I.2.1.2.3. L'insuffisance et l'inefficacité des
contrôles fiscaux
Le pendant du système fiscal déclaratif se
résume aux contrôles que le fisc effectue sur les
déclarations fiscales des contribuables. En fait, le contrôle
fiscal est l'âme du système déclaratif. On ne saurait donc
penser un tel système fiscal sans contrôle.
Au Burkina Faso, les contrôles fiscaux sont
insuffisants. Cette insuffisance se manifeste d'une part, par le faible taux de
couverture du contrôle fiscal. À titre illustratif, en 2015,
seulement 5% des contribuables ont été
contrôlés42. Pour l'année 2018, la DGI a
enregistré un taux de couverture tous contrôles confondus, de 6%,
hors mis les entreprises relevant de la CME et de la CSB43. D'autre
part, l'insuffisance des contrôles se matérialise par le fait que,
tandis que certains contribuables font l'objet de vérifications plus ou
moins régulières, d'autres ne sont pas vérifiés sur
une très longue période44. Ces différentes
insuffisances s'expliquent, pour le cas spécifique des contrôles
externes, par le fait qu'en raison de la carence des moyens
41 Voy. Commission d'enquête parlementaire,
op.cit., p. 21.
42 Direction Générale des
impôts, État des lieux de la fraude fiscale au Burkina Faso, :
approche de solutions liées aux aménagements et aux
contrôles, sixième conférence annuelle, atelier 1,
Ouagadougou, DGI, 2017, p. 22.
43 La prise en compte des entreprises relevant de
la CME et de la CSB porte le taux de couverture à 2%. Voy. dans ce sens,
annexe 4.
44 S./K. Mariam, Le contrôle fiscal au
Burkina Faso : Quels rapports entre vérificateurs et contribuables pour
une optimisation des recettes fiscales, mémoire, ENAREF 2018, p. 33
et Ss. L'auteur affirme au terme d'une enquête que 26.67% des
contribuables enquêtés ont répondu par la négative,
à la question de savoir s'ils ont fait l'objet d'une vérification
au cours des dix dernières années.
[12]
LANKOANDE Richard
L'efficacité des moyens de lutte contre la fraude
fiscale au Burkina Faso : cas de la facture normalisée
matériels45 et humains46, seules
quelques entreprises sont sélectionnées pour être
vérifiées, suivant un mécanisme d'analyse de
critères de risque47. Le tableau suivant donne un
aperçu des moyens humains mis à la disposition des brigades de
vérifications.
Tableau 2 : État des moyens humains des
brigades de vérification au 08/05/2019
Direction de rattachement (DR)
|
Nombre de brigades
|
Nombre d'équipes
|
Nombre d'agents
|
Nombre de contribuables
|
Nombre de contribuables/agent
|
DME C I
|
2
|
13
|
27
|
3 106
|
115
|
DME CII
|
2
|
20
|
40
|
2 744
|
69
|
DME HB
|
1
|
3
|
6
|
10 828
|
1805
|
DGE
|
1
|
16
|
30
|
804
|
27
|
TOTAL
|
6
|
52
|
103
|
17 482
|
170
|
|
Source : construit par nous sur la base des données des
DR et de la DCF/DGI
Il en ressort qu'à la date du 8 mai 201948,
seuls 103 agents sont mis à la disposition des brigades de
vérification de ces quatre directions de rattachement, pour un
portefeuille de 17 482 contribuables, ce qui représente un ratio
très élevé de 170 contribuables par agent.
L'inefficacité des contrôles fiscaux tient au
fait que, de nos jours, les contrôles fiscaux semblent avoir perdu leur
caractère dissuasif pour les contribuables. En effet, chaque
année, à l'issue des contrôles fiscaux, des rappels de
droits simples et des pénalités sont infligés aux
contribuables indélicats mais ces derniers s'exécutent
très rarement. Selon une étude menée par un auteur
burkinabè, le taux de recouvrement annuel des rappels de droits simples
et de pénalités, suite aux redressements fiscaux,
s'établit en moyenne à 3%49. Ainsi, au Burkina Faso,
les sanctions prononcées par l'administration fiscale, à la suite
des redressements fiscaux, n'engagent que les contribuables indélicats
qui acceptent de s'y soumettre. Cette situation qui engendre des restes
à recouvrer importants au fil des années50 trouve son
explication dans le laxisme qu'entretient l'administration fiscale dans
l'application effective des mesures coercitives de recouvrement
45 Il y'a notamment un manque de moyens de
transport obligeant les agents vérificateurs à se déplacer
aux sein des entreprises avec leurs propres moyens de déplacement.
46 Voy. dans ce sens, le tableau ci-dessous.
47 Les critères de risque sont nombreux et
variés. Ils peuvent évoluer d'une année à l'autre.
Des éléments tels que la faiblesse du chiffre d'affaire,
l'importance du montant de la TVA déductible, le fait de n'avoir pas
fait l'objet de vérification sur une certaine période peuvent
constituer des critères de risque de fraude fiscale. Seules les
entreprises qui présentent un fort taux de risque sont proposées
pour être inscrites au programme de vérification.
48 Cette date représente la date à
laquelle, les données sur les moyens humains ont été
collectées.
49 L. KONATE, Impact des sanctions fiscales
dans la mobilisation des recettes fiscales au Burkina Faso, mémoire
ENAREF, 2018, p. 36 et Ss.
50Selon le rapport d'activités 2017 de la
DGI, au 31 décembre 2017, la DGI enregistrait environ 400 milliards de
restes à recouvrer dont les 54,09% représentait la part des
impayés issus des contrôles fiscaux. Voy. Direction
Générale des Impôts, Rapport d'activités
2017, op. cit., p. 44.
[13]
LANKOANDE Richard
L'efficacité des moyens de lutte contre la fraude
fiscale au Burkina Faso : cas de la facture normalisée
des impôts et taxes prévues par le
CGI51, encourageant ainsi les contribuables fraudeurs qui n'ont,
désormais, aucune crainte des contrôles fiscaux.
Après avoir passé en revue les causes de la
fraude fiscale, il convient de s'intéresser à présent
à ses conséquences.
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