CHAPITRE II :
Toute société pour bien fonctionner a besoin de
règles pour définir la conduite de ses membres. Le corps
étant comme une société, pour bien fonctionner, ses
membres doivent non seulement se comporter selon une éthique mais
également respecter une certaine discipline. Les obligations de
solidarité dans la discipline du corps créent une
dépendance mutuelle des membres dont seule la cohésion
vis-à-vis de la discipline assure le bon fonctionnement du corps et par
là même une efficacité du service public. Sachant
déjà ce que signifient les concepts
d' « obligation » et de « solidarité
(comportement qui implique pour chacun la responsabilité totale d'un
engagement commun) ».
La discipline est définie comme une
règle de conduite d'un groupe, une règle de conduite que
quelqu'un impose121. Le dictionnaire universel définit la
discipline comme l' « ensemble des règles de conduite
imposées aux membres d'une collectivité pour assurer le bon
fonctionnement de l'organisation sociale ; obéissance à ces
règles. »122. Sur le plan juridique, la
discipline est définie comme le « pouvoir disciplinaire
»123 . Il apparait que cette définition
est insatisfaisante ; c'est pourquoi, nous prendrons une définition plus
claire. La discipline est
l' « ensemble des règles et devoirs
imposés aux membres d'un corps ou d'une profession, ou attachés
à l'exercice d'une fonction et dont le régime de sanction est
autonome tant en ce qui concerne les instances compétentes et la
procédure que la définition des infractions et la nature des
peines »124 . Après cette
définition, il découle une question : quelles sont les
obligations de solidarité dans la discipline au corps ?
Avant de répondre à cette question, il convient
de faire remarquer que la discipline est au coeur de la volonté des
autorités camerounais comme la prévoit l'article 34 du statut
général de la fonction publique125en ces termes :
« (1) Le fonctionnaire est tenu d'assurer
121 Dictionnaire le Robert de poche, 2012
122 Dictionnaire universel, EDICEF, 2007.
123 Lexique des termes juridiques, 18e édition,
Dalloz, 2011, P 134.
124 Cornu (G), vocabulaire juridique, Ibid.
125Décret n°94/199 du 7 octobre 1994
potant statut général de la fonction publique.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
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personnellement le service public à lui
confier et de s'y consacrer en toute circonstance avec diligence,
probité, respect de la chose publique et sens de responsabilité.
» ; ce qui implique de la discipline. Pour répondre
à cette question, nous aborderons en premier lieu, l'obligation de port
de l'uniforme (section I) et en second lieu, l'interdiction d'exercer certains
droits politiques et collectifs (section II).
SECTION I : L'OBLIGATION DE PORT DE L'UNIFORME
L'obligation de port de l'uniforme est une obligation
particulière car elle ne figure pas dans le statut général
de la fonction publique126mais plutôt dans des statuts
particuliers. En effet, bien que les fonctionnaires doivent en toutes
circonstances honneur et dignité, il ne leur est pas du tout
exigé de porter un uniforme pendant la durée du service. En fait,
il est juste exigé aux agents de l'administration, fonctionnaires et
même contractuels, un habillement décent, qui reflète le
niveau de la profession127. Afin de mieux comprendre cette
obligation, il convient de définir ce que l'on entend par uniforme afin
d'éviter toute confusion.
Selon le Robert de poche, un « uniforme » est
costume militaire réglementaire ; un vêtement
déterminé d'un groupe. L'adjectif uniforme dont provient le nom
uniforme signifie ce qui présente des éléments tous
semblables ; dont les parties sont ou paraissent toutes identiques. La
définition littéraire la plus satisfaisante est sans doute celle
du dictionnaire universel. L'uniforme y est défini comme « un
costume dont le modèle, la couleur, le tissu son rigoureusement
fixés et qui est imposé aux militaires, aux employés de
certaines administrations, aux élèves de certains
établissements. Il convient de préciser ici et maintenant que
nous ne nous attarderons pas dans le cadre de notre travail sur l'uniforme que
portent les élèves. Avant de parler de l'obligation de port de
l'uniforme proprement dite, il convient de faire un bref rappel historique de
l'origine du port de l'uniforme dans la fonction publique.
