B-le droit de la fonction publique camerounais
Dans cette expression, nous définirons le terme «
droit »(1) et l'expression « fonction publique »(2) afin de
déduire la signification de toute l'expression(3).
1- le droit
Le terme droit vient du latin « directum »,
neutre pris substantivement de l'adjectif « directus » :
ce qui est en ligne droite, direct, sans détour, droit. Dans les
dictionnaires littéraires, il est défini tantôt comme la
faculté d'accomplir une action, de jouir d'une chose, d'y
prétendre, de l'exiger, ou plutôt comme l'ensemble des
règles qui régissent les rapports entre les
hommes18.Le Robert de poche le défini d'une part comme ce que
chacun peut exiger, ce qui est permis selon une règle morale, sociale,
d'autre part comme des règles juridiques en vigueur dans un Etatà
la coutume, à des lois , à des jurisprudences. Cette
dernière définition se rapproche du sens juridique du terme.
Sur le plan juridique, le lexique des termes juridiques
tantôt comme une prérogative attribuée à un individu
dans son intérêt lui permettant de jouir d'une chose, d'une valeur
ou d'exiger d'autrui une prestation : c'est le droit subjectif, ou plutôt
comme l'ensemble des règles régissant la vie en
société et sanctionnées par la puissance publique : c'est
le droit objectif. Le vocabulaire des termes juridiques va dans le même
sens en définissant le droit objectif comme l'«
ensemble de règles de conduite socialement
édictées et sanctionnées, qui s'imposent aux membres de la
société.».
Dans notre sujet, le terme droit sera compris dans son sens
objectif. Que dire de l'expression « fonction publique » ?
2- la fonction publique
Avant de définir l'expression fonction publique, il
convient de présenter succinctement ses origines françaises en
Afrique francophone.
17 Voir article 3 du statut général de
la fonction publique, décret n°94/199 du 07 octobre 1994
modifié et complété par le décret n°2000 /287
du 12 octobre 2000.
18 Dictionnaire universel, 4e
édition, Aout 2007
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
a- la genèse française de la fonction
publique
Les origines de la fonction publique en France remontent au
moyen-âge19.
Au Moyen-Âge, le besoin d'une administration et d'agents
à son service - ancêtre de la fonction publique - commence
à se manifester avec l'affirmation de la mainmise du roi sur le
territoire, au détriment des seigneurs, et la progression de la
construction de l'État monarchique. Ce mouvement
s'accélère sous le règne de Philippe le Bel (1285 - 1314).
Les légistes du roi, formés au droit romain, jouent un rôle
central dans cette administration. Sous l'Ancien Régime, le nombre des
agents augmente, mais cette « fonction publique » demeure très
hétérogène et il n'existe pas de statut. Il faut
néanmoins distinguer deux groupes au sein de ces agents publics : les
officiers et les commissaires.
L'office, à l'origine, désigne toute fonction
confiée par le roi à un particulier rémunéré
par des gages et des taxations attachées à chacune des
opérations qu'il accomplit. Mais à la fin du XVe
siècle/début du XVIe, il devient un objet de commerce entre
particuliers : c'est la vénalité des offices. En 1604,
l'édit de la paulette consacre le caractère patrimonial et
héréditaire des offices contre le versement d'un droit annuel et
d'un droit de mutation à l'État. Pour renflouer ses caisses, le
roi multiplie alors les offices, mais perd du même coup le contrôle
sur ces officiers.
La création des commissaires, dont les intendants de
justice, police et finances font partie, a donc eu pour but de rétablir
la pleine autorité du roi sur ses agents. Le roi dispose en effet d'un
pouvoir discrétionnaire de nomination et de révocation sur les
commissaires, qui ne sont pas propriétaires de leur charge. Leur
fonction est temporaire et limitée. Les intendants occupent une place
croissante dans l'administration du royaume aux XVIIe et XVIIIe
siècles.
Enfin, les agents publics de l'Ancien Régime
connaissent déjà une hiérarchisation entre une «
haute fonction publique » et une fonction publique d'exécution.
Sous la Révolution20, les effectifs de
l'administration gonflent, que ce soit dans les ministères ou, sur le
plan local, dans les services chargés d'équiper et de ravitailler
les armées. Par ailleurs, on remarque une relative stabilité du
personnel administratif. Ainsi, les
19Le Moyen-Âge et l'Ancien régime : les
lointaines origines de la fonction publique. 20La Révolution
et le XIXe siècle : l'évolution vers une véritable
fonction publique
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
administrateurs territoriaux ont pour la plupart
été formés sous l'Ancien Régime, ont
administré les anciennes provinces et conservent leurs fonctions en
raison de leur expérience.
