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Impacts des dynamiques agricoles sur l'environnement de Melongpar Emile Roger MBOUNGUE Université de Douala - Master 2 2021 |
I.1.4 Le billonnagePhoto 4 : billonnage d'un champ en vue de planter les tubercules de manioc Source : Enquête de terrain décembre 2020 Les herbes défrichées sont mises en tas parallèlement et sont recouvertes par la suite de terre à l'aide de la houe pour servir de fumures organiques. Il en résulte un paysage ressemblant à une tôle ondulée (J.L.DONGMO, 1981). Car les billons sont les parties saillantes et les sillons les parties creuses. Leur orientation se fait en fonction de la vigueur de la pente. Ainsi, sur les pentes de moins de 8%, les billons sont confectionnés parallèlement aux courbes de niveaux. Par contre sur les pentes moyennement fortes ou fortes, les billons sont obliques à la pente. Ce billonnage constitue le mode de préparation des champs au labour. En saison pluvieuse, quelques semaines après le défrichement, la terre est retournée à l'aide de la houe et est prête pour les semailles. En saison sèche, les herbes défrichées sont entassées horizontalement et verticalement sur la future parcelle à labourer, et sont recouvertes à leur sommet par quelques mottes de terre et brulées : c'est l'écobuage. Pour les champs en jachère où poussent le PenissetumPurpureum et les arbustes, les défrichements se font à l'aide de machette et de pioche. Les arbustes et les graminées sont mis en tas pour former l'écobuage ou alors après dessèchement, sont brulés complètement. Les ingénieurs agronomes utilisent les herbicides pour défricher leurs champs. L'agriculture sur brulis tant à disparaitre malgré les difficultés de moyens financiers pour se procurer les herbicides. Les sillons permettent aux paysans de circuler librement sans piétiner les billons ou les plantes. Cependant ce système de billons n'est pas sans inconvénients. Les champs construits en billons d'une largeur de 30-60cm, sont organisés en parcelles ayant des formes géométriques bien déterminées. La disposition des parcelles en billons et sillons protège les cultures contre l'érosion torrentielle. C'est pour cette raison qu'en saison de pluie, les sillons stockent la terre provenant des billons voisins sur haut versant convexe aux profils tendus et aux pentes raides. Par contre sur versant très fort les billons sont orientés parallèlement à la pente à cause des difficultés de confection des billons perpendiculaires à la pente trop raide. C'est pour cette raison que l'érosion y est plus active. En général, les billons alternés sont également confectionnés sur les versants dont la pente est inférieure à 75%. Ceci grâce aux nouvelles idées apportées par les ingénieurs agronomes, les moniteurs et délégués agricoles. La hauteur entre le billon et le sillon est de 30-45cm. Il s'étale sur une longueur variant de 11-15cm contre 30-60cm de large. Le billonnage outechniquede buttage est une opération qui a pour objectif de ramener la terre au pied des plantes et d'y former une sorte de butte. Cette technique s'emploie essentiellement dans la culture de certaines cultures vivrières comme la pomme de terre, le haricot. Butter une terre permet de blanchir les légumes et de ce fait, d'augmenter le rendement de la plantation en favorisant la création de racines et la croissance. Le buttage permet aussi de protéger les plantes contre le froid. Pour butter une terre, on utilise une houe. Elle permet de ramener la terre vers le pied de la plante et de constituer ainsi, tout autour, une petite butte de 10 à 15 centimètres de hauteur. Le buttage doit être régulièrement répété, au fur et à mesure de la croissance de la plante, afin d'augmenter en conséquence la taille de la butte. La culture en butte est une méthode de culture dans laquelle les végétaux sont plantés dans des bandes de terre surélevées : l'enracinement des plantes se fait donc en profondeur. Ce sont des techniques courantes dans notre zone d'étude pour assurer le bon développement des racines (manioc, igname) et aussi une manière de rassembler la terre fertile autour des plantes cultivées. Le billonnage permet également de maîtriser plus facilement les mauvaises herbes en donnant aux plants cultivés un avantage de 10 à 20 cm de hauteur par rapport aux adventices. Cependant, le billonnage et surtout le buttage sont des pratiques dangereuses car si, théoriquement, elles augmentent la surface d'infiltration du sol (donc en principe diminuent le ruissellement), elles augmentent aussi la pente moyenne du terrain, diminuent la cohésion du sol et concentrent les eaux de ruissellement sur une ligne. Finalement, elles augmentent l'érosion qui croît de façon exponentielle avec la pente du terrain. Il serait facile de réduire les pertes en terre et en eau des cultures sur buttes et billons en les cloisonnant et en les paillant. Mais dans ce cas, on ne peut éviter la formation d'une structurelamellaire très défavorable dans les sillons et dans les cuvettesformées qui réduisent la capacité d'infiltration du sol en fin de saison des pluies. En zone soudano-sahélienne semi-aride, la plantation à plat suivie d'un sarclage et d'un sarclobuttage à trois semaines d'intervalle, puis d'un cloisonnement, permet sur les glacis ferrugineux tropicaux, d'absorber des averses de l'ordre de 50 à 70 mm qui sont les averses auxquelles on peut s'attendre en début de saison des pluies lorsque le couvert n'est pas encore fixé. Malheureusement, sur certains solsgravillonnaires,peu profonds sur cuirasse, la capacité de stockage des eauxet la fertilité des sols sont si basses que le complément d'infiltration ne profite que rarement au rendement des cultures. D'après les essais effectués au simulateur de pluie dans la région du lac Bam par Collinet et Lafforgue, le billonnage cloisonné sur des pentes de moins de 1 % permet d'infiltrer une hauteur de pluie de 60 mm/h et de stocker dans le sol plus de 100 mm, c'est à dire trois fois autant que si le sol n'avait pas été travaillé. L'effet d'un labour isohypse et surtout d'un billonnage isohypse est difficile et même discutable à tester sur des parcelles d'érosion d'aussi petites dimensions (5 m de large x 20 m de long). Cependant, il est reconnu par de nombreux auteurs que le travail du sol suivant les courbes de niveau réduit considérablement les risques d'érosion, tout au moins sur des pentes inférieures à 10 %. Sur des pentes plus fortes, la lame d'eau retenue par les billons isohypses diminue et par conséquent, les risques de rupture en chaîne des billons le long des versants augmentent d'autant. Le drainage en profondeurpeut également avoir une influence sur le ruissellement et l'érosion. La pluie d'imbibition augmente ainsi que la capacité finale d'infiltration. Cependant, dans bon nombre de ces sols comportant une semelle de labour ou un horizon B peu perméable, l'amélioration due au drainage est localisée à une faible distance de ces drains. Il faut encore souligner ici l'influence très importante de la gestion des résidus de culture. Rappelons les résultats obtenus lorsque les résidus d'ananas sont brûlés et enfouis, l'érosion et le ruissellement augmentent beaucoup plus rapidement que lorsque les résidus sont enfouis. Par contre, lorsque les résidus sont laissés à la surface du sol, l'érosion et le ruissellement deviennent négligeables, quelle que soit la pente du terrain (Roose, 1980). En zone semi-aride où l'augmentation de la densité du semis n'augmente pas les rendements car le stockage d'eau du sol est trop faible, l'avenir consiste à mieux aménager la surface du sol, d'une part en effaçant les pellicules de battance et en approfondissant l'enracinement des plantes et d'autre part, en maintenant à la surface du sol un maximum de résidus de cultures. Sur ces sols volcaniques très riches, les paysans ont coutume, sur les fortes pentes, de planter une demi-douzaine de plantes associées sur de gros billons qu'ils orientent dans le sens de la pente (FOTSING, 1992). Les agronomes inexpérimentés ont voulu orienter ces gros billons perpendiculairement à la plus grande pente. Ils ont constaté que dans ce cas, lors des plus fortes averses, les eaux se rassemblaient en certains points du versant et débordaient les billons et formaient ensuite des ravines plus graves encore que dans le système traditionnel. Il est important de bien noter que sur les pentes supérieures à 25 %, il est plus avantageux d'orienter les billonnages dans le sens de la plus grande pente, ce qui limite le bassin versant et donc le volume ruisselant entre les billons. Pour les averses petites et moyennes, les dégâts seront évidemment plus importants lorsque le buttage est dans le sens de la pente, il se formera des petites griffes, mais pour les plus grosses averses, il vaut mieux limiter les risques de catastrophe en acceptant un billonnage dans le sens de la pente qui va entraîner certes une érosion non négligeable tout au long de l'année, mais va réduire les risquesmajeurs de glissement de terrain ou de ravinement. On ne peut donc généraliser la méthode du billonnage isohypse. Une solution élégante consisterait à faire de gros billons en pente légère (moins de 1 %) vers un exutoire aménagé à l'avance et de prévoir le cloisonnement entre ces billons dans une limite comprise entre 1 et 5 m. Ces cloisons doivent être moins hautes que les billons eux-mêmes pour permettre un drainage latéral progressif lors des averses exceptionnelles. Mais le secret de la réussite des méthodes de billonnage consiste à maintenir à la surface du sol un couvert permanent très dense grâce à l'association d'un nombre important de cultures tout au long de l'année. Mais l'efficacité des billons dépend du couvert végétal développé par les cultures associées. I.1.5. Les labours et les semis Les labours se font uniquement pour certaines plantes alors que les semis sont pratiqués pour toutes les plantes. Les labours se font à la houe et à la pioche. Pour les cultures vivrières à l'exemple du mais, les paysans grattent le sol afin de former des billons ou buttes d'environ 8 cm d'épaisseur. C'est généralement la houe qu'on utilise dans ce genre de travail. Dans certains secteurs avec la présence des sissongo et d'eupathlorium restés enfouis sous terre, on utilise la pioche pour les dégager. Les buttes sont disposées sans ordre précis et sur ces buttes, on enterre deux ou trois graines de maize tout en espaçant en fonction de la grandeur des billons. On associe les autres cultures telles que le haricot, les rhizomes de macabo, le manioc, patates, l'avocat qu'on dissémine çà et là entre les sillons. On met des tuteurs pour les ignames sur chaque butte. Les légumes et gombo sont semés à la volée par pockets. Quant au plantain, il se cultive par rejet qui demande une trouaison au départ à l'aide du plantoir. Les trous sont creusés à la profondeur de 10 à 15cm, on y introduit immédiatement le rejet. Source : Enquête de terrain aout 2020 Pour l'enfouissement des résidus et des adventices, on ignore souvent la masse des résidus de culture, de racines et surtout des adventices que les paysans enfouissent lors des labours et sarclages. C'est pourtant une filière courte (1 à 3 mois) qui permet un recyclage rapide des nutriments contenus dans la biomasse. Il existe d'ailleurs diverses méthodes traditionnelles où l'on ramasse en tas les adventices pour les faire sécher, puis on les recouvre d'une butte de terre que l'on plante aussitôt de patates douces. A la récolte de celles-ci, la terre riche en matière organique est répandue alentour. Ces enfouissements répétés dans l'année de matières organiques fraîches, permettent de maintenir un certain niveau de carbone organique dans le sol, mais leur action sur la fertilité du sol et sur sa résistance à l'érosion, est limitée. D'une part, les paysans exploitent de plus en plus cette biomasse pour l'élevage des animaux, puisque les jachères disparaissent. D'autre part, l'élévation de 1 % du taux de matières organiques du sol ne réduit que de 5% l'érodibilité du sol (Wischmeier, Johnson et Cross, 1972). Or, il faut des apports considérables de matières organiques évoluées pour augmenter de 1 % le taux de carbone de 10 cm de sol (1 % de 1 500 tonnes de terre). L'enfouissement brutal de 15 tonnes de paille peu évoluée entraîne par ailleurs une faim d'azote (fixé par la masse microbienne) et réduit les rendements. Source : Enquête de terrain aout 2020 Photo 6 : Une jachère de deux ans Selon SEBILOT (1993), la jachère est l'état d'une parcelle dont la culture a été momentanément interrompue pour des raisons d'ordre agro écologique ou socio-économique et même politique. Normalement à Mélong comme en Afrique tropicale, les paysans, après la culture d'une parcelle pendant 5 à 6 ans, doivent abandonner par la suite pour une durée de 10 à 30 ans dès qu'une baisse de la fertilité de sols se fait sentir, ou alors quand elle est envahie de mauvaises herbes. Mais en réalité après plus de 5 années de culture d'une parcelle quelconque, elle est abandonnée seulement pour une durée 6 mois à 1 an seulement. Ceci s'explique par la forte pression démographique qui utilise presque tous les finages de façon continue. Or cette courte durée de jachère ne permet pas la régénération des sols déjà pauvres, leur protection contre l'érosion et la reprise des activités fauniques. Cette situation est apparue donc après 1932 avec les impacts de la colonisation. Le système d'occupation traditionnelle permettait pourtant l'application de cette technique de protection des sols. Car de vastes étendues de pâturages collectifs y existaient en réserves foncières et permettaient donc une bonne rotation des cultures. Mais à partir de la période coloniales jusqu'à l'heure actuelle, le système de jachère à longue durée et la rotation des cultures sont battus en brèche. A cette jachère, s'est substitué les engrais organiques et chimiques comme mode de régénération de la fertilité des sols. La jachère reste encore présente dans les techniques de culture mais sa durée a