L'intégration aérienne en Afrique: une analyse à partir des politiques du ci el unique africain de l'ASECNA et du MUTAA de l'union africainepar Amédée MISSIKA MBIANG IRIC- Université de Yaoundé 2 Soa - Master professionnel en Relations Internationales, option Intégration Région le et Management des Institutions Communautaires 2021 |
B- La Décision de YamoussoukroLa Décision de Yamoussoukro marque la naissance d'un véritable Droit aérien africain. Eneffet, eu égard aux manquements relevés lors de l'application de la Déclaration de Yamoussoukro, les Etats africains vont prendre de nouveaux engagements dans un nouveau traité qualifié de Décision de Yamoussoukro portant création progressive d'un marché aérien intra africain libéralisé171(*). C'est un traité adopté le 14 novembre 1999 à Yamoussoukro172(*), en Côte-d'Ivoire, à l'issue de la Conférence Régionale des Ministres Africains chargés de l'Aviation Civile, réunis les 12 et 13 novembre 1999. Devenu contraignant en 2002173(*), ce traité vise un « ciel ouvert » africain, la libéralisation de l'accès au marché du transport aérien en Afrique. Signé par 44 membres de l'UA et comportant 12 articles, cet instrument juridique accorde des droits de transit et de liberté aérienne entre tous ses signataires. L'objectif principal de la Décision de Yamoussoukro est de favoriser le désenclavement du continent africain, le développement des liaisons intra africaines et la participation du secteur privé. A cet effet, elle fixe les règles relatives à l'accès au marché, aux conditions d'exploitation et aux tarifs : libre exercice des droits aériens (de 1ère, 2ième, 3ième ,4ième et 5ième liberté174(*))175(*), libre fixation des tarifs par les transporteurs aériens176(*), non limitation de capacité et de fréquences177(*), possibilité de multidésignation des compagnies éligibles (constituée selon la loi d'un Etat partie, siège social et administratif dans un Etat partie, assurance, aéronef, permis d'exploitation aérienne et respect règles de sécurité)178(*). Elle cherche également à éliminer les restrictions sur la propriété des compagnies aériennes et les limites de fréquence sur les routes internationales entres les Etats signataires. La Décision a été ensuite entérinée par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA à Lomé en juillet 2000 et signée par son Président en exercice. Conformément à l'Article 10 du Traité d'Abuja instituant la Communauté Economique Africaine, la Décision de Yamoussoukro est devenue exécutoire de plein droit trente (30) jours après la date de signature par le Président de ladite Conférence, soit le 12 août 2000 ; et en raison de la période transitoire de deux ans, cette force exécutoire produit tous ses effets, à compter du 12 août 2002, dans tous les Etats africains qui ont signé et ratifié le Traité d'Abuja. La mise en oeuvre de la Décision de Yamoussoukro a été retenue parmi le programme à court terme du NEPAD, au titre des 10 actions prioritaires en 2003. Pour mettre en oeuvre ce traité, les CEGUA, lors de leur Conférence en mai 2007 à Addis-Abeba, ont conféré les pouvoirs à une Agence d'Exécution (AE) de la DY: la CAFAC. Le MUTAA est donc le prolongement de l'accord Opensky de Yamoussoukro179(*). Cela signifie qu'avec l'adoption de la DY et son entrée en vigueur en 2002, les possibilités d'exploiter les liaisons aériennes sur le marché intérieur africain sont désormais librement accessibles, y compris dans les CERs à tous les transporteurs aériens éligibles180(*). Autrement dit, la Décision de Yamoussoukro crée un nouveau Droit aérien africain visant une intégration spatiale du continent ou une intégration aérienne à l'effet d'une mise en place d'un marché intérieur africain unifié ou encore ce que MASOMANA MUANAMOSI qualifie dans sa Thèse de Doctorat de « bloc aérien africain »181(*)qui protégera les intérêts des compagnies aériennes africaines, et donc du marché intérieur du continent. Aussi, ce texte juridique incite les Africains à mettre en place, dans les échanges internationaux intra-africains, un « multilatéralisme régional » au détriment du bilatéralisme traditionnel à l'effet d'éviter aux Etats africains et aux CERsd'être isolés et d'être encerclés par les politiques aériennes des Etats-tiers.
