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Les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif en Côte d'Ivoire


par Boubacar GUISSE
Université Alassane Ouattara de Bouaké - Master 2 Recherche 2014
  

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Paragraphe 2 : Le pouvoir d'intervention

Le président de la République intervient dans les prérogatives traditionnelles et essentielles de l'Assemblée nationale que sont le vote de la loi (A) et celui du budget (B).

A/ Dans le domaine législatif

L'intervention du président de la République dans le domaine législatif se situe dans son droit de veto à l'encontre des lois votées par l'Assemblée nationale (1) et dans la promulgation de celles-ci (2).

1. Le veto présidentiel

Aux termes de l'article 42.3 de la Constitution, le président de la République peut demander une seconde délibération des lois votées par l'Assemblée nationale. Cette demande de seconde délibération en apparence (a) apparaît en réalité comme un droit de veto (b).

a. Une demande de seconde délibération en apparence

Avant la promulgation, le président de la République peut exiger de l'Assemblée nationale le réexamen de la loi adoptée (art. 42.3 de la Constitution de 2000). Il peut également, dans le même délai, exiger que la seconde délibération n'ait lieu que lors de la session ordinaire suivant la session au cours de laquelle le texte a été adopté en première lecture (art. 42.4 de la Constitution).

217 Ainsi à la séance de la Commission des affaires générales et institutionnelles consacrée aux privatisations en mai 1994, le Gouvernement Kablan Duncan s'opposa, au nom du président de la République, avec force et victorieusement, à un amendement émanant d'un député.

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L'Assemblée nationale peut, lors de cette seconde délibération, soit confirmer les termes de la loi telle qu'elle a été adoptée en première lecture soit adopter les modifications souhaitées par le Président. Mais dans l'un et l'autre cas, le vote devant sanctionner cette seconde délibération ne sera acquis qu'à la majorité renforcée des deux tiers des députés présents (art. 42 in fine de la Constitution, art. 76.3 du règlement). Cette disposition mérite que l'on s'y penche : non seulement les modifications souhaitées par le Président ne pourront être adoptées mais également les députés ne pourront maintenir leur position antérieure qu'à la majorité des deux tiers. Ce deuxième aspect l'emporte nettement sur le premier car si le constituant avait voulu faciliter l'adoption des modifications souhaitées par le président de la République, il aurait seulement exigé la majorité simple. En exigeant une majorité renforcée, celle des deux tiers, le constituant insiste plutôt sur le moyen de pression offert au Président sur l'Assemblée nationale. Certes la majorité renforcée ne facilite pas du même coup l'adoption des modifications souhaitées par le président de la République (ce qui n'est d'ailleurs pas l'objectif recherché par le constituant) mais elle rend surtout hypothétique la confirmation, dans ses termes initiales de la première lecture, de la loi dont le président de la République ne veut pas et qu'il a de ce fait renvoyé pour une seconde lecture (ce qui est en définitive le but recherché par le constituant).

A l'analyse et par référence au droit comparé notamment au droit étatsunien, la demande de seconde délibération consacrée par la Constitution apparaît en réalité comme un véritable droit de veto présidentiel.

b. Un droit de veto présidentiel en réalité

La demande de nouvelle ou de seconde délibération218 est consacrée dans de nombreuses Constitutions africaines. Ainsi dans la Constitution malienne, le président de la République se voit conférer le droit de demander, dans le délai fixé pour la promulgation, une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles (art.40.2). Le Parlement peut accéder à la demande présidentielle de reconsidérer sa position initiale mais il demeure libre

218 Il convient, ici, de faire une clarification terminologique entre nouvelle et seconde délibération. La Constitution ivoirienne parle de « seconde délibération » et la Constitution française de «nouvelle délibération ». Les deux termes désignent donc la même réalité : le Président demande au Parlement d'examiner à nouveau une partie ou la totalité de la loi. Dans l'ordre constitutionnel français, il ne faut toutefois pas confondre la nouvelle délibération, qui est une compétence du Président et a lieu après l'adoption du texte, et la seconde délibération par laquelle le Gouvernement peut, pendant les débats parlementaires et avant l'adoption du texte, demander un réexamen de certaines de ses dispositions (pratique courante lors de l'examen des lois de finances).

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de la maintenir sans y être empêché par une difficulté institutionnelle particulière, car lors de ce réexamen de la loi aucune majorité spéciale n'est requise. Par conséquent, il est rare que le président de la République use du droit que lui confère la Constitution de demander une nouvelle lecture de la loi étant quasiment assuré qu'il n'obtiendra pas satisfaction à l'issue de celle-ci.

Exiger une majorité renforcée lors de la nouvelle délibération en transforme profondément la nature en en faisant un véritable droit de veto par lequel le président de la République peut avec aisance faire plier le Parlement suite à l'adoption d'une loi qu'il désapprouve. Il faut donc s'étonner de la position d'Obou Ouraga :

« (...) A défaut de cette majorité des deux tiers, les amendements ou modifications souhaités par le président de la République seront inopérants. Dans ce cas, il aura l'obligation de promulguer le texte initial qui lui a été précédemment transmis »219.

En réalité, le constituant ivoirien s'est clairement engagé dans la voie d'offrir au président de la République un moyen de pression, imitant en cela la démarche des constituants étatsuniens220 : pour maintenir sa position de départ, l'Assemblée nationale doit le faire à la majorité des deux tiers des députés présents221. A défaut de cette majorité renforcée lors de la seconde délibération, la loi quoique valablement adoptée lors de sa première lecture tombe soit en totalité soit en partie selon que la demande de seconde délibération portait sur l'ensemble de ses dispositions ou sur certains de ses articles222 ; il n'y a pas par conséquent à la promulguer.

Mais en l'état actuel du régime politique ivoirien où il y a rarement eu discordance de vues entre l'Assemblée nationale et le président de la République ou mieux, où il y a presque toujours eu inféodation de la première au second, le Président n'a guère encore eu besoin de

219 Obou OURAGA, op.cit., p. 242.

220 Article I, section 7, clauses 1 et 2 de la Constitution des États-Unis ; Bernard CHANTEBOUT, Droit constitutionnel, 29e éd., 2012, p. 108.

221 Cette majorité des 2/3 des députés présents (art. 42 in fine, art. 76.3 du règlement) est moins renforcée que la majorité exigée alors par la Constitution de 1960 puisque celle-ci, en son article 13 in fine, disposait que : « le vote pour cette seconde délibération est acquis à la majorité des deux tiers des membres composant l'Assemblée nationale ». Il est donc étonnant de lire Obou Ouraga, en parlant de la situation sous la IIe République, écrire que : « (...) pour cette seconde délibération, le vote de la loi est n'est acquis qu'à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale... » (op.cit, p. 242).

222 François V. WODIÉ, op.cit., p. 213.

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faire usage de l'arme du veto. L'autre type d'intervention présidentielle dans le domaine législatif -la promulgation- est quant à lui d'un usage plus fréquent.

2. La promulgation

Consacrée par l'article 42.1 de la Constitution, la promulgation apparaît certes comme une compétence liée du président de la République (a) mais elle est essentielle à la validité des lois adoptées (b).

a. Une compétence liée du président de la République

La promulgation est l'acte par lequel le président de la République constate la régularité de l'adoption de la loi, authentifie ou certifie le texte de la loi, déclare la loi valable et donne aux autorités publiques l'ordre de l'exécuter et de la faire exécuter223. En promulguant la loi, le président de la République ne fait pas oeuvre législative, il se borne à reconnaitre que la loi a régulièrement pris naissance et donne par conséquent l'ordre de l'exécuter. C'est en ce sens que la promulgation diffère de la sanction.

La promulgation constitue dès lors pour l'autorité qui en est constitutionnellement investie, à savoir le président de la République en droit ivoirien (art. 42.2), moins une prérogative qu'une obligation devant être satisfaite dans le délai prévu par la Constitution c'est-à-dire quinze jours suivant la transmission de la loi ou, en cas d'urgence, cinq jours (art. 42.1). Autrement dit, le président de la République dispose d'une compétence liée de promulguer la loi votée par l'Assemblée nationale224. C'est ce qui ressort des termes de l'article 42.1 de la Constitution de 2000 qui dispose que « le président de la République assure la promulgation des lois... ». L'indicatif devant être tenu, en droit, pour l'impératif225 et sous réserve des facultés de demander une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles et de saisir le Conseil constitutionnel et du choix de la date à l'intérieur du délai de quinze jours, le président de la République a l'obligation de promulguer la loi dès lors que

223 Cette définition de la promulgation se réfère au décret français de 1876 et rejoint la définition donnée par de nombreux auteurs notamment Georges Burdeau (op.cit., p. 630), Raymond Carré de Malberg (voir Obou OURAGA, op.cit., p. 245), Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN (op.cit., p. 423), etc. Elle est d'ailleurs celle que fournie le Conseil d'État français dans sa décision du 8 février 1974, Commune de Montory : « La promulgation est l'acte par lequel le Chef d'État atteste l'existence de la loi et donne l'ordre aux autorités d'observer et de faire observer cette loi ».

224 Jean-Louis QUERMONNE et Dominique CHAGNOLLAUD, op.cit., p. 178 ; Francis V. WODIÉ, op.cit., pp. 214215.

225 Obou OURAGA, op.cit., p. 244 ; Francis V. WODIÉ, op.cit., p. 214.

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celle-ci a été régulièrement adoptée226. Par ailleurs, l'exigence d'un délai de promulgation prouve l'existence à la charge du président de la République d'une compétence liée.

Même si la promulgation est une compétence liée du président de la République, elle n'en est pas moins une condition au moins formelle de la validité des lois adoptées par le Parlement.

b. Une compétence essentielle à la validité de la loi

La nature liée de la compétence de promulguer la loi dans le délai prévu par la Constitution est renforcée par l'existence d'une sanction s'attachant dorénavant au défaut de promulgation. Aux termes de l'article 42.2 de la Constitution de 2000, lorsqu'une loi n'est pas promulguée par le président de la République jusqu'à l'expiration des délais prévus, ladite loi « est déclarée exécutoire par le Conseil constitutionnel saisi par le président de l'Assemblée nationale, si elle est conforme à la Constitution ». En conséquence, le président de la République n'a plus la possibilité de jure -comme sous la première République- d'annihiler l'effectivité de la loi par le refus de la promulgation227.

Mais l'existence même d'une telle sanction prouve que la promulgation est une condition au moins formelle de validité de la loi : si le président de la République refusait de promulguer une loi et que le président de l'Assemblée nationale s'abstenait -en raison de son alignement politique sur le Président- de saisir le Conseil constitutionnel afin que celui-ci déclare éventuellement la loi exécutoire, on aboutirait à la même situation que celle qui aurait existé si la Constitution ne prévoyait pas de sanction au défaut de promulgation et la loi quoique valablement adoptée ne serait pas applicable.

De là, il apparaît que la promulgation -même si elle n'est qu'un acte de constatation de l'existence de la loi votée, même si elle n'a qu'un effet déclaratif de la force exécutoire de

226 A la séance du 16 mai 1975 de la Commission élargie de l'Assemblée nationale en vue de la révision de l'article 11 de la Constitution de 1960, M. Camille Alliali, ministre de la Justice et représentant du Gouvernement, précisait : « La promulgation est l'ordre donné au président de la République de rendre exécutoire telle loi. Le Président est mis en demeure de faire exécuter la loi ». Cette position du droit positif conforte la position doctrinale défendue, auparavant, par Carré de Malberg et par d'autres selon laquelle le président de la République est tenu de promulguer la loi du fait que la volonté législative s'impose d'une façon supérieure à lui et que l'adoption de la loi par le Parlement contient implicitement un véritable ordre de promulgation.

227 Sous la première République, le président de la République est parvenu, en refusant de promulguer certaines lois votées par l'Assemblée nationale, à enterrer définitivement celles-ci. On cite de façon assez classique le cas de la loi du 20 mars 1963 portant Code domanial qui, faute d'avoir été promulguée par le Président Houphouët-Boigny, n'est pas applicable.

