Paragraphe 2 : Le pouvoir d'intervention
Le président de la République intervient dans
les prérogatives traditionnelles et essentielles de l'Assemblée
nationale que sont le vote de la loi (A) et celui du budget (B).
A/ Dans le domaine législatif
L'intervention du président de la République
dans le domaine législatif se situe dans son droit de veto à
l'encontre des lois votées par l'Assemblée nationale (1) et dans
la promulgation de celles-ci (2).
1. Le veto présidentiel
Aux termes de l'article 42.3 de la Constitution, le
président de la République peut demander une seconde
délibération des lois votées par l'Assemblée
nationale. Cette demande de seconde délibération en apparence (a)
apparaît en réalité comme un droit de veto (b).
a. Une demande de seconde délibération en
apparence
Avant la promulgation, le président de la
République peut exiger de l'Assemblée nationale le
réexamen de la loi adoptée (art. 42.3 de la Constitution de
2000). Il peut également, dans le même délai, exiger que la
seconde délibération n'ait lieu que lors de la session ordinaire
suivant la session au cours de laquelle le texte a été
adopté en première lecture (art. 42.4 de la Constitution).
217 Ainsi à la séance de la Commission des
affaires générales et institutionnelles consacrée aux
privatisations en mai 1994, le Gouvernement Kablan Duncan s'opposa, au nom du
président de la République, avec force et victorieusement,
à un amendement émanant d'un député.
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L'Assemblée nationale peut, lors de cette seconde
délibération, soit confirmer les termes de la loi telle qu'elle a
été adoptée en première lecture soit adopter les
modifications souhaitées par le Président. Mais dans l'un et
l'autre cas, le vote devant sanctionner cette seconde
délibération ne sera acquis qu'à la majorité
renforcée des deux tiers des députés présents (art.
42 in fine de la Constitution, art. 76.3 du règlement). Cette
disposition mérite que l'on s'y penche : non seulement les modifications
souhaitées par le Président ne pourront être
adoptées mais également les députés ne pourront
maintenir leur position antérieure qu'à la majorité des
deux tiers. Ce deuxième aspect l'emporte nettement sur le premier
car si le constituant avait voulu faciliter l'adoption des modifications
souhaitées par le président de la République, il aurait
seulement exigé la majorité simple. En exigeant une
majorité renforcée, celle des deux tiers, le constituant insiste
plutôt sur le moyen de pression offert au Président sur
l'Assemblée nationale. Certes la majorité renforcée ne
facilite pas du même coup l'adoption des modifications souhaitées
par le président de la République (ce qui n'est d'ailleurs pas
l'objectif recherché par le constituant) mais elle rend surtout
hypothétique la confirmation, dans ses termes initiales de la
première lecture, de la loi dont le président de la
République ne veut pas et qu'il a de ce fait renvoyé pour une
seconde lecture (ce qui est en définitive le but recherché par le
constituant).
A l'analyse et par référence au droit
comparé notamment au droit étatsunien, la demande de seconde
délibération consacrée par la Constitution apparaît
en réalité comme un véritable droit de veto
présidentiel.
b. Un droit de veto présidentiel en
réalité
La demande de nouvelle ou de seconde
délibération218 est consacrée dans de
nombreuses Constitutions africaines. Ainsi dans la Constitution malienne, le
président de la République se voit conférer le droit de
demander, dans le délai fixé pour la promulgation, une nouvelle
délibération de la loi ou de certains de ses articles (art.40.2).
Le Parlement peut accéder à la demande présidentielle de
reconsidérer sa position initiale mais il demeure libre
218 Il convient, ici, de faire une clarification
terminologique entre nouvelle et seconde délibération. La
Constitution ivoirienne parle de « seconde délibération
» et la Constitution française de «nouvelle
délibération ». Les deux termes désignent donc la
même réalité : le Président demande au Parlement
d'examiner à nouveau une partie ou la totalité de la loi. Dans
l'ordre constitutionnel français, il ne faut toutefois pas confondre la
nouvelle délibération, qui est une compétence du
Président et a lieu après l'adoption du texte, et la seconde
délibération par laquelle le Gouvernement peut, pendant les
débats parlementaires et avant l'adoption du texte, demander un
réexamen de certaines de ses dispositions (pratique courante lors de
l'examen des lois de finances).
