PREMIERE PARTIE :
LES OBLIGATIONS DE
SOLIDARITE AU CORPS
Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
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Le corps est l'ensemble de fonctionnaires exerçant une
fonction spécifique dans un secteur déterminé et
régi par les mêmes dispositions réglementaires59
. Les obligations de solidarité au corps sont donc celles qui sont issu
de l'appartenance du fonctionnaire à un corps particulier. En d'autres
termes, c'est l'appartenance au corps qui crée ces obligations car si le
fonctionnaire ne faisait pas partie dudit corps, ces obligations ne seraient
pas les siennes. La solidarité dont il est question ici n'est pas
synonyme de la solidarité en droit civil60 , elle se
rapproche par contre de la solidarité des membres d'un syndicat qui
apparait au sein d'une équipe dirigeante ,une communauté de vues,
d'actions et de destin unissant, au moins à l'égard des tiers
,les membres du groupe61.
Il apparait donc que les fonctionnaires d'un même corps
sont solidaires dans leurs obligations, c'est-à-dire qu'il y a une
dépendance entre ces derniers puisqu'ils sont liés
également par des intérêts communs. Ces obligations peuvent
être regroupées en deux catégories. C'est ainsi que nous
avons une solidarité dans l'éthique du corps et une
solidarité dans la discipline du corps. C'est dans cet ordre
d'idées que nous traiterons des obligations de solidarité dans
l'éthique du corps (chapitre 1) pour nous pencher plus tard sur les
obligations de solidarité dans la discipline du corps (chapitre 2).
59 Voir article 5 du statut général de
la fonction publique camerounais
60 C'est-à-dire solidarité passive et
active. Dans le premier cas, le créancier peut demander à l'un
des débiteurs solidaire de payer l'intégralité de sa
créance, sauf recours entre les débiteurs et dans le second, l'un
des créanciers d'un même débiteur peut exiger le paiement
de la totalité de la dette sans avoir reçu mandat des autres.
61Cornu (G), ibid.
CHAPITRE I : LES OBLIGATIONS DE SOLIDARITE DANS
L'ETHIQUE DU CORPS
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L'importance de l'éthique de l'administration publique
a engagé l'attention des spécialistes, des agences donatrices et
des fonctionnaires. En effet, la préoccupation afférente à
l'éthique dans la fonction publique est devenue une question de taille
aussi bien dans les pays développés que ceux en voie de
développement pour un certain nombre de raisons. Tout d'abord, la
réputation et le succès d'un gouvernement dépendent de la
conduite des fonctionnaires publiques et de ce que pense le public de la
conduite des responsables. Par conséquent, il est d'une importance
capitale que les fonctionnaires agissent avec intégrité. Il est
impératif que chaque fonctionnaire, lorsqu'il accepte un emploi public,
comprenne qu'il doit exécuter une tâche spéciale, juste et
impartiale dans ses relations avec le public. L'intérêt personnel
des fonctionnaires doit être en toutes circonstances subordonné
à l'intérêt public, et notamment dans les circonstances
où la possibilité d'un conflit d'intérêt est
susceptible de devenir un dilemme d'éthique. Les activités
privées des fonctionnaires doivent se caractériser par des normes
élevées telles, qu'elles ne devraient pas entacher leurs postes
et discréditer le gouvernement selon Chapman62.
Deuxièmement et plus important encore, comme le rappelait le Dr. Joseph
R.A. AYEE 63Professeur en Administration Publique :
« un service public conforme à "l'éthique" est
une composante importante d'une bonne gouvernance (une nécessité
pour des prêts étrangers) préconisée par les
institutions de Bretton Woods et autres donateurs sans lesquels le
développement ne peut se produire dans les pays en voie de
développement ». En d'autres termes, pour disposer
d'institutions de fonction publique efficaces et effectives et de ressources
publiques, la promotion de l'intégrité nationale est essentielle
et
62Chapman (R.A.) "L'Ethique dans la Fonction
Publique", Edimbourg, Presse de l'Université d'Edimbourg, ed.1993.
63 Dr. R.A. AYEE(J), Professeur en Administration
Publique « La Fonction publique en Afrique : Ethique » Rabat ,1998
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cruciale. C'est pourquoi, figurent parmi les obligations du
fonctionnaire, des obligations liées à l'éthique ; et qui
plus est des obligations de solidarités liées à
l'éthique du corps.
