PARAGRAPHE II : L'INTERDICTION D'ABUSER DE SA
QUALITE
Dans leurs missions de service public, les fonctionnaires sont
tenus de ne pas abuser de leur qualité. Comme l'interdiction de recourir
aux personnes extérieures pour solliciter des avantages, l'interdiction
d'abuser de sa qualité n'est expressément formulée dans
les statuts des corps des forces de l'ordre. Il convient, dans le souci
faciliter la compréhension cette obligation de solidarité dans
l'éthique du corps, de s'intéresser à la période de
l'interdiction (A) avant de présenter les abus dont il est question
(B).
A-La période de l'interdiction
La période de l'interdiction est le temps pendant
lequel dure l'interdiction. En effet, le droit a comme pour toutes les autres
obligations, réglementé cette dernière. Le décret
portant statut spécial du corps des fonctionnaires de l'administration
pénitentiaire 79 dispose en son article 31 qu'
« aucun fonctionnaire de l'administration pénitentiaire
ne doit user de sa
79 Décret n°2010/365 du 29 novembre 2010
ibid.
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qualité, de son emploi ou des attributs de
sa fonction... ». La période de l'interdiction
s'étend de la période du service (1) à la période
d'après le service (2).
1-L'interdiction pendant le service
Les fonctionnaires des corps des forces de l'ordre
étant les outils de la contrainte étatique, le droit exige de ces
derniers de ne pas abuser de leur qualité. Le décret80
portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la
sûreté nationale est plus explicite là-dessus ; son article
28 dispose en effet qu' « il est interdit au fonctionnaire de
la sûreté nationale en service...d'abuser de sa qualité, de
son emploi ou des attributs de sa fonction... ». C'est dans
le ce sens que l'article 21 du même décret prescrit l'exercice de
leurs fonctions par les fonctionnaires avec «
intégrité ».
Ainsi, pendant toute la durée de son service, le
fonctionnaire est tenu d'exercer ses fonctions sans en abuser. Cette
interdiction n'est pas inhérente aux fonctionnaires des forces de
l'ordre du fait de la nature de leurs missions. En effet, il y a des
siècles de cela, Montesquieu81 attirait déjà
l'attention à propos des pouvoirs en ces termes : «
tout homme qui détient le pouvoir est porté à en abuser...
». Il apparait donc que cette obligation dure pendant toute
la durée du service du fonctionnaire. Il convient tout de même de
noter que cette interdiction a été étendue après le
service.
2-L'interdiction après et en dehors du
service
Même après le service, le fonctionnaire ne perd
pas sa qualité ; c'est sans doute pour cette raison que le statut
spécial des fonctionnaires de la sûreté nationale
82a étendu l'interdiction en dehors du service. C'est dans ce
sens que l'article 28 dudit décret dispose qu' : « il
est interdit aux fonctionnaires de la sûreté nationale en service
ou non, abuser de sa qualité... ». Il s'agit en fait
d'une mesure préventive de la part du législateur qui vise
à protéger les citoyens des abus probables des forces de l'ordre.
Cette interdiction d'abuser de sa qualité en dehors du service faite par
le statut au fonctionnaire des forces de l'ordre prend plus de pertinence
lorsqu'on sait que l'article 26 du statut spécial
précédemment cité prévoit l'intervention des
policiers de leur propre initiative en ces termes : « Dans le
cas où le fonctionnaire de la sûreté nationale intervient
de sa propre initiative ou lorsqu'il est requis en dehors des horaires
de
80 Décret n°2012/539, ibid.
81 Montesquieu (C), Esprit des lois, éditions
Edouard Laboulaye Garnier Frères, 1875
82 Décret n°2012/539, ibid.
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service, il est considéré comme
étant de service. ».Après avoir parlé
de la période de l'interdiction, il convient de s'intéresser aux
abus dont il est question.
B-Les actes constitutifs d'abus
Les statuts prévoient une liste d'actes dont les buts
constituent des abus sont par conséquent prohibés. Il s'agit des
abus en vue d'obtenir un avantage, de faire des collectes, d'exercer une
pression. C'est dans cet ordre d'idées que nous traiterons des actes en
vue d'obtenir des avantages (1) et des actes consistant en l'exercice de
pression sur les tiers (2).
1-Les actes en vue d'obtenir des avantages
Les fonctionnaires des forces de l'ordre, tout comme les
autres fonctionnaires, ne peuvent abuser de sa qualité en vue d'obtenir
des avantages. En effet, l'article 28 du décret
n°2001/06583 dispose qu' « il est interdit au
fonctionnaire de la sûreté nationale en service ou non d'abuser de
sa qualité, de son emploi ou des attributs de sa fonction en vue de :
-obtenir ou tenter d'obtenir un avantage de quelque nature que ce soit ; -de
faire toutes collectes, démarches auprès des particuliers,
commerçants, industriels ou sociétés, à l'effet de
recueillir des dons en espèce ou en nature...