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de la maintenir sans y être empêché par une
difficulté institutionnelle particulière, car lors de ce
réexamen de la loi aucune majorité spéciale n'est requise.
Par conséquent, il est rare que le président de la
République use du droit que lui confère la Constitution de
demander une nouvelle lecture de la loi étant quasiment assuré
qu'il n'obtiendra pas satisfaction à l'issue de celle-ci.
Exiger une majorité renforcée lors de la
nouvelle délibération en transforme profondément la nature
en en faisant un véritable droit de veto par lequel le président
de la République peut avec aisance faire plier le Parlement suite
à l'adoption d'une loi qu'il désapprouve. Il faut donc
s'étonner de la position d'Obou Ouraga :
« (...) A défaut de cette majorité des deux
tiers, les amendements ou modifications souhaités par le
président de la République seront inopérants. Dans ce cas,
il aura l'obligation de promulguer le texte initial qui lui a été
précédemment transmis »219.
En réalité, le constituant ivoirien s'est
clairement engagé dans la voie d'offrir au président de la
République un moyen de pression, imitant en cela la démarche des
constituants étatsuniens220 : pour maintenir sa position de
départ, l'Assemblée nationale doit le faire à la
majorité des deux tiers des députés
présents221. A défaut de cette majorité
renforcée lors de la seconde délibération, la loi quoique
valablement adoptée lors de sa première lecture tombe soit en
totalité soit en partie selon que la demande de seconde
délibération portait sur l'ensemble de ses dispositions ou sur
certains de ses articles222 ; il n'y a pas par conséquent
à la promulguer.
Mais en l'état actuel du régime politique
ivoirien où il y a rarement eu discordance de vues entre
l'Assemblée nationale et le président de la République ou
mieux, où il y a presque toujours eu inféodation de la
première au second, le Président n'a guère encore eu
besoin de
219 Obou OURAGA, op.cit., p. 242.
220 Article I, section 7, clauses 1 et 2 de la Constitution
des États-Unis ; Bernard CHANTEBOUT, Droit constitutionnel,
29e éd., 2012, p. 108.
221 Cette majorité des 2/3 des députés
présents (art. 42 in fine, art. 76.3 du règlement) est
moins renforcée que la majorité exigée alors par la
Constitution de 1960 puisque celle-ci, en son article 13 in fine,
disposait que : « le vote pour cette seconde délibération
est acquis à la majorité des deux tiers des membres composant
l'Assemblée nationale ». Il est donc étonnant de lire
Obou Ouraga, en parlant de la situation sous la IIe
République, écrire que : « (...) pour cette seconde
délibération, le vote de la loi est n'est acquis qu'à la
majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée
nationale... » (op.cit, p. 242).
222 François V. WODIÉ, op.cit., p. 213.
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faire usage de l'arme du veto. L'autre type d'intervention
présidentielle dans le domaine législatif -la promulgation- est
quant à lui d'un usage plus fréquent.
2. La promulgation
Consacrée par l'article 42.1 de la Constitution, la
promulgation apparaît certes comme une compétence liée du
président de la République (a) mais elle est essentielle à
la validité des lois adoptées (b).
a. Une compétence liée du président de la
République
La promulgation est l'acte par lequel le président de
la République constate la régularité de l'adoption de la
loi, authentifie ou certifie le texte de la loi, déclare la loi valable
et donne aux autorités publiques l'ordre de l'exécuter et de la
faire exécuter223. En promulguant la loi, le président
de la République ne fait pas oeuvre législative, il se borne
à reconnaitre que la loi a régulièrement pris naissance et
donne par conséquent l'ordre de l'exécuter. C'est en ce sens que
la promulgation diffère de la sanction.
La promulgation constitue dès lors pour
l'autorité qui en est constitutionnellement investie, à savoir le
président de la République en droit ivoirien (art. 42.2), moins
une prérogative qu'une obligation devant être satisfaite dans le
délai prévu par la Constitution c'est-à-dire quinze jours
suivant la transmission de la loi ou, en cas d'urgence, cinq jours (art. 42.1).
