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Les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif en Côte d'Ivoire


par Boubacar GUISSE
Université Alassane Ouattara de Bouaké - Master 2 Recherche 2014
  

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Section II : La collaboration conjointe des organes

Ces compétences sont conjointes en ce qu'elles appartiennent au président de la République et à l'Assemblée nationale et doivent être exercées par l'un et par l'autre ensemble (en accord). C'est un concours et non une concurrence de compétences. Ce type de collaboration vaut aussi bien en matière de référendum législatif (paragraphe 1) qu'en matière de traités et accords internationaux (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le référendum législatif

En dehors du référendum constituant prévu à l'article 126, la Constitution institue ce que la doctrine dénomme le référendum législatif. Celui-ci ouvre au président de la République de larges possibilités (A) tout en reconnaissant à l'Assemblée nationale des garanties (B).

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A/ De larges possibilités ouvertes au président de la République

Le domaine du référendum qu'institue l'article 43 est vaste et imprécis (1) mais il semble qu'il soit tout de même limité à l'adoption d'une loi ordinaire (2).

1. Un domaine vaste et imprécis (...)

Le domaine de l'article 43 est vaste en ce que l'objet du texte ou de la question sur lequel peut porter le référendum est défini de manière vague et imprécise (a). Il en découle une étendue immense de l'objet en cause (b).

a. Un objet défini de façon vague et imprécise

Le président de la République peut « soumettre tout texte ou toute question qui lui paraît devoir exiger la consultation directe du peuple ». L'objet de l'article 43 est vague et imprécis : il se contente de dire « tout texte » ou « toute question » à la seule condition que le président de la République juge discrétionnairement que ce texte ou cette question est de nature à justifier une consultation directe du peuple174. Dans certains régimes politiques africains, l'objet du texte ou de la question du référendum est défini de manière plus précise. Ainsi cet objet peut être toute question d'intérêt national, un projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d'un accord d'union ou tendant à autoriser la ratification d'un traité175 (art. 41 de la Constitution du Mali) ou une question relative à la promotion et au renforcement des droits de l'homme, à l'intégration sous-régionale ou régionale et à l'organisation des pouvoirs publics (art. 58 de la Constitution du Bénin). Rien d'aussi précis dans la Constitution ivoirienne.

Il résulte du caractère vague et imprécis de l'objet du référendum prévu à l'article 43 que le président de la République dispose en régime ivoirien de très larges possibilités en la matière.

174 L'article 43 de la Constitution de 2000 ne fait que reprendre à peu de mots près l'article 14 de la Constitution de 1960 qui disposait que : « Le président de la République, après accord du bureau de l'Assemblée nationale, peut soumettre au référendum tout texte ou toute question qui lui paraît devoir exiger la consultation directe du peuple. Lorsque le référendum a conclu à l'adoption du projet, le président de la République le promulgue dans les délais prévus à l'article précédent ».

175 Les traités dont il s'agit sont ceux qui, sans être contraires à la Constitution, auraient des incidences sur le fonctionnement des institutions. Quant aux traités contraires à la Constitution, il faudrait au préalable une révision de la Constitution avant que la ratification de ces traités ne puisse intervenir.

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b. Une étendue immense de l'objet en cause

Il est certain que le texte ou la question que le président de la République peut soumettre à la consultation directe du peuple soit un projet de loi destiné à être promulgué en cas d'adoption puisque -comme nous le verrons- les députés n'ont guère la possibilité de soumettre au référendum une proposition de loi. Sous la seule exigence de la forme d'un projet de loi, le président de la République peut soumettre à la consultation directe du peuple tout texte ou toute question sans que son choix soit limité relativement à un objet quelconque. Tandis que dans la plupart des régimes politiques africains, l'option ouverte au président de la République de soumettre une question ou un texte au référendum est limité à un objet précis - comme nous l'avons précédemment vu- celle qui est donnée au Président ivoirien est en principe illimitée quant à son objet. Cet objet peut être aussi bien un projet de loi sur l'organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d'un accord d'union ou tendant à la ratification d'un traité qu'un texte relatif aux droits de l'homme... Le fait que les auteurs de la Constitution n'aient pas défini avec précision un objet quelconque autorise une telle interprétation176.

En dépit des possibilités très larges ouvertes au président de la République, le domaine du référendum n'est pas sans bornes : il semble strictement limité à l'adoption d'une loi ordinaire.

2. (...) mais limité à l'adoption d'une loi ordinaire

Aussi vaste et imprécis que l'on puisse le concevoir, le domaine du référendum institué par l'article 43 ne saurait conduire ni à l'adoption d'une loi constitutionnelle (a) ni même à celle d'une loi organique (b).

a. L'impossibilité d'adopter une loi constitutionnelle

176 Les auteurs des Constitutions de 1960 et de 2000 ont sans doute gardé à l'esprit le fait que l'article 11 de la Constitution française insérait le président de la République dans des limites trop strictes (l'un des rédacteurs de la Constitution française, Miche Debré, reconnaissait d'ailleurs ce caractère étroit de l'article 11, « La Constitution de 1958, sa raison d'être, son évolution », Revue française de science politique, n° 5, 1978, p. 836). Aussi ont-ils souhaité que le président de la République, dans le cadre du régime ivoirien, dispose de plus larges possibilités relativement à l'objet du référendum de l'article 43.