À partir de la fin du XVe siècle,
l'affirmation du pouvoir royal, mais aussi le souci des grands capitaines de
mettre en valeur leurs unités, coïncide avec l'apparition des
premiers uniformes, de couleur voyante, qui sont adoptés aussi bien par
les milices communales que par les gardes écossais de Charles VII ou par
ceux de Charles le Téméraire. Dès 1480, les mercenaires
suisses portent un uniforme composé d'un pourpoint court, d'une culotte
collante à crevés et à bouffants et d'un vaste chapeau
à plumes. Cette tenue exerce une influence
126Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994
portant Statut général de la Fonction Publique de l'Etat
modifié et complété par le décret n° 2000/287
du 12octobre 2000
127 CS/CA, jugement n° 64 du 30 Août 1984, KEBE PAUL
C/ Etat du Cameroun ( en l'espèce, le sieur Kebe Paul, assistant
à l'université a vu son contrat non renouvelé pour
insuffisance académique et comportement non conforme à la
déontologie universitaire).
Mémoire présenté et soutenu par AMBI
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importante sur le dessin des uniformes qui sont adoptés
dans plusieurs pays, avant que les modes nationales n'imposent des
différenciations.
C'est sous le règne de Louis XIV que le ministre
Louvois rend obligatoire l'uniforme et en fixe minutieusement les
détails ; dès lors, l'uniforme s'applique non seulement aux corps
d'élite, mais également aux fantassins et aux mercenaires. Au
milieu du siècle, le costume français se compose d'une ample
tunique portée sur un long gilet à manches. Devenue plus
ajustée, cette tunique prend le nom de justaucorps. Les coiffures et les
accessoires permettent de distinguer les différents corps. La Seconde
Guerre mondiale engendre de nouvelles modifications dans l'uniforme de
l'armée de terre, avec l'introduction, sur le modèle
américain, du double casque et du battle-dress, qui parachève
l'évolution de l'uniforme, de plus en plus éloigné du
costume civil. Aujourd'hui, les militaires portent au combat un treillis
camouflé « centre Europe », comme la plupart des armées
du monde.
Après ce rappel, il convient de s'intéresser
à l'obligation de port de l'uniforme du fonctionnaire proprement dit. A
titre de précision, avant d'entrer dans le vif du sujet, il faut dire
qu'il s'agit d'une obligation qui concerne uniquement certains corps de
fonctionnaires ; c'est pourquoi elle ne figure pas dans le statut
général de la fonction publique mais dans les statuts des corps
particuliers. C'est dans cette logique que nous parlerons de l'obligation de
port des costumes dans les corps de la justice (paragraphe I) et l'astreinte du
port de l'uniforme dans les corps des forces de l'ordre (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : L'OBLIGATION DE PORT DES COSTUMES DANS LES
CORPS DE LA JUSTICE.
Parmi les corps qui sont tenus de respecter cette obligation,
figure les deux principaux corps de fonctionnaires de la justice que sont les
magistrats et les greffiers. Ce sont deux corps essentiels pour le bon
fonctionnement de la justice. L'absence de l'un comme de l'autre paralyserait
la continuité du service public de la justice. Nous allons donc traiter
de l'obligation de port de costumes dans le corps de la magistrature (A) et
dans le corps des greffes (B).
A-L' obligation de port des costumes dans le corps de
la magistrature.