Certaines obligations de solidarité au corps du
fonctionnaire sont liées à l'éthique du corps. Le
fonctionnaire comme tout citoyen a une conduite à respecter.
L'éthique est définie sur le plan littéral comme la
science de la morale, l'ensemble des conceptions morales de quelqu'un, d'une
culture, d'un milieu64 ; cette définition littéraire
reste plus ou moins vague. Ce ne sont que les mots d'Henri Bergson65
qui donne une présomption de contrainte à la morale, quand il
parle de la morale et de la religion en ces termes saisissants :
«chacune de ces habitudes d'obéir exerce une pression sur
notre volonté. Nous pouvons nous y soustraire, mais nous sommes alors
tirés vers elle, ramenés à elle, comme le pendule
écarté de la verticale ». Mais, cette
définition apparait insatisfaisante dans la compréhension de
notre sujet. C'est pourquoi une définition juridique s'impose.
Juridiquement, l'éthique est l'ensemble de principes et valeurs guidant
des comportements sociaux et professionnels et inspirant des règles
déontologiques(codes de bonne conduite, de déontologie, ou de
bonnes pratiques) ou juridiques(lois bioéthiques)66.
Dans tous les cas, il n'existe pas de définition
convenue du terme "Ethique". Certains l'ont même assimilée
à la morale. La différence entre "la morale" et "I' Ethique"
réside dans le fait que la morale est liée à la conduite
personnelle de l'individu, ses devoirs moraux et son respect des règles
conventionnelles. L'éthique se réfère aux principes de
base de l'action juste et les règles de la conduite selon
Chapman67. Le terme éthique peut faire
référence aux caractéristiques morales, qu'elles soient
présentes ou absentes; ainsi, un administrateur ou un système
administratif est dit moral ou manquant de probité. Parfois, nous
recherchons des valeurs particulières, telles l'honnêteté
ou le professionnalisme, mais souvent nous recherchons simplement une sorte de
conscience morale. Le terme éthique peut se référer, en
même terme, à quelque chose de différent, dénotant
un ensemble de caractéristiques assumées être
présentes et susceptibles de prendre différentes formes. Dans ce
sens, les organisations sont toujours morales; elles ne diffèrent que
dans les éthiques qu'elles représentent. Un fonctionnaire
pourrait être considéré comme manquant de probité si
il ou elle s'écarte des normes morales de l'organisation, alors que
l'organisation ou l'institution, dans sa totalité, ne pourrait
être
64 Dictionnaire Le Robert, ibid.
65Bergson(H), les Deux Sources de la morale et de la
religion, p. 2
66 Cornu(G), vocabulaire juridique, PUF, Paris,
2011.
67 Chapman (R.A.) "L'Ethique dans la Fonction
Publique", Edimbourg, Presse de l'Université d'Edimbourg éd.
1993.
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considérée ainsi68. Ils ne
diffèrent que dans les éthiques qu'ils représentent. Ce
qui est intéressant c'est de savoir comment un administrateur et/ou un
responsable peut être considéré comme ayant une conduite
morale au sein d'un système ou une organisation dont les
mécanismes opérationnels manquent de probité. Ceci est une
source importante des dilemmes d'éthique des responsables du secteur
public aussi bien dans les pays développés, que dans ceux en voie
de développement. De ces définitions, il découle que les
obligations de solidarité dans l'éthique du corps sont des
règles qui régissent la conduite des fonctionnaires du corps dans
son intégralité. En conséquence, aucun fonctionnaire ne
peut en être délié quelques soient les motifs qu'il puisse
évoquer pour justifier leur violation.
En réalité, ces obligations sont plus proches
des considérations morales que les autres obligations du fonctionnaire
.Ces obligations consistent en des interdictions ou des privations qui
nécessitent l'abstinence du fonctionnaire qui appartient au corps
concerné. Il s'agit ici de la conception de l'obligation-prohibition
selon Michel Virally69 dans son article sur le
phénomène juridique. En effet, lorsqu'on recense ces obligations,
elles peuvent être mises dans la catégorie de l'obligation de ne
pas faire et dans notre cas, ces obligations naissent de l'appartenance du
fonctionnaire au corps.
