Conclusion partielle
Les résultats obtenus à la suite de cette
recherche ont permis de relever et de comprendre les déterminants qui
interviennent dans la réussite de ces étudiants qui exercent une
activité économique. Nous avons ainsi eu la possibilité de
relever les facteurs les plus influents et ceux qui ne sont pas très
pertinents dans le contexte de l'Université de Lomé.
À la lumière de ces résultats, il
apparait de notre point de vue que l'exercice d'une activité
économique, semble a priori ne pas laisser la possibilité aux
étudiants de bien étudier. Or les études
académiques requièrent un triple investissement social, financier
et personnel (intellectuel et motivationnel). Pour faciliter la réussite
universitaire, il est nécessaire que ces trois investissements soient
réunis. À partir du moment où les institutions
académiques ou les familles ont la capacité d'apporter les
soutiens social et financier aux étudiants leur réussite ne
pourrait requérir que le troisième investissement qui
relève de facteurs personnels. Toutefois, l'étudiant est
appelé à produire l'une ou l'autre forme de soutien en cas de
défaillance dans l'optique de réussir. Concernant la
présente recherche, la production de sources de revenu est la condition
de réussite des étudiants dans un contexte de crise
académique ou familiale. Dès lors, notre thèse place
l'acquisition d'une source de revenu comme étant au coeur de la
réussite académique à condition que l'apprenant s'engage
à rentabiliser son temps et à miser sur ses aptitudes
intellectuelles et sa motivation. Au-delà des courants qui placent
l'origine familiale (Bourdieu et Passeron, 1964) au coeur de la réussite
académique, nous énonçons pour notre part que c'est la
capacité de l'étudiant lui-même à se prendre en
charge qui détermine sa réussite dans un contexte de
pénurie des ressources.
275
CONCLUSION GÉNÉRALE
276
Les études universitaires constituent pour beaucoup
d'étudiants un défi qui n'est pas aisé à relever,
au regard des contraintes auxquelles ce niveau d'enseignement les soumet en ce
qui concerne les conditions d'études et d'existence. L'université
est à la fois un monde de liberté et un monde assez exigeant sur
un certain nombre d'aspects, notamment celui de la discipline dans le travail.
L'ouverture de l'université à tous et les
nécessités d'une formation de qualité qui contraste avec
un manque notoire de financement semblent être à l'origine de
beaucoup de difficultés, surtout dans les universités d'Afrique
noire francophone.
À l'Université de Lomé, l'entrée
des étudiants a depuis toujours été soumise à la
seule condition d'obtention du baccalauréat. Cette université a,
au fil des années, été victime de son propre succès
en ce sens que les étudiants étaient bien pris en charge par le
passé. De plus, ils pouvaient rapidement trouver un emploi à la
fin de leur formation, et donc avaient la possibilité de parvenir
à un meilleur positionnement social. Les conditions attrayantes
qu'offrait cette université ont favorisé l'arrivée massive
d'étudiants issus de diverses couches socioéconomiques, encore
plus, celle d'étudiants issus de familles pauvres. Les
difficultés auxquelles ces derniers font face, notamment avec
l'amenuisement du soutien financier de l'Etat et la quasi inexistence de celui
de leurs familles contraignent beaucoup d'entre eux à opter pour des
solutions pouvant leur permettre de se prendre en charge durant leurs
études. C'est ainsi qu'on compte à l'université de
Lomé de plus en plus d'étudiants qui exercent des
activités économiques en même temps qu'ils poursuivent
leurs études. Il s'agit d'une réalité qui est
présente dans toute université, mais si dans d'autres contextes
le désir d'indépendance est aussi fortement ressenti que la
nécessité de se procurer des ressources financières
souvent complémentaires, dans le contexte de l'UL la plupart des
étudiants font ce choix par pure nécessité de se prendre
en charge, leurs parents n'ayant pas les moyens de le faire.
