B - LES DEFAILLANCES DE L'ETAT ET DE SES PARTENAIRES DANS
LA GESTION DES FORETS
La situation de la déforestation serait en partie la
responsabilité des autorités camerounaises. Plusieurs
éléments semblent confirmer cette hypothèse. Il s'agit de
la corruption au sein du ministère chargé des forêts, la
complaisance des autorités, la carence en logistique et personnel, et
l'absence des contrôles et de surveillances.
1 - La corruption
La corruption est un véritable casse-tête dans
les efforts du gouvernement de rendre le secteur forestier transparent et
bénéfique. Pour des raisons liées à la
pauvreté, d'une prise en charge insuffisante par l'Etat, les agents du
ministère en charge des forêts se laissent corrompre sur le
terrain. `'Que peut-on faire avec un salaire minable de 40 000 francs CFA,
quand on travaille dans les conditions difficiles. En plus la tentation de
prendre les pots de vins est facile, puisque le secteur des forêts est
fructueux, et que nous avons des familles nombreuses à
nourrir''0. Cette position de cet agent d'Etat montre le malaise
qu'il y a chez les gardes forestiers pour ce qui concerne leurs conditions de
vie.
Et cette posture du personnel du ministère en charge
des forêts est en partie à l'origine des pratiques
forestières illégales telles que les coupes illégales, les
fausses déclarations
0 Entretien avec Ladoum Mbiabot, 36 ans
environs, agent technique des eaux et forêts, Ngatto, 13 Août
2011
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comme le souligne Filip Verbelen0. Ce qui est
corroboré par une autre source qui mentionne que pendant les appels
d'offres de 2000, la société Thanry a été
attributaire de 230 000 hectares de forêt, ajoutant ainsi à ses
anciennes concessions, elle se retrouvait désormais avec 850 000
hectares, quatre fois le maximum légal0. Dans le cas de
Thanry, l'illégalité était flagrante, car la loi de 1994
était claire dans son article 49(2) : `'Toute prise de participation
majoritaire ou création d'une société d'exploitation par
un exploitant forestier ayant pour résultat de porter la superficie
totale détenue par lui au-delà de 200 000 hectares est
interdite''0. Cette attribution de nouvelles concessions dans
l'illégalité avait été facilitée par un
certain Baloulo, député de la Boumba et Ngoko. Ce service
était conséquent aux 4000 FCFA par m3 de bois que percevait
l'intéressé depuis 1998 de la CFC. Car il siégeait
à la commission interministérielle d'attribution0.
Ce cas n'est pas isolé, puisque la même
année, le ministre en charge des forêts recevait un don de deux
véhicules 4x4 flambants neufs d'un certain Pascal Khoury. Un don que
Labrousse et Verschaves pensent qu'il serait en échange des faveurs du
MINEF vis-à-vis de la société pascal Khoury sciage
transport forêt (BK-STF)0. Ce qui semble être vrai, car
celui-ci venait à point nommé. En septembre 2000, un appel
d'offres avait été lancé pour l'exploitation de la
réserve de So'o Lala. La société de Khoury était
soumissionnaire0. En plus quatre jours avant la remise de ce don,
les agents du MINEF (brigade du Sud) avaient dressé un procès
verbal contre PK-STF pour « prise de participation sans accord
préalable de l'administration forestière » et «
exploitation forestière au- delà des limites de son permis».
Le 3 janvier, la dite société malgré ses
antécédents est déclarée attributaire de So'o
Lala0.
Ces deux cas de corruption sont une goutte d'eau dans
l'océan si on tient compte de tous les actes de ce genre commis par les
agents et les responsables du MINEF devenu MINFOF. Ce fléau est un grand
obstacle à l'application rigoureuse des lois forestières garant
de la lutte contre la déforestation. Il revient à l'Etat de
rendre saine la gestion des affaires de ce ministère, c'est pourquoi la
responsabilité lui est incombée. Ce qui pourrait empêcher
d'autres tares qu'on lui reproche.
0 Verbelen, `'Exploitation abusive des forêts'', 1999, p.
52. 0
0 Ossama, le cadre juridique des forêts, 2007, p.
10.
0Labrousse, Verschaves, Les pillards de la forêt,
2002, p. 65. 0 Ibid. p. 90.
0 Ibid. 0 Ibid.
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