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Les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif en Côte d'Ivoire


par Boubacar GUISSE
Université Alassane Ouattara de Bouaké - Master 2 Recherche 2014
  

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III. INTÉRÊTS SCIENTIFIQUE ET PRATIQUE DU SUJET

Notre mémoire va, nous l'espérons, revêtir à la fois un intérêt scientifique et un intérêt pratique. Sur le plan de l'intérêt scientifique, l'étude des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif en Côte d'Ivoire s'inscrit dans les préoccupations légitimes de la pensée scientifique en droit constitutionnel. Le pouvoir exécutif ivoirien a en effet pris cette habitude fâcheuse d'intervenir de plus en plus fréquemment -en dehors de tout cadre constitutionnel et même en violation de ce cadre- dans le domaine de compétences du législateur39 sans que cela ne suscite une quelconque émotion ou une simple interrogation, sauf de la part d'une certaine doctrine attentive au respect effectif de la séparation des pouvoirs40 et de la part de l'opposition politique41. La solution au problème posé, à savoir si l'égalité et l'équilibre des

38 C'est le principe de bonne organisation formulé par Montesquieu : pour éviter le despotisme, « il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir » (De l'esprit des lois ou du rapport que les lois doivent avoir avec la Constitution de chaque gouvernement, les moeurs, le climat, le commerce, etc., Genève, 1748, Livre XI, chapitre IV, p. 242). Pour les pouvoirs du Congrès des États-Unis (Francis HAMON et Michel TROPER, op.cit., p. 274-278).

39 L'Assemblée nationale a été ainsi constamment ignorée du processus budgétaire, le président de la République prenant des ordonnances budgétaires sans que les conditions exigées à cet effet par l'article 80 de la Constitution ne soient réunies : nous pouvons citer à titre d'exemples les ordonnances n° 2011-121 du 22 juin 2011 portant budget de l'État pour la gestion 2011 et n° 2011-480 du 28 décembre 2011 portant budget de l'État pour la gestion 2012. De même, l'organisation territoriale actuelle de la Côte d'Ivoire a d'abord résulté d'une ordonnance sans fondement constitutionnel (ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011 portant organisation générale de l'Administration). Enfin, nous pouvons citer les décisions présidentielles prises par L. Gbagbo sur le fondement de l'article 48 de la Constitution à partir du 26 août 2005 et la décision présidentielle n° 001 /PR du 11 janvier 2014 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce prise par A. Ouattara. Concernant cette dernière décision, le Conseil constitutionnel, saisi par la voie d'exception, la jugea contraire à la Constitution (Décision n° CI-2014-139/26-06/CC/SG du 26 juin 2014).

40 Pélagie N'DRI-THEOUA, « Constitutions et démocratie en Côte d'Ivoire », Revue ivoirienne des sciences juridiques et politiques, n° 1, 2014, p. 43-72 ; Félix TANO, « Constitutions et urgence budgétaire à l'épreuve des crises politiques », Revue juridique des États francophones, n° 2, avril-juin 2011, p. 147-150.

41 Mais d'une façon générale, l'opposition politique dénonce la délégation du pouvoir législatif consentie par l'Assemblée nationale au président de la République sur le fondement même des dispositions constitutionnelles (Déclaration du Secrétaire général par intérim et porte-parole du Front populaire ivoirien Docteur Richard Kodjo).

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pouvoirs sont respectés, contribuera donc à nous rendre compte de la complexité de la nature du régime politique ivoirien : régime à mi-chemin entre le régime présidentiel et le régime parlementaire ou de confusion des pouvoirs, c'est-à-dire de semi-dictature42 ? Mais il est également possible que la nature véritable du régime politique ivoirien soit, en fait, occultée par la pratique politique : la prééminence du président de la République est certes consacrée par la Constitution, mais elle semble encore plus déterminée par le fait que d'une part, les Présidents ivoiriens ont constamment bénéficié de la majorité à l'Assemblée nationale et que d'autre part, ils ont toujours été plus forts que leurs partis. Autrement dit, si le fait majoritaire basculait et que le fait personnel cessait d'exister, la prééminence du président de la République -quoique constitutionnellement consacrée- s'en trouverait affectée43.

Mais en attendant cette éventualité et sur le plan de l'intérêt pratique cette fois, le problème de l'équilibre des pouvoirs exécutif et législatif est crucial pour l'édification d'une véritable démocratie en Côte d'Ivoire et -par ricochet- pour l'avènement d'un développement économique, social et culturel tant souhaité, car il semble exister une interaction entre démocratie (c'est-à-dire, d'une part, la participation du peuple au pouvoir politique à travers le libre choix des représentants, l'élaboration démocratique des décisions et la mise en jeu de la responsabilité politique des gouvernants44 et d'autre part, la séparation des pouvoirs entre organes spécialisés et indépendants -l'exécutif, le législatif et le judiciaire- afin de garantir les droits fondamentaux des citoyens), bonne gouvernance et développement :

« La démocratie et le développement sont complémentaires et se renforcent mutuellement (...). L'histoire montre... que les expériences dans lesquelles la démocratie et le développement ont été dissociés se sont, le plus souvent, soldées par des échecs. À l'inverse, l'imbrication de la démocratisation et du développement contribue à enraciner l'une et l'autre dans la durée. En effet, si, pour se consolider, la démocratie politique doit trouver son prolongement dans des mesures économiques et sociales qui favorisent le développement, de même, toute stratégie de développement a

42 Aboubacar S. DIOMANDE, « Le régime politique ivoirien : un régime en marge des catégories traditionnelles », Revue de la recherche juridique Droit prospectif, 2013-3, p. 1453-1471 ; Yédoh S. LATH, op.cit., p. 49-87.

43 GICQUEL Jean et GICQUEL Jean-Éric, Droit constitutionnel et institutions politiques, 26e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p.157.

44 Philippe BRAUD, Science politique : la démocratie politique, Paris, Seuil, tome I, 2003, p.

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besoin, pour être mise en oeuvre, d'être validée et renforcée par la participation démocratique »45.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius