B- Le MUTAA : une politique
publique règlementée par des normes communautaires
Le communautarisme a comme conséquence l'application
des normes et règles qui s'imposent à tous ceux qui y sont
parties prenantes. Afin de favoriser une industrie du transport aérien
sûre, sécurisée, efficace, abordable et durable en Afrique,
il est important de disposer d'un cadre réglementaire approprié
qui permette de gérer ce secteur efficacement. Ainsi, dans la mise en
oeuvre du MUTAA, le droit communautaire possède un arsenal de normes
applicables au niveau continental.
Le tout premier texte règlementaire communautaire est
la Décision de Yamoussoukro, reprise par la Politique africaine de
l'aviation civile (PAAC) qui est le document du cadre général qui
fournit la vision et les objectifs stratégiques de l'Aviation civile
africaine. La Politique préconise un marché du transport
aérien libéralisé, concurrentiel et commun en Afrique
grâce à l'application intégrale de la Décision de
Yamoussoukro de 1999.
En 2014, les ministres du secteur des transports ont
approuvé le texte réglementaire de la Décision de
Yamoussoukro, et notamment (a) les Pouvoirs et les fonctions de l'Agence
d'exécution (b) les Règles de concurrence ; (c) le
Règlement sur la protection du consommateur et (d) le Mécanisme
de règlement des différends. Les textes institutionnels et
réglementaires ont ensuite été adoptés en mars 2017
par le Comité technique sectoriel sur les transports, l'énergie
et le tourisme. L'Agence d'exécution de la Décision de
Yamoussoukro a pour mandat d'assurer le bon fonctionnement du marché
unique en appliquant les règles de concurrence et la
réglementation en matière de protection du consommateur afin
d'offrir des opportunités justes et équitables à tous les
acteurs du marché intra-africain de l'aviation libéralisé,
de promouvoir une concurrence saine et de protéger les droits des
consommateurs. Les règles de concurrence prévoient des
dispositions qui interdisent tout accord et/ou pratique concertée qui
affecte la libéralisation des services du transport aérien
intra-africain et qui peuvent prévenir, restreindre ou dévier la
concurrence. Ce texte porte également sur les règles relatives
à l'abus de monopole, aux subventions, aux mesures de sauvegarde et
à la non-discrimination dans l'application des réglementations
nationales. La réglementation sur la protection des consommateurs couvre
les droits des consommateurs de services de transport aérien en Afrique,
la protection contre les traitements injustes dans la prestation de services et
propose un système d'indemnisation aux passagers victimes de non-respect
de leurs droits par les prestataires de services du secteur aérien.
Elle interdit les pratiques injustes, trompeuses et
discriminatoires. Elle oblige également les prestataires de services
à offrir une assurance pour dommage aux tiers adéquate, à
fournir des informations aux passagers et à indemniser les passagers en
cas de vols retardés, d'annulation, de refus d'embarquement, de
déclassement et de changement d'itinéraire, selon le cas.
La Décision de Yamoussoukroprévoit
également un cadre pour le règlement des différends. Le
cadre a été défini dans le Mécanisme de
règlement des différends, permettant que la négociation et
l'arbitrage soient le principal mode de règlement des différends.
Cela n'exclut pas la possibilité que des tribunaux, des sessions de
médiation et d'autres procédures d'appel soient utilisés.
Le Mécanisme de règlement des différends prévoit la
création d'un Comité d'appel et d'un Tribunal arbitral de
l'aviation, qui doivent tous deux être établis au sein des
structures de l'Union africaine.
