II.2. Sur les insuffisances du système de la facture
normalisée
Il est ressorti que même si le système de la
facture normalisée comporte des avantages importants, certaines
insuffisances de nature à réduire son efficacité dans la
lutte contre la fraude fiscale peuvent lui être reprochées. Trois
principales insuffisances ont été déterminées. En
effet, il a été mentionné que le système de la
facture normalisée ne garantit ni la réalité des
opérations facturées, ni celle des montants portés sur les
factures et encore moins, la facturation de l'ensemble des opérations.
Les deux premières insuffisances ont pour effet de garder toujours
possibles, les cas de déductions de TVA et de charges fictives, des
formes de fraude fiscale pourtant chèrement combattues par la facture
normalisée. La troisième insuffisance est la résultante du
défaut de culture de la facturation au Burkina Faso. Elle est de nature
à entrainer des cas de dissimulations volontaires de sommes sujettes
à l'impôt.
II.3. Sur le renforcement de l'efficacité de la
facture normalisée
Plusieurs suggestions ont été formulées
afin de renforcer directement ou indirectement l'efficacité de la
facture normalisée dans la lutte contre la fraude fiscale. Il en est
ainsi du renforcement de la formation et de la sensibilisation des acteurs,
l'électronisation de la facture normalisée, le
renforcement de la répression des cas de fraude fiscale à travers
l'application systématique des mesures coercitives de recouvrement des
recettes fiscales à la suite des redressements fiscaux, la
systématisation des poursuites pénales et la publication annuelle
de la liste des contribuables fraudeurs.
En somme, ce chapitre nous a permis d'une part, de formuler
quelques suggestions visant à améliorer l'efficacité de la
facture normalisée. À ce sujet, il a été
mentionné que non seulement, le renforcement de la sensibilisation et la
formation des acteurs mais aussi la réalisation de certaines reformes
ainsi que le renforcement de la répression des cas de fraude fiscale
sont des moyens efficaces importants à même de donner une plus
grande efficacité à la facture normalisée dans la lutte
contre la fraude fiscale au Burkina Faso. D'autre part, ce chapitre a
été l'occasion de vérifier les différentes
hypothèses formulées au début de notre étude. Sur
ce point, il ressort, au bout de l'analyse, que toutes les hypothèses
formulées ont été vérifiées.
[56]
LANKOANDE Richard
L'efficacité des moyens de lutte contre la fraude
fiscale au Burkina Faso : cas de la facture normalisée
CONCLUSION GÉNÉRALE
La présente étude relative à l'analyse de
l'efficacité de la facture normalisée comme moyen de lutte contre
la fraude fiscale avait pour objectif général de contribuer
à la réflexion sur les moyens de renforcer l'efficacité de
la facture normalisée, dans la lutte contre le phénomène
de la fraude fiscale au Burkina Faso. Ainsi, trois objectifs spécifiques
avaient été dégagés. Il était question,
d'abord, de présenter le cadre conceptuel de la fraude fiscale et celui
de la facture normalisée. Ensuite, il s'agissait d'analyser l'impact de
la facture normalisée dans la lutte contre la fraude fiscale et enfin de
déceler les insuffisances de la facture normalisée et de formuler
des suggestions susceptibles de renforcer l'efficacité de la facture
normalisée.
Comme nous l'avons souligné, la fraude fiscale est un
acte de transgression délibérée de la loi fiscale, dans le
but soit d'échapper ou de réduire le montant de l'impôt,
soit d'obtenir de l'administration fiscale, le remboursement d'une somme indue.
Ses manifestations peuvent être soit spécifiques à la TVA,
à savoir la facturation illégale de la TVA, la déduction
fictive de la TVA, les fausses exportations et le non reversement de la TVA
due, soit générales notamment la dissimulation volontaire de
sommes sujettes à l'impôt, l'organisation par le contribuable, de
son insolvabilité et l'obstruction au paiement de l'impôt par
biens d'autres manoeuvres. La fraude fiscale trouve ses causes non seulement
dans la psychologie du contribuable mais aussi dans certaines raisons
économico-structurelles telles que le choix du système fiscal
déclaratif, la prédominance du secteur informel ainsi que
l'insuffisance et l'inefficacité des contrôles fiscaux. Tout ceci
induit des conséquences importantes qui sont d'ordre social et d'ordre
économique notamment la perte de recettes fiscales et l'entrave à
la libre concurrence. La facture normalisée quant à elle, est une
facture comportant un ensemble de mentions obligatoires prévues à
l'article 564 alinéa 2 du CGI et sécurisée par
l'apposition d'un sticker. Instituée au Burkina Faso, par l'article 17
de la loi n° 37-2013/AN du 21 novembre 2013 portant loi de finances pour
l'exécution du budget de l'État, gestion 2014, dans un contexte
où la fraude fiscale avait pris des proportions inquiétantes, ses
conditions d'édition et de gestion sont prévues par
l'arrêté n° 2014-439/MEF/SG/DGI du 31 décembre 2014
portant conditions d'édition et de gestion des factures
normalisées au Burkina Faso. Cet arrêté prévoit deux
types de factures normalisées : la facture normalisée
personnalisée et celle pré-imprimée. Toutefois, à
ce jour, seule la facture normalisée personnalisée a
été mise en oeuvre pour compter du 1er mars 2017. Ce type de
facture normalisée s'impose aux industriels, commerçants,
prestataires de services ainsi qu'aux établissements publics ayant des
activités à caractère industriel ou commercial relevant du
régime du réel normal d'imposition et qui n'en ont pas
été expressément
[57]
LANKOANDE Richard
L'efficacité des moyens de lutte contre la fraude
fiscale au Burkina Faso : cas de la facture normalisée
dispensé par la loi. L'obligation de délivrance
de la facture normalisée qui pèse sur ces redevables peut faire
l'objet de contrôle. Ce contrôle porte non seulement sur les
mentions obligatoires de la facture normalisée mais aussi sur le
sticker. Le contrôle des mentions de la facture normalisée peut
être effectué à l'oeil nu à diverses occasions
notamment celles de vérification de comptabilité ou de
vérification inopinée ou encore à l'occasion de la mise en
oeuvre du droit de visite ou du droit d'enquête de l'administration
fiscale. Quant au contrôle du sticker et surtout en ce qui concerne son
authenticité, certains moyens de contrôle tels que le
contrôle visuel, le site internet de la DGI, les lecteurs QR code, le
« DGI Android » ou encore le « e-DGI » et la lampe UV ont
été mis en place. Le non-respect de l'obligation de
délivrance de la facture normalisée fait l'objet de sanctions
prévues par le CGI.
La facture normalisée produit deux effets majeurs.
D'une part, elle participe à la sécurisation des transactions
commerciales et d'autre part, elle contribue au renforcement de la mobilisation
des recettes fiscales. La sécurisation des transactions commerciales se
matérialise non seulement par le renforcement de leur
traçabilité à travers les mentions obligatoires de la
facture normalisée et l'apposition obligatoire du sticker mais
également par la réduction des cas de falsification de factures.
Toutefois, le système de la facture normalisée ne garantit ni
l'effectivité des opérations facturées ni la
réalité des montants inscrits sur les factures. Cette situation a
pour effet d'entrainer la subsistance de certains cas de falsifications de
factures susceptibles de conduire à des opérations frauduleuses
de déduction de TVA et de charges fictives. De même, il convient
de souligner que la facture normalisée ne présente aucune
garantie que l'ensemble des opérations réalisées par
l'entreprises, ont été facturées. Cette insuffisance,
résultat du défaut de culture de la facturation au niveau du
consommateur final, compromet toute chance de déterminer le chiffre
d'affaires réel du contribuable et est de nature à lui permettre
de dissimuler des sommes sujettes à l'impôt. Du point de vue de la
mobilisation des recettes fiscales, l'analyse des recettes fiscales annuelles
de la TVA et des impôts sur le bénéfice des cinq (05)
dernières années, permet de constater, sur la période de
mise en oeuvre de la facture normalisée, une augmentation en moyenne de
ces recettes fiscales de plus de 30%, par rapport à la période
antérieure à la mise en oeuvre de la facture
normalisée.
Ces acquis et insuffisances révèlent que dans la
lutte contre la fraude fiscale, la facture normalisée n'est pas une
panacée. Son efficacité pourrait tout de même être
renforcée directement ou indirectement par diverses actions.
Directement, il en ressort la nécessité de sensibiliser les
consommateurs finaux à la culture de la facturation, de renforcer la
sensibilisation des assujettis à l'obligation de délivrance de la
facture normalisée, d'assurer aux
[58]
L'efficacité des moyens de lutte contre la fraude
fiscale au Burkina Faso : cas de la facture normalisée
agents vérificateurs, une formation continue afin
d'adapter continuellement les opérations de vérification aux
nouvelles formes de fraude fiscale à la facturation et d'envisager
l'électronisation de la facture normalisée. Il est
apparu que de manière indirecte, l'efficacité de la facture
normalisée pourrait être accrue à travers l'intensification
des opérations d'enquêtes et de vérification, l'application
effective voire systématique des mesures coercitives de recouvrement des
recettes fiscales, l'engagement systématique de poursuites
pénales dans les cas graves de fraude fiscale ainsi que la publication
annuelle de la liste des contribuables fraudeurs. Ces différentes
mesures qui, indirectement participent à renforcer l'efficacité
de la facture normalisée sont toutes aussi capitales que celles qui y
participent plus directement car comme l'a si justement affirmé
Jean-Claude MARTINEZ, « s'en remettre à la
sincérité du contribuable pour connaitre la matière
imposable, c'est l'inciter à la fraude. Et espérer par un
contrôle dont le contribuable connait les limites, c'est accorder une
assurance aux fraudeurs »145. En tout état de
cause, aucun combat n'est gagné sans une bonne dose de volonté et
dans une lutte telle que celle engagée contre la fraude fiscale, le
rôle d'aucun acteur ne doit être négligé.
[59]
LANKOANDE Richard
145 J.-C. MARTINEZ, La fraude fiscale, op. cit.,
p. 112.
BIBLIOGRAPHIE
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