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celle-ci et ne constitue qu'une compétence liée à la charge du président de la République- est bien une condition au moins formelle de validité de la loi et n'en demeure pas moins par conséquent une arme aux mains du Président -à condition qu'il ait le soutien du président de l'Assemblée nationale en raison de l'article 42.2- par laquelle il peut faire échec à la volonté du Parlement228.

Le pouvoir d'intervention du président de la République s'étend également au domaine sensible du budget.

B/ Dans le domaine budgétaire et le pouvoir de substitution

Le vote du budget est -avec le vote de la loi- une prérogative essentielle de l'Assemblée nationale (1). Le pouvoir d'intervention du président de la République lui permet pourtant de la déposséder de cette prérogative très importante (2).

1. Le vote du budget, prérogative essentielle de l'Assemblée nationale

Le vote du budget est une prérogative essentielle de l'Assemblée nationale parce que le budget est un acte gouvernemental essentiel et que son autorisation préalable apparaît par conséquent comme une forme capitale du contrôle parlementaire.

a. Le budget, acte gouvernemental essentiel

Sur le plan politique et constitutionnel, le budget apparaît comme un acte gouvernemental essentiel. En effet, toute réalisation d'un programme concret se traduit par des dépenses nouvelles, par des accroissements ou des réductions de dépenses anciennes, par l'établissement d'impôts ou de taxes, par des dégrèvements ou par des surcharges fiscales, etc.229.

De ce fait, toute la réalisation de la politique qu'entend mener le président de la République et son Gouvernement passe nécessairement par le budget. C'est en raison de cette dimension que l'autorisation préalable du budget par l'Assemblée nationale est susceptible d'être une forme capitale du contrôle parlementaire sur l'activité gouvernementale.

228 Obou OURAGA, op.cit., p. 247.

229 Marcel PRÉLOT, op.cit., p. 777.

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b. L'autorisation préalable du budget, forme capitale du contrôle parlementaire

L'autorisation préalable du budget est une forme capitale du contrôle de l'activité gouvernementale. En exerçant le « pouvoir de la bourse », l'Assemblée nationale devrait pouvoir être en mesure d'imposer sa volonté au président de la République ou du moins d'infléchir celle du Président.

Historiquement, c'est par le vote du budget que les chambres sont parvenues à prendre de l'ascendant sur les rois. Ainsi en France, dès la Révolution, est reconnu le droit pour la nation de concéder des subsides, d'en déterminer la quotité, d'en limiter la durée, d'en faire la répartition, d'en assigner l'emploi, d'en demander le compte, d'en exiger la publication (cahiers du Tiers de Paris)230.

Il est par conséquent regrettable le fait que l'Assemblée nationale puisse être dessaisie de sa prérogative traditionnelle et essentielle de voter le budget.

2. La dépossession de l'Assemblée nationale du vote du budget

L'Assemblée nationale peut se trouver dessaisie du vote du budget au profit du président de la République soit que celui-ci mette en vigueur le projet de loi de finances par ordonnance (a) soit qu'il l'établisse définitivement par ordonnance (b).

a. La mise en vigueur du projet de loi de finances par ordonnance budgétaire

Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée dans un délai de soixante-dix jours après le dépôt du projet de loi de finances, la Constitution établit une dérogation fondamentale au principe traditionnel selon lequel seul le Parlement peut autoriser la perception des recettes et l'engagement des dépenses publiques : les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance (art. 80.3). C'est donc la carence de l'Assemblée nationale qui se trouve être sanctionnée. Cette disposition de l'article 80.3 de la Constitution ne s'applique toutefois qu'au cas où l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée, et non au refus d'adopter

230 Marcel PRÉLOT, ibid.

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le budget. On retrouve des dispositions semblables dans de nombreux régimes politiques africains231.