».Ainsi, peu importe l'excuse, tout abus de la part du
fonctionnaire en vue de l'obtention d'un avantage constitue une violation de
cette interdiction.
En outre, le décret du 29 novembre 2010 84
interdit également aux fonctionnaires de l'administration
pénitentiaire d'abuser de leur qualité en vue d'obtenir des
avantages. La lecture de l'article 31 soumet toute tentative d'obtenir des
avantages à une autorisation hiérarchique. Il convient de noter
que le Cameroun est l'un des rares pays où cette interdiction est
clairement formulée car les autres se contentent seulement de formuler
l'obligation de désintéressement. Dans la plupart des statuts de
la fonction publique, il est juste exigé aux fonctionnaires de se
comporter en honnête citoyen. Cette obligation de solidarité dans
l'éthique du corps explicitement formulée a un pouvoir plus
étendu que sa formulation implicite qu'on pourrait tirer des exigences
morales faites, dont le fonctionnaire est débiteur de par sa
qualité, ce d'autant plus l'absence de formulation explicite pourrait
faire croire à son inexistence. Le fonctionnaire, dans le respect de
l'éthique du corps ne peut légitimement obtenir des avantages que
par deux voies : la voie légale, c'est-à-dire lorsque cela est
prévu par un texte ; et la voie
83 Décret portant statut spécial des
fonctionnaires de la sûreté nationale, ibid.
84 Décret portant statut spécial des
fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, ARTICLE 58. « -
Aucun fonctionnaire de l'Administration Pénitentiaire ne doit user de sa
qualité, de son emploi ou des attributs de sa fonction en vue :
- d'obtenir ou de tenter d'obtenir l'octroi d'un avantage de
quelque nature que ce soit ;
- d'entreprendre sans autorisation de ses supérieurs
hiérarchiques des demandes ayant pour objet l'obtention d'une faveur
personnelle ; », ibid.
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hiérarchique, c'est-à- dire avec l'accord du
supérieure hiérarchique. L'autre acte constitutif d'abus est
l'exercice de pression sur les tiers.
2- L'exercice de pressions et de contraintes sur les
tiers
L'exercice de pressions et de contraintes sur les tiers est
prohibé par l'éthique du corps. En effet, les fonctionnaires des
forces de l'ordre étant chargés de la sécurité des
citoyens, il leur est interdit d'abuser de leur qualité. Le statut
spécial des fonctionnaires de l'administration
pénitentiaire85 est clair là-dessus ; son article 31
dispose qu'« aucun fonctionnaire de l'Administration
Pénitentiaire ne doit user de sa qualité, de son emploi ou des
attributs de sa fonction en vue - d'obtenir ou de tenter d'obtenir l'octroi
d'un avantage de quelque nature que ce soit ;- d'entreprendre sans autorisation
de ses supérieurs hiérarchiques des demandes ayant pour objet
l'obtention d'une faveur personnelle ;- d'exercer une pression ou une
contrainte quelconque sur des tiers. ». Ce statut n'est pas
le seul car celui des fonctionnaires de la sûreté nationale
réitère cette interdiction en ce qui concerne les fonctionnaires
qui appartiennent à ce corps86. L'interrogation que cela
soulève est celle de savoir, quels sont les actes qui peuvent être
qualifiés de pression ?
Les statuts juridiques ne définissent pas les actes
constitutifs de pression. Les lexiques des termes juridiques n'en font
guère mieux car ils ne définissent pas le concept de pression ;
ce qui conduit à s'en remettre à la définition qu'offre
les outils littéraires. Selon le dictionnaire le Robert87,
pression est synonyme d' « influence », il s`agit d'une action
persistante qui tend à contraindre. Le Grand Robert va dans le
même sens en définissant la pression comme une
«action insistante qui tend à contraindre.
».Le droit considère, de par ces définitions,
comme acte de pression, tout acte consistant à influencer un tiers.
Comme précisé plus haut, cette interdiction est une
particularité camerounaise car partout ailleurs, le droit se contente de
formuler l'obligation de désintéressement du fonctionnaire.
85 Décret n°2010/365 du 29 novembre 2010,
ibid.
86 Décret n°2012/539 du 19 novembre 2012 ;
article 28 « il est interdit aux fonctionnaires de la sûreté
nationale en service ou non, d'abuser de sa qualité, de son emploi ou de
ses attributs en vue de ...d'exercer de quelques manière que ce soit une
pression ou une contrainte quelconque sur les tiers ».
87 Le Robert de poche 2012
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