Autrement dit, le président de la République dispose d'une
compétence liée de promulguer la loi votée par
l'Assemblée nationale224. C'est ce qui ressort des termes de
l'article 42.1 de la Constitution de 2000 qui dispose que « le
président de la République assure la promulgation des
lois... ». L'indicatif devant être tenu, en droit, pour
l'impératif225 et sous réserve des facultés de
demander une nouvelle délibération de la loi ou de certains de
ses articles et de saisir le Conseil constitutionnel et du choix de la date
à l'intérieur du délai de quinze jours, le
président de la République a l'obligation de promulguer la loi
dès lors que
223 Cette définition de la promulgation se
réfère au décret français de 1876 et rejoint la
définition donnée par de nombreux auteurs notamment Georges
Burdeau (op.cit., p. 630), Raymond Carré de Malberg (voir Obou
OURAGA, op.cit., p. 245), Pierre PACTET et Ferdinand
MELIN-SOUCRAMANIEN (op.cit., p. 423), etc. Elle est d'ailleurs celle
que fournie le Conseil d'État français dans sa décision du
8 février 1974, Commune de Montory : « La promulgation est
l'acte par lequel le Chef d'État atteste l'existence de la loi et donne
l'ordre aux autorités d'observer et de faire observer cette loi
».
224 Jean-Louis QUERMONNE et Dominique CHAGNOLLAUD,
op.cit., p. 178 ; Francis V. WODIÉ, op.cit., pp.
214215.
225 Obou OURAGA, op.cit., p. 244 ; Francis V.
WODIÉ, op.cit., p. 214.
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celle-ci a été régulièrement
adoptée226. Par ailleurs, l'exigence d'un délai de
promulgation prouve l'existence à la charge du président de la
République d'une compétence liée.
Même si la promulgation est une compétence
liée du président de la République, elle n'en est pas
moins une condition au moins formelle de la validité des lois
adoptées par le Parlement.
b. Une compétence essentielle à la validité
de la loi
La nature liée de la compétence de promulguer la
loi dans le délai prévu par la Constitution est renforcée
par l'existence d'une sanction s'attachant dorénavant au défaut
de promulgation. Aux termes de l'article 42.2 de la Constitution de 2000,
lorsqu'une loi n'est pas promulguée par le président de la
République jusqu'à l'expiration des délais prévus,
ladite loi « est déclarée exécutoire par le Conseil
constitutionnel saisi par le président de l'Assemblée nationale,
si elle est conforme à la Constitution ». En conséquence, le
président de la République n'a plus la possibilité de
jure -comme sous la première République- d'annihiler
l'effectivité de la loi par le refus de la
promulgation227.
Mais l'existence même d'une telle sanction prouve que la
promulgation est une condition au moins formelle de validité de la loi :
si le président de la République refusait de promulguer une loi
et que le président de l'Assemblée nationale s'abstenait -en
raison de son alignement politique sur le Président- de saisir le
Conseil constitutionnel afin que celui-ci déclare éventuellement
la loi exécutoire, on aboutirait à la même situation que
celle qui aurait existé si la Constitution ne prévoyait pas de
sanction au défaut de promulgation et la loi quoique valablement
adoptée ne serait pas applicable.
De là, il apparaît que la promulgation
-même si elle n'est qu'un acte de constatation de l'existence de
la loi votée, même si elle n'a qu'un effet déclaratif
de la force exécutoire de
226 A la séance du 16 mai 1975 de la Commission
élargie de l'Assemblée nationale en vue de la révision de
l'article 11 de la Constitution de 1960, M. Camille Alliali, ministre de la
Justice et représentant du Gouvernement, précisait : «
La promulgation est l'ordre donné au président de la
République de rendre exécutoire telle loi. Le
Président est mis en demeure de faire exécuter la loi ».
Cette position du droit positif conforte la position doctrinale
défendue, auparavant, par Carré de Malberg et par d'autres selon
laquelle le président de la République est tenu de promulguer la
loi du fait que la volonté législative s'impose d'une
façon supérieure à lui et que l'adoption de la loi par
le Parlement contient implicitement un véritable ordre de
promulgation.
227 Sous la première République, le
président de la République est parvenu, en refusant de promulguer
certaines lois votées par l'Assemblée nationale, à
enterrer définitivement celles-ci. On cite de façon assez
classique le cas de la loi du 20 mars 1963 portant Code domanial qui, faute
d'avoir été promulguée par le Président
Houphouët-Boigny, n'est pas applicable.