Avant de parler de cette obligation de port des costumes du
corps de la magistrature, il convient de présenter, comme il s'agit de
discipline du corps, quelles sont les fautes
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disciplinaires du magistrat. Selon l'article 46 du statut de
la magistrature128, « Constitue une faute
disciplinaire imputable à un magistrat : - tout acte contraire au
serment du magistrat129 ; - tout manquement à l'honneur,
à la dignité et aux bonnes moeurs ; - tout manquement aux devoirs
de son état ; - tout manquement résultant de l'insuffisance
professionnelle ». Cela signifie a contrario qu'en
dehors de l'obligation de port des costumes, le magistrat a pour obligations
disciplinaires de respecter son serment130, d'être à la
hauteur sur le plan professionnel et de ne pas manquer à l'honneur,
à la dignité et aux bonnes moeurs. Pour revenir enfin à
l'obligation de port de l'uniforme, il faut noter que selon le statut de la
magistrature131, le port des costumes est réservé
exclusivement aux magistrats (1) et que ce port est prohibé aux
auditeurs de justice (2).
1-Le port du costume exclusivement
réservé aux magistrats.
Les magistrats, que ce soit ceux du parquet (ministère
public) ou ceux du siège (les juges) sont tenus lors de l'exercice de
leurs fonctions, respectivement d'émettre des opinions par le moyen des
conclusions qui permettent de rendre le droit132 et de prononcer le
jugement133, de
128 Décret n°95/048 DU 8 mars 1995, portant statut de
la magistrature
129 Voir l'article 23 du statut de la magistrature
« Dès son intégration dans la magistrature et
avant qu'il n'accomplisse tout acte de ses fonctions, le magistrat prête
le serment dont la formule suit :
« Moi .................., je jure devant Dieu et devant
les hommes de servir honnêtement le peuple de la
République du Cameroun en ma qualité de
magistrat, de rendre justice avec impartialité à toute personne,
conformément aux lois, règlements et coutumes du peuple
camerounais, sans crainte ni faveur, ni rancune, de garder le secret des
délibérations et de me conduire en tout, partout et toujours en
digne et loyal magistrat. » Le serment n'est pas renouvelable
»
130 Hors du Cameroun, en côte d'ivoire par exemple, Le
magistrat prête serment deux fois tout au long de sa carrière.
Une
première fois en tant qu'auditeur de justice et une
deuxième fois en tant que magistrat. En effet l'article 8 alinéa
1er du statut dispose que « tout magistrat lors de sa
nomination à son premier poste et avant l'entrée en fonction
prête serment. »
La formule de serment de magistrat est quelque peu
différente de celle de l'auditeur de justice. Elle s'exprime en ces
termes : « je jure de bien et fidèlement remplir mes
fonctions et de me conduire en tout, comme un digne et loyal magistrat.
»
131 Article 20 décret n°95/048 DU 8 mars 1995,
portant statut de la magistrature « 1) Le costume d'audience
des magistrats et attachés de justice est fixé par
arrêté du ministre de la justice. 2) Les auditeurs de justice ne
portent pas de costume d'audience».
132 C'est la magistrature debout. Ceux qui exercent cette
fonction se tiennent toujours debout lorsqu'ils prennent la parole à
l'audience. Elle consiste à engager des poursuites pénales contre
tous ceux qui commettent des infractions et à les conduire devant la
justice. Pour ce faire, les magistrats du parquet reçoivent les plaintes
et les dénonciations et travaille en collaboration avec les services de
police et de gendarmerie auxquels il donne des instructions. Au cours d'un
procès c'est eux qui soutiennent l'accusation et demande l'application
de la peine. Les postes dans les fonctions du parquet sont ceux de substitut du
procureur de la république de deuxième classe, substitut du
procureur de la république de première classe, procureur de la
république adjoint et procureur de la république. L'auditeur de
justice qui commence sa carrière en cette fonction est nommé
substitut du procureur de deuxième classe. Les autres postes ne lui
seront accessibles qu'après un certain nombre d'année de
carrière. Les magistrats du parquet ne sont pas indépendants. Ils
obéissent à leurs supérieurs hiérarchiques dont ils
doivent appliquer les instructions. Ils sont placés sous
l'autorité directe du garde des sceaux ministre de la justice.
