I. ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES
RÉSULTATS
Notre analyse porte sur la maitrise des contenus et la mise en
oeuvre des démarches méthodologiques.
I.1. La maitrise des contenus
enseignés
La collecte des données montrent que la maitrise des
contenus d'enseignement est l'une des difficultés à laquelle font
face les professeurs de français sans formation initiale. Tous les
professeurs enquêtés éprouvent au moins une
difficulté à enseigner une activité. Mais la
fréquence des difficultés se situe au niveau de l'enseignement de
la grammaire, de l'orthographe et de la lecture expliquée. Ces
difficultés se ressentent plus chez les professeurs non initialement
formés. En effet, 45,45% de ces professeurs interrogés, ne
maitrisent pas les contenus de grammaire et d'orthographe, en l'occurrence
l'orthographe grammaticale, et 27,21% ont des difficultés dans
l'enseignement de la lecture expliquée. Par contre, 47,52% des
professeurs certifiés disent n'éprouver aucune difficulté
dans la maitrise des contenus enseignés. Mais 17,39% éprouvent
néanmoins des difficultés dans la conduite d'une leçon
d'explication de texte. Cette situation confirme les résultats du
rapport de la commission d'enquête parlementaire sur le
système d'enseignement au Burkina Faso, qui font cas des
difficultés qu'éprouvent les professeurs bivalents même
initialement formés, à enseigner la discipline qu'ils n'ont pas
étudiée à l'université.
Cet état de fait s'explique par l'expérience
professionnelle et la diversité des profils académiques des
enseignants. L'ancienneté dans le métier d'enseignant varie entre
2 à 10 ans pour le plus grand nombre des enquêtés, quand on
sait que l'expérience professionnelle peut être un aussi un atout
en matière de maitrise des savoirs, d'efficacité et de
compétence.
Sur les 45 professeurs interrogés, seulement 10 soit
22,22% ont fait les Lettres Modernes ; les autres sont issus des autres
filières dont un grand nombre en Anglais et en Histoire. Si la bonne
maitrise des contenus de grammaire et d'orthographe peut peut-être
aisée pour un
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étudiant de Lettres Modernes ou pour un professeur
certifié, car ayant reçu des cours de renforcement dans ces
disciplines à l'ENS-UNZ, cela n'est probablement pas évident pour
des étudiants venant d'autres départements. Mais comme, ils l'ont
eux-mêmes reconnu, une formation initiale à leur métier
leur aurait été très utile. À travers leurs
suggestions, ils éprouvent un besoin de formation sur les contenus.
D'ailleurs, 72 ,72% affirment que La formation académique qu'ils ont
reçue ne leur permet que de réaliser de façon passable les
tâches pédagogiques alors que 65,21% des professeurs formés
disent bien assurer leurs tâches pédagogiques. Toutefois, le
constat général que l'on fait selon les données de
l'enquête, est que cette difficulté des professeurs au point de
vue de leur niveau d'expression, comme l'ont constaté les encadreurs
pédagogiques pendant les entretiens, et de la maitrise des contenus,
impacte négativement sur les apprentissages au niveau des
élèves. En effet, interrogés sur l'assimilation des
leçons de grammaire et sur la compréhension des textes
d'étude, les élèves issus des classes tenus par des
professeurs non formés, respectivement à 74% et 38% affirment ne
pas assez comprendre les cours de grammaire et les explications de texte.
Cependant, 66% des élèves dont l'enseignant est certifié
déclarent bien comprendre les séances d'explication de texte, et
26% estiment ne pas comprendre les leçons de grammaire. On comprend
alors pourquoi des suggestions de ces apprenants, il ressort que leurs
enseignants doivent bien expliquer le cours de grammaire et bien expliquer
aussi les textes d'étude dans les moindres détails. Aussi, une
des propositions faites par les élèves a-t-elle retenu notre
attention. Il s'agit de celle relative aux évaluations. Même s'ils
sont 17% à faire cette suggestion, ils recommandent que les enseignants
leur donnent des devoirs faciles. Cela explique en d'autres termes que c'est
l'incompréhension des cours qui engendre les difficultés à
obtenir de bonnes notes dans les évaluations.
Mais pourquoi malgré l'administration des exercices aux
élèves et les séances d'explication de texte, les
élèves éprouvent-ils toujours des difficultés
à bien assimiler les leçons?
I.2. La mise en oeuvre des démarches
méthodologiques
Dans l'enseignement-apprentissage du français, les
différentes activités enseignées procèdent selon
une méthodologie, c'est-à-dire la manière dont l'action
pédagogique est mise en oeuvre selon les étapes, les moments de
ces étapes, les techniques et les outils utilisés dans ces
différentes étapes.
