PARAGRAPHE I : L'INTERDICTION DES DROITS POLITIQUE ET
SYNDICAL
L'interdiction d'exercice des droits politique et syndical
comme son nom l'indique fait partie des obligations-prohibition. Il s'agit des
obligations qui s'imposent uniquement à certains corps et plus
précisément aux fonctionnaires des corps des forces de l'ordre.
Ainsi les
151 Dictionnaire universel, 18e édition,
EDICEF, 2008.
152 Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant
Statut général de la fonction publique de l'Etat modifié
et complété par le décret n° 2000/287 du 12 octobre
2000.
153 Les fonctionnaires appartenant aux corps dont le statut
prohibe l'exercice de ces droits.
154 Voir préambule de la constitution camerounaise du 18
janvier 1996.
Mémoire présenté et soutenu par AMBI
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
fonctionnaires des forces de ne jouissent pas de tous les
droits dont les autres fonctionnaires sont bénéficiaires comme
l'indique l'article 3 de la loi française portant statut
général des militaires155 en ces termes :
« Les militaires jouissent de tous les droits et
libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l'exercice de certains
d'entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées
par la présente loi ». De ce qui
précède, il est un truisme que certains droits sont interdits
d'exercice ou bien leur exercice est restreint pour les fonctionnaires des
corps des forces de l'ordre. Pour mieux appréhender ces interdictions,
nous traiterons séparément de l'interdiction d'adhésion
aux partis politiques (A) avant de nous intéresser à
l'interdiction d'adhésion aux associations syndicales (B).
A-L' interdiction d'adhésion aux partis
politiques
L'interdiction d'adhérer aux partis politiques est une
interdiction qui ne fait pas l'unanimité dans les statuts des corps de
fonctionnaires où elle est formulée. Dans certains, cette
interdiction est plus stricte, tandis que dans d'autres, il s'agit non pas d'un
droit dont l'exercice est complètement restreint mais plutôt d'un
droit simplement réduit restreint. Dans l'optique de montrer ces
divergences entre les droits camerounais et étrangers, il convient
d'expliquer au préalable ce que l'on entend par droits politiques (1)
avant de traiter de l'interdiction proprement dite (2).
1-Explication des concepts de droits
politiques.
Les droits politiques peuvent être
appréhendés comme l'ensemble des prérogatives à
caractère politiques dont les citoyens sont bénéficiaires
et qui sont opposables à l'Etat. On y trouve le droit d'adhérer
à une association ou formation politique, le droit d'être
électeur et éligible. Il s'agit en d'autres termes du pouvoir de
prendre part à la vie politique de son pays en tant qu'acteur soit en
présentant sa candidature aux élections (présidentielles,
parlementaires ou municipales), soit en choisissant librement ses dirigeant par
le vote156. Après cette brève explication de la
consistance des droits politiques garantis aux citoyens, et par la même
occasion aux fonctionnaires, il convient de s'intéresser à
l'interdiction proprement dite.
155 Loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut
général des militaires
156 Voir par exemple l'article 6 de la constitution camerounaise
du 18 janvier 1996 : « le président de la
république est élu au suffrage universel direct, égal et
secret, à la majorité des suffrages exprimés...
». Ceci est un exemple de la garantie constitutionnelle de
la possibilité de participation à la vie politique du pays qui
appartient à tous les citoyens qui remplissent les conditions
légales; soit en étant candidat et dans le cas d'espèce,
aspirant à la fonction présidentielle, soit en tant
qu'électeur lors du suffrage.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
2-L'interdiction d'exercice des droits politiques
proprement dite.
Comme précédemment dit, les fonctionnaires
jouissent de tous leurs droits politiques à l'exception de certains
corps. Le statut général de la fonction
publique157bien que n'interdisant pas l'exercice de ses droits
lui-même, prévoit tout de même cette interdiction dans
d'autres statuts. En effet, l'article 21 de ce statut dispose que :
« (1) Le fonctionnaire jouit des droits et libertés
reconnus au citoyen. Il l'exerce dans le cadre des lois et règlements en
vigueur. (2) Il peut notamment adhérer à une association
politique ou culturelle, à un syndicat professionnel légalement
reconnu vu d'assurer la représentation et la défense de ses
intérêts de carrière. (3) Il est tenu d'exercer ses droits
dans le respect de l'autorité de l'Etat et de l'ordre public. Toutefois,
certaines fonctions exigeant de leur titulaire un loyalisme aux institutions de
la République ou une neutralité politique absolue font l'objet
d'un texte particulier ». Les textes particuliers auxquels
le statut général fait allusion sont les statuts régissant
les différents corps des forces de l'ordre.
Au Cameroun, il s'agit d'une interdiction stricte car les
différents statuts particuliers ne se contentent pas de restreindre
l'adhésion aux associations et formations politiques aux fonctionnaires
de ces corps ; les statuts interdisent tout simplement l'exercice de ces
droits. A titre d'exemple, le code de déontologie des fonctionnaires de
la sûreté nationale158 dispose en son article 19 que :
« (1) le fonctionnaire de la sûreté nationale est
apolitique. Hors les cas prévus par la règlementation en vigueur,
il ne peut prendre part aux réunions et manifestations à
caractère politique...(2) Il lui est en outre interdit d'adhérer
à des groupements ou associations à caractère politique...
». De même, le statut spécial des
fonctionnaires de l'administration pénitentiaire159 interdit
à ces derniers l'exercice des droits politiques et plus
précisément d'adhérer aux associations et formations
politiques. L'article 26 dudit statut dispose que: «les
fonctionnaires de l'Administration Pénitentiaire sont tenus d'exercer
leurs fonctions avec loyalisme, efficacité et
désintéressement dans le respect des lois et règlement en
vigueur... Il ne peut ni militer ni adhérer à un parti politique
». Il apparait donc à partir de l'analyse de ces
instruments juridiques que l'interdiction d'exercice des droits politiques est
grande dans ces corps au Cameroun.
Ailleurs, et en France pour commencer, bien que les militaires
soient interdits d'adhérer aux partis politiques, ils restent
éligibles. C'est dans ce sens que la loi française portant
statut
157 Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant
Statut général de la fonction publique de l'Etat modifié
et complété par le décret n° 2000/287 du 12 octobre
2000.
158Décret n°2012/546 du 19 novembre 2012
portant code de déontologie des fonctionnaires de la sûreté
nationale 159 Décret n°2010/365 du éç novembre 2010
portant statut spécial du corps des fonctionnaires de l'Administration
Pénitentiaire.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
général des militaires160 dispose en
son article 5 que : « Il est interdit aux militaires en
activité de service d'adhérer à des groupements ou
associations à caractère politique. Sous réserve des
inéligibilités prévues par la loi, les militaires peuvent
être candidats à toute fonction publique élective ; dans ce
cas, l'interdiction d'adhésion à un parti politique prévue
par le premier alinéa du présent article est suspendue pour la
durée de la campagne électorale. En cas d'élection et
d'acceptation du mandat, cette suspension est prolongée pour la
durée du mandat. Les militaires qui sont élus et qui acceptent
leur mandat sont placés dans la position de détachement
prévue à l'article 51 ».
En Afrique de l'ouest pour finir, et au Benin pour plus
précisément, la loi régissant les personnels de la
sécurité publique161 va dans le même sens que la
loi portant statut général des militaires en France car elle
n'interdit pas complètement aux personnels des forces de
sécurité publique d'exercer leurs droits politiques, elle se
contente juste de les restreindre. En effet, l'article 31 de cette loi dispose
que : «les fonctionnaires des forces de sécurité
publique et assimilées jouissent de tous les droits civils, civiques et
politiques dans les limites des dispositions relatives à leurs
obligations particulières. Ils ont le droit de vote mais ne sont
éligibles que dans les conditions prévues par la Constitution,
les lois et règlements ». De ce qui
précède, on note une nette différence dans l'interdiction
d'exercice des droits politiques entre les fonctionnaires des corps
particuliers des forces de l'ordre camerounais et ceux d'autres pays. Il
apparait donc que la discipline de ces corps est plus stricte au Cameroun.
Qu'en est-il de l'interdiction d'adhésion aux associations syndicales
?
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