Il convient tout de même de préciser que ces
obligations sont des obligations juridiques pour le fonctionnaire. En effet,
bien que ces obligations puissent être morales pour certains
fonctionnaires, elles sont juridiques pour le fonctionnaire car elles sont
consacrées par des textes juridiques et la sanction de leur violation
est étatique et non une sanction intérieure70. Ainsi
les règles de conduite qui constituent les obligations de
solidarité dans l'éthique du corps du fonctionnaire peuvent
être divisées en deux : nous avons d'une part l'interdiction de
recourir aux personnes extérieures et d'abuser de sa qualité
(section I) et l'obligation de désintéressement (section II)
SECTION I : L'INTERDICTION DE RECOURIR AUX PERSONNES
EXTERIEURES ET D'ABUSER DE SA QUALITE
Appartenant aux obligations des corps des forces de l'ordre
interdiction ou prohibition a pour effet de préserver
l'intégrité du corps. Cette préservation de
l'intégrité est tant interne qu'externe. Sur le plan interne,
elle préserve l'intégrité du corps car les membres dudit
corps
68Rohr, (J.) L'Ethique pour les Bureaucrates, New
York, Marcel LI Dekker 1978.
69Virally (M), ibid.
70Bergel (J-L), Théorie générale
de l'Etat, ibid. «... Kant, niant le fondement métaphysique de
toutes les morales transcendantes, tire la règle morale de la
volonté autonome des hommes. Ainsi, selon lui, la morale ne
procède que de « la voix intérieure » de chacun et non
d'un commandement extérieur, alors que le droit est une règle de
vie dégagée et appliquée sous la contrainte sociale.
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doivent protéger leur corps par le respect de
l'interdiction. Sur le plan externe, elle protège
l'intégrité du corps vis-à-vis des personnes
extérieures. Pour une meilleure compréhension de cette
interdiction, il convient de prendre séparément d'une part
l'interdiction de recourir aux personnes extérieures et d'autre part
l'interdiction d'abuser de sa qualité.
Ces deux obligations sont en réalité
particulières car elles ne sont explicitement affirmées que dans
les statuts particuliers de certains corps. Cela ne signifie pas pour autant
qu'elles ont moins de valeur ou d'obligatoriété71 dans
les autres corps ; c'est juste que qu'elles ne sont qu'implicitement
déductibles du texte. C'est dans l'optique de faciliter la
compréhension de ces obligations que nous traiterons de l'interdiction
de recourir aux personnes extérieures (paragraphe I) et de
l'interdiction d'abuser de sa qualité (paragraphe II)
PARAGRAPHE I : L'INTERDICTION DE RECOURIR AUX PERSONNES
EXTERIEURES
Le corps est tellement important dans la fonction publique
qu'il est protégé des personnes extérieures que le
règlement interdit de faire appel à ces personnes. En effet, le
statut spécial du corps des fonctionnaires de la sûreté
nationale72 a formulé clairement cette interdiction. Cette
obligation qui consiste en une interdiction mérite une explication plus
ample.
Les personnes extérieures dont il est question ici ne
sont pas uniquement les simples citoyens mais également les
fonctionnaires des autres corps, les autres agents publics, les contractuels de
l'administration. Il s'agit en fait de toute personne extérieure au
corps dans le règlement duquel est formulée l'interdiction. Le
statut spécial du corps des fonctionnaires de la sûreté
nationale camerounais dispose en son article 21 alinéa 6 73
qu' « il est interdit au fonctionnaire de la
sûreté nationale de recourir à des personnes
extérieures au service pour solliciter des avantages de quelque nature
que ce soit auprès de sa hiérarchie. Il est par conséquent
soumis au strict respect de la voie hiérarchique. ».
Afin de préciser les termes de cette interdiction, il convient de
délimiter l'interdiction (A) avant de parler de la prescription de la
voie hiérarchique (B).
71 Selon le vocabulaire juridique de Gérard
Cornu, il s'agit de la : «qualité de ce qui est obligatoire ;
pouvoir d'obliger inhérent à la règle de droit
».
72 Décret n°2012/539 du 19 novembre 2012
portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la
sûreté nationale
73 Article21 du Décret n°2012/539,
ibid.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
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A -Délimitation de l'interdiction
La délimitation est l'action qui consiste à
fixer les frontières ou les limites d'une chose74 .
