IV. MÉTHODOLOGIE
Comme le titre l'indique, notre intention est
d'appréhender la manière dont sont organisés les rapports
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif en Côte
d'Ivoire. Cela axe l'étude sur la lege lata,
c'est-à-dire le droit positif actuellement en vigueur : la
Constitution du 1er août 2000 et le règlement de
l'Assemblée nationale. Mais nous jetterons également un regard
sur le droit constitutionnel de la première
République46.
Nous précéderons alors, en premier lieu,
à l'exploitation et à l'analyse du texte constitutionnel et du
règlement de l'Assemblée nationale et ferons appel à la
doctrine et au droit comparé, notamment négro-africain
francophone. La confrontation de la doctrine et du droit comparé d'une
part et des textes constitutionnels ivoiriens en vigueur d'autre part
permettra, à un autre égard, de mesurer l'écart entre la
conception doctrinale (normale) des rapports entre les pouvoirs exécutif
et législatif dans un régime présidentiel et
l'organisation effective des rapports entre le président de la
République et l'Assemblée nationale en Côte d'Ivoire,
détenteurs respectifs de ces deux pouvoirs47.
45 Boutros BOUTROS-GHALI, L'interaction entre
démocratie et développement, rapport de synthèse
publié par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la
science et la culture (UNESCO), 2003, p. 10-13.
46 Le régime établi par la
Constitution de 2000 diffère très peu de celui établi par
la Constitution de 1960 de telle sorte que matériellement la
Constitution de 2000 ressemble véritablement plus à un texte
révisé (le texte révisé de la Constitution de 1960)
qu'à une nouvelle Constitution. Yédoh S. LATH écrit
justement que : « D'un point de vue institutionnel, la Constitution de
la deuxième République est apparue moins innovante. En dehors de
quelques aménagements, l'architecture institutionnelle de la
première République a été maintenue au regard aussi
bien des institutions politiques, des institutions juridictionnelles que des
autres institutions » (op.cit., p. 207).
47 Nous faisons abstraction, dans le cadre de cette
étude, des accords politiques portant arrangements constitutionnels
initiés à la suite des événements des 18 et 19
septembre 2002 : accord de Marcoussis du 23 janvier 2003, accord d'Accra II du
7 mars 2003 (à la suite de l'accord d'Accra I du 29 septembre 2002) et
III du 30 juillet 2004, accord de Pretoria I du 6 avril 2005 et II des 28 et 29
juin 2005, accord de Ouagadougou du 4 mars 2007 et ses quatre accords
complémentaires. Il en est de même des nombreuses
résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies :
résolutions 1464 du 4 février 2003, 1528 du 27 février
2004, 1633 du 21 octobre 2005, 1721 du 1er novembre 2006, etc.
destinés à l'organisation des pouvoirs publics pendant la
période de crise. Ces accords politiques et autres résolutions du
Conseil de sécurité, sans abroger formellement la Constitution du
1er août 2000, la modifiaient sur certains de ses aspects et
pour un temps déterminé : ils constituent un « droit
constitutionnel de crise » (Francisco MÉLÈDJE
DJÉDJRO, Droit constitutionnel, 8e éd.,
Abidjan, ABC Editions, 2008, p. 232-241), de « véritables
Constitutions matérielles » (Luc SINDJOUN, « Le Gouvernement
de transition : éléments pour une théorie
politico-constitutionnelle de l'État en crise ou en reconstruction
», in Mélanges en l'honneur de Slobodan Milacic,
Démocratie et liberté : tension, dialogue, confrontation,
Bruylant, Bruxelles, 2008, p. 967-1011). Ils sont devenus aujourd'hui sans
objet et « la Constitution de 2000 a retrouvé tout son
rayonnement » (Sébastien Y. LATH, op.cit., p.
170).
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En second lieu, nous nous pencherons sur la pratique
politique. En effet, les textes constitutionnels n'expliquent pas tout : les
liens qui unissent le président de la République et le parti
majoritaire à l'Assemblée nationale déterminent
eux-mêmes les rapports entre le Président et l'Assemblée
nationale (le fait majoritaire). Ce fait majoritaire (fait politique) qui
bénéficie au président de la République dans ses
rapports avec l'Assemblée nationale est, par ailleurs, aggravé
par la faiblesse des partis, y compris, et surtout, du parti
présidentiel : la plupart des électeurs en Côte d'Ivoire
manifestent de l'attachement à des personnes plus qu'à des
idées. De ce fait, le parti présidentiel -majoritaire à
l'Assemblée nationale- n'a de raison d'être que dans la
personnalité du président de la République et la
prééminence de celui-ci - par rapport à l'Assemblée
nationale- s'en trouve confortée.
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