Il a été démontré à travers
plusieurs recherches que le cumul « activité économique et
études » influence de façon générale, le bon
déroulement des études, soit en termes de
277
réussite, soit en termes d'échec et d'abandon.
Il est également souvent ressorti que c'est à partir d'un seuil
(au-delà de 15 heures, 16 heures, 20 heures voire 25 heures, selon les
cas) que le travail étudiant influence négativement la
réussite de ceux qui s'y adonnent. Des facteurs endogènes,
relatifs entre autres à la motivation de l'étudiant ont
également été évoqués. Notre
intérêt s'est alors porté sur les éléments
déterminant la réussite des étudiants qui exercent une
activité économique alors qu'ils sont a priori destinés
à ne pas réussir. C'est cette préoccupation qui a
orienté les questions qui étaient à l'origine de cette
recherche.
Pour pouvoir répondre aux questions que nous nous
sommes posées par rapport à la réussite des
étudiants qui exercent une activité économique, nous avons
adopté une méthodologie qui nous a permis de collecter les
données nécessaires. Cette collecte de données
au-delà d'être documentaire a été faite
auprès des étudiants et d'autres acteurs du monde universitaire.
Tant l'aspect quantitatif que qualitatif ont été pris en compte.
Nous pouvons relever néanmoins quelques manquements relatifs à
notre démarche qui peuvent apporter des restrictions à la
généralisation des résultats obtenus. En effet, compte
tenu de la méconnaissance de l'ampleur du phénomène sur le
terrain, nous n'avons pas pu constituer un échantillon
représentatif de chaque catégorie d'étudiants selon qu'ils
exercent ou non une activité économique (nous n'avons pas de
données sur le taux d'étudiants ayant un travail
rémunéré au cours de l'année). En ce qui concerne
les données collectées, notamment auprès des
étudiants, il faut dire que ces données sont issues de leurs
déclarations. La possibilité d'erreur dans les informations
qu'ils nous ont données n'est donc pas à écarter et peut
constituer une faiblesse pour la présente recherche. Par ailleurs, nous
n'avons pas pu fournir de données chiffrées de certains
indicateurs, notamment le revenu des étudiants, du fait de la
difficulté pour les étudiants eux-mêmes d'en donner une
estimation réaliste.
À la suite des données que nous avons
collectées, du traitement de ces données et de leur analyse, nous
avons pu relever quelques éléments déterminants de la
réussite des
278
étudiants qui exercent une activité
économique par rapport à ceux qui n'exercent pas
d'activité économique. Il nous est d'abord apparu que les
étudiants qui exercent une activité économique et qui
réussissent ont des traits communs du point de vue des
caractéristiques sociodémographiques et familiales. Ce sont au
regard de nos résultats, des étudiants de sexe masculin et
d'âge moins avancé. En ce qui concerne leur milieu social
d'origine, ces étudiants sont de famille monogame, ont des parents qui
vivent ensemble, une fratrie peu nombreuse ; ce sont des étudiants dont
les parents sont instruits, mais qui n'ont pas des revenus
élevés. Ces étudiants ont au moins un parent vivant, mais
ne vivent pas avec leurs parents. Concernant les caractéristiques de
l'activité, les étudiants qui ont un travail
rémunéré et qui réussissent ont souvent l'avantage
d'avoir l'habitude de cumuler un travail et les études avant d'arriver
à l'université, de travailler pour le compte d'un particulier ou
d'une institution, de faire moins de jours d'activité et par
conséquent moins d'heures de travail (moins de 15 heures) et de ne subir
aucun effet de cette activité sur le plan de la santé. En plus de
ces éléments favorables à leur réussite, les
étudiants qui exercent une activité économique tirent
profit de la facilité de satisfaire les besoins liés aux
études, notamment de la possibilité de s'alimenter normalement,
de se déplacer pour se rendre au cours, de se procurer les supports de
cours ; ce sont aussi des étudiants qui perçoivent un soutien
financier de l'Etat (bourse ou allocation d'aide), bénéficient du
soutien de leurs parents pour payer leur scolarité et n'ont pas recours
à des prêts. La satisfaction de quelques exigences liées
aux études est également avantageuse pour la réussite des
étudiants qui exercent une activité économique. Il s'agit
entre autres pour ces derniers de lire souvent les cours (même si ce
n'est pas quotidiennement), de faire des recherches sur internet ainsi qu'en
bibliothèque, d'avoir un à deux jours d'activité dans la
semaine et d'être assidus aux cours.
Au regard des résultats auxquels la présente
recherche nous a permis de parvenir, les étudiants qui exercent une
activité économique et qui parviennent à réussir
correspondent à un profil sur le plan sociodémographique, ils ont
besoin d'avoir certaines facilités du point de vue des conditions de vie
et d'études. En plus, ils doivent répondre à certaines
279
exigences liées à leurs études et enfin
l'activité exercée doit avoir certaines caractéristiques.
La mise en place de programmes ciblant ces étudiants en vue de leur
offrir des activités qui puissent leur permettre de concilier les
études et ces activités, tout en obtenant les ressources
nécessaires à la prise en charge des étudiants doit
à cet effet être envisagée par l'université.
Au terme de cette recherche, nous pouvons dire que l'exercice
d'une activité économique constitue seulement sous certaines
conditions un handicap pour la réussite des étudiants qui font ce
choix (le plus souvent pour faire face aux difficultés
financières). Toutefois, certains de ces étudiants arrivent
à réussir, et même parfois, mieux que leurs camarades qui
ne cumulent pas études et activité
rémunérée.
Aussi pouvons-nous affirmer que lorsque les étudiants
exercent une activité économique parallèlement aux
études, on pourrait penser qu'ils ne disposent plus de temps pour les
études. Or la réalité des études académiques
engage un triple investissement : social, financier et personnel (intellectuel
et motivationnel). Le manque de l'un de ces trois éléments
entrave la réussite académique. Ainsi, soit les institutions
académiques (et l'Etat) ont la capacité d'apporter les soutiens
social et financier aux étudiants pour que le troisième soit le
seul qui requiert l'effort de l'apprenant ; soit c'est le cadre familial qui
est capable d'assumer ce rôle à défaut de l'accompagnement
de l'institution académique elle-même. Le défaut de l'une
ou l'autre forme de soutien amène nécessairement
l'étudiant à ne réussir ses études que s'il est
capable de produire lui-même les ressources dont il a besoin. Nous
estimons donc dans le cadre de cette recherche que la production de sources de
revenu est la condition de réussite à l'UL dans un contexte de
crise académique ou familiale. La thèse soutenue place
l'acquisition d'une source de revenu comme étant au coeur de la
réussite académique à condition que l'apprenant s'engage
à rentabiliser son temps et à miser sur ses aptitudes
intellectuelles et sa motivation. Contrairement à Bourdieu et Passeron
(1964), qui placent l'origine familiale au coeur de la réussite
académique, nous énonçons que c'est la capacité de
l'étudiant lui-même à se
280
prendre en charge qui est déterminante pour sa
réussite dans un contexte de pénurie des ressources.
L'école togolaise devrait désormais former à aller vers
l'entrepreneuriat ou la professionnalisation personnelle comme vecteur non
négligeable de la poursuite des ambitions académiques, notamment
chez les étudiants issus de familles modestes.
Étant donné que l'exercice d'une activité
économique parallèlement aux études prend une ampleur
notable, il est quand même important que les étudiants qui se
retrouvent dans des cas extrêmes de difficulté
bénéficient d'une certaine assistance en vue de leur permettre
d'avoir des conditions de vie et d'études satisfaisantes. Autant l'Etat,
l'institution universitaire que les familles des étudiants doivent
prendre des dispositions en vue d'améliorer les conditions des plus
nécessiteux.
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