* 171 Voir les considérations 6 et 9 de la décision relative à la mise en oeuvre de la déclaration de Yamoussoukro concernant la libéralisation de l'accès aux marchés du transport aérien en Afrique. Voir également Doc. ECA/RCID/CM. CIVAV/99/2, CEA/ONU du 12 novembre 1999, p.1. * 172 C'est la raison pour laquelle chaque 14 novembre est dédié à la célébration de la journée africaine de la libéralisation de l'espace aérien. * 173 Charles Schlumberger, « Open Skies for Africa - Implementing the Yamoussoukro Decision », BM, septembre 2010., disponible sur http://www.wordbank.org/en/tropic/transport/publication/open-skies-for-africa , consulté le 20 novembre 2020 à 03h23. * 174 Art. 3 de la DY. * 175 Il s'agit des libertés aériennes qui sont un ensemble de règles et de droits octroyés par des pays aux compagnies commerciales aériennes locales ou étrangères sur ce qu'elles peuvent faire lors du survol de l'espace aérien. Ces règles ont été formulées à la suite des désaccords sur l'étendue de la libéralisation de l'aviation dans la Convention relative à l'Aviation Civile Internationale de 1994, connue comme Convention de Chicago. Ainsi, les cinq premières libertés sont : -1ère liberté : Droit de survoler un pays étranger sans y atterrir (par exemple, un vol entre le Cameroun et le Niger, effectué par un transporteur aérien Camerounais, survolant le Nigéria) ; -2ème liberté : Droit au plein d'essence, ou d'effectuer la maintenance dans un pays étranger sans embarquement ou débarquement de passagers ou fret (c'est le cas d'un vol en provenance de la Guinée Equatoriale vers la Somalie, effectué par une compagnie aérienne Guinéenne, avec un arrêt pour carburant au Mali) ; - 3ème liberté : Droit de voler d'un pays à un autre (A titre illustratif, un vol part du Burkina Faso pour la RDC par une compagnie aérienne) ; - 4ème liberté : Droit de voler à partir d'un autre pays (Par exemple un vol en provenance de l'Ethiopie vers le Maroc, effectué par une compagnie aérienne) ; - 5ème liberté : Droit de voler entre deux pays étrangers sur un vol en provenance ou se terminant dans son propre pays (C'est le cas d'un vol en provenance de l'Egypte, vers Pretoria (l'Afrique du Sud), effectué par une compagnie tunisienne, avec un arrêt à Dakar (Sénégal). Les passagers et le fret peuvent monter à bord ou descendre à Dakar, sans avoir l'intention de poursuivre le vol à destination de Pretoria. Avec la mise en oeuvre de la décision, les Etats ne seront plus dans l'obligation de négocier la 5è liberté. A ce sujet, voir, P. LEFEBVRE., La cinquième liberté: droit, stratégies et pratiques (1944-1986), Paris, ITA, Paris, 1987. ; GUITARD JF., La sixième liberté de l'air, Thèse de Doctorat en Droit, Université Aix Marseille, 1997. * 176 Art. 4 de la DY. * 177 Art. 5 de la DY. * 178 Art. 6 de la DY. * 179 L'accord opensky renvoie ici à la Décision de Yamoussoukro. * 180 C'est-à-dire à toute compagnie africaine de transport aérien qui remplit les critères définis à l'alinéa 6 (2) de l'article 6 de la Décision de Yamoussoukro. * 181Maubert MASONAMA MUANAMOSI, La coexistence du multilatéralisme et du bilatéralisme dans le commerce aérien entre l'Afrique subsaharienne et l'Union Européenne, Thèse de Doctorat, Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, 2007, PP. 23 et suiv. |
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