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Le président de la République ne peut pas réviser la Constitution par la voie de l'article 43. La procédure de révision constitutionnelle est en effet prévue aux articles 124 à 127 regroupés sous le titre XIV intitulé « De la révision de la Constitution ». L'intitulé de ce titre est aussi clair qu'exclusif : il institue à titre exclusif la procédure de révision de la Constitution. C'est ce qu'affirme de manière tout à fait clair le Conseil constitutionnel dans un avis en 2003177. D'autre part, s'il était possible de réviser la Constitution par le moyen de l'article 43, concurremment avec les articles du titre XIV, il serait possible de ne pas respecter les interdictions posées par ce dernier puisqu'il ne les reprend pas, même par référence : ce qui serait absurde et ne saurait être admis178. Par ailleurs et en droit comparé, le Conseil d'État français a émis un avis allant dans le sens de ce que l'article 11 -équivalent de l'article 43 de la Constitution ivoirienne- ne pouvait être interprété comme instituant une procédure de révision constitutionnelle parallèle à celle de l'article 89 -les articles 124 à 127 de la Constitution ivoirienne179.

La Constitution nigérienne est quant à elle tout à fait explicite sur l'impossibilité de réviser la Constitution par la voie de l'article 60 instituant le référendum législatif180.

D'autre part, il semble également que le champ des lois organiques lui-même ne soit pas non plus couvert par le référendum législatif de l'article 43.

b. L'impossibilité d'adopter une loi organique

D'autre part, il semble que la loi organique -dont la procédure d'élaboration est fixée à l'article 78.8 de la Constitution181- soit elle aussi exclue du champ d'intervention de l'article 43.

Le référendum législatif permet au président de la République de passer par-dessus la tête des députés en soumettant directement au peuple une question dont l'Assemblée nationale

177 Avis n° 004/CC/SG du 17 décembre 2003 du Conseil constitutionnel demandé par le Président L. Gbagbo (Francisco MÉLÈDJE DJÉDJRO, Les grands arrêts de la jurisprudence constitutionnelle ivoirienne, CNDJ, p. 476480).

178 Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, op.cit., p. 499.

179 Lors de la vive controverse qui avait vu jour suite à sa décision de réviser la Constitution par la voie de l'article 11, le général de Gaulle avait soumis au Conseil d'État pour avis le projet de loi portant révision. L'avis émis par le Conseil d'État le 1er octobre 1962, devant en principe rester secret, sera dévoilé par le journal Le Monde. En dépit de l'avis du Conseil d'État, qui allait dans le même sens que la majeure partie de la doctrine, le projet de loi devait être soumis à référendum et aboutir à la révision de la Constitution.

180 Il semble qu'il n'y a que la Constitution sénégalaise qui permette au président de la République de procéder à la révision constitutionnelle par le biais de l'article 51.1 instituant le « référendum législatif ».

181 Jean-Louis QUERMONNE et Dominique CHAGNOLLAUD, op.cit., p. 102-103.

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devrait en principe connaître. La Constitution a donc reconnu à celle-ci certaines garanties qui demeurent toutefois assez faibles.

B/ Les garanties de l'Assemblée nationale

Le référendum institué par l'article 43 conduisant de fait au dessaisissement de l'Assemblée nationale sur une question, la Constitution lui a reconnu des garanties (1). Mais celles-ci mériteraient en retour d'être renforcées car elles demeurent faibles (2).

1. La reconnaissance de garanties à l'Assemblée nationale

Les garanties reconnues à l'Assemblée nationale résident essentiellement dans la consultation obligatoire du bureau de l'Assemblée nationale (a). Mais cette consultation laisse le Président libre de sa décision de recourir ou non au référendum (b).

a. Une consultation obligatoire du bureau de l'Assemblée nationale (...)

Le président de la République -au lieu d'emprunter la voie « normale » de la procédure législative ordinaire donnant lieu à une loi parlementaire- peut recourir à la consultation directe du peuple. Cela se traduit en cas de succès par l'adoption d'une loi référendaire. De la sorte, il pourrait s'agir pour le président de la République de court-circuiter l'Assemblée nationale en appelant directement au peuple par-dessus la tête des députés. La Constitution de 2000 institue donc ce qu'une certaine doctrine a appelé le référendum de substitution sans intervention parlementaire182.

C'est la raison pour laquelle la mise en oeuvre du référendum nécessite la consultation du bureau de l'Assemblée nationale : sans cette formalité, le président de la République ne peut valablement recourir au référendum.