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celle-ci et ne constitue qu'une compétence
liée à la charge du président de la
République- est bien une condition au moins formelle de validité
de la loi et n'en demeure pas moins par conséquent une arme aux mains du
Président -à condition qu'il ait le soutien du président
de l'Assemblée nationale en raison de l'article 42.2- par laquelle il
peut faire échec à la volonté du
Parlement228.
Le pouvoir d'intervention du président de la
République s'étend également au domaine sensible du
budget.
B/ Dans le domaine budgétaire et le pouvoir de
substitution
Le vote du budget est -avec le vote de la loi- une
prérogative essentielle de l'Assemblée nationale (1). Le pouvoir
d'intervention du président de la République lui permet pourtant
de la déposséder de cette prérogative très
importante (2).
1. Le vote du budget, prérogative essentielle de
l'Assemblée nationale
Le vote du budget est une prérogative essentielle de
l'Assemblée nationale parce que le budget est un acte gouvernemental
essentiel et que son autorisation préalable apparaît par
conséquent comme une forme capitale du contrôle parlementaire.
a. Le budget, acte gouvernemental essentiel
Sur le plan politique et constitutionnel, le budget
apparaît comme un acte gouvernemental essentiel. En effet, toute
réalisation d'un programme concret se traduit par des dépenses
nouvelles, par des accroissements ou des réductions de dépenses
anciennes, par l'établissement d'impôts ou de taxes, par des
dégrèvements ou par des surcharges fiscales,
etc.229.
De ce fait, toute la réalisation de la politique
qu'entend mener le président de la République et son Gouvernement
passe nécessairement par le budget. C'est en raison de cette dimension
que l'autorisation préalable du budget par l'Assemblée nationale
est susceptible d'être une forme capitale du contrôle parlementaire
sur l'activité gouvernementale.
228 Obou OURAGA, op.cit., p. 247.
229 Marcel PRÉLOT, op.cit., p. 777.
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b. L'autorisation préalable du budget, forme capitale du
contrôle parlementaire
L'autorisation préalable du budget est une forme
capitale du contrôle de l'activité gouvernementale. En
exerçant le « pouvoir de la bourse », l'Assemblée
nationale devrait pouvoir être en mesure d'imposer sa volonté au
président de la République ou du moins d'infléchir celle
du Président.
Historiquement, c'est par le vote du budget que les chambres
sont parvenues à prendre de l'ascendant sur les rois. Ainsi en France,
dès la Révolution, est reconnu le droit pour la nation de
concéder des subsides, d'en déterminer la quotité, d'en
limiter la durée, d'en faire la répartition, d'en assigner
l'emploi, d'en demander le compte, d'en exiger la publication (cahiers du Tiers
de Paris)230.
Il est par conséquent regrettable le fait que
l'Assemblée nationale puisse être dessaisie de sa
prérogative traditionnelle et essentielle de voter le budget.
2. La dépossession de l'Assemblée nationale du vote
du budget
L'Assemblée nationale peut se trouver dessaisie du vote
du budget au profit du président de la République soit que
celui-ci mette en vigueur le projet de loi de finances par ordonnance (a) soit
qu'il l'établisse définitivement par ordonnance (b).
a. La mise en vigueur du projet de loi de finances par ordonnance
budgétaire
Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée
dans un délai de soixante-dix jours après le dépôt
du projet de loi de finances, la Constitution établit une
dérogation fondamentale au principe traditionnel selon lequel seul le
Parlement peut autoriser la perception des recettes et l'engagement des
dépenses publiques : les dispositions du projet peuvent être mises
en vigueur par ordonnance (art. 80.3). C'est donc la carence de
l'Assemblée nationale qui se trouve être sanctionnée. Cette
disposition de l'article 80.3 de la Constitution ne s'applique toutefois qu'au
cas où l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée, et
non au refus d'adopter
230 Marcel PRÉLOT, ibid.
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le budget. On retrouve des dispositions semblables dans de
nombreux régimes politiques africains231.