133 Elle est celle des magistrats qui reste assis sur leurs
sièges durant une audience et qui dirigent les débats entre les
parties. Elle consiste à juger une affaire à partir des preuves
recueillies et des arguments développés par chacune des
parties
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mettre leurs costumes d'audience conformément à
la réglementation en vigueur. Au Cameroun, l'article 20 du statut de la
magistrature fait preuve de parcimonie sur la question du port des costumes ;
il se contente de disposer que « le costume d'audience des
magistrats et attachés de justice est fixé par
arrêté du ministre de la justice... ».
En Côte-d'Ivoire par contre le statut de la magistrature
a été un peu plus explicite. En effet, selon ce statut, Les
magistrats sont astreints à l'audience au port d'un costume
c'est-à-dire une tenue qu'ils arborent pour prendre part aux audiences
des juridictions. On distingue à cet effet deux types de costumes :- Le
costume des audiences ordinaires ;- Le costume des audiences solennelles.
Pour ce qui est du costume des audiences ordinaires, il faut
d'abord préciser que les audiences ordinaires sont
généralement celles au cours desquelles les affaires sont
jugées. Le costume de circonstance dans ce cas est la toge noire
à grande manche avec simarre noire et ceinture noire, toque noire
bordée de velours noir ornée d'un galon d'argent, cravate
tombante de baptiste blanche plissée et une épitoge de fourrure
blanche (article 18 alinéa 1 du décret de 1998).
En ce qui concerne le costume des audiences solennelles, il
s'agit des audiences de cérémonie par exemple les audiences de
prestation de serment, d'installation de magistrat, et audiences de
rentrée judiciaire. Le costume porté dans ces occasions est la
toge de couleur rouge avec simarre de soie noire, ceinture de soie aux couleurs
ivoiriennes avec frange de soie et une toque de velours noire (article18
alinéa 2). Quoi qu'il en soit, que ce soit au Cameroun, en France ou en
Côte d'ivoire, les magistrats ont l'obligation de port du costume.
Toutefois, selon l'article 20 du statut de la magistrature
camerounais134, ce port du costume est prohibé aux auditeurs
de justice.
2-L'interdiction du port du costume faite aux
auditeurs de justice.
Les auditeurs de justice sont des magistrats en
formation135. Au Cameroun, les auditeurs de justice ne sont pas du
tout liés par l'obligation de port de costume. Il faut même dire
que le statut de la magistrature leur interdit le port du costume d'audience
lorsqu'il dispose clairement
134 Décret n°95/048 DU 8 mars 1995, portant statut de
la magistrature.
135 Les auditeurs de justice sont repartis pour leur stage sur
l'ensemble des tribunaux de premières instances et sections
détachées du territoire national. La répartition est faite
par ordre de mérite sur la base du classement de la première
année et selon les nécessités du stage. Le stage se
déroule dans les
différents secteurs du tribunal à savoir au service
du procureur de la république ou parquet, celui du président du
tribunal que l'on appelle le siège et au greffe de la juridiction. Le
stage se déroule dans ces différents services suivant un
calendrier préalablement établi par l'institut. La durée
minimum de temps est de trois mois par service. Les auditeurs de justice
participent également aux audiences publiques. A la fin de stage, une
note leur est attribuée.
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que : « les auditeurs de justice ne portent
pas de costume d'audience ». Il en résulte donc que
les auditeurs de justice, bien qu'étant des futurs magistrats ne peuvent
pendant leurs stages arborer les costumes d'audience des magistrats
professionnels.
De ce qui précède, il apparait que le statut de
la magistrature veille éviter toute confusion entre les professionnels
de la justice que sont les magistrats déjà en activité et
ceux qui aspirent à devenir magistrat, c'est-à-dire les
élèves-magistrats que sont les auditeurs de justice. En dehors
des magistrats qui constituent l'un des corps de fonctionnaires de la justice
qui ont l'obligation de port du costume, nous avons également le corps
des greffes.
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