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La répression de la criminalité transnationale organisée


par Méa David Romaric ASSALÉ
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023
  

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B. La diversité législative et juridictionnelle confortée par les normes nationales

La conscience populaire veut que l'on ne soit mieux servi que par soi-même54(*). C'est dans cette logique qu'à l'effet de garantir la protection de ses intérêts et de son ordre public chaque législateur national établi des règles propres à sa société et à ses réalités. Ainsi, de l'adage latin ubisocietas, ibijus55(*)et fort de la mission régalienne qui en découle, il crée le cadre normatif adapté à chaque situation qui se poserait notamment le cadre normatif dédié à la répression des infractions. Infractions, qui bien que couvertes par des textes internationaux pour certaines, restent de prime abords répressibles par les textes juridiques nationaux.En ce sens, chaque Etat se dote de règles propres se conformant au mieux aux exigences internationales.

Cependant, ces règles ne sont pas, à tout point de vue, uniformes et varient d'un Etat à un autre. Suivant cette diversité législative, s'insère par ailleurs, une diversité juridictionnelle ce qui pose le problème de l'uniformité et de la réciprocité de réception et de répression de la criminalité transnationale organisée.Dès lors, bien que les Etats africains et en particulier ceux de la sous-région ouest-africaine connaissent des réalités communes notamment les seuils de pauvreté, les défis de l'employabilité, l'adaptation progressive de leurs législations aux normes mondiales en plus de menaces et de défis sécuritaires communs56(*) ceux-ci ne disposent pas toujours de systèmes législatifs et juridictionnels similaires.

D'une part, chaque Etat a établi dans ses textes des dispositions tenant à conférer compétence à ses juridictions pour connaitre des affaires ou instances dans lesquelles ses ressortissants sont partie. Ainsi, chaque Etat veille à l'établissement de normes et dispositions générales et spéciales pour règlementer au mieux les relations non seulement sur son territoire mais aussi celles impliquant ses ressortissants et/ou ses nationaux.En guise d'illustration, il convient de noter qu'à l'instar de ses homologues de la sous-région ouest africaine, la Côte d'Ivoire s'est doté d'un régime général de protection de ses ressortissants à l'effet de conférer compétence à ses juridictions pour connaitre des affaires ou instances dans lesquelles ceux-ci seraient partie. En ce sens, le code civil de 1804 applicable en Côte d'Ivoireen ses dispositions contenues au sein des articles 14 et 15 donne compétence aux juridictions ivoiriennes pour connaitre des affaires dans lesquelles un ivoirien est partie et de l'application de la loi pénale57(*).

En ce sens, bien d'Etats de la sous-région Ouest-africaine accordent compétence à leurs juridictions propres pour connaitre des affaires impliquant leurs ressortissants ce qui, dans le cadre d'affaires revêtus d'éléments d'extranéité ou transnationaux notamment dans le cas particulier de la criminalité transnationale organisé, poserait le problème de la loi applicable et de la juridiction compétente donnant ainsi naissance à un conflit.

D'autre part, la réception faite de l'incrimination de la participation à un groupe criminel organisé58(*) se veut différente selon qu'il s'agisse d'un pays Francophone ou d'un pays Anglophone. Car, en effet, ceux-ci sont soumis à des systèmes juridiques différents que sont respectivement le système romano-germanique et le système anglo-saxon régis d'un côté par le droit civil et de l'autre par le CommonLaw.En effet, « l'incrimination de la participation à un groupe criminel organisé vise les menaces accrues que ces groupes font peser sur la sécurité publique. La Convention contre la criminalité organisée prévoit deux approches différentes, qui peuvent en outre être associées, pour incriminer cet acte. L'une repose sur le concept d'entente (largement utilisé dans les pays de CommonLaw) et l'autre sur celui d'association de malfaiteurs (apparu dans les pays de droit civil). »59(*) d'où le défaut d'uniformité de traitement de la criminalité transnationale organisée cumulé à celui de la réponse des différents Etats.

Ainsi, l'infraction fondée sur le concept d'entente est définie au sous-alinéa 1) a. i. de l'article 560(*), comme suit:

Fait de s'entendre avec une ou plusieurs personnes en vue de commettre une infraction grave à une fin liée directement ou indirectement à l'obtention d'un avantage financier ou autre avantage matériel et, lorsque le droit interne l'exige, impliquant un acte commis par un des participants en vertu de cette entente ou impliquant un groupe criminel organisé.

L'infraction établie dans ce sous-alinéa est semblable au modèle de l'entente de CommonLaw. La responsabilité pour cette infraction repose sur un accord en vue de commettre une infraction grave. Les éléments de l'infraction sont l'accord en vue de commettre un délit et le fait de le faire aux fins d'obtenir un avantage financier ou autre. Concrètement, la responsabilité visée à ce sous-alinéa résulte de l'entente délibérée conclue entre deux personnes ou plus en vue de commettre une infraction grave dans le but d'obtenir un avantage matériel. À la différence de ce que prévoient certaines traditions juridiques, il n'est pas nécessaire de démontrer que l'accusé était sur le point de consommer l'infraction proprement dite («l'infraction grave»)61(*).

L'infraction fondée sur le concept d'association de malfaiteurs, quant à elle, est définie au sous-alinéa 1)a.ii. de l'article 5, comme suit :

La participation active d'une personne ayant connaissance soit du but et de l'activité criminelle générale d'un groupe criminel organisé, soit de son intention de commettre les infractions en question :

a. Aux activités criminelles du groupe criminel organisé;

b. À d'autres activités du groupe criminel organisé lorsque cette personne sait que sa participation contribuera à la réalisation du but criminel susmentionné.

L'infraction visée au sous-alinéa 1) a. ii. repose sur un modèle qui lie la responsabilité pénale à la contribution intentionnelle à un groupe criminel organisé, mais pas à la poursuite d'un plan préétabli ou d'un accord. En vertu de ce sous-alinéa, l'accusé doit avoir pris une part active soit aux activités criminelles du groupe criminel organisé, soit à d'autres activités de ce groupe. Déterminer si la personne concernée a pris une part active est une question de fait et les pays peuvent diverger quant à décider si et quand des rôles plus passifs suffisent à établir cet élément.62(*)

Considération prise de ces divergences, deux ou plusieurs Etats appréhendant l'incrimination de l'infraction de participation à un groupe criminel organisé sous ces divers angles tendraient à diverger quant au processus de sa répression en ce que l'incrimination constitue la première phase et non des moindre dans ce processus63(*).Ces divergences ont valeur à complexifier l'uniformisation de la réponse répressive vis-à-vis de la criminalité transnationale organisée.

Illustrant de belle manière cette approche, il est admis de noter que la Côte d'Ivoire se révèle être du courant de droit civil fondé sur l'approche de la participation à un groupe criminel organisé selon le concept de l'association de malfaiteurs comme matérialisé dans les dispositions de l'article 203 de la - loi n°2019-574 du 26 juin 2019 modifié par la loi n°2021-893 du 21 décembre 2021 portant code pénal ivoirien64(*)aumême titre qu'au Mali65(*) et au Burkina Faso66(*)tandis que le Ghana67(*)et le Nigéria68(*)ont adopté quant à eux le concept de l'entente encore appelée Conspiracy. Dès lors, le risque subsiste en ce que : pour un Etat ayant adopté la conception de l'association de malfaiteurs ayant pour objet déterminant de l'infraction la réalisation d'acte concret de participation au groupe criminel, la simple affiliation qu'elle soit active ou passive d'un individu ou d'une entité tendrait à l'écarter du mécanisme de répression et pousserait à s'interroger sur l'itercriminis69(*) ce qui compliquerait encore la situation en présence.

