être question de l'adhésion des
individus à un fan-club, ou au moins la quête du semblable :
la passion n'est pas seulement une affaire d'individualisation, elle aussi
prétexte à relation sociale. Au contact des autres fans se
développent des stratégies identitaires d'affirmation de soi de
plus en plus importantes, il faut montrer et afficher sa passion et
l'inscription dans un fan-club est un rapprochement symbolique avec la
communauté imaginaire. Ce dernier offre des modèles d'affirmation
et de légitimation de la passion, il met à dispositions des
ressources identitaires collectives et confère à ses membres,
fierté, conviction et solidarité, d'autant plus dans un contexte
où ils sont discrédité et marginalisé, comme nous
avons pu le voir dans le cas des icônes gays et lesbiennes. Les messages
utilisant ce genre de vocabulaire thématique ne sont pas en reste, les
membres n'hésitent pas à mettre en avant la subjectivité
de leur propos, demandant des conseils, relatant leurs expériences.
Elles argumentent par la ressemblance des expériences, que ce soit des
expériences de fans, de jeunes filles adolescentes ou de jeunes filles
qui se découvrent lesbiennes et qui sont confrontées à
l'homophobie dans leur vie « réelle »
quotidienne.
Mais derrière cette forme de solidarité se
tissent également des concurrences entre les fans, d'une sorte de
compétition, notamment autour d'un concours de proximité :
« [...] moi, j'ai son numéro de portable »,
« je la connais bien [...] », « son père
m'a parlé plusieurs fois [...] »386(*)...Cela n'a aucune
valeur pour les non-fans, d'où l'importance de connaître des
semblables, cela permettant également de se donner une certaine valeur,
et d'être reconnu parmi les autres. Le groupe a donc ses attributs et les
posséder confère une légitimité
supplémentaire sur les autres, comme nous avons pu le voir lors de notre
pré-enquête, le fait d'avoir été choisi pour
travailler au côté d'Anne-Laure nous glorieux à nos
dépens. Cela nous permet de penser les fans en terme de
catégorie, chacun ayant une attitude particulière, le rendant un
peu singulier face aux autres.
Le magazine Technikart387(*) a publié un dossier sur les fans. Il a
élaboré une typologie du fan, qui n'a rien de sociologique mais
qui nous montre l'ampleur du phénomène. Il distingue 12
catégories de fans :
- Le fan anachronique, fan de l'artiste mort. Mort en
tout cas d'un point de vue artistique (Wham, Duran Duran par exemple).
- Le fan érudit, fan d'artiste ayant
suscité une analyse aussi volumineuse qu'éternellement
renouvelable (Beatles par exemple).
- Le fan collectionneur, il collectionne tout de son
idole et court les conventions du disques pour concurrencer les autres fans
(Mylène farmer).
- Le fan midinette, fan de l'artiste
caméléon, qui s'adonne à de multiples changement,
physique, conceptuel ou musical (Madonna).
- Le fan autiste, fan discret qui correspond avec
d'autres rares fans, il est fan de l'artiste maudit (Jim Morrisson).
- Le fan intime, le fan qui croit que son idole est
son ami, il trouve des similitudes entre sa vie et les paroles de ses chansons
(Alanis Morissette)
- Le fan politisé, qui a une solide conscience
sociale et la conviction de partager avec son artiste
préféré des autres valeurs autres que musicales (Noir
désir, Manu Chao, Bob Marley).
- Le fan clone, fan de l'artiste créature dont
il cherche à s'approprier l'apparence (The Cure, Kiss).
- Le fan anorak, capable de suivre son artiste
préféré pendant toute une tournée (Johnny
Halliday).
- Le fan apôtre, entièrement
dévoué à l'artiste messie qu'il croit chargé d'une
mission (Kurt Cobain).
- Le fan stalker, il connaît tout de l'artiste
et est capable de tout même du pire, c'est le cas de Mark Chapman qui,
pour lui témoigner son affection, assassina son idole John Lennon
(Bjork).
- Le fan fétichiste, fan de l'artiste idole
(Elvis Presley).
En ce qui concerne les fans que nous nous somme
proposés d'étudier, 4 catégories nous semblent pertinentes
du point de vue de l'analyse. Le fan midinette paraît incontournable
lorsque l'on évoque les émissions de
télé-réalité comme Star academy ; le
fan intime, étant donné la proximité d'Anne-Laure avec son
public, elle reste encore très accessible ; le fan anorak, constat
que nous avons pu faire au cours de notre observation ; et enfin le cas du
fan politisé pourrait également se rencontrer, étant
donné qu'Anne-Laure peut représenter, même sans le vouloir,
une icône lesbienne, comme nous avons pu l'évoquer auparavant.
2. L'opération de traduction : le cas du coming
out
Dans notre corpus, la politisation du fan n'est pas
conscientisée, voire inexistante. Les fans se contentent
d'évoquer le talent d'Anne-Laure qui a orienté leur choix, et
mettent une distance avec le caractère jugé privé de sa
vie personnelle et sexuelle, comme nous avons fait le constat à
plusieurs reprises. Pourtant, nous sommes parvenus à déceler la
réappropriation des enjeux du coming-out de la chanteuse, que ce soit
dans les messages étudiés sur le forum de discussions ou à
travers les entretiens que nous avons mené.
M.Bozon fait état d'un paradoxe en montrant que la
visibilité et la relative acceptation sociale d'orientations sexuelles
alternatives ont permis de redéfinir à l'époque
contemporaine, « l'horizon de l'expérience sexuelle pour
tous les individus, même si paradoxalement cette extériorisation
semble pourtant aller à rebours du processus historique de privatisation
et de cantonnement des manifestations sexuelles ordinaires à
l'intimité »388(*).
Le coming-out apparaît comme un rite de passage à
la fois personnel et politique, car dire son homosexualité, c'est
s'inscrire dans un certain groupe, une certaine communauté qui s'inscrit
elle-même sur le devant de la scène politique389(*) : c'est l'expression
communautaire d'une expérience privée. A partir des années
60, la politisation de l'intimité et de la sexualité a
été mise à l'ordre du jour. Il s'agissait de faire
débattre publiquement de questions jusque-là dissimulées
dans le non-dit du fonctionnement de la famille patriarcale390(*). Cela a favorisé une
prise de conscience et une croissance du mouvement gay et lesbien à
l'époque permettant de lutter contre les multiples discriminations.
Auparavant, la sociabilité et le style de vie homosexuels étaient
fondés sur une grande capacité d'adaptation, l'usage de langages
codés et un art de la double vie391(*).
Ainsi, devant des images leur renvoyant une certaine image
d'eux-mêmes, les gays et les lesbiennes peuvent devenir des
« consommateurs émotionnels »392(*), comme nous avons pu le
voir lorsque les fans d'Anne-Laure évoque la sensibilité commune
qu'elles retrouvent dans ses compositions. Nous voyons comment certains
produits parviennent à entrer dans la vie affective de leurs
publics393(*).
L'engagement du téléspectateur est plus grand lorsque le sujet le
touche : « c'est l'ouverture de l'oeuvre qui rend possible
l'installation de la passion dans la durée »394(*), notamment lorsque
celle-ci permet de s'en réapproprier les enjeux395(*), en opérant une
traduction de du contenu de l'oeuvre, soit en s'identifiant à l'artiste,
ou encore en imaginant une sorte de « bricolages
identitaires »396(*) leur permettant de
« coller » au mieux avec les images et les
représentations. Ce bricolage identitaire permettant notamment aux
individus de rejoindre un certain groupe, de se donner une raison d'être
fan de quelqu'un, ou encore pour espérer en retour la même
reconnaissance que celle qui est accordée à l'artiste
lui-même. Nous reviendrons plus loin sur cette reconnaissance de
substitution. Pour certaines Anne-Laure apparaît comme une grille de
lecture des événements de leur vie.
C'est le public qui confère en
dernière instance du sens à l'oeuvre, c'est lui qui décode
les messages, en acceptant, négociant ou rejetant la lecture
institutionnelle, celle de la majorité, selon ses propres
caractéristiques sociales397(*), même si les contenus médiatiques sont
des mises en scène prévues par avance par les productions. La
consommation médiatique est une forme d'affirmation de soi.
3. La constitution d'un
« clan »
L'étape que nous venons de décrire est
certainement un moyen de créer du lien supplémentaire que celui
accordait par le simple fait de se passionner pour un même objet, car
au-delà de la passion commune, il fait émerger un sentiment de
solidarité envers une certaine cause.
Peu d'études sociologiques ont été faites
sur le sujet, les seules qui existent traitent généralement des
chanteurs ou groupes mythiques, comme les Beatles ou plus massivement Elvis
Presley. Les fans du King ne sont bien sûr pas étudiés de
la même façon que nous nous sommes attachés à
étudier les fans d'Anne-Laure, le phénomène est bien
différent, pour le moment en tous les cas. Autour de Presley s'est
développé un véritable culte qui s'inscrit dans le cadre
plus vaste de la mutation des formes du croire. Ce culte donne à voir la
formation d'un « groupe religieux » autour d'une
figure charismatique largement sacralisée et
célébrée. G.Segré a montré à partir
de ce groupe, comment pouvait s'élaborer une identité sociale et
collective, comment pouvait se créer du sens collectif, des
significations individuelles, alors que l'on tend à constater la fin des
grands dispositifs producteurs de sens398(*). Sans aller jusqu'à parler de mythe ou de
culte, les constats qu'a opérés Gabriel Segré pourraient
dans une certaine mesure, s'appliquer à n'importe quel artiste et
à ses fans. Il parle de ces derniers en terme de communauté
émotionnelle liée par leur attachement à l'artiste,
porteur de traits charismatiques. Ils constituent alors une sorte de fratrie
imaginaire. Les fans partagent certaines valeurs et références.
Ils connaissent les mêmes épreuves, affrontent moqueries et
parfois mépris, se confrontent à l'étonnement, à
l'incompréhension ou à la stigmatisation. Ils se rencontrent et
se côtoient dans les fans-clubs. La dimension communautaire du fan-club
peut reposer sur un langage spécifique, une certaine mémoire
collective, des codes de reconnaissance. Le groupe se dote d'une
représentation de lui-même, dans notre étude de cas, il
s'est même donné un nom : les Choupifans. Pour le
cas d'Elvis Presley, cette représentation est renforcée et
développée après la mort du chanteur.
Le fan-club est a une fonction intégratrice qui
s'auto-célèbre comme une communauté, notamment avec
l'emploi massif du pronom personnel « nous » et un
vocabulaire presque religieux avec notamment l'emploi du verbe
« croire » et du terme
« hommage »399(*) :
o « Nous croyons en elle »
o « Hommage à une personne qui nous a
réuni ici »
Le sentiment du « nous
collectif » est présent dans de nombreux messages
déposés par les Choupifans sur les forums de la
chanteuse dont il est question ici. Ce sentiment se trouve renforcé lors
des rassemblements lors de concerts ou simplement lors de rencontres entre fans
qui sont régulièrement organisées. Chaque admirateur prend
conscience de l'existence du groupe, et de sa propre appartenance à
celui-ci, il se dote d'une identité individuelle et collective, qu'il
soit « fan de Presley » ou
« choupifans ». Le « nous
collectif » est quelquefois opposé aux
« autres », aux
« non-fans », ou dans le cas présent
aux « ré- tracteurs de star
academy », ce qui renforce la cohésion du groupe et
valide son existence. Certains textes ou messages ne peuvent faire sens que
pour un lecteur ou un auditeur déjà en possession d'une certaine
connaissance minimale de la chanteuse. La représentation du groupe par
lui-même est une donnée valorisée et valorisante, on trouve
souvent sur les forums des messages prônant la fierté d'être
fans, la fierté de défendre tel artiste, comme nous l'avons vu
plus avant.
Le groupe s'inscrit également symboliquement sur la
scène sociale. Les membres peuvent porter les attributs du groupe, les
signes de reconnaissance : pour Elvis, l'auteur cite le sigle TCB
(Taking Care of Business) qui était inscrit sur une de ses
bagues, résume l'esprit Elvis. Puis, les vêtements,
eux-mêmes signifient l'appartenance au groupe des admirateurs. En ce qui
concerne Anne-Laure, nous avons pu voir que les fans suivaient la mode plus ou
moins lancée par elle et ses camarades durant les émissions ou
même pendant la tournée (superposition de ceinture cloutée,
tee-shirt déchiré ou customisé, baskets converses remises
au goût du jour...), les fans portent également des tee-shirt
à l'effigie de la chanteuse ou encore des accessoires telle qu'une
casquette ou un sac marqué avec ses initiales AL ou
ALS.
L'intégration du fan dans un réseau
d'échange et de discussion est indispensable. Isolé, le fan
serait condamné à redevenir un simple spectateur ou
téléspectateur, éventuellement plus assidue que les
autres400(*). Autrefois,
ces échanges passaient par l'inscription dans un fan-club
organisé comme une association ayant pour but de regrouper
« épistolairement » des admirateurs d'un
artiste. Aujourd'hui, avec la prolifération d'artistes via la
télévision, la notoriété est de plus en plus
précaire et éphémère, et c'est grâce à
Internet que peuvent circuler rapidement les informations et se constituer des
mouvements de soutien aux artistes, pour finalement créer une version
moderne des fan-clubs, les fan-sites. Le multimédia va donc permettre de
regrouper certaines personnes qui admirent, un peu partout en France ou
ailleurs (dans notre étude, il s'agit essentiellement de la France, de
la Belgique et de la Suisse), le même artiste à travers des sites
qui lui sont consacrés. Il est donc adapté à un groupement
dispersé géographiquement dont les membres doivent se
reconnaître et se trouver. Internet répond donc à un double
effet, d'une part un effet de rupture et d'isolement et d'autre part un effet
de création, de formation de ce que certains qualifient de
cybertribus401(*).
Ces deux effets sont complémentaires car le
relâchement ou la dissolution des liens sociaux traditionnels permettent
une recomposition du social, un nouveau tissage de la socialité. Les
sites personnels seraient l'expression des passions individuelles et les sites
des minorités actives ou des groupes d'affinités, l'expression
des passions collectives. Ainsi, la société d'aujourd'hui, loin
d'être individualiste, se caractérise par la multiplication des
groupes d'affinités, de partage des passions, des sentiments, des
idées, des croyances402(*). Nous voyons ici que le concept d'historicité
à son importance dans la perspective constructiviste,
c'est-à-dire que le mot « construction »
renvoie tout à la fois aux produits des élaborations
antérieures et aux processus en cours de restructuration.
L'historicité est majeure selon un triple aspect403(*) : le monde social se
construit à partir des pré-constructions passées
(ici la notion de solidarité et de lien social par exemple), les
formes sociales passées sont reproduites, appropriées,
déplacées et transformées alors que d'autres sont
inventées, dans les pratiques et les interactions de la vie
quotidienne des acteurs ( transformation et nouvelles formes de lien
social) et enfin cet héritage du passé ainsi que ce travail de
restructuration quotidien permettent d'élargir le champ des
possibles pour le futur (importance des nouvelles technologies dans les
nouvelles limites du lien social).
CHAPITRE V ) LES RESEAUX DE SOLIDARITE AU SEIN DE LA
« COMMUNAUTE VIRTUELLE » COMME
ENJEUX D'UNE RECONNAISSANCE MINORITAIRE
Le fait de se constituer en groupe, ou plus formellement en
communauté favorise la légitimation du groupe dans les actions
qu'il peut entreprendre404(*). On comprend ainsi le phénomène des
fans, et peut être d'autant plus celui des fans d'Anne-Laure. Nous avons
souligné lors de notre analyse, des marques d'un tel processus
d'intégration au sein des forums de discussions. Ce processus
impliquerait que soient définis et acceptés des buts communs
à l'entreprise collective, que les individus partagent un certain nombre
de pratiques et de croyances communes, qu'il existe des interactions entre les
membres du groupe. Ce travail d'incorporation et d'apprentissage est l'oeuvre
de la socialisation, dans le cas de l'apprentissage de la citoyenneté
chez D.Schnapper, c'est la socialisation à l'école qui joue un
rôle très important ; mais dans notre cas, il ne s'agit pas
du même type de socialisation. Dans le troisième chapitre, nous
avons évoqué le processus de construction identitaire et sexuelle
des adolescentes de notre corpus, qui peuvent se trouver en rupture avec leur
socialisation primaire, du fait des non-dits qui peuvent encore planer sur
l'homosexualité. Le fan-club ou fan-site que nous étudions tient
lieu, selon notre hypothèse, d'une instance socialisatrice, que ce soit
au niveau de l'homosexualité ou plus généralement au
niveau du groupe de pairs virtuel que les jeunes se créent, tout comme
peuvent l'être différents médias, comme la presse gay et
lesbienne, qui apparaît comme une sorte de ciment social405(*).
Nous l'avons déjà remarqué lors d'un
précédent travail, il existerait une socialisation
homosexuelle ; citons Michael Pollack qui disait :
« on ne naît pas homosexuel, on apprend à
l'être406(*) ». La majorité des homosexuels
dans la société actuelle, même s'ils s'acceptent comme
tels, portent en eux un conflit existentiel permanent. L'homophobie407(*) intériorisée
n'a pas de fin : elle ressurgit, sous différentes formes, tout au
long du cycle vital. Elle complique la perception que gays et lesbiennes ont
d'eux-mêmes et des autres ; elle régit plus ou moins leurs
relations interpersonnelles ainsi que leur projet de vie et leur vision du
monde, et c'est elle qui engendre le phénomène communautaire
comme organe de résistance. De cela, il peut dériver une image de
soi dévalorisée, du moins durant la période de
l'adolescence ou plus généralement dans la période
où l'on découvre sa (homo)sexualité. Cette sensation
diffuse d'être désavantagé est rarement verbalisée
comme telle et n'est pas nécessairement consciente, mais engage un
réflexe collectif.
* 201 MAINGUENEAU D.
op.cit.(1976)
* 202 GUILLAUMIN C.
L'idéologie raciste, Gallimard, Folio Essai, Paris, 2002
* 203 MAINGUENEAU D.
op.cit. (1976)
* 204 MUCCHIELLI A. Les
méthodes qualitatives, PUF, Coll. Que sais-je, Paris, 1991
* 205 BERTAUX D. Les
récits de vie, Nathan Université, Coll.128, Paris, 1997
* 206 BLANCHET A.& GOTMAN
A. op.cit
* 207 BLANCHET A.&GOTMAN
A. op.cit.
* 208 BLANCHET A.&GOTMAN
A. op.cit
* 209 BARDIN L.
op.cit.
* 210 DONNAT O. Les
pratiques culturelles des français. Enquête 1997, La
documentation française, Paris, 1998
* 211 GALLAND O.
« Individualisation des moeurs et choix
culturels » in DONNAT O. & TOLILA P. (dir.) Les publics
de la culture : politiques publiques et équipements culturels,
Presses de Sciences Po, Paris, 2003
* 212 BOZON M. Sociologie
de la sexualité, Nathan Université, Coll. 128, Paris,
2002
* 213 MOULIN C.
Féminités adolescentes : itinéraires personnels
et fabrication des identités sexuées, Presses Universitaires
de Rennes, Rennes, 2005
* 214 DAYAN D. in PASQUIER D.
La culture des sentiments, Ed. Maison des sciences de l'homme, Paris,
1999
* 215 PASQUIER D. (1999)
op.cit.
* 216 PASQUIER D. Cultures
lycéennes : la tyrannie de la majorité, Ed. Autrement,
Coll. Mutations n°235, Paris, 2005
* 217 LE BART C. Les fans
des Beatles : sociologie d'une passion, Presses Universitaires de
Rennes, Rennes, 2000
* 218 PASQUIER D. (1999)
op.cit.
* 219 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 220 CHALVON & PASQUIER
1990, PASQUIER 1995, NEVEU 1996, CHAMPAGNE 1971
* 221 Anne-Laure in La
dixième muse n°3, juillet-août 2003
* 222 Citations extraites de
différents messages du forum de discussions de différents
membres.
* 223 PASQUIER D. (1999)
op.cit.
* 224 Anne-Laure in La
dixième muse op.cit.
* 225 LAROUSSINIE C. Fan
Mania, Ed. de la Martinière Jeunesse, Paris, 2000
* 226 in entretien
n°14
* 227 in entretien n°15
* 228 ESQUENAZI J.P.
Sociologie des publics, La découverte, Coll. Repères,
Paris, 2003
* 229 LAHIRE B. L'homme
pluriel, Nathan, Paris, 1998
* 230 PASQUIER D.
« Chère Hélène : les usages sociaux des
séries collège » in Réseaux
n°70, 1995
* 231 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 232 LARDELLIER P. Le
pouce et la souris : enquête sur la culture numérique des
ados, Fayard, Paris, 2005
* 233 LARDELLIER P.
op.cit.
* 234 RUI S.
« La foule sentimentale: récit amoureux, média et
réflexivité » in Réseaux
n°70, 1995
* 235 RUI S.
op.cit.
* 236 LARDELLIER P.
op.cit.
* 237 MSN Messenger est la
messagerie instantanée de Microsoft. Il s'agit d'un mode de
communication par ordinateur qui permet d'échanger en temps réel
avec un petit groupe de personnes, tous connectés en même
temps.
* 238 LARDELLIER P.
op.cit.
* 239 in entretien n°6
* 240 MARTIN O.
« L'Internet des 10-20 ans, une ressource pour une communication
autonome » in Réseaux vol XXII n°123,
2004
* 241PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 242 METTON C.
« Les usages de l'Internet par les collégiens. Explorer
les mondes sociaux depuis le domicile » in Réseaux
vol XXII n°123, 2004
* 243 in entretien n°7
* 244 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 245 in entretien n°2
* 246 MOATTI M. La vie
cachée d'Internet: réseaux, tribus, accros, Imago, Paris,
2002
* 247 MOATTI M.
op.cit.
* 248 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 249 MOATTI M.
op.cit.
* 250 LARDELLIER P.
op.cit.
* 251 Certains
opérateurs mettent en avant l'appartenance à une même
tribu : on entendait parlait de tribus
« nomad » chez Bouygues Télécom
(Nomad étant un forfait sans engagement) ou « Do
you speak Orange ?» (Parlez-vous Orange ?) comme s'il y
avait un langage propre à cette opérateur.
* 252 MOATTI M.
op.cit.
* 253 in entretien MSN
n°2
* 254 in entretien MSN
n°4
* 255 in entretien n°8
* 256 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 257 LE BART C.
op.cit.
* 258 GIDDENS A. La
transformation de l'intimité. Sexualité, amour et érotique
dans les sociétés modernes, Ed. La Rouergue/Chambon, Paris,
2004 (trad.)
* 259 On notera par exemple en
France, une évolution des pratiques sexuelles entre l'enquête
Simon (1972) et l'enquête ACSF (1993) sur le comportement sexuel des
français, comme notamment la banalisation de la sexualité
orale.
* 260 BOZON M.
op.cit.
* 261 GIDDENS A.
op.cit.
* 262 On évoque
à longueur de reportages la blogosphère, la
blogmania ou encore la blogattitude.
* 263 ALLARD L.
«Express Yourself ! Les pages perso: entre légitimation
technologique de l'individualisme expressif et authenticité
réflexive peer to peer» in Réseaux vol XXI
n°117, 2003
* 264 RUI S.
op.cit.
* 265 BOZON M.
op.cit.
* 266 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 267 GIDDENS A.
op.cit.
* 268 LAGRANGE H. &
LHOMOND B. (dir.) L'entrée des jeunes dans la sexualité. Le
comportement des jeunes dans le contexte du sida, La découverte,
Paris, 1997
* 269 MOULIN C.
op.cit.
* 270 GIAMI A.
« Pour une éducation sexualisée » in
Information sociale n°55, 1990 in MOULIN C. op.cit.
p.160
* 271 BOZON M.
op.cit.
* 272 PASQUIER D. (1995)
op.cit.
* 273 BOZON M.
op.cit.
* 274 GAGNON J.H.
« Les usages explicites t implicites de la perspective des
scripts sexuels dans les recherches sur la sexualité :
présentation de Michel Bozon et Alain Giami » in
Actes de recherches en sciences sociales n°128, Juin 1999, pp
73-79
* 275 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 276 JASPARD M.
Sociologie des comportements sexuels, La découverte, Coll.
Repères, paris, 2005 (nouvelle ed.)
* 277 GIDDENS A.
op.cit.
* 278 LE BRETON D. Les
passions ordinaires. Anthropologie des émotions, Petite
Bibliothèque Payot, 2004 (1998)
* 279 PASQUIER D. (1995)
op.cit.
* 280 GALLAND O. & ROUDET
B. Les valeurs des jeunes. Tendances en France depuis 20 ans,
L'Harmattan, Coll. Débats jeunesses, Paris, 2001
* 281 LE BRETON D.
op.cit.
* 282 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 283 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 284 JASPARD M.
op ;cit.
* 285 ADORNO T.
« Types d'attitudes musicales » in
Introduction à la sociologie de la musique, Contrechamps,
Paris, 1974
* 286 in entretien n°2
* 287 Ces thèmes
apparaissent en début de corpus, dans les débuts du forum, puis
disparaissent au fil du temps, comme subissant une forme de censure
* 288 DUBAR C. La
socialisation. Construction des identités sociales et
professionnelles, A.Colin, Paris, 1991
* 289 ERIBON D.
Réflexion sur la question gay, Fayard, Paris, 1999
* 290 MOULIN C.
op.cit.
* 291 GALLAND O. & ROUBET
B. (dir.) op.cit.
* 292 BERGER P. & LUCKMANN
T. La construction sociale de la réalité,
Méridien Klincksieck, Paris, 1986
* 293 FIZE M.
« Sociologie de l'adolescence » in
Société n°42, 1993
* 294 MOULIN C.
op.cit.
* 295 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 296 MOULIN C.
op.cit.
* 297 MOULIN C.
op.cit.
* 298 CHARON J.M. La
presse des jeunes, La découverte, Paris, 2002
* 299 CARAGLIO M.
« Les lesbiennes dites masculines ou quand la masculinité
n'est qu'un paysage » in Nouvelles Questions
Féministes n°1 Vol. 18, 1997, pp 58-75
* 300 MAFFESOLI M. Le
temps des tribus, Méridien Klincksieck, Paris, 1988
* 301 WEBER M. Economie et
société, Plon, Paris, 1971
* 302 MOATTI M.
op.cit.
* 303 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 304 PASQUIER D. (2005)
op.cit.
* 305 extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 306 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 307 MOATTI M.
op.cit.
* 308 HENNION A. Les
professionnels du disque. Une sociologie des variétés,
A.Métailié, Paris, 1981
* 309 AGULHON M. Le cercle
dans la France bourgeoise, 1810-1848. Etude d'une mutation de
sociabilité, A.Colin, Paris, 1977 in GALLAND O.& ROUDET B.
op.cit.
* 310 GALLAND O.& ROUDET
B. op.cit. p.149
* 311 PASQUIER D. (1999)
op.cit.
* 312 JENSEN J.
« Fandom as pathology : the consequence of
characterisation » in Lewis L. The adoring audience. Fan
culture and popular media, Routledge, Londres, 1992 in PASQUIER D.
(1999)
* 313 MAUSS M.
« Essai sur le don. Forme et raison de l'échange
dans les sociétés archaïque »s in
L'année sociologique, 2nde série, 1923-1924,
T. 1
* 314 POLANYI K. &
ARENSBERG C. Les systèmes économiques dans l'histoire et dans
la théorie, Larousse, Paris 1975 (1957)
* 315 GALLAND O. & ROUDET
B. (dir.) op.cit.
* 316 Ce constat peut se faire
par faible nombre de messages pour une époque donnée, ou encore
par les tensions qui s'observent parfois sur certains messages.
* 317 MORIN E. Les
stars, Le seuil, Coll. Points, Paris, 1972
* 318 LARDELLIER P.
op.cit.
* 319 TISSERON S.
L'intimité surexposée, Hachette littératures,
Paris, 2001
* 320 TISSERON S.
op.cit.
* 321 HITE S. Le nouveau
rapport Hite, J'ai lu, Paris, 2004
* 322 TISSERON S.
op.cit.
* 323 TISSERON S.
op.cit.
* 324 ESQUENAZI J.P.
Sociologie des publics, La découverte, Coll. Repères,
Paris, 2003
* 325 ESQUENAZI J.P.
op.cit.
* 326 BOURDIEU P. Sur la
télévision, Raisons d'agir éditions, Paris, 1996
* 327 MIEGE B. Les
industries du contenu face à l'ordre informationnel, PUG, Grenoble,
2000 in ESQUENAZI J.P. op.cit.
* 328 A ce propos, Anne-Laure
déclare à propos de la directrice de casting qui lui a
donné sa chance de participer à l'émission :
« elle m'a dit qu'elle adorait mon look de sportive...finalement
il lui manquait juste la goudou du château ! » in
La dixième muse n°3, juillet-août 2003
* 329 Le site Internet de la
chaîne nous la présente : « PinkTV, la
première chaîne gay et « gay friendly » du PAF a ouvert
son antenne le 25 octobre 2004. A la pointe des tendances, PinkTV est une
chaîne généraliste associant culture et glamour. Elle est
destinée aux gays, filles et garçons, et à tous ceux qui
ont envie d'une télé différente construite autour de la
liberté, de la tolérance, de l'humour et de la séduction.
PinkTV, c'est une diffusion 24H / 24 et 7 jours / 7 avec une programmation
riche et diversifiée. PinkTV, c'est tous les jours la découverte
de nouveaux talents, de courants culturels émergents, ou encore des
dernières tendances mode, design, musique... PinkTV, c'est chaque
semaine des films, des documentaires, des séries, des
courts-métrages qui vous ressemblent... et du X qui nous rassemble.
PinkTV, c'est une fenêtre d'expression pour que chacun puisse
échanger et partager son expérience au travers de débats,
de talk-shows, de petites annonces... » in
www.pinktv.fr
* 330 Média-G est
l'observatoire du traitement de l'homosexualité dans les médias.
Il est présent sur Internet via un site et publie chaque année un
bilan de l'année écoulée concernant la
télévision et l'homosexualité. Ce site est
réalisé par des bénévoles et est publié
gratuitement grâce à l'association Soutenir Média-G.
* 331 Nous nous basons sur le
compte rendu Média-G pour l'année 2004, le bilan 2005
n'étant pas encore édité.
* 332 Cette émission
avait pour but de faire vivre des célébrités dans une
ferme à la campagne, sans tout le confort moderne. Vincent McDoom
était un des participants, il se définit comme quelqu'un
d'androgyne. On a pu le voir évoluer dans la ferme avec ses
hauts-talons, son maquillage et ses grands chapeaux.
* 333 Nous employons ici le
terme de «normalité» pour évoquer le fait que
ce couple était présenté aux côtés de couples
hétérosexuels et que la volonté de la chaîne
était ne pas les différencier.
* 334 Cette émission
avait pour but de faire participer un certain nombre de couple, mariés
ou non, à la construction d'une maison. Le couple gagnant à
l'issu d'éliminations successives, par les autres candidats puis par le
public, devenait propriétaire de cette maison.
* 335 Des fournisseurs
d'accès à Internet ou aux chaînes câblées
proposent une chaîne spécialement conçue pour diffuser tout
au long de la journée les images tournées dans les
émissions de télé-réalité ; les
candidats bénéficiant de deux heures non filmées par jour.
* 336 In entretien n°8
* 337 Ces deux candidats
s'étaient autorisés quelques ébats sexuels dans la piscine
du Loft, et ces images ont été largement reprises et
utilisées par la suite.
* 338 LAZARSFELD P.F. &
MERTON R.K. «Mass communication, popular taste, and organized social
action» in The Process and Effetcs of Mass Communication,
University of Illinois Press, Chicago, 1962 in ESQUENAZI J.P.
op.cit.
* 339
http://www.media-g.net. Voir en
annexes.
* 340 ERIBON D. Papiers
d'identité. Intervention sur la question gay, Fayard, Paris,
2000
* 341 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions lorsque la question du coming-out
d'Anne-Laure avait été posé.
* 342 Message ouvert par Wilo,
la modératrice du forum le 14 janvier 2003
* 343 Message ouvert par
Slayer, un membre influant du forum le 4 décembre 2002
* 344 ERIBON D. (dir.)
Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, Paris, 2003
* 345 Exemple d'un spot
publicitaire pour la lessive Vizir mettant en scène un couple
d'homosexuels efféminés et utilisant des clichés de
référence.
* 346 ERIBON D. (2003)
op.cit.
* 347 Soirée dont le
but est de collecter des fonds pour la recherche contre le sida.
* 348 PASQUIER D. La
culture des sentiments, Ed. Maison des sciences de l'homme, Paris, 1999
* 349 Anne-Laure in La
dixième muse n°3, juillet-août 2003
* 350 in entretien n°2
* 351 in entretien n°1
* 352 in entretien test
* 353 in entretien MSN
n°1
* 354 in entretien MSN
n°3
* 355 MAISONNEUVE J. La
dynamique des groupes, PUF, Coll. Que sais-je, Paris, 1968
* 356 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 357 Idem.
* 358 GUILLAUMIN C.
L'idéologie raciste, Gallimard, Folio Essai, Paris, 2002
* 359 FEUER J. Seeing
Through the Eighties, Duke University Press, Durham, 1995 in ESQUENAZI
J.P. op.cit.
* 360 ARENDT H. Le
système totalitaire, Points/Seuil, Paris, 1972
* 361 ESQUENAZI J.P.
op.cit.
* 362 Ce constat s'est
largement fait ressentir durant notre observation de
pré-enquête.
* 363 Egéries
n°1 (l'exemplaire pilote) décembre 2004/janvier 2005
* 364 LELAIT D. Gay
Culture, Ed. Anne Carrière, Paris, 1998
* 365 NADEAU C.
op.cit
* 366 LE GUERN P. (dir.)
