Déforestation et dégradation de l'environnement au Cameroun 1960-2010.par Marcel Koviel Songo Université de Youndé I - Master en histoire 2012 |
II- LES REFORMES FORESTIERES ET ENVIRONNEMENTALES DU CAMEROUN DE 1994 A 2010L'analyse de la législation forestière et environnementale entre 1994 et 2010 passera par la loi forestière de 1994, la loi cadre de l'environnement de 1996, leurs aménagements et les résultats obtenus sur leur application. A- LA LOI FORESTIERE DE 1994 ET SON DECRET D'APPLICATION DE1995Cette fameuse loi s'avérait être complète, ceci à travers les règles à observer et les sanctions prévues en cas de violation de ces dernière. C'était une grande révolution dans la politique forestière du Cameroun depuis 1961. Certains iront jusqu'à dire qu'elle était la plus meilleure en Afrique centrale0. Comme aucune oeuvre humaine n'est parfaite, quelques une de ses dispositions ont été modifiées dès son application en 1995. La législation forestière de 1994 visait quatre objectifs. A savoir : - Une meilleure protection du patrimoine forestier national ; - La protection de l'environnement et de la biodiversité ; - L'amélioration du niveau de vie de la population rurale à travers une meilleure intégration de la foresterie dans le développement rural ; - L'augmentation de la part du secteur de la foresterie dans le PIB0 La première grande innovation de cette loi était l'association des autres ayant droits de propriété des forêts en dehors de l'Etat. C'est dans l'article 7 de celle-ci qu'on pouvait lire `' L'Etat, les communes, les communautés villageoises, et les particuliers exercent sur 0 UICN, `'Promouvoir l'efficacité en Afrique centrale et occidentale», rapport annuel 2008, p. 8. 0 Dieudonné Njokou, `' Régime des forêts de la faune et de la pêche», Centre d'Etude Fiscale et d'Appui à la Gestion (CAFAG : le Partenaire Fiscal), Première édition Mars 2000, pp. 14-25. 100 leurs forêts et leurs établissements aquacoles, tous les droits résultant de la propriété, sous réserve des restrictions prévues par les législations foncière et domaniale et par la présente loi `'0. Elle est qualifiée de nouvelle par ce qu'avant 1994, seul l'Etat était propriétaire des forêts. Les autres pouvaient seulement avoir les droits d'usage tels que l'usage des parcelles forestières pour des fins agricoles par les paysans. Dans de ce régime forestier, on parle de forêts communales (article.30), communautaires (article.37), et forêts des particuliers (article.39)0. Les fruits de cette innovation sont très vite perceptibles chez les communautés riveraines. Les chiffres communiqués par la cellule de foresterie communautaire en 2002 indiquent que 35 forêts communautaires ont été attribuées par le MINEF0. Il s'agit entre autres de celles de Bengbis, Bimboué, Bosquet, Ngola, Kongo, Koungoulou, Eschiambor ; etc.0 Pour la protection de la nature et de la biodiversité, cette loi interdit la provocation des feux de brousse sans autorisation préalable, de déverser dans le domaine forestier national, ainsi que dans les domaines public, fluvial, lacustre et maritime un produit toxique ou déchet industriel sensible de détruire ou de modifier la faune et la flore0. Cette disposition sur l'interdiction de provoquer les feux de brousse est respectée par certaines sociétés à l'instar de TTS. En effet, lors de notre visite là bas, nous avons constaté que la société ne brulait plus les déchets de bois comme dans les années précédentes. Ce qui est un pas à saluer pour cette loi. L'article 16 de la loi de1994 initie une étude préalable d'impact sur l'environnement avant toute mise en oeuvre de tout projet de développement susceptible d'entrainer des perturbations en milieu forestier ou aquatique0. Cet ensemble de dispositions visaient à protéger la nature et la biodiversité du Cameroun dans le sens de les préserver pour la pérennité. Et encourager les reboisements à travers les prises de mesures incitatives. 0Ibid. p. 14. Et confère Annexe III page 144. 0 Ibid. pp. 17-19. Et confère Annexe III page 144. 0 Bigombe Logo, `'Foresterie communautaire et réduction », 2008. 0 Ibid. 0 Ibid. p. 15. 