La consultation -certes obligatoire- du bureau de l'Assemblée nationale ne lie pourtant nullement le président de la République qui reste maître de sa décision.

b. (...) ne liant pas le président de la République

182 Marcel PRÉLOT, op.cit., p.609.

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Si le président de la République est obligé de consulter l'Assemblée nationale, il n'est pas tenu de suivre l'avis qui sera émis à la suite de cette consultation : même si l'Assemblée nationale exprimait son désaccord, elle ne dispose d'aucun moyen pour empêcher le président de la République de poursuivre la procédure référendaire. Nous sommes donc bien en deçà de ce que prévoyaient les textes de la Constitution de 1960 : celle-ci exigeait en effet non pas la consultation du bureau de l'Assemblée nationale -consultation donnant lieu à un avis éventuellement négatif mais que le président de la République n'est pas obligé de suivre- mais son accord ; cet accord impliquait la nécessaire approbation par le bureau de l'Assemblée nationale de la volonté du président de la République de recourir au référendum. A défaut de cet accord, le président de la République ne pouvait pas recourir au référendum (art. 14.1 de la Constitution de 1960).

Les garanties reconnues à l'Assemblée nationale -une consultation obligatoire mais dont le contenu ne lie pas le président de la République- mériteraient cependant d'être renforcées car elles sont assez faibles.

2. La faiblesse des garanties reconnues à l'Assemblée nationale

Les garanties reconnues à l'Assemblée nationale dans la mise en oeuvre du processus référendaire sont assez faibles. Cette faiblesse tient au fait que seul le président de la République dispose de l'initiative référendaire (a) et qu'il peut directement consulter le peuple à tout moment (b).

a. L'initiative référendaire, prérogative exclusive du pouvoir exécutif

L'initiative référendaire est exclusivement détenue par le président de la République qui l'exerce par ailleurs de manière tout à fait libre. Elle n'est ni partagée ni encadrée ou soumise à un pouvoir de proposition.

A la suite de la révision constitutionnelle de 2008, la Constitution française prévoit désormais, à côté de l'initiative du président de la République en matière de référendum, celle émanant des parlementaires183 -un cinquième d'entre eux- et soutenue par les électeurs -un dixième de ceux-ci. Le président de la République n'a donc plus le monopole de l'initiative en

183 Avant la révision constitutionnelle intervenue en France en 2008, le référendum prévu par l'article 11 ne pouvait porter que sur un projet de loi. Désormais il peut également porter sur une proposition de loi.

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matière de référendum184. D'autre part, dans le régime politique malien, le président de la République ne peut recourir au référendum que sur proposition du Gouvernement ou sur proposition de l'Assemblée nationale ; sans l'une ou l'autre proposition, le Chef de l'État ne peut user du référendum : même s'il n'est pas obligé de suivre l'une ou l'autre proposition refusant d'user du droit qui est le sien de soumettre le texte à référendum malgré la suggestion du Gouvernement ou de l'Assemblée nationale, le président de la République ne dispose pas lui-même de l'initiative (art. 41).

Toutes ces dispositions -inexistantes en droit constitutionnel ivoirien- participent d'un équilibre des rapports entre le président de la République et le Parlement trop souvent en faveur du premier et au détriment du second. Il ne serait par conséquent pas superflu, dans le souci même de rééquilibrage entre le Chef de l'État ivoirien et l'Assemblée nationale, de songer à faire évoluer les dispositions constitutionnelles actuelles.

Une pareille réflexion peut être également faite sur le moment de la consultation référendaire.

b. Le moment de la consultation référendaire

Le président de la République est libre d'user de la prérogative qui lui est offerte par l'article 43 de la Constitution à tout moment. Il n'y a aucune limite temporelle relativement à l'usage de ce droit. Dans la Constitution française, lorsque le référendum a lieu sur proposition gouvernementale, il s'agit visiblement d'un moyen de passer outre à l'opposition du Parlement, d'en appeler directement au peuple par-dessus la tête de ses représentants : c'est pourquoi le référendum ne peut avoir lieu en dehors des sessions parlementaires, pendant que les chambres sont pour ainsi dire réduites au silence. Ce n'est que lorsque le référendum a lieu sur proposition conjointe des assemblées qu'il peut avoir lieu en tout temps : cela ne traduit pas une volonté de contournement du Parlement mais suppose au contraire qu'en face d'un grand problème, qui divise l'opinion, le Parlement laisse à la nation elle-même le soin de se prononcer185.

Toutes ces prescriptions -en particulier la faculté de l'Assemblée nationale d'avoir un pouvoir de proposition du référendum ou même un droit d'initiative référendaire et l'exigence que le référendum ait lieu pendant la durée des sessions parlementaires- sont de nature à

184 Dispositions de l'article 11 de la Constitution française à la suite de la loi constitutionnelle de 2008.

185 Maurice DUVERGER, op.cit., p. 532.

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renforcer le caractère concerté du référendum entre le président de la République et l'Assemblée nationale ; mais elles sont inexistantes dans notre système constitutionnel.

Un autre champ privilégié de la collaboration entre le président de la République et l'Assemblée nationale concerne les engagements internationaux de la Côte d'Ivoire.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo