SECTION II: L'OBLIGATION D'OBEISSANCE HIERARCHIQUE.
L'administration centrale à laquelle appartient la
fonction publique camerounaise, est organisée, comme toutes les autres
administrations, de façon pyramidale. C'est dans ce sens que l'article 9
alinéa 1er du statut général de la fonction
publique dispose que : «les fonctionnaires sont
répartis en quatre (4) catégories désignées dans
l'ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C, et D. -
Les postes de travail de la catégorie A correspondent aux fonctions de
conception, de direction, d'évaluation ou de contrôle.- Les postes
de travail de la catégorie B correspondent aux fonctions de
préparation, d'élaboration et d'application. - Les postes de
travail de la catégorie C correspondent à des taches
d'exécution spécialisée. - Les postes de travail de la
catégorie D correspondent à des taches d'exécution
courante ou de grande subordination. Pour qu'une telle organisation fonctionne
bien, il est nécessaire que les subordonnées obéissent
à leurs supérieurs hiérarchiques ».
Pour qu'une telle organisation fonctionne bien, il est nécessaire que le
fonctionnaire subordonné obéisse aux ordres que lui donne son
supérieur hiérarchique (paragraphe I) mais il y a des
circonstances où le subordonné est tenu de ne pas exécuter
l'ordre du supérieur hiérarchique, ce qui fait naître pour
le premier un devoir de désobéissance (paragraphe II).
PARAGRAPHE I: L'OBLIGATION D'OBEISSANCE HIERARCHIQUE
PROPREMENT DITE.
L'organisation hiérarchisée de la fonction
publique fait naître une relation de supérieur à
subordonné qui est régie par l'obligation d'obéissance du
dernier aux ordres du premier. L'obéissance est un fait ou action
d'obéir, c'est-à-dire l'action de se soumettre à quelqu'un
en se conformant à ce qu'il ordonne ou défend217. Il
s'agit de soumettre à l'autorité de quelqu'un. Toute sa vie
l'être humain apprend à obéir : que cela soit au sein de sa
famille, dans le milieu scolaire, puis dans le monde du travail, la
conformité à la norme sociale est fondamentale pour se
développer et appartenir à un groupe. Obéir aux
règles est une attitude indispensable pour la survie de la
société car les comportements déviants peuvent
entraîner l'éclosion de zones de non droit. Dans la fonction
publique, la norme est particulièrement importante de part les missions
d'intérêt général. Pour appréhender cette
obligation, nous parlerons de la consistance
217 Dictionnaire le Robert de poche, 2011.
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de cette obligation (A) avant de nous intéresser aux
conséquences du non respect de cette obligation (B).
A-La consistance de l'obligation d'obéissance
hiérarchique.
L'administration attend des fonctionnaires: dévouement,
désintérêt financier et soumission, on contrepartie d'une
sécurité de l'emploi. Ainsi, cette soumission doit être une
qualité du fonctionnaire et est parfaitement explicitée par le
décret du 1er avril 1933 sur le statut des militaires : « les
ordres doivent être exécutés sans hésitation, ni
murmure ». L'obligation d'obéissance hiérarchique a deux
volets qui créent des responsabilités à l'égard du
non seulement subalterne (1) mais également à l'égard du
supérieur hiérarchique (2).
1-Les responsabilités du subordonné
issues l'obéissance hiérarchique.
L'obligation d'obéissance hiérarchique entraine
subordination du fonctionnaire de rang inférieur. Engoncé dans le
cocon de la hiérarchie, le fonctionnaire choisit le paravent confortable
de l'anonymat et le parapluie satisfaisant de l'irresponsabilité.
Grâce au principe de subordination, assuré de la cohésion
dans le service, il se met à l'abri des pressions et des passions,
confortant ses illusions d'autonomie et d'indépendance. Le fonctionnaire
se laisse diriger, signifiant par l'absence d'initiatives et par le silence
consentant sa soumission aux ordres, et par là, son souci de la
discipline, gage d'un bon fonctionnement du service218.
L'obéissance est alors l'expression d'une conscience de la subordination
inhérente au système d'administration publique219 -
légitimant ainsi le pouvoir de commandement, et non la force de
domination, que détient toute autorité220.
Toutefois, le subordonné n'est pas totalement
protégé par le parapluie de l'irresponsabilité. Cela se
justifie par le fait qu'il est responsable des tâches qui lui sont
confiées. C'est dans ce sens que 39 du statut général de
la fonction publique221 dispose que « tout
fonctionnaire est responsable de l'exécution des tâches qui lui
sont confiées. A ce titre, il est tenu d'obéir aux instructions
individuelles ou générales données par son
supérieur hiérarchique dans le cadre du service,
conformément aux lois et règlements en vigueur...