0 Ibid. 101 Comme les précédents régimes, le domaine forestier national était constitué des forêts permanentes et des forêts non permanentes. Chaque forêt permanente doit faire l'objet d'un plan d'aménagement0. Elle peut être divisée en unités forestières d'aménagement (UFA)0. A partir de cette loi, nous constatons que la forêt plus que jamais est mise dans un cadre de lois qui la protège de tous les dangers, menaces, et de l'exploitation anarchique. L'aménagement de celle-ci devient une condition préalable pour son exploitation. Ceci montre les intentions des autorités camerounaises de rendre les activités forestières saines et durables. C'est pourquoi l'inventaire des ressources forestières devient une prérogative de l'Etat. L'exploitation forestière entre dans une autre optique qui tend vers le développement durable. Par apport aux régimes antérieurs cette loi voudrait que l'exploitation des forêts soit pour une fois transparente et arrimée aux normes internationales. Ainsi au début de chaque année, l'administration chargée des forêts détermine la possibilité annuelle de coupe de l'ensemble des forêts domaniales de production ouverte à l'exploitation0. Dorénavant, l'exploitation d'une forêt domaniale de production se fait, soit par vente de coupe, soit par convention d'exploitation. Une vente de coupe dans une forêt domaniale de production est une autorisation d'exploiter pendant une période limitée un volume de bois vendu sur un pied et ne pouvant dépasser la possibilité annuelle de coupe. Elles sont attribuées aux nationaux par exception pour le cas prévu par l'article 77(2)0. Pour ce qui est de la vente de coupe dans une forêt du domaine national, le ministère attribue une autorisation d'exploiter une superficie ne pouvant dépasser 2 500 hectares, un volume précis de bois vendu sur pied. Dans les forêts du domaine national, les ventes de coupes sont concédées après avis d'une commission compétente pour une période de 3 ans non renouvelables0. Elles sont attribuées par le Ministre chargé des forêts pour une période d'un an non renouvelable. 0 L'aménagement d'une forêt permanente se définit comme étant la mise en oeuvre, sur la base d'objectifs et d'un plan arrêté au préalable, d'un certains nombre d'activités et d'investissements, en vue de la production soutenue des produits forestiers et des services, sans porter atteinte à la valeur intrinsèque, ni compromettre la productivité future de ladite forêt, et sans susciter d'effet indésirables sur l'environnement physique et social. (Loi n°94 du 20 Janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, p.16). 0 Ibid. p. 17. 0 Ibid. p. 20. 0 A l'expiration des anciens titres d'exploitation localisés dans le domaine forestier permanent, leurs titulaires peuvent bénéficier exceptionnellement de vente de coupe dans la zone concernée pendant une période maximale de trois ans, à condition qu'ils soient détenteur d'une unité de transformation du bois et conformément aux dispositions de la présente loi et des textes réglementaires pris pour son application (Loi de 1994, p.25) 0 Ibid. 102 Quant à la convention d'exploitation, elle confère au bénéficiaire le droit d'obtenir un volume de bois donné provenant d'une concession forestière, pour approvisionner à long terme son ou ses industrie(s) de transformation du bois. La convention d'exploitation est assortie d'un cahier de charges et définit les droits et obligations de l'Etat et du bénéficiaire. Le volume attribué ne peut en aucun cas dépasser la possibilité annuelle de coupe de chaque unité d'aménagement concernée. La convention d'exploitation forestière est conclue pour une durée de quinze ans0. La superficie totale pouvant être accordée à un même concessionnaire est fonction du potentiel de la concession forestière calculé sur la base d'un rendement soutenu et durable de la capacité des industries de transformation existantes ou à mettre en place. Elle ne peut en aucun cas excéder 200 000 hectares0. En 1999 Assene Nkou obtient une convention pour l'obtention de l'UFA 10 044 dans le secteur d'Abong-bang0. Une autre disposition qui marque cette loi est la transformation à hauteur de 70% par essence de leur production par l'industrie locale pendant une période transitoire de 5 ans à compter de la date de promulgation. Passé ce délai, l'exportation des grumes est interdite et la totalité de la production nationale est transformée par l'industrie locale0. Avec cette loi, les titres sont attribués sur appel d'offres lancé par le ministère. Après l'obtention d'une concession, l'exploitation se fait en combinaison avec l'aménagement qui comprend : - les inventaires ; - les reboisements ; - la régénération naturelle ou artificielle ; - l'exploitation forestière soutenue ; - la réalisation des infrastructures0. La loi forestière de 1994 a révolutionné la législation dans ce domaine au Cameroun. Beaucoup de choses ont changé comme nous pouvons le constater dans ses dispositions. Ce régime confère au pays une politique forestière répondant aux conditions du développement durable. L'association des collectivités à la gestion des forêts à travers les forêts communales et communautaires est saluée par toute la communauté nationale et 0 Ibid. p. 21. 