Au contraire, la carence du président de la République résultant notamment du retard dans le dépôt du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale232 n'implique pas la disparition des prérogatives de l'exécutif. Aux termes de l'article 80 in fine de la Constitution, le président de la République demande alors d'urgence à l'Assemblée nationale l'autorisation de reprendre le budget de l'année précédente par douzième provisoire. Technique héritée des IIIe et IVe Républiques françaises en cas de retard dans le vote de la loi de finances, les douzièmes provisoires sont des autorisations budgétaires dérogatoires au principe d'annualité budgétaire en ce que tout en permettant à l'administration de procéder à la perception des recettes pour toute l'année, elles ne permettent de payer les dépenses qu'à concurrence d'un douzième environ des crédits ouverts l'année précédente et une répartition des crédits entre ministères pour une période (provisoire) d'un ou plusieurs mois233. Cette technique des douzièmes provisoires est en vigueur dans de nombreux régimes politiques africains notamment au Bénin et au Niger234. Le retard du président de la République ou du Gouvernement n'entraîne donc que l'accélération du vote de l'autorisation du douzième provisoire.

Le pouvoir d'intervention du président de la République dans le domaine budgétaire pourrait revêtir des caractères plus extrêmes par l'établissement définitif du projet de loi de finances par ordonnance.

b. L'établissement définitif du projet de loi de finances par ordonnance budgétaire

La mise en vigueur par ordonnance du projet de loi de finances n'est que provisoire car le président de la République devra, dans un délai de quinze jours, saisir l'Assemblée

231 Constitutions du Bénin (art. 110.1), du Mali (art. 77 in fine), du Sénégal (art.), du Niger (art.), etc.

232 Le projet de loi de finances doit être déposé et distribué à l'Assemblée nationale au plus tard le premier mardi du mois d'octobre.

233 Louis DUBOIS et Gustave PEISER, Droit public, 10e éd., 1989, Dalloz, p. 194.

234 Aux termes de l'article 111 de la Constitution du Bénin, « si le projet de loi de finances n'a pas pu être déposé en temps utile pour être promulgué avant le début de l'exercice, le président de la République demande d'urgence à l'Assemblée nationale l'autorisation d'exécuter les recettes et les dépenses de l'État par douzièmes provisoires » ; l'article 114 in fine de la Constitution du Niger reprend, à quelques différences de rédaction près, cet article de la Constitution béninoise.

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nationale convoquée en session extraordinaire aux fins de ratification de ladite ordonnance (art. 80.4 de la Constitution)235.

Au cours de cette session extraordinaire, l'Assemblée nationale retrouve son droit de voter le budget et elle pourra dès lors soit adopter le projet de loi de finances soit le repousser, c'est-à-dire en pratique soit ratifier l'ordonnance de mise en vigueur soit refuser de la ratifier en la repoussant. Mais si à la fin de cette session extraordinaire elle ne se prononce toujours pas, le budget est définitivement établi par ordonnance (art. 80.5)236. C'est aux termes seulement de cette session extraordinaire et dans le cas où l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée sur le budget et non dans le cas où elle l'aurait repoussé que le pouvoir de substitution encore provisoire à l'issue de la mise en vigueur du projet de loi de finances par ordonnance devient cette fois définitif : le budget est définitivement établi par ordonnance.

Ces dispositions sont très importantes car elles atténuent la brutalité de la dépossession de l'Assemblée nationale : celle-ci ne se retrouvera définitivement dépossédée au profit du président de la République que si, une seconde fois lors de la session extraordinaire, elle faillit à se prononcer sur le projet de loi de finances237. Dans la Constitution française au contraire, dès que le Gouvernement met en vigueur par ordonnance le projet de finances, la dépossession du Parlement est définitive : la mise en vigueur par ordonnance du projet de loi implique par conséquent établissement définitif par ordonnance dudit projet (art. 47).

Jusque-là, la prééminence du président de la République par rapport à l'Assemblée nationale se traduit par ses pouvoirs d'information et d'intervention. Mais ces pouvoirs-là supposent encore que l'Assemblée nationale reste détentrice du pouvoir législatif. La dictature constitutionnelle que le président de la République exerce en vertu de l'article 48 entraîne au contraire une confusion des pouvoirs législatif et exécutif dans sa seule personne.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand