PARAGRAPHE II : L'INTERDICTION DU DROIT DE GREVE
Le droit de grève comme les droits politique et
syndical est un droit qui est un droit garanti aux fonctionnaires. Seule la
discipline de certains corps comme les corps des forces de l'ordre fait
naître l'obligation de ne pas l'exercer. Ce qui précède
amène à voir en cette obligation, une prohibition. Ainsi, en
France, en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat, 2 grandes
catégories d'agents peuvent se voir ordonner de demeurer à leur
poste en cas de grève : les personnels d'autorité qui participent
à l'action gouvernementale et les agents assurant le fonctionnement des
services indispensables à l'action gouvernementale, à la garantie
de la sécurité physique des personnes ou à la conservation
des installations et du matériel. Les limitations du droit de
grève (mise en place d'un service minimum) sont effectuées par le
pouvoir règlementaire sous le contrôle du juge administratif. Pour
mieux appréhender cette obligation, nous parlerons de la consistance de
l'interdiction (A) et les motifs de l'interdiction (B).
A-La consistance de l'interdiction du droit de
grève.
Pour mieux comprendre l'interdiction du droit de grève,
il convient de commencer par une définition du concept de
grève. La grève est la cessation de travail
concertée pour la défense d'intérêts communs
à un groupe professionnel, à des salariés169.
Sur le plan juridique, il s'agit d'une interruption concertée et
collective du travail par des salariés afin d'assurer le succès
de leurs revendications (chez les agents contractuels, elle suspend le
contrat de travail sans le rompre, sauf faute lourde imputable au
salarié)170. Au Cameroun, cette interdiction ne
concerne pas seulement la grève (1) mais également ses
corollaires (2).
1-L'interdiction du droit de grève proprement
dit.
L'interdiction du droit de grève pour être mieux
comprise doit être distinguée de la limitation du droit de
grève. En France, certains corps de fonctionnaires ont n'ont pas
d'interdiction d'exercer le droit de grève mais cet exerce est
plutôt limité. C'est ainsi qu'on peut citer à titre
d'illustration, les fonctionnaires du secteur sanitaire :
à l'hôpital, la protestation a toutes les chances d'être
symbolique puisque les personnels déclarés grévistes
peuvent être réquisitionnés pour garantir la
continuité des soins, les étudiants internes aussi peuvent
être mis à contribution depuis le décret du 20 juin 1961 ;
autre exemple, dans l'audiovisuel public : ces fonctionnaires
sont tenus d'organiser un service minimum côté
169 Dictionnaire universel, 18e édition,
EDICEF, 2008.
170 Cornu (G), vocabulaire juridique, PUF, 2011.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
rédaction « comprenant notamment les informations
nationales et régionales » pendant la grève, indique la loi
du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle.
Pour ce qui est de l'interdiction d'exercice du droit de
grève proprement dite, elle concerne les corps des fonctionnaires de la
sûreté nationale, de l'administration pénitentiaire
etc...En effet, le décret portant statut spécial du corps des
fonctionnaires de la sûreté nationale171dispose en son
article 31 que «l'exercice du droit de grève est
incompatible avec la qualité de fonctionnaire de la sûreté
nationale ». De même, en France, la loi portant statut
général des militaires172 dispose en son article 6 que
: « l'exercice du droit de grève est incompatible avec
l'état militaire. L'existence de groupements professionnels militaires
à caractère syndical ainsi que l'adhésion des militaires
en activité de service à des groupements professionnels sont
incompatibles avec les règles de la discipline militaire. Il appartient
au chef, à tous les échelons, de veiller aux
intérêts de ses subordonnés et de rendre compte, par la
voie hiérarchique, de tout problème de caractère
général qui parviendrait à sa connaissance
». Pour ce qui est des fonctionnaires de police, la loi du
29 septembre 1948 précise que : toute cessation
concertée du service...pourra être sanctionnée »
; par conséquent, ces fonctionnaires ne peuvent se mettre
en grève.
En outre, en Afrique de l'ouest et au Bénin où
tous les fonctionnaires de la sécurité publique jouissent de la
liberté syndicale, le droit de grève n'y est pas reconnu à
ces fonctionnaires comme le dispose la loi en ces termes :
«les fonctionnaires des forces de sécurité
publique et assimilées sont tenus d'assurer leurs missions en toute
circonstance et ne peuvent exercer le droit de grève
»173. De même en Côte d'ivoire, pour
ce qui est du corps des magistrats, au terme de l'article 16 alinéa 3 du
statut de la magistrature : « est également interdit au
magistrat toute action concerté de nature à arrêter ou
entraver le fonctionnement des juridictions ».Il
résulte de cet article que les magistrats n'ont pas le droit de
grève. Ils ne peuvent par une action concertée décider
d'arrêter le travail. Cette interdiction du droit de grève
contient implicitement celle de constituer en syndicat puisque le droit de
grève est l'un des moyens d'action de revendication des syndicats.
Cependant, avec l'avènement de la nouvelle constitution ivoirienne du
1eraoût 2000 qui reconnait ce droit à tout travailleur,
les magistrats peuvent également pour des revendications
professionnelles arrêter le travail tout en conservant un service
minimum. On voit qu'ils vont dans le même sens que le Cameroun.
171 Décret n°2012/539 du 19 novembre 2012 portant
statut spécial du corps des fonctionnaires de la sûreté
nationale.
172 Loi n°2005-270 du 24 mars 2005 portant statut
général des militaires.
173 Article 25 de la loi n° 2015-20 portant statut
spécial des personnels des forces de sécurité publique et
assimilées.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
Au Mali par contre, la loi permet aux fonctionnaires de police
de se mettre en grève, bien qu'elle soit limitée :
«le droit de grève est garanti aux fonctionnaires de
police. Toutefois, pour les besoins de sûreté et de
continuité de l'Etat, il ne peut s'exercer dans les services de police
ci-après :- les unités d'intervention chargées du maintien
d'ordre, de la protection des hautes personnalités et la brigade
anti-criminalité ;- les unités de circulation routière ;-
les services de transmissions et télécommunications ;- les
services spécialisés de renseignements généraux ; -
les unités de police des frontières. L'exercice du droit de
grève ne peut en aucun cas s'étendre aux élèves des
centres de formation et aux stagiaires de la Police Nationale
»174 . Au Cameroun, l'interdiction touche
même les corollaires de la grève.
2-L'interdiction des corollaires de la
grève.
En fait, le droit camerounais est tellement préventif
et prône la stricte discipline au point où il interdit
explicitement les corollaires de la grève, contrairement aux autres
législations qui la font implicitement ou se contentent simplement de
formuler l'obligation d'obéissance hiérarchique pour
éviter les corollaires de la grève. Le statut particulier des
fonctionnaires de l'administration pénitentiaire par exemple dispose que
: « les fonctionnaires de l'Administration
Pénitentiaire ne peuvent se mettre en grève; de même tout
soulèvement et mutinerie est interdit
»175. On entend par mutinerie, tout mouvement
de révolte qui consiste à cesser d'obéir aux ordres et
à entreprendre une action insurrectionnelle. Le soulèvement
quant à lui est un mouvement de rébellion. On comprend
dont que la discipline dans ces corps est également liée à
l'obligation d'obéissance hiérarchique. Il revient maintenant
à chercher les motifs de ces interdictions.
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