».
218 Voir Koubi (G), le for intérieur du fonctionnaire, P.
239.
219 Lochak (D.), "Le sens hiérarchique "in Psychologie et
science administrative, C.U.R.A.P.P., P.U.F. 1985, pp. 147
220 Les supérieurs hiérarchiques peuvent être
sanctionnés pour leur "manque d'autorité" :C.E. 26 juillet 1985
N. Joly, rec.244, cond .M. Rouxin A.J.D.A. 1985, pp. 734, rarement pour
"autoritarisme":C.E. 5 juillet 1985 M. M... rec.223;ils le sont aussi pour
"abus d'autorité" : cf.art.6 modifié du titre 1 SGFP- cf.loi
n°91179 du 2 novembre 1992, J.O., 4 novembre 1992, à propos du
"harcèlement sexuel".
221 Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant
statut général de la fonction publique de l'Etat modifié
et complété par le décret n° 2000/287 du 12octobre
2000.
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En France, l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983, le
devoir d'obéissance est ainsi formulé: « le
fonctionnaire doit se conformer aux instructions de son supérieur
hiérarchique »222. L'agent public doit
obéir aux ordres et donc respecter sa hiérarchie. Ce devoir
d'obéissance est renforcé par un devoir de réserve qui
exige du fonctionnaire un comportement loyal, digne de bonnes moeurs, neutre et
modéré : ce qui peut faire penser que l'on rentre dans la
fonction publique comme on rentre dans les ordres religieux tant ces principes
font référence aux valeurs judéo-chrétiennes de
notre société. Le fonctionnaire est certes responsable des
tâches qui lui sont confiées mais cela ne retire pas la
responsabilité du supérieur, auteur des ordres.
2-Les responsabilités du supérieur
hiérarchique issues de l'obligation d'obéissance.
Au Cameroun, la réglementation bien que posant le
principe de responsabilité du subordonné pour les tâches
qui lui sont confiées, ne privilégie pas pour autant, le
supérieur hiérarchique. En effet, ce dernier demeure responsables
des ordres qu'il donne, le subordonné n'est responsable que de
l'exécution des tâches ; c'est-à-dire qu'il obéit
juste au supérieur sans être responsable des conséquences
de l'ordre sauf faute personnelle de sa part. C'est dans ce sens que
l'alinéa 2 de l'article 39 précité dispose qu'
«il n'est dégagé d'aucune des
responsabilités qui lui incombent du fait de l'action de ceux qui sont
placés sous ses ordres, son autorité ou son contrôle, sauf
cas de faute personnelle commise par ces derniers ». De
ceci, il découle que le supérieur hiérarchique a un devoir
de passer les ordres qu'il donne au crible de l'éthique afin que ceux-ci
n'entrainent pas sa responsabilité.
Le décret portant Code de déontologie des
fonctionnaires de la sûreté nationale est encore plus clair en ce
qui concerne les obligations du supérieur hiérarchique. Ainsi
bien que les subordonnés lui doivent obéissance, ce dernier doit
pour sa part, prêcher par l'exemple. C'est à ce titre que
l'article 12 dudit code dispose que : «(1) le supérieur
hiérarchique répond de la bonne application des instructions,
ainsi que de la légalité des mesures prescrites et du
contrôle de leur exécution. (2) Il doit prêcher par
l'exemple en cultivant notamment :- la maîtrise de soit, le sens de la
justice, la tolérance ; -la courtoisie, la fermeté,
l'objectivité, l'impartialité ; - la probité et la
rectitude morale »223. L'article 13 du même
code poursuit en ces termes : « le supérieur
hiérarchique est responsable des ordres qu'il donne, de leur
exécution et de leurs conséquences. Il sert d'exemple à
ses subordonnés à travers son action, sa rectitude morale, sa
tenue vestimentaire et ses relations interprofessionnelles
».
222 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires
223 Décret n°2012/546 du 19 novembre 2012 portant
Code de déontologie des fonctionnaires de la sûreté
nationale.
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Ailleurs, en France par exemple, c'est le même
état des choses. Le supérieur hiérarchique est responsable
des tâches qu'il a confiées. En application des dispositions de
l'article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires, tout agent public est sous les ordres de son
chef de service et doit remplir la mission qui lui est confiée. «
Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est
responsable de l'exécution des taches qui lui sont confiées. Il
doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique,
sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement
illégal et de nature à compromettre gravement un
intérrêt public. Il n'est dégagé d'aucune des
responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de
ses subordonnés ». Si l'obligation d'obéissance est
ainsi formulée, c'est parce que son non-respect expose à des
conséquences pas agréables.
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