L'interdiction de recourir aux personnes extérieures comme toute autre
interdiction est limitée à des choses particulières. En
effet cette interdiction que l'on retrouve chez les fonctionnaires des forces
de l'ordre n'est pas totale. Pour accomplir leurs missions75, les
forces de police par exemples dans le but d'appréhender les
délinquants procèdent à des enquêtes et font souvent
appel à des experts76 , actions qui incitent à
recourir à des personnes extérieures au corps. C'est dans le but
d'éviter toute confusion qu'il convient préciser le but
prohibé(1) avant nous au lieu de la prohibition(2).
1 -Le but prohibé : solliciter des
avantages
L'obligation dont il est question ici consiste en prohibition
de recourir aux personnes extérieures pour solliciter des avantages. En
effet, cela signifie a contrario que lorsqu'un fonctionnaire sollicite
un avantage, c'est au corps auquel il appartient qu'il doit faire recours. Cela
nécessite donc non seulement l'existence d'une éthique au sein du
corps mais également son respect par les membres du corps, condition de
son effectivité. L'article 21 alinéa 2 du statut
spécial77 va jusqu'à parler de l'exercice de la
fonction avec intégrité.
74 Dictionnaire le robert, ibid.
75Article 21 alinéa 1 du Décret
n°2012 /539 : « le fonctionnaire de la sûreté nationale
a l'obligation de servir les institutions de la république et d'apporter
aide et protection aux citoyens »
76Voir le code de procédure pénale
camerounais : Article 92 -- (1)
a) L'officier de police judiciaire peut, au cours d'une
enquête, entendre toute personne dont les déclarations lui
paraissent utiles à la manifestation de la vérité.
b) La personne convoquée est tenue de comparaître
et de déposer; si elle ne comparaît pas, l'officier de police
judiciaire en informe le Procureur de la République qui peut
décerner contre elle mandat d'amener. Cette personne est conduite devant
ce magistrat.
(2) L'officier de police judiciaire peut :
- procéder à des perquisitions, visites
domiciliaires et saisies dans les conditions prévues aux articles 93
à 100 ;
- procéder à la garde à vue dans les
conditions prévues aux articles 119 et suivants ;
- requérir tout expert et éventuellement toute
personne susceptible de l'assister pendant une opération
déterminée;
- requérir par écrit, avec effet
immédiat, tout passage dans tout véhicule ou moyen de transport
maritime, ferroviaire, terrestre ou aérien, public ou privé.
L'original de la réquisition doit être laissé au
transporteur. 77 Décret n°2012/539, ibid.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
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Au Gabon, contrairement au Cameroun, cette interdiction figure
dans le statut général de la fonction publique. En effet, la loi
n°1/2005 du 04 février 2005 portant statut général de
la fonction publique du Gabon dispose en son article 44 qu' «
Il est interdit à tout agent public:
- de solliciter ou de recevoir, directement ou par
personne interposée, en raison de ses fonctions, des dons, promesses,
gratifications ou avantages quelconques afin d'accomplir ou de s'abstenir
d'accomplir un acte de sa fonction ».
Toutefois, pour ne pas créer de confusion entre cette
obligation et l'obligation de désintéressement, il convient de
préciser le lieu de la prohibition.
2-Le lieu de la prohibition
Les avantages dont la sollicitation sont interdits sont ceux
que le fonctionnaire solliciterait au sein de sa hiérarchie par des
personnes extérieures. En effet, cette obligation de solidarité
dans l'éthique du corps permet de protéger le corps des personnes
extérieures. De plus, dans les corps des forces de l'ordre à
l'instar du corps des fonctionnaires de la sûreté nationale dont
la fonction est de protéger la population, il est nécessaire
qu'il y ait une telle solidarité dans l'éthique afin de
solidifier le corps.
En outre, les fonctionnaires des forces de l'ordre doivent
servir avec honneur et fidélité, il est nécessaire de
protéger le corps des personnes extérieures. En Suisse par
exemple, la protection du corps peut être déduite du serment des
militaires en service actif : « Je jure de servir la
Confédération suisse de toutes mes forces ; de défendre
courageusement les droits et la liberté du peuple suisse ; de remplir
mon devoir, au prix de ma vie s'il le faut ; de rester fidèle à
ma troupe et à mes camarades ; de respecter les règles du droit
des gens en tant de guerre. »78. Afin de
protéger le corps, le règlement privilégie la voie
hiérarchique.
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