Bien que la Convention de Palerme,instituée pour de la lutte commune des Etats contre la criminalité transnationale organisée, s'est vu dotéun guide législatif70(*) établi afin de favoriserla meilleure appréhension des dispositions de ladite convention par les systèmes juridiques nationaux, il est à constater que la prise en considération de l'incrimination de la participation à un groupe criminel organisé diffère d'un Etat à un autre. Cette situation de fait complexifie la détermination de la loi applicable et par ricochet de la juridiction Etatique à même de réprimer l'acte délictueux. A cela, s'ajoute d'autres barrières telles que la langue et surtout les textes nationaux protectionnistes. Ces barrières ayant pour effet immédiat la complexification de l'uniformité de la réponse face à la répression de la criminalité transnationale organiséeentachentdonc la saine répression de la criminalité transnationale organisée et motivent l'existence d'un conflit de compétence entre Etats n'est pas sans incidences, répercussions (Paragraphe 2) qui demeurent réparties à différents niveaux.

* 54 Selon la conscience populaire, nul ne peut oeuvrer au mieux de son bien-être que soi-même.

* 55 Expression latine traduit par « où il y a la société, il  y a droit » désignant l'existence et l'indispensabilité des normes au sein de toute communauté humaine.

* 56 DIARISO Boubacar, « L'économie criminelle dans les menaces sécuritaires en Afrique de l'Ouest : la solution par la gouvernance démocratique », Afrique et développement, Volume XLIV, N°3, Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique, 2019, p. 31

* 57 Cf. Articles 19 à 21 du code pénal ivoirien

* 58 Infraction caractéristique centrale de la criminalité transnationale organisée

* 59 ONUDC, Application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles s'y Rapportant : outils d'évaluation des besoins, Nations Unies, Vienne, Août 2017

* 60 Cf. Article 5 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée

* 61 ONUDC, Application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles s'y Rapportant : outils d'évaluation des besoins, Nations Unies, Vienne, Août 2017, p. 2

* 62 ONUDC, Application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles s'y Rapportant : outils d'évaluation des besoins, Nations Unies, Vienne, Août 2017, p. 3

* 63 Parlant du processus de répression définit selon le vocabulaire juridique de l'Association Henri Capitant comme l'action de réprimer incluant l'incrimination des faits délictueux, la poursuite de leurs auteurs et l'infliction des peines.

* 64 Article 203 du code pénal ivoirien :

Est puni d'une peine d'un à cinq ans d'emprisonnement, celui qui s'affilie à une association ou participe à une entente, quel qu'ne soit la durée ou le nombre de leurs membres, ayant pour but de préparer ou de commettre des crimes ou délits contre les personnes ou les biens.

Les délits prévus à l'alinéa précédent doivent être punis d'une peine d'emprisonnement dont le minimum est égal ou supérieur à cinq ans.

La peine est l'emprisonnement de cinq à dix ans, si l'auteur dispose d'instruments ou de moyens propres à commettre des infractions ou s'il est porteur d'armes.

Bénéfice de l'excuse absolutoire l'auteur qui, avant toute poursuite, révèle aux Autorités entente établie ou l'existence de l'association.

* 65 Cf. Article 175 de la loi n°2001-79 du 20 août 2001 portant Code Pénal du Mali telle que modifiée par la loi n°2005-45 du 18 août 2005 et la loi n°2016-39 du 7 juillet 2016

* 66 Article 222 de la loi 43-96 du 13 novembre 2996 portant code pénal (promulguée par le décret 96-451 du 18 décembre 1996 ; modifié par la loi 6-2004 AN du 6 avril 2004 (promulguée par décret 2004-200 du 17 mai 2004, J.O. BF. du 3 juin 2004, p.735) ; modifié par la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 ; modifiée par la loi n°044-2019/AN du 21 juin 2029.

* 67 Article 24 à 27 de la loi sur la criminalité économique et organisée

* 68 Article 516 à 521 de la loi sur le code criminel

* 69 Notion latine désignant le « cheminement criminel » permettant de démontrer le degré d'implication d'un individu dans l'accomplissement d'un acte délictueux.

* 70 ONUDC, Guides législatifs pour l'application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des protocoles s'y rapportant, Nations Unies, New York, 2005

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