0 Ibid. 0 `'Audit économique et financier', MINEFI, 2006, p. 68. 0 Loi n°94 du 20 Janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche 0 Ibid. p. 22. 103 internationale. Ce que le délégué de la commission européenne faisait remarquer aux autorités camerounaises en novembre 1996 en ces termes : La nouvelle législation mise en place par le gouvernement du Cameroun, le Plan d'Action National Forestier ainsi que le Plan National de Gestion de l'Environnement qui devront être mis en oeuvre à court terme et moyen terme présentent des stratégies de gestion durable des ressources naturelles similaires à celles définies dans la convention de Lomé0. En plus de cet avantage social, s'ajoutent les retombées économiques. Les nouvelles dispositions financières et fiscales conduisent une bonne rentabilité financière par rapport au passé. Par exemple les recettes forestières sont passées entre 1992 à 2010 de quatre milliards à quarante milliards de franc CFA0. Nous pouvons observer dans ce volet que pour les ventes de coupe et les conventions d'exploitation forestière, les charges financières prévues à l'article 66 alinéa (3) sont constituées outre la patente prévue par le code général des impôts, par : - La redevance forestière annuelle assise sur la surface et dont le taux est fixé par la loi des finances ; - La taxe d'abattage des produits forestiers,
c'est-à-dire la valeur par espèce, par - La surtaxe progressive à l'exportation des produits forestiers non transformés ; - La contribution à la réalisation des oeuvres sociales ; - La réalisation de l'inventaire forestier ; - La participation aux travaux d'aménagement0. En 1995 est signé le décret d'application de cette loi. Le décret n°95/531/PM du 23 Aout 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts0 est la première parmi ces lois qui viennent compléter la loi de 1994. Ce décret définit le processus d'attribution des concessions. Ainsi, dans son article 64 nous découvrons que les concessions forestières sont attribuées après avis d'une commission interministérielle et à la procédure d'appel d'offres public prévue à l'article 63. Pour ce qui est du processus, après le dépôt des offres par les soumissionnaires, la commission interministérielle présélectionne et classe les soumissionnaires les mieux disant sur la base des 0`'Table ronde internationale des donateurs sur l'environnement au Cameroun», MINEF, rapport général, Yaoundé 08 novembre 1996, p. 24. 0 `'Ministère de la forêt et de la faune au Cameroun», http://cameroon 50, 2010, consulté le 15 novembre 2010. 0 Dieudonné Njokou, `' Régime des forêts », 2000, p. 23. Et confère Annexe III page 144. 0 Décret n°95/531/PM du 23 Aout 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts 104 critères suivants, en tenant compte des seuils minima arrêtés au préalable par le ministre chargé des forêts dans l'avis d'appel d'offres : - Les investissements programmés ; - Les capacités financières y compris les garanties de bonne exécution ; - Les capacités techniques et professionnelles ; - Le respect des engagements ultérieurement pris dans les mêmes domaines0 ; De la liste des soumissionnaires établie, la commission sélectionne le soumissionnaires offrant le montant le plus élevé de la redevance forestière assise sur la surface, dont le taux plancher est fixé par la loi des finances0. Pendant les premiers appels d'offres de 2000, Thanry avec la CFE sa filiale récupère 230 000 hectares de forêt0. Dans le cas ou deux ou plusieurs soumissionnaires présentent des offres d'un montant identique, la concession provisoire est attribuée sur la base des coefficients de pondération affectés par le ministre chargé des forêts aux critères énumérés. En effet, ce règlement encadre l'exploitation forestière au Cameroun. Et tous les acteurs du secteur forestier sont invités à l'observer sous peine de sanctions. Ces sanctions sont prévues dans la loi de l'environnement. |
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