fortement changée. En observant notre figure ci-dessous, on remarque que 58% de la population utilisent encore cette technique contre 42% qui dit l'avoir abandonné. Figure 9 : Avis sur l'utilisation de la jachère Source : Enquête de terrain aout 2020 I.1.7 Une utilisation généralisée des engrais organiques et chimiques A cause de la forte pression humaine sur les sols déjà pauvres, les paysans, sous la conduite des moniteurs, techniciens et délégué agricoles, ainsi que les ingénieurs agronomes, se tournent vers l'utilisation des engrais chimiques et organiques pour fertiliser leur sol. Cette technique a commencé avec l'introduction de la caféiculture. Ces intrants chimiques étaient subventionnés par l'Etat et était à la portée de tous les paysans. Mais suite au désengagement de l'Etat, les paysans en fonction de leurs moyens utilisent différents fertilisants à savoir les engrais organiques (fiente de poule, compost et fumure d'animaux). Les engrais chimiques quant à eux sont sous la forme NPK (N=azote, P=potasse, K=phosphate) qui sont fonction de la variation du degré de concentration des éléments à l'exemple du 12-6-20, du 20-10-10. En plus des KNP, l'Urée ou le 46%N, le NH3 et les engrais foliaires sont autant de types d'engrais utilisés. Ces engrais chimiques se vendent sur le marché local aussi bien en gros qu'en détail et le prix du kilogramme varie de 350F CFA à 500F CFA (le kilogramme de l'Urée coûte 450F CFA). Un commerçant d'engrais nous-même confié que les quantités vendues sont énormes actuellement. Figure 10 : Utilisation des engrais Source : Enquête de terrain décembre 2020 Les produits phytosanitaires sont utilisés par les paysans. En plus de ces produits, ils utilisent aussi des fongicides spécialisés dans la lutte contre les champignons, les bactéries. Les némacides sont utilisés pour détruire les nématodes et les pesticides pour chasser les insectes. Il faut noter que ces produits sont utilisés uniquement sur les plantes de la famille des « solancées » donc les cultures maraichères pour éviter les pourritures brunes. Figure 11 : Types d'intrant utilisés Source : Enquête de terrain aout 2020 Il ressort de cette figure, que l'appauvrissement des sols a conduit à l'utilisation quasi systématique d'engrais chimique, quelle que soit la catégorie d'agriculteurs. En effet lors de notre enquête sur le terrain, tous les agriculteurs s'accordent sur un fait à savoir la production agricole a baissé de façon assez importante au fil des années. Cette baisse du rendement est liée au climat et à la baisse de la fertilité des sols à la fois. Pour lutter contre le problème relatif à la baisse des récoltes au champ, les paysans se sont lancés dans l'utilisation généralisée des engrais chimiques avec 50,50% des paysans. L'une des conséquences d'une agriculture devenue « intensive » et « continue » de la terre telle que décrite par J.L. NDONGMO, en faisant allusion au système d'exploitation agricole du sol chez les Bamilékés a été de rendre inefficaces les techniques traditionnelles de fertilisation des sols cultivés. Il s'agit de l'utilisation quasi exclusive de « l'engrais vert, obtenu par enfouissement des mauvaises herbes, des résidus de haricot et d'arachide, des tiges de mais, les feuilles de bananier, etc. les cendres et les ordures ménagères. » De nos jours il est devenu quasi impossible d'obtenir un rendement sur une parcelle en n'utilisant uniquement que ce procédé comme seul moyen d'enrichissement des sols en éléments minéraux. En effet en nous référent aux résultats de notre enquête, plus de la moitié des paysans enquêtés sont d'accord sur le fait que les récoltes obtenues aux champs actuellement sont plus faibles que celles qu'ils y obtenaient il y a 20 à 30 années. D'après eux, les causes de cette baisse de rendement sont la baisse de la fertilité des sols et le climat. C'est la raison pour laquelle la position des paysans de Mélong à l'idée d'utiliser les engrais chimiques de façon indispensable a fortement changé et diffère de celle décrite par J.L. DONGMO lorsqu'il écrivait à ce sujet : « L'utilisation des engrais chimiques pour les cultures vivrières donne des résultats intéressants, mais elle est malheureusement encore très réduite. » En effet les paysans de Mélong ont pris conscience de l'épuisement de leurs sols et du bénéfice qu'ils pouvaient tirer de l'utilisation de ces engrais. Ils les combinent par ailleurs avec les techniques traditionnelles de fertilisation des sols décrites précédemment (20,5% utilisent les types d'engrais). Seulement 7,5% de paysans utilisent exclusivement l'engrais organique faute de moyens financiers. |
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