Pendant la période napoléonienne, la fonction
publique est tout d'abord largement réorganisée et se
professionnalise. Les grades et les emplois sont définis de
manière plus précise, de même que le système
présidant à l'avancement. Les horaires de travail deviennent
stricts.
Demeure néanmoins une forte
hétérogénéité des agents publics. La haute
fonction publique est de facto réservée aux notables et à
leurs enfants, le recrutement s'effectuant par cooptation au sein des
mêmes milieux. Pour les fonctionnaires des catégories
inférieures, le recrutement s'opère dans les milieux modestes,
avec des possibilités d'avancement limitées.
Tout au long du XIXe siècle, le pouvoir place le
territoire français sous une stricte tutelle administrative, ce qui se
traduit par une fonctionnarisation accrue des services publics. Ce
phénomène explique l'accroissement constant des effectifs.
Parallèlement, apparaît l'idée que les fonctionnaires
doivent être à la fois mieux formés et mieux
sélectionnés.
Le premier souci des républicains, dès la fin
des années 1870, est de s'assurer des sentiments favorables des
fonctionnaires à l'égard de la République. C'est à
une forme d'« épuration » que l'on assiste pendant les
premières années de la IIIe République. Dans le même
temps, dans un contexte de forte instabilité ministérielle, les
hauts fonctionnaires deviennent les meilleurs garants de la continuité
de la vie nationale.
L'extension des compétences étatiques est
concomitante d'importantes évolutions au sein de la fonction publique.
C'est notamment à cette époque que la hiérarchie au sein
de chaque département ministériel (directeur, sous-directeurs,
chefs de bureau, sous-chefs de bureau et rédacteurs) se cristallise, au
moins jusqu'à la Libération.
La question de la formation et du recrutement se pose
toujours. En 1848, Hippolyte Carnot, ministre de l'Instruction publique, fonda
une École d'administration pour former la haute fonction publique. Son
existence est brève mais l'idée rejaillit sous la IIIe
République avec en 1876, à nouveau la création d'une
école nationale d'administration, projet qui échoue finalement.
Parallèlement, en 1872, le journaliste Émile Boutmy
créé l'École libre des sciences politiques, qui a pour
principale vocation la préparation des concours administratifs. Mais
Jules Ferry ne réussit pas à la nationaliser en 1881.
D'autres évolutions révèlent les grandes
tendances de la société française. Au tout début du
XXe siècle, les femmes font une entrée remarquée dans les
ministères. D'ailleurs, à partir
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de 1919, les concours de rédacteurs sont ouverts aux
femmes. Il faut également noter la syndicalisation croissante de facto
des fonctionnaires, à une époque où le droit syndical ne
leur était pas reconnu et le droit de grève strictement
interdit.
Alors qu'a pris son essor, à la fin des années
1930, le débat essentiel sur la nécessité d'un statut
général de la fonction publique, c'est finalement le gouvernement
de Vichy qui publie, par la loi du 14 septembre 1941, le tout premier statut
général des fonctionnaires fortement hostile à la
grève et insistant sur les devoirs des fonctionnaires.
À la Libération, une épuration de
l'administration a lieu, suivie d'un mouvement de réforme de la fonction
publique marqué par deux avancées : la création de
l'École nationale d'administration (ENA) par l'ordonnance du 9 octobre
1945 et l'adoption du premier statut général républicain
des fonctionnaires défini par la loi du 19 octobre 1946. Ce texte a
été voté à l'unanimité par
l'Assemblée constituante et préparée par Maurice Thorez,
alors vice-président du conseil communiste chargé de la fonction
publique. Le droit syndical et le droit de grève sont alors
officiellement reconnus aux fonctionnaires.
La IVe République met en application ce nouveau statut,
puis un nouveau statut intervient avec l'avènement de la Ve
République. Il s'agit seulement de tirer les conséquences de la
nouvelle répartition entre le domaine de la loi et du règlement
établie par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958. Tel est
l'objet de l'ordonnance du 4 février 1959.
Enfin, l'alternance politique de 1981 débouche sur une
nouvelle modification du statut général de la fonction publique,
qui se compose lui-même de plusieurs textes : la loi du 13 juillet 1983
relative aux droits et obligations des fonctionnaires, qui s'applique à
tous les fonctionnaires, suivie par trois textes concernant respectivement la
fonction publique de l'État (loi du 11 janvier 1984), la fonction
publique territoriale (loi du 26 janvier 1984) et la fonction publique
hospitalière (loi du 9 janvier 1986).
Les évolutions de fond à retenir sur cette
longue période sont au nombre de deux. D'abord, l'accroissement du
nombre de fonctionnaires a perduré, notamment sous les effets de la
décentralisation à partir de 1982. Par ailleurs, la relation
entre fonction publique et politique a évolué. On parle d'une
« fonctionnarisation de la politique ». En effet, depuis le
début des années 1960, il est fréquent que des membres de
la haute fonction publique réussissent une carrière politique au
plus haut niveau. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples : Valéry
Giscard d'Estaing, Jacques Chirac, Laurent Fabius, Alain Juppé, Lionel
Jospin, Dominique de Villepin, François Hollande sont tous anciens
élèves de l'ENA.21
21 Voir :
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/histoire-fonction-publique.html
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
La fonction publique, tout comme les autres institutions
européennes va être transposée en Afrique en
général et au Cameroun en particulier par le biais de la
colonisation.C'est ainsi qu'à l'instar de l'ENA française, nous
avons l'ENAM au Cameroun, école chargée de former les
fonctionnaires. Vu l'importance de la fonction publique dans la vie de l'Etat,
une définition de cette notion nous sera d'un grand apport dans la
compréhension de notre sujet.
b- définition de la fonction
publique
Le dictionnaire universel définit la fonction publique
comme l' « ensemble des charges exercées par les agents
de la puissance publique ; ensemble des fonctionnaires
»22. Le Robert de poche ne fait pas mieux
lorsqu'il désigne la fonction publique comme la
«situation de l'agent d'un service public
»23 . Ces définitions littéraires
apparaissent non satisfaisantes, d'où la nécessité d'une
définition juridique.
Sur le plan juridique, la fonction peut être
définie de plusieurs points de vue :
-Du point de vue organique, « La fonction
publique de l'État est constituée par l'ensemble des postes de
travail correspondant à des niveaux de classification différents.
Elle est organisée en corps, cadres, grades et catégories
»24.Jean Gatsi va dans le même lorsqu'il
définit la fonction publique de l'Etat comme un «
ensemble des postes de travail correspondant à des niveaux de
classification différents »25.D'un point
de vue organique, plus restrictif, qui retient l'attention du juriste : «
la fonction publique regroupe l'ensemble de personnes qui ont
été nommées dans un emploi civil permanent et ont
été titularisées dans un grade d'un corps, cadre d'emploi
ou emploi de la hiérarchie administrative de l'Etat, des
collectivités territoriales, et des établissements publics
à caractère administratif qui dépendent de l'Etat ou de
ses collectivités, ainsi que des établissements hospitaliers
définis par la loi »26. Cette
définition restrictive omet certains organes de la fonction publique
tels les fonctionnaires de la sureté nationale, les militaires qui sont
au Cameroun des agents de la fonction publique.
-Du point de vue, la fonction publique désigne un
régime juridique applicable à une catégorie d'agent
publics.Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l'Administration, dans une
« situation statutaire et
réglementaire»27.
Direction de l'information légale et administrative (c)
2013
22 Dictionnaire universel, 4e
édition, EDICEF, Aout 2007
23 Le Robert de poche 2012
24 Article 3 du statut général de la
Fonction publique, décret n°94/199 du 07 octobre 1994
modifié et complété par le décret n°2004/287
du 12 octobre 2000.
25Gatsi (J), Nouveau Dictionnaire Juridique,
2e édition, PUL, 2010.
26BANDET (P), Les fonctions publiques de A à Z,
Dictionnaire commenté, p. 249. 27Owona (J), Droit de la
fonction publique camerounaise, l' Harmattan, 2011, P. 8
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
-Du point de vue matériel Enfin, la
Fonction publique peut tout simplement vouloir dire participation permanente et
à titre professionnel à l'action des personnesmorales publiques
de l'État et des collectivités
décentralisées28. «Est
considérée comme fonctionnaire toute personne qui occupe un poste
de travail permanent »29dans un cadre de la
hiérarchie desadministrations de l'État. Après la
définition du terme « droit » et de l'expression «
fonction publique », il ne nous reste plus qu'à déduire le
sens contextuel le l'expression « droit de la fonction publique
».
3-le sens contextuel de droit de la fonction
publique
De par les définitions précédentes, le
droit de la fonction publique signifie au sens large : l'ensemble des
règles juridiques qui régissent « l'ensemble des personnes
à la disposition des gouvernants pour faire fonctionner les services
publics ».
Stricto sensu, le droit de la fonction publique est l'ensemble
des règles juridiques « l'ensemble des personnels occupant à
titre professionnel un emploi salarié dans les services des personnes
publiques, sont soumises à un statut de droit public
».30Une fois le cadre conceptuel précisé, il nous
revient maintenant de définir le cadre spatio-temporel de
l'étude.
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