L'industrie de l'aviation civile internationale est
historiquement très réglementée conformément au
principe de la souveraineté de l'État sur son espace
aérien et aux devoirs pour les États de négocier
l'accès à leur marché aérien sur une base
bilatérale. La Décision de Yamoussoukro a incorporé
certains de ces principes et demande aux États membres de
négocier des accords bilatéraux sur les services aériens
conformément aux principes de la DY. Le bilatéralisme
crée un marché fragmenté surtout quand des États
continuent de protéger leurs transporteurs nationaux en privant les
compagnies aériennes africaines qualifiées des droits garantis
par la Décision de Yamoussoukro. Dans le cadre du MUTAA, les
États membres devraient disposer d'un protocole juridique
multilatéral commun qui garantisse l'accès au marché,
élimine l'accord bilatéral sur les services aériens pour
le trafic intra-africain et harmonise les réglementations nationales
pour qu'elles soient conformes à tout cadre réglementaire
continental.
Répondre aux normes de sûreté et de
sécurité dans le cadre du MUTAA
Par ailleurs, le MUTAA doit également répondre
aux normes de sûreté et de sécurité ;
l'accomplissement des normes de sûreté et de
sécurité est essentiel à la bonne marche du Marché
unique du transport aérien africain. À cet effet, la Commission
africaine de l'aviation civile collabore avec l'Organisation de l'aviation
civile internationale dans le cadre de son initiative intitulée
«Aucun pays laissé de côté» pour renforcer la
sûreté et la sécurité de l'aviation civile en
Afrique par l'intermédiaire d'un Plan intégral d'application des
normes de sécurité aérienne en Afrique (AFI SAFPLAN ) et
d'un Plan intégral d'application régionale des normes de
sécurité aérienne (AFI SECFAL) et de facilitation des
programmes en Afrique.
Les ministres africains responsables du transport
aérien ont déjà mis en place des objectifs de
sécurité aérienne (objectifs de sécurité
d'Abuja) et défini des objectifs appropriés en matière de
sécurité (objectifs de sécurité et de facilitation
de Windhoek) pour le continent, afin de s'assurer que les États membres
et les compagnies aériennes respectent les normes minimales de
sûreté et de sécurité conformément aux
directives de l'OACI. Pour harmoniser les réglementations et le niveau
de sûreté et de sécurité à l'échelle
continentale, l'OACI aide également les États membres à
mettre en place des Organisations régionales de supervision de la
sécurité (RSOO), des Programmes de développement
coopératif de la sécurité opérationnelle et du
maintien de la navigabilité (COSCAP) et, dans certains cas, des Agences
de supervision de la sûreté et de la sécurité de
l'aviation civile (CASSOA) à l'échelle régionale.
Ces organismes régionaux donnent priorité au
règlement des questions de supervision de la sécurité au
niveau régional et à l'harmonisation des réglementations
afin de s'assurer que les compagnies aériennes certifiées sur le
marché unique respectent les mêmes normes. L'Agence
d'exécution se charge de garantir que les États membres
respectent les normes minimales recommandées par l'OACI. Elle le fera
par ses propres audits et par ceux du Programme universel d'évaluation
de la surveillance de la sécurité (USOAP) de l'OACI, de la
Méthode de surveillance continue (CMA) et du Programme universel
d'audits de sûreté (USAP) auprès des États membres.
Les normes de l'OACI et les pratiques recommandées ne sont pas des
règlements. Les États membres doivent intégrer ces normes
dans leurs réglementations nationales. Pour garantir que la
certification des compagnies aériennes sur le marché unique du
transport aérien africain se fasse dans un cadre harmonisé, il
est nécessaire que le continent établisse un ensemble commun de
règlements obligatoires applicable aux compagnies aériennes
africaines qualifiées.
Tout compte fait, l'on constate que le Marché unique
du transport aérien en Afrique (MUTAA) a pour objectif d'assurer la
connectivité intra régionale entre les villes d'Afrique et de
créer sur le continent un marché du transport aérien
unifié pour impulser l'intégration économique et les
objectifs de développement du continent. Car il s'agit d'une
libéralisation totale des services de transport aérien africains
en termes d'accès au marché, de droits de trafic pour les
services aériens réguliers et de marchandises assurés par
des compagnies aériennes éligibles, améliorant ainsi la
connectivité des services aériens et les efficiences des
transporteurs aériens.
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