Déforestation et dégradation de l'environnement au Cameroun 1960-2010.par Marcel Koviel Songo Université de Youndé I - Master en histoire 2012 |
2 - L'unicité de la loi forestière à partir de 1973Après l'unification du pays en 1972, il fallait remédier à ce problème de dualité des politiques forestières et élaborer un régime unique. C'est l'ordonnance n° 73/18 du 22 mai 1973 qui a institué cette harmonisation0. Elle venait modifier tous les anciens régimes de deux Etats fédérés et avait mis par la même occasion une loi qui devait s'étendre sur tout le territoire camerounais. Celle-ci avait été rendue applicable par le décret n°74/357 de 19740. Par conséquent, les forêts domaniales devraient représenter 20% de la surface nationale, soit environ 9 500 000 hectares0. Aussi les surfaces concédées à un même exploitant ne pouvaient dépasser 250 000 hectares. A partir de 10 000, il y avait lieu d'installer une industrie de transformation. La société Pallisco (SARL) qui était créée en 1972 pour répondre à cette condition, avait installé une scierie pour la transformation dans le village d'Eboumetoum à l'Est Cameroun0. Les permis de 10 000 hectares étaient attribués aux nationaux. L'accent était aussi mis sur la transformation du bois. Et le seuil de transformation est porté à 60%0. L'exploitation et la transformation du bois ne se faisaient pas sans concessions. L'exploitation devait se conformer au cahier des charges selon la loi en vigueur dans le territoire camerounais0. Concernant le cahier des charges, cette ordonnance venait le modifier. Le cahier de charges renferme les devoirs des exploitants et dans ses clauses particulières, met l'accent sur ceux envers les populations et les communes locales0. L'ancien système de cahier de charges stipulait que c'est l'exploitant lui-même qui devait réaliser des infrastructures socio- 0 Ibid. 0 `'Politique forestière du Cameroun», brochure du MINEF', 1995, p. 10. 0 Ebela, `' L'exploitation forestière», 2007/2008, p. 13. 0 Ibid. 0`'Pallisco-cifm historique des entréprises pallisco» http://www. Pallisco-cifm. Com.consulté le 15 octobre 2010 0 Ibid. 0 Ibid. pp. 13-14. 0 Ibid. 92 économiques au bénéfice des populations locales. Or la loi de 1973 annulait cette clause. Désormais, les exploitants devaient payer des taxes de contribution socio-économique à verser aux communes locales0. Celles-ci se chargeaient désormais de ces réalisations. L'inconvénient de cette nouvelle loi était le fait que les communes locales n'étaient pas parfois à la hauteur des la réalisation de ces infrastructures. L'exemple nous vient de la commune de Yokadouma qui a perçu plusieurs milliards des sociétés forestières exploitant surplace depuis 1975, mais qui n'a pas pu construire des infrastructures conséquentes0. Donc, face à cette triste situation, qui est d'ailleurs responsable aujourd'hui à 60% du retard infrastructurel que connait la ville. D'autre part, Kelodjoué constate que cette ordonnance et son décret d'application visaient une gestion rationnelle des ressources forestières afin de tirer le profit maximum, tout en préservant le patrimoine forestier0. En effet, il en résulte que la législation élaborée en 1973 et appliquée en 1974 avait pour souci d'harmoniser les textes applicables en matière des forêts dans les anciens Etats fédérés et donner au Cameroun un régime juridique unique en ces matières0. Les principales articulations de ce texte étaient les suivantes : * La procédure de classement et le déclassement des forêts domaniales tenant compte de la vocation des terres et des intérêts des populations locales ; le principe est posé par l'article 14 de cette ordonnance où les forêts domaniales font partie du domaine privé de l'Etat et doivent atteindre au moins 20% de la superficie totale du territoire, soit près de 9 500 000 ha ; * l'exploitation d'une forêt classée ne peut se faire que sur la base d'un plan d'aménagement ; Les domaines des licences d'exploitation forestière son constitués des commissions techniques, nationales et provinciales ; * toute personne