Les résultats de nos enquêtes auprès des
professeurs indiquent que tous les professeurs interrogés connaissent
les différentes méthodologies et savent élaborer une fiche
pédagogique. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraitre, 60,86% des
enseignants formés élaborent rarement les fiches
pédagogiques, et 81,81% de ceux qui n'ont pas été
initialement
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formés le font aussi rarement. Cette situation insinue
d'une part la difficulté de la mise en oeuvre des démarches
méthodologiques et d'autre part, l'utilisation des méthodes
magistrales plutôt que des méthodes actives qui mettent
l'élève au centre des apprentissages. L'élève ne
participant pas à la construction du savoir, ne saurait assimiler les
contenus et les réinvestir. Un professeur certifié nous a tenu
les propos suivants en toute sincérité lors d'une visite de
classe: « Je n'élabore la fiche pédagogique que lorsque
j'ai l'information d'une visite des encadreurs pédagogiques ».
Mais ce taux assez élevé des enseignants formés et
non formés qui affirment pourtant savoir élaborer une fiche
pédagogique et qui ne le font pas, montre une certaine paresse et une
négligence des enseignants à préparer les cours.
Les observations directes de cours que nous avons pu effectuer
montrent effectivement que la mise en oeuvre de la méthodologie
constitue un handicap aux apprentissages. Nous avons constaté que des
étapes sont escamotées aussi bien en grammaire qu'en lecture
expliquée. L'une des étapes de la méthodologie les plus
importantes dans l'exécution d'une leçon de grammaire, est sans
doute la phase de l'observation- manipulation-classement. Mais les deux
séances de grammaire (présentées par des professeurs non
formés) que nous avons observées, cette phase a été
mal abordée et ne permet pas donc aux élèves de se
familiariser avec les nouvelles notions qu'on veut leur faire assimiler. C'est
cette étape qui permet en réalité à l'apprenant de
manipuler les phrases du corpus, de dégager les règles et de les
classer. Nous-nous sommes donc rendu compte que si théoriquement la
méthodologie de façon générale est connue des
professeurs, sa mise en oeuvre constitue un véritable problème.
Ceci explique les difficultés des élèves à
comprendre les leçons. Nous avons suivi une la troisième
séance de grammaire présentée par un professeur
certifié. Nous avons été satisfait de la prestation de
l'enseignant de façon générale. Cependant, nous avons
relevé le fait que les exercices donnés aux élèves
à faire à la maison étaient en déphasage avec
l'esprit du décloisonnement.
L'observation d'une séance de lecture expliquée,
présentée par un professeur non formé, nous a
également permis de savoir que la méthodologie telle quelle est
mise en pratique ne permet pas une bonne compréhension du texte par les
élèves. Les difficultés résident dans la
motivation, l'étude de détail et les synthèses.
La motivation consiste à susciter la curiosité,
le désir d'apprendre, le plaisir d'atteindre un objectif. Cette
étape est donc déterminante lorsqu'on veut atteindre un but.
Lorsqu'elle est mal faite ou éludée, elle peut impactée
sur la disposition des élèves à adhérer à la
séance. L'étude de détails offre l'occasion à
l'enseignant de s'assurer de la compréhension du texte. Mais quand elle
est menée sous forme de paraphrase, le sens que l'on veut donner au
texte
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n'apparait pas de façon évidente pour les
élèves. Si les différentes synthèses ne sont pas
aussi élaborées avec la participation les élèves,
ils se sentent étrangers au contenu donné à
l'étude.
Lorsque les élèves pour la plupart issus des
classes tenues par des professeurs non formés, évoquent
l'explication des mots difficiles et une étude bien
détaillée dans leurs suggestions, cela dénote
effectivement d'un problème de méthodologie.
Tous les professeurs interrogés éprouvent certes
des difficultés dans leur pratique de classe, mais à des
degrés divers. Toutefois, les difficultés des professeurs
enquêtés n'ayant pas été initialement formés,
relatives à la maitrise des contenus et à la mise en pratique de
la méthodologie découlent de façon générale
de l'absence de formation initiale. Ils souhaitent d'ailleurs être
formés sur les méthodologies et l'élaboration des fiches
pédagogiques. La solution en amont à ces difficultés
serait de former d'abord les professeurs nouvellement recrutés avant de
les mettre à la disposition des établissements. Sur ce point, un
formateur de l'ENS-UNZ nous a confié les propos tenus
généralement par les professeurs non initialement formés
qui réussissent au concours professionnel et qui entrent à
l'école pour leur formation au CAPES: « Monsieur, nous allons
ressortir maintenant comme des professeurs pleins ». En effet, si
l'on se réfère aux modules dispensés à l'ENS-UNZ
aux élèves professeurs de français, la mise à
niveau et les cours de renforcement entre autres sur la grammaire,
l'orthographe, préparent ces futurs enseignants à une bonne
maitrise des contenus et des pratiques de classe. Cette formation initiale a
donc pour avantage aussi de dissiper les frustrations dont sont souvent
victimes ces enseignants lorsqu'ils n'ont aucune qualification
professionnelle.
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