Au contraire, la carence du président de la
République résultant notamment du retard dans le
dépôt du projet de loi de finances à l'Assemblée
nationale232 n'implique pas la disparition des prérogatives
de l'exécutif. Aux termes de l'article 80 in fine de la
Constitution, le président de la République demande alors
d'urgence à l'Assemblée nationale l'autorisation de reprendre le
budget de l'année précédente par douzième
provisoire. Technique héritée des IIIe et
IVe Républiques françaises en cas de retard dans le
vote de la loi de finances, les douzièmes provisoires sont des
autorisations budgétaires dérogatoires au principe
d'annualité budgétaire en ce que tout en permettant à
l'administration de procéder à la perception des recettes pour
toute l'année, elles ne permettent de payer les dépenses
qu'à concurrence d'un douzième environ des crédits ouverts
l'année précédente et une répartition des
crédits entre ministères pour une période (provisoire)
d'un ou plusieurs mois233. Cette technique des douzièmes
provisoires est en vigueur dans de nombreux régimes politiques africains
notamment au Bénin et au Niger234. Le retard du
président de la République ou du Gouvernement n'entraîne
donc que l'accélération du vote de l'autorisation du
douzième provisoire.
Le pouvoir d'intervention du président de la
République dans le domaine budgétaire pourrait revêtir des
caractères plus extrêmes par l'établissement
définitif du projet de loi de finances par ordonnance.
b. L'établissement définitif du projet de loi de
finances par ordonnance budgétaire
La mise en vigueur par ordonnance du projet de loi de finances
n'est que provisoire car le président de la République devra,
dans un délai de quinze jours, saisir l'Assemblée
231 Constitutions du Bénin (art. 110.1), du Mali (art. 77
in fine), du Sénégal (art.), du Niger (art.), etc.
232 Le projet de loi de finances doit être
déposé et distribué à l'Assemblée nationale
au plus tard le premier mardi du mois d'octobre.
233 Louis DUBOIS et Gustave PEISER, Droit public,
10e éd., 1989, Dalloz, p. 194.
234 Aux termes de l'article 111 de la Constitution du
Bénin, « si le projet de loi de finances n'a pas pu être
déposé en temps utile pour être promulgué avant le
début de l'exercice, le président de la République demande
d'urgence à l'Assemblée nationale l'autorisation
d'exécuter les recettes et les dépenses de l'État par
douzièmes provisoires » ; l'article 114 in fine de la
Constitution du Niger reprend, à quelques différences de
rédaction près, cet article de la Constitution
béninoise.
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nationale convoquée en session extraordinaire aux fins
de ratification de ladite ordonnance (art. 80.4 de la
Constitution)235.
Au cours de cette session extraordinaire, l'Assemblée
nationale retrouve son droit de voter le budget et elle pourra dès lors
soit adopter le projet de loi de finances soit le repousser,
c'est-à-dire en pratique soit ratifier l'ordonnance de mise en vigueur
soit refuser de la ratifier en la repoussant. Mais si à la fin de cette
session extraordinaire elle ne se prononce toujours pas, le budget est
définitivement établi par ordonnance (art. 80.5)236.
C'est aux termes seulement de cette session extraordinaire et dans le cas
où l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée sur le
budget et non dans le cas où elle l'aurait repoussé que le
pouvoir de substitution encore provisoire à l'issue de la mise en
vigueur du projet de loi de finances par ordonnance devient cette fois
définitif : le budget est définitivement établi par
ordonnance.
Ces dispositions sont très importantes car elles
atténuent la brutalité de la dépossession de
l'Assemblée nationale : celle-ci ne se retrouvera définitivement
dépossédée au profit du président de la
République que si, une seconde fois lors de la session extraordinaire,
elle faillit à se prononcer sur le projet de loi de
finances237. Dans la Constitution française au contraire,
dès que le Gouvernement met en vigueur par ordonnance le projet de
finances, la dépossession du Parlement est définitive : la
mise en vigueur par ordonnance du projet de loi implique par
conséquent établissement définitif par ordonnance
dudit projet (art. 47).
Jusque-là, la prééminence du
président de la République par rapport à
l'Assemblée nationale se traduit par ses pouvoirs d'information et
d'intervention. Mais ces pouvoirs-là supposent encore que
l'Assemblée nationale reste détentrice du pouvoir
législatif. La dictature constitutionnelle que le président de la
République exerce en vertu de l'article 48 entraîne au contraire
une confusion des pouvoirs législatif et exécutif dans sa seule
personne.
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