B-Les motifs des interdictions.
Les motifs de ces interdictions sont liés à la
profession qu'exerce le corps de fonctionnaire en question. En effet, deux
raisons majeures permettent de justifier ces interdictions qui font partie des
obligations de solidarité dans la discipline du corps. Nous avons d'une
part la nécessité de continuité du service public (1) et
d'autre nous avons des raisons d'ordre public (2).
174 Article 36 d la loi n°02-056/DU 16 décembre 2002
portant statut des fonctionnaires de la police nationale.
175 Article 26 alinéa 6 du décret n°2010/365
du 29 novembre 2010 portant statut spécial du corps des fonctionnaires
de l'Administration Pénitentiaire.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
1-La nécessité de continuité du
service public.
L'un des principes du service public consiste dans l'assurance
de sa continuité. L'obligation d'assurer un service public continu est
maintenue en cas de grève. L'administration doit pouvoir assurer, en cas
de grève, la continuité des missions du service public
indispensables à la satisfaction des besoins essentiels des usagers et
de la puissance publique. L'exercice du droit de grève peut être
limité par la loi pour certaines catégories d'agents publics, ils
sont alors privés de manière permanente du droit de grève.
En France par exemple nous avons les compagnies républicaines de
sécurité, les militaires, les magistrats de l'ordre judiciaire,
les personnels des services de l'administration pénitentiaire. Le
principe de continuité du service public est à l'origine de cette
interdiction. En effet, l'idée est que la discontinuité nuirait
à la vie en société. Par conséquent, toute
méconnaissance de cette obligation entraine une sanction disciplinaire
en raison du manquement à cette obligation. A côté de cette
raison de continuité du service public, il y a des raisons d'ordre
public.
2-Les motifs d'ordre public.
Avant de présenter les motifs dont il est question, il
convient de commencer par définir le concept d'ordre public. L'ordre
public est, pour un pays donné, à un moment donné,
l'état social dans lequel la paix, la tranquillité et la
sécurité publique ne sont pas troublées. Au sein d'un
ordre juridique, ce sont des termes servant à caractériser
certaines règles qui s'imposent avec une force particulière et
par extension à désigner l'ensemble de règles qui
présentent ce caractère176.
Le maintien de l'ordre public fait partie des obligations des
fonctionnaires des corps des forces de l'ordre ; ce qui fait que la
grève en tant que cessation d'activité mettrait un terme à
l'activité de maintien de l'ordre public. C'est dans ce sens et dans le
but de préciser quelles sont les missions des fonctionnaires des corps
des forces de l'ordre que le décret portant statut spécial des
fonctionnaires de la sûreté nationale177 par exemple
dispose en son article 34 que : « le fonctionnaire de la
sûreté nationale concourt au maintien de l'ordre public, il a le
devoir d'intervenir de sa propre initiative pour porter aide et assistance
à toute personne en danger et pour empêcher tout acte ou
agissement de nature à troubler l'ordre public... ».
De même, l'article 21 du même décret dispose que :
« le fonctionnaire de la sûreté nationale doit en
tout temps, qu'il soit en service ou non, s'abstenir de tout acte, geste,
parole ou manifestation quelconque de nature à ...ou à troubler
l'ordre public ». Une grève des personnels des forces
de l'ordre entrainerait un désordre total car l'appareil de
répression de la
176 Cornu (G), vocabulaire juridique, PUF, 2011.
177 Décret n°2001/065 du 12 mars 2001 portant statut
spécial du corps des fonctionnaires de la sûreté
nationale.
Mémoire présenté et soutenu par AMBI
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
puissance public serait inactif ; une augmentation de la
criminalité, un désordre en milieu carcéral et
peut-être même des attaques terroristes. C'est sans doute pour
cette raison que statut général des militaires
français178 dispose en son article 6 que :
«l'exercice du droit de grève est incompatible avec
l'état militaire... ». Ceci montre à
perfection que la grève paralyserait l'activité de maintien de
l'ordre public.
En somme, il était question pour nous de parler des
obligations de solidarité dans la discipline du corps. Dans cette
opération, nous avons trouvé parmi ces obligations deux
catégories dans le sens de la définition qu'offre Michel Virally
dans son article intitulé « le phénomène
juridique ». Ainsi ces deux catégories sont évidemment
celle sous la forme positive, c'est-à-dire le prescrit qui enjoint, dans
le cas d'espèce au fonctionnaire faisant partie du corps, le port de
l'uniforme et dans certains cas même le port d'arme et celles sous la
forme négative, c'est-à-dire les interdictions que les
interdictions d'adhérer à des groupements et associations
à caractère politique ou syndical et l'interdiction du droit de
grève. Cela nous a permis de constater que la discipline de ces corps
était souvent plus stricte au Cameroun que dans d'autre, et parfois
même, la législation étrangère était
contraire à celle du Cameroun, ce qui justifie l'adage latin :
ubi societas ibi jus. La réglementation
camerounaise est donc particulière à cause des
particularités de la société camerounaise, ce qui entraine
donc des différences dans les obligations de solidarité du
corps.
178 Loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut
général des militaires
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
En définitive, il s'est agi pour nous de recenser dans
cette articulation, les obligations de solidarité au corps. Nous les
avons regroupées en deux catégories : les obligations de
solidarité dans l'éthique du corps, c'est-à-dire celles
qui ont trait aux principes de base de l'action juste et les règles de
la conduite179 et les obligations de solidarité dans la
discipline du corps, c'est-à-dire celles qui ont trait à
l'ensemble des règles et devoirs imposés aux membres d'un corps
ou d'une profession, ou attachés à l'exercice d'une
fonction180 . L'on a pu constater qu'il s'agissait d'obligations
particulières ou même spécifiques car elles sont
liées à l'appartenance du fonctionnaire au corps181
qui est débiteur de l'obligation. Ainsi le fonctionnaire qui
n'appartient pas au corps en question n'est pas lié par l'obligation.
C'est dans ce sens que l'administration ne peut exiger à un
fonctionnaire de l'enseignement secondaire par exemple de porter un uniforme
car il n'est pas régi par le statut particulier qui exige cette
prestation. Ce qu'il faut retenir, c'est que le corps et plus
précisément l'appartenance à celui-ci est à
l'origine de ces obligations. Les fonctionnaires dudit corps doivent donc
être solidaires dans la prestation de ces obligations non seulement parce
qu'ils en sont tous débiteur mais également pour bon
fonctionnement du corps et plus encore de la société à
laquelle ils appartiennent. Ce qui implique donc pour chacun des membres du
corps la responsabilité totale d'un engagement commun, une
dépendance mutuelle d'intérêts. A côté de ces
obligations de solidarité au corps qu'on peut qualifier de
spécifiques du fait de leurs caractéristiques propres et
exclusives, les fonctionnaires camerounais ont également des obligations
à caractère général que sont les obligations de
responsabilité du service.
179 Chapman, (R.A.) "L'Ethique dans la Fonction Publique",
Presse de l'Université d'Edimbourg, Edimbourg éd. 1993
180 Cornu (G), vocabulaire juridique, PUF, 2011.
181 Article 5 (nouveau) du statut général de la
fonction publique camerounais : « Le corps est l'ensemble des
fonctionnaires exerçant une fonction spécifique dans un secteur
d'activité déterminé et régi par les mêmes
dispositions réglementaires ».
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