B-L'exercice continu des fonctions.
Parmi les principes du service public, figure le principe de
continuité du service public. Ainsi, l'administration exerçant
une mission d'intérêt général, cette dernière
ne doit pas connaitre des périodes de vacuité, ce qui nuirait
énormément aux usagers du service public. Le fonctionnaire est
donc tenu d'exercer ses fonctions de façon continu afin d'assurer le
fonctionnement régulier du service. C'est dans ce but que le Cameroun
comme les autres Etats, exige à ses fonctionnaires de servir de
façon continu. Toutefois, la continuité du service dans les
administrations camerounaises fait partie des faiblesses de ladite
administration à cause du non-respect de cette obligation. C'est dans
cette optique que nous traiterons de la consistance du principe de
continuité (1) avant de nous intéresser à ces violations
au Cameroun(2).
1-La consistance du principe de
continuité.
Le principe de continuité du service public est l'un
des plus importants à côté de la gratuité, de la
neutralité et de la laïcité. La continuité est le
caractère de ce qui n'est pas interrompu dans le temps197. En
France, contrairement au Cameroun, la continuité est un principe
à valeur constitutionnelle soutenu par l'idée selon laquelle le
service ne s'interrompt pas, sous réserve de l'exercice du droit de
grève, lui-même principe à valeur constitutionnelle. La
continuité est le fonctionnement ponctuel et régulier du service
public, qui s'apprécie par rapport à l'objet du service. Elle
sous-tend tout un ensemble d'obligations professionnelles198:
obligation d'assurer à titre exclusif et personnel sa fonction,
obligation d'assurer le libre accès au service public, etc. Le principe
de continuité se justifie par la continuité de l'État
qu'il convient de préserver à tout prix. L'évocation de la
continuité sert donc traditionnellement d'abord l'Etat et les
gestionnaires des services publics, lesquels l'opposent selon les
hypothèses
197 Dictionnaire le Robert de poche, édition 2012.
198Voir Taillefait (A), Déontologie et
responsabilité disciplinaire, précité ; Fortier (Ch.), Le
défi de la continuité du service public de l'éducation
nationale : assurer les remplacements, revue L'actualité juridique droit
administratif 2006, p. 1822
Mémoire présenté et soutenu par AMBI
PHILIPPE ROMEO Page 79
Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
aux agents ou aux usagers. La présentation est usuelle
et l'idée est d'ailleurs si bien implantée qu'elle justifie
également une attitude restrictive du juge sur le terrain de
l'indemnisation pour faits de grève constituant une rupture de
continuité du service public. En France l'aspiration des citoyens
à la continuité des services publics est en effet
exploitée, voire instrumentalisée par la puissance publique dans
le cadre du débat récurrent sur le droit de grève des
fonctionnaires et du service minimum. Il s'est même
concrétisé dans deux lois successives visant à instaurer
un « service minimum », d'abord dans les transports
publics199, puis pour l'accueil dans les écoles. Au Cameroun,
cette exigence du service minimum en cas de grève existe
également mais ce qui attire l'attention, c'est le non respect du
principe de continuité dans notre pays.
2-Le principe de continuité au Cameroun face
aux retards et absentéisme.
Nous l'avons dit précédemment que lorsque le
titulaire de la compétence est absent, il peut déléguer,
si la règlementation le permet, ses fonctions à une autre
autorité cela dans le but d'assurer la continuité du service
public et éviter par là la vacuité dudit service. Le
problème au Cameroun est que l'on a constaté tout d'abord que
pour certains fonctionnaires, le retard est devenu la règle. Il y a des
administrations où certains fonctionnaires ouvrent leurs bureaux aux
environs de dix heures et exigent comme tous les autres (les fonctionnaires
ponctuels) de prendre leur pause à treize heures. De même, l'autre
constat est que certains sont souvent absents à leurs postes sans
explications. Les communiqués radio-presse en témoignent.
L'on peut attribuer ce non-respect d'abord au système
d'évaluation qui selon l'article 43 : « (1) Le
supérieur hiérarchique compétent est tenu d'évaluer
objectivement les personnels placés sous sa direction et son
autorité. (2) Constitue une faute disciplinaire, le fait pour lui : - de
s'abstenir d'évaluer ses collaborateurs ; - de les évaluer avec
légèreté ou mauvaise foi »200.
L'on peut dire que les supérieurs évalueraient
leurs subordonnés avec légèreté vu que les absences
inexpliquées perdurent. Ensuite l'absence d'une commission de
contrôle qui s'assurerait que les fonctionnaires remplissent
réellement leurs obligations peut également être
évoquée. Et, pour que cette commission soit efficace, il faut
qu'elle effectue, comme le fait l'administration fiscale, des visites
inopinées. Enfin, le modèle de fiche d'évaluation ne
serait pas encore pleinement opérationnel. Faute de mieux, la notation
classique
199 Loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le
dialogue social et la continuité du service public dans les transports
terrestres réguliers de voyageurs.
200Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994
portant Statut général de la Fonction publique de l'Etat
modifié et complété par le décret n° 2000/287
du 12octobre 2000.
Mémoire présenté et soutenu par AMBI
PHILIPPE ROMEO Page 80
Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
continuerait à être
pratiquée201. L'on espère qu'avec le nouveau
système d'évaluation annoncé et qui serait
déjà opérationnel au ministère de la fonction
publique, son expansion aux autres structures publiques permettra de mettre fin
à ce phénomène d'absentéisme et de retards. Le
fonctionnaire n'est pas seulement tenu de servir personnellement, il est
également tenu de servir exclusivement l'administration.
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