PARAGRAPHE II : L'EXERCICE EXCLUSIF DES FONCTIONS.
L'obligation de se consacrer à ses fonctions
débouche directement sur le principe de l'exclusion de tout cumul
d'activités professionnelles. C'est surtout au cumul d'un emploi public
avec une activité privée lucrative que se rapporte la
règlementation des cumuls. Un tel cumul est particulièrement
susceptible de mettre à mal l'obligation de se consacrer à ses
fonctions202. Toutefois, il faut préciser que l'interdiction
de cumul n'est pas absolue. C'est dans cet ordre d'idée que nous nous
intéresseront au principe d'interdiction des cumuls (A) avant de parler
des différentes dérogations au principe (B).
A-Le principe d'interdiction des cumuls.
L'agent ne doit se consacrer qu'à sa fonction, il ne
peut cumuler sa fonction ni avec un emploi privé ni avec une autre
activité publique. Il est tenu d'assurer correctement son service. Afin
d'éviter la « maladie du deuxième métier
»203 , le premier devoir de celui-ci est d'assurer la
primauté de l'intérêt général.
Primauté de l'intérêt général sur les
intérêts particuliers, sur les intérêts
corporatistes, sur l'intérêt personnel. Le juge administratif a
affirmé, dès 1926 qu'il appartenait à l'administration de
veiller à ce que les fonctionnaires s'acquittent correctement et
intégralement de leurs fonctions et notamment ne se livres pas à
des opérations commerciales. En fait, le principe d'interdiction des
cumuls ne concerne pas seulement le cumul d'une fonction publique avec une
activité privée lucrative (1) mais également le cumul des
pensions (2).
1-L'interdiction du cumul d'une fonction publique et
d'une activité privée lucrative.
L'exercice exclusif des fonctions conformément au sens
de l'adjectif « exclusif » empêche le fonctionnaire d'exercer
une fonction ou une activité autre que celle que lui a confiée
l'administration publique. En plus de cela, il doit assurer correctement cette
fonction ; c'est pourquoi il ne doit pas avoir des intérêts de
nature à compromettre son indépendance. La
201 Voir Tekam, fonction publique camerounaise, cité par
Owona (J) in droit de la fonction publique camerounaise, l'Harmattan, 2011.
202 Voir Chapus (R), droit administratif général,
tome 2, 15e édition, Montchrestien, 2001.
203 Vigouroux (Ch.), déontologie des fonctions publiques,
Dalloz, "Connaissance du droit", 1995, p. 71 et s.
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publique camerounais
règlementation étend l'interdiction au conjoint
du fonctionnaire. C'est pour cette raison que l'article 37 du statut
général de la fonction publique dispose que : «
(1).- Il est interdit à tout fonctionnaire régi par le
présent statut : a) d'avoir dans une entreprise ou dans un secteur
soumis à son contrôle direct ou en relation avec lui, par
lui-même ou par personne interposée et sous quelque
dénomination que ce soit, des intérêts de nature à
compromettre ou à restreindre son indépendance ; b) d'exercer,
à titre personnel, une activité privée lucrative... (2)
Lorsque le conjoint exerce à titre professionnel une activité
privée lucrative, déclaration doit en être faite par le
fonctionnaire au Ministre dont il relève. L'Administration prend, s'il y
a lieu, les mesures propres à sauvegarder les intérêts du
service ».
Ailleurs, en France plus précisément, les
pouvoirs publics ont dès 1936, dans un contexte économique
fortement marqué par le chômage, la règle du non-cumul afin
de « prévenir le risque de non-dévouement exclusif au
service »204. Le décret du 29 octobre 1936 relatif
au cumul de retraites, de rémunérations et de fonctions
modifié par la loi du 23 février 1963 est, en effet venu
poser le principe d'interdiction, pour les fonctionnaires, des cumuls afin de
dégager sur le marché du travail le grand nombre d'emplois. Jean
Colin souligne, à juste titre que « dans l'exercice d'une
activité privée, le fonctionnaire peut être tenté de
faire passer son intérêt professionnel privé avant
l'intérêt général du service dont il a la charge
». Aujourd'hui, l'article 25-1205, alinéa
1er du statut, modifié par l'article 20 de la loi de
modernisation de la fonction publique dispose que « les
fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité
professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent
exercer à titre professionnel une activité privée
lucrative de quelque nature que ce soit ».
L'interdiction de cumul se justifie pleinement. Dans son
rapport de 1999 sur le cumul d'activités et de
rémunérations des agents publics, le Conseil d'Etat a
rappelé que l'interdiction légale poursuivait trois objectifs :
en premier lieu, assurer la bonne exécution du service public par
l'assurance d'une disponibilité des agents ; en second lieu, contribuer
à lutter contre le chômage en évitant que les agents
publics qui, par définition, occupent déjà un emploi,
n'exercent une activité qui pourrait être exercée par une
personne privée d'emploi ; en troisième lieu, éviter la
concurrence déloyale que pourraient porter certains agents publics,
notamment les techniciens, à l'activité de certaines professions
privées . La formule signifie, en premier lieu, que le fonctionnaire
doit travailler à titre exclusif pour la collectivité publique
qui l'emploie, pendant le temps de travail qui lui est imparti. En
conséquence, il doit être présent
204 Voir Chapus (R), droit administratif général,
tome 2, 15e édition, Montchrestien, 2001.
205 Article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires
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sur son lieu de travail et rendre compte de ses
activités. Cette obligation le soumet inévitablement au
contrôle de sa hiérarchie, même pendant un congé de
maladie206. Le fonctionnaire ne doit pas délaisser sa mission
pour s'investir dans une entreprise privée. Ainsi, un inspecteur de
police ne peut créer une pizzeria avec un prête-nom, engager du
personnel et gérer l'établissement au détriment de la
qualité de son travail207. L'interdiction ne se limite pas au
cumul des fonctions, elle s'étend au cumul des pensions.
2-L'interdiction du cumul des pensions.
Au Cameroun, cette interdiction concerne les pensions
versées par les personnes publiques aux fonctionnaires retraités.
En effet, le cumul de deux ou plusieurs pensions de retraite, ou de l'une
d'elles avec une rémunération versée par l'Etat, les
collectivités et établissements publics avec toutes les
indemnités perçues à l'exercice d'une fonction
élective, est interdite au-delà de cinq fois le minimum vital,
exception faite de la pension d'invalidité. Si cette limite est
dépassée, la réduction est effectuée sur la pension
de la retraite. Par conséquent, déclaration doit être faite
au ministre des finances de l'embauche à un titre quelconque d'un
pensionné de l'Etat par toute collectivité, tout service public
ou parapublic qui le rémunère. De même, obligation est
faite au fonctionnaire retraité de présenter chaque année
civile, un certificat de fonction ou de non fonction établi par les
autorités compétentes. En outre, restitution des sommes
indûment perçues sans préjudice des sanctions
pénales, et radiation des fraudeurs du grand livre des
pensions208. L'interdiction existe également en France.
En France notamment, l'interdiction est tout à fait
particulière. En effet, les articles L. 84 et suivants du code des
pensions civiles et militaires encadrent le cumul d'une pension retraite avec
des rémunérations d'activité. Les militaires sont souvent
concernés par le rapport de 1999 du Conseil d'Etat en raison de leur
départ à la retraite avancé par rapport aux autres
fonctionnaires. Si le fonctionnaire retraité exerce une activité
libérale qu'il ne peut cumuler avec sa pension, il est tenu de restituer
les sommes indues, versées au titre de celle-ci209. En
pareille hypothèse, le juge administratif doit déterminer si
l'organisme au sein duquel le fonctionnaire percevant une pension exerce une
activité libérale appartient à la liste des services ou
organismes figurant à l'article 84 du code
précité210. Le principe de l'interdiction des cumuls
n'étant pas absolu, ce dernier comporte des dérogations.
206 Voir C.E 8 octobre 1990, Ville de Toulouse c/ Mirguet et TC 2
décembre 1991, «Mme Paolucci», Req. n° 2682.
207 CAA Lyon 3 octobre 1997, «Mme Yana», Req.
n°94LY01823.
208 Voir Owona (J), droit de la fonction publique camerounaise,
l'Harmattan, 2011.
209 Voir Aubin (E), mémento- droit de la fonction
publique, 3e édition, 2007.
210 C.E. 20 juin 1997, De Larminat ; C.E. 4 juillet 1997, Urvoy ;
C.E. 28 décembre 1992, Sarraute.
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