morale ou physique désireuse d'exploiter une forêt doit être agrée ; les critères d'octroi de cet agrément sont la garantie de financement de l'activité à entreprendre, la connaissance technique de l'exploitation forestière et une bonne moralité ; * les licences d'exploitation forestière sont accordées pour une période de 5 ans renouvelables après avis d'une commission technique ; les superficies totales accordées à un même exploitant ne peuvent excéder 250 000 ha ; les licences de superficie inferieure à 10 000 ha sont réservées aux Camerounais ou aux sociétés nationales camerounaises ; * aussi, toute licence d'exploitation est assortie d'un cahier de charges * en vue d'accroitre les taux de transformation industrielle de bois, la qualité d'installation industrielle à mettre en place et le pourcentage minimum du volume devant être transformé localement0. L'avènement de cette ordonnance était la bienvenue dans la politique forestière du pays. D'une part elle venait harmoniser les deux textes qui régissaient les secteurs forestiers dans 0 Ibid. 0 Entretien avec Armand Souobot, 66 ans environ, employer à la mairie de Yokadouma depuis trente ans, Yokadouma, 12 octobre 2010. 0 Kelodjoué, `' L'évolution de l'exploitation industrielle », 1985, p. 27. 0 Ibid. p. 29. 0 Ibid. pp. 27-28. 93 ces deux Etats fédérés pour en faire un. Quant on sait qu'un an auparavant, c'est-à-dire le 20 mai 1972, l'Etat unitaire du Cameroun naissait entrainant ainsi l'unicité des institutions du pays, on peut donc constater que cette harmonisation des textes forestiers était la conséquence de cette réunification. Par apport aux précédents textes, celui-ci apportait beaucoup d'innovations dans la réglementation forestière. C'est dans ce sens que Tene dans son étude, affirmait que `'Cette législation est à l'heure actuelle l'une des plus élaborées d'Afrique au Sud du Sahara. Elle permet d'assurer une gestion plus rationnelle de nos ressources forestières»0. Elle était novatrice à cause de la définition plus complète des différentes procédures de gestion ; par la définition des principes d'exploitation rationnelle de la forêt par assiette de coupe et la concordance établie entre la superficie totale à exploiter, la quantité des installations industrielle à mettre en service et le pourcentage minimum de volume de bois à être transformé localement ; par le système méthodique de contrôle et du recouvrement des recettes0. Pourtant quelques années plus tard cette ordonnance présente très vite les insuffisances. Les règles de 1973 ne prévoyaient pas d'inventaire préalable des ressources forestières avant toute ouverture à l'exploitation. Cette loi n'a pas atteint ses objectifs sur le plan de la conservation. Le nombre de 9 500 000 hectares de forêt classés qui avait été fixé n'a pas été atteint. En 1978 on comptait seulement 3 500 000 d'hectares, faisant du pays l'un des rares en Afrique où la superficie des forêts appartenant au domaine privé de l'Etat était faible0. Le système de taxation de l'exploitation forestière n'était pas proportionnel à l'importance de ces activités0. Les mesures d'encouragement des nationaux à se lancer dans la profession d'exploitant étaient insuffisantes. Le contrôle de l'abattage des essences forestières laissait à désirer0. Par conséquent, il était indispensable de modifier et de compléter ce texte par un autre plus adéquat et plus adapté aux nouveaux défis. Ce qui précède présente la législation forestière au Cameroun de 1961 jusqu'en 1981. Il ressort de cette analyse que les années 60 ont été marquées par deux régimes forestiers parallèles dans les deux Etats fédérés du pays. C'est à partir de 1973 qu'on assiste à une 0 Tene, `' L'aspect juridique», 1977/1978, p. 11. 0 Ibid. pp. 11-12. 0 Ibid. p. 28. 0 Kelodjoué, `' L'évolution de l'exploitation industrielle», 1985, p. 29. 0 Ibid. p. 30. 94 uniformité de la loi forestière dans tout le territoire camerounais. C'est cette facette qu'avait la législation forestière au Cameroun à l'aube de la signature du régime forestier de 1981. |
|