Les cultes médiatiques : culture fan et oeuvres cultes,
Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2002
* 367 MORIN E. Les
stars, Le seuil, Coll. Points, Paris, 1972
* 368 Star Ac Mag
n°2 Hors Série, Juin 2003
* 369 MORIN E.
op.cit
* 370 BOLTANSKI L. &
THEVENOT L. De la justification. Les économies de la grandeur,
Gallimard, Paris, 1991
* 371 BECKER H.S. Les
mondes de l'art, Flammarion (trad.), Paris, 1988
* 372 BECKER H.S. Le monde
de l'art, Flammarion (trad.), Paris, 1988
* 373 GOFFMAN E. La mise
en scène de la vie quotidienne, Editions de minuit, Paris, 1973
* 374 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 375 Extrait illustratif d'un
message d'une nouvelle inscrite sur le forum de discussions
* 376 SEGRE G. La
communauté des fans d'Elvis Presley. De la fraternité
élective au « groupe religieux , in
Socio-Anthropologie n°10
* 377 LE BART C. Les fans
des Beatles : sociologie d'une passion, Presses Universitaires de
Rennes, Rennes, 2000
* 378 MORIN E.
op.cit.
* 379 LEWIS L.A. (dir.)
The Adoring Audience, Routledge, Londres, 1992 in LE BART C. Les
fans des Beatles: sociologie d'une passion, Presses
Universitaires de Rennes, Rennes, 2000
* 380 BECKER H.S.
Outsiders, Ed. Métailié, Paris, 1985 (1963)
* 381 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 382 in entretien MSN
n°1
* 383 in entretien MSN
n°2
* 384 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 385 LE BART C.
op.cit.
* 386 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 387 Tecknikart
n°84, juillet-août 2004
* 388 BOZON M. Sociologie
de la sexualité, Nathan Université, Coll.128, Paris, 2002,
p.40
* 389 FASSIN E.
L'inversion de la question homosexuelle, Ed. Amsterdam, Paris, 2005
* 390 BOZON M.
op.cit. p.66
* 391 TAMAGNE F. Mauvais
genre. Une histoire des représentations de l'homosexualité,
Ed. LM, Coll. Les reflets du savoir, Paris, 2001
* 392 ADORNO T.
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Introduction à la sociologie de la musique, Contrechamps,
Paris, 1974 in ESQUENAZI J.P. op.cit.
* 393 ESQUENAZI J.P.
op.cit.
* 394 LE BART C.
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* 395 STAIGER J.
« Interpreting films », Princeton University
Press, 1992 & « Perverse Spectators », New
York University Press, 2000 in ESQUENAZI J.P. op.cit
* 396 LE BART C.
op.cit.
* 397 SCANNELL P.
« L'intentionnalité communicationnelle dans les
émissions de radio et de télévision » in
Réseaux n°68, 1994
* 398 SEGRE G. La
communauté des fans d'Elvis Presley. De la fraternité
élective au « groupe religieux », in
Socio-anthropologie n°10
* 399 Extraits illustratifs de
messages des forums de discussions.
* 400 PASQUIER D. La
culture des sentiments, éditions Maison des sciences de l'Homme,
Paris, 1999
* 401 MOATTI M. La vie
cachée d'Internet: réseaux, tribus, accros, Imago, Paris,
2002
* 402 MAFFESOLI M. Le
temps des tribus, La table ronde, Paris, 2000 (1988)
* 403 CORCUFF P. Les
nouvelles sociologies, Nathan Université, Coll. 128, Paris, 1995
* 404 SCHNAPPER D. La
communauté des citoyens. Sur l'idée moderne de nation,
Gallimard, Paris, 1994
* 405 RAMBACH A. & RAMBACH
M. La culture gaie et lesbienne, Fayard, Paris, 2003
* 406 POLLACK M.
« L'homosexualité masculine ou le bonheur dans le
ghetto ? » in Communications n°35, 1982
* 407 Donnons quelques
définitions de l'homophobie :
· Celle du grand dictionnaire
terminologique408
Homophobie : phobie de l'homosexualité (rubrique
psychologie)
Homophobe : personne qui craint ou hait les homosexuels
(rubrique sociologie)
· Celle de l'Encyclopédie Larousse409
Homophobie : rejet de l'homosexualité,
hostilité systématique à l'égard des homosexuels
Homophobe : qui est hostile à l'homosexualité,
aux homosexuels.
· Celle de l'Encyclopédie Hachette410
Homophobie : peur de l'homosexualité et des contacts,
émotionnels ou autres, avec les personnes du même sexe que soi.
Hostilité marquée, attitude méprisante ou haineuse
à l'endroit des personnes homosexuelles. L'homophobie de certains
groupes d'extrême-droite. Synonyme : hétérosexisme.
Homophobe : qui est marqué par l'homophobie. Une
législation homophobe.
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