B-La cause subjective du devoir de
désobéissance : la qualité de fonctionnaire comme
circonstance aggravante de la responsabilité.
En effet le fonctionnaire subordonné a une raison
subjective de désobéir aux ordres du supérieur. Le verdict
de l'article 89 du code pénal est clair : «(1) La
qualité de fonctionnaire, d'officier public ou d'agent chargé
d'un service public est une circonstance aggravante de la responsabilité
pénale contre ceux d'entre eux qui, hors les cas où la loi
règle spécialement les peines encourues pour les crimes et les
délits par eux commis, se sont rendus coupables d'autres crimes ou
délits qu'ils étaient chargés de prévenir ou de
réprimer. (2) La peine est alors augmentée dans les conditions
prévues à l'article précédent
»229. C'est dans ce sens que ce code refuse
l'excuse de l'ordre du supérieur (1) et pour mettre en oeuvre cette
circonstance aggravante, il faut que l'infraction ait été commise
pendant le service (2).
1-Le refus de l'excuse de l'ordre du
supérieur.
Lorsque les ordres du supérieur hiérarchique
sont illégaux, le fonctionnaire subordonné ne peut évoquer
comme excuse qu'il obéissait uniquement aux ordres du supérieur
hiérarchique. L'article 132(bis) du code pénal, traitant de la
torture, illustre clairement cette
229Loi n° 77/23 du 06 décembre 1977
portant code pénal du Cameroun.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
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situation en des termes saisissant : «... b)
Le terme « torture » ainsi défini ne s'applique pas à
la douleur ou aux souffrances résultant de sanctions légitimes,
inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ;c)
Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de
l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique
intérieure ou de tout autre état d'exception ne peut être
invoqué pour justifier la torture ; d) L'ordre d'un supérieur ou
d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier
la torture ».
Cela est dû au fait que la
non-désobéissance aux ordres illégaux a souvent
été à l'origine des évènements malheureux.
En France, l' histoire pourrait nous donner de nombreux exemples, que ce soit
dans le domaine militaire ou de la recherche, où la
désobéissance des hommes a permis de gagner des guerres, de faire
progresser les connaissances. Mais l'actualité nous offre un cas
douloureux, avec le procès Papon où ce fonctionnaire au
comportement cité comme exemplaire a permis par sa
non-désobéissance à l'administration de Vichy la
déportation et la mort de nombreux juifs. Si ce cas extrême nous
montre bien les limites au devoir d'obéissance, il pose aussi un certain
nombre de questions est-ce qu'une organisation peut faire d'un homme une
machine à obéir aux ordres au point de lui faire oublier les
valeurs humaines essentielles ? C'est sans doute pour remédier à
pareilles situations que, concernant les militaires, l'article 15 alinéa
2 du statut général français230 précise
qu' « il ne peut leur être ordonné et ils ne
peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la
guerre et aux conventions internationales ou qui constituent des crimes ou
délits notamment contre la sûreté et
l'intégrité de l'Etat ». Pour ce qui est des
circonstances aggravantes du code pénal camerounais, elles sont
applicables lorsque que l'infraction est commise pendant le service.
2-La condition : la commission de l'acte pendant le
service.
Le préambule de la constitution231 affirme
l'égalité de tous les hommes en droits et en devoirs. Le
fonctionnaire, comme tout citoyen, ne peut donc bénéficier d'un
traitement de faveur. Au contraire, en tant que représentant de l'Etat,
il est censé être un exemple pour les autres
citoyens232. C'est peut-être pour cela que le code
pénal apparaît plus sévère en faisant de la
qualité de fonctionnaire, une circonstance aggravante. Pour autant, dans
le but d'équilibrer un peu avec les autres citoyens, le code
précise qu'il est applicable pour le fonctionnaire en ce qui concerne
les infractions commises pendant le service. En effet, l'article 131 du code
pénal
230Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et devoirs des fonctionnaires.
231 Loi n°96 /06 du 18 janvier 1996 portant révision
de la constitution du 02 juin 1972.
232 Arrêt n°263/CCA du 27 novembre 1953, Mikoma Albert
c/ Administration du territoire : « ... Qu'en effet, un fonctionnaire se
doit de garder en toutes circonstances un comportement digne et honorable et
être un exemple pour tous ses concitoyens... ».
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dispose qu' : « est considéré
comme fonctionnaire, pour l'application de toute loi pénale, tout
magistrat, tout officier public ou ministériel, tout
préposé ou commis de l'Etat ou toute autre personne morale de
droit public, d'une société d'Etat ou d'économie mixte,
d'un officier public ou ministériel, tout militaire des forces
armées ou de gendarmerie, tout agent de la sûreté nationale
ou de l'administration pénitentiaire et toute personne chargée
même occasionnellement d'un service, d'une mission ou d'un mandat public,
agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions
». Par conséquent, pour les circonstances aggravantes
du code soient applicables, il faut que le fonctionnaire soit dans l'exercice
de ses fonctions.
En somme, nous avons analysé dans ce premier volet des
obligations de responsabilité du service, l'obligation de servir. Nous
avons montré que l'obligation de servir emporte l'obligation de se
consacrer personnellement et exclusivement à leur fonction (La
règle qui interdit en principe le cumul d'un emploi public et d'une
autre activité (publique ou privée) apparait dans la
jurisprudence (CE, 1936, Caroillion : il appartient «
à l'administration de veiller à ce que les fonctionnaires
s'acquittent correctement et intégralement de leurs fonctions et
notamment ne se livrent pas à des opérations commerciales
»). Elle est confirmée dans le décret-loi du 29 octobre
1936, interdisant le cumul des fonctions, des rémunérations, des
pensions, édictée par le gouvernement de Léon Blum, aussi
bien pour « prévenir le risque de non-dévouement exclusif au
service » selon la formule de Chapus) d'une part, et l'obligation
d'obéissance hiérarchique qui comporte des exceptions d'autre
part. L'on a pu constater les lacunes du système d'évaluation et
les multiples violations de la continuité du service public. L'on
espère qu'avec le nouveau système d'évaluation, la
situation va s'améliorer. Il ne nous reste qu'à nous
intéresser au second volet des obligations de responsabilité du
service que constituent les obligations de confidentialité.
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LES OBLIGATIONS DE CONFIDENTIALITE.
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