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Analyse portant sur les transferts sans contrepartie et la croissance économique en Haiti pour la période allant de 1996 à 2013par Diony PIERRE-LOUIS Université d'état d'Haiti (faculté de Droit et Des Sciences Économiques) - Licence 2017 |
Section III : Diagnostic des transferts privés en HaïtiPersonne ne peut ignorer l'importance des transferts privés au sein de l'économie haïtienne. Compte tenu de la faiblesse au niveau des revenus des ménages Haïtiens, les transferts d'argent vers Haïti deviennent de plus en plus importants soit pour financer ses dépenses de fonctionnements ou d'investissements. Au fil des années, ils sont devenus l'une des sources de financement les plus importants de l'économie haïtienne puisqu'ils soutiennent les ménages en finançant la scolarité de leurs enfants, le logement et les divers autres besoins. Haïti, étant l'un des pays les moins développés au monde et où, par conséquent, les besoins de financement sont énormes face à des ressources disponibles insuffisantes, les transferts de fonds constituent donc une opportunité à exploiter. Considérés comme étant une source d'entrée dans l'économie Haïtienne, les revenus issus des transferts privés dépassent largement ceux provenant des exportations de biens et services et ceux générés par les transferts et dons officiels33. En effet, ils représentent en moyenne, entre 1996 et 2013, 3% du PIB, 14,2% des importations, 27,8% de l'investissement et 27,7% des exportations. En 1999, les sommes envoyées on atteint 61% de la valeur de l'investissement internes, et 56,5% de celle des exportations. Plus récemment, en 2010, les transferts ont atteint près du double des recettes d'exportations. 33 Uniquement en 2010, l'année du tremblement de terre, les revenus des transferts officiels ont dépassé ceux des transferts privés, BRH 2011. 32 Les transferts privés exercent une influence très significative sur l'économie haïtienne, que ce soit au niveau microéconomie qu'au niveau macroéconomie. Sur le plan microéconomique, les foyers percevant des remises appartiennent généralement aux couches socio-économiques pauvres ; ainsi, les ressources reçues les aident à améliorer la qualité de leurs vies. Et ceci particulièrement si l'on considère que les transferts fournissent un appui pour l'accès à la consommation, au logement et autres. Au niveau macroéconomique, ils contribuent à l'amélioration de la balance des paiements en vue d'attirer des investissements étrangers. Cependant, vue les contraintes à la croissance de la production nationale, la demande des agents économiques Haïtiens s'est tournés vers l'extérieur, ce qui crée le déficit commercial durable pendant ces dernières années. A titre d'exemple, les dépenses liées aux importations pour l'année 2005 représentent 34.99% du PIB, pour l'année 2012, ce taux est passé à 43%. Comme conséquence, les flux de devises générés par les transferts privés ont en quelque sorte aidé à financer les dépenses d'importation, et donc aggraver le solde de la balance commerciale. 2.3.1. Importance des transferts privés dans l'économie Haïtienne Dans le but d'apprécier son importance dans l'économie haïtienne, nous allons procéder à une analyse comparative entre les transferts privés, les IDE et l'APD. Les transferts privés constituent le flux de devise le plus constant pour Haïti comparativement aux flux des IDE et de l'APD (graphique 5). A l'instar de nombreux pays en développement, la Diaspora haïtienne peut véritablement être considérée comme un moyen d'élaboration et de financement d'activité génératrice de fonds pour Haïti. En terme de pourcentage par rapport au PIB, Haïti est classé dans la première catégorie de la Caraïbe ayant un fort pourcentage des transferts privés (BM, 2012). Par exemple, selon la Banque Mondiale, les transferts privés pour l'année 2012 sont arrivés à atteindre 22% du PIB d'Haïti, soit plus d'un quart de la richesse nationale contrairement à l'année 2000 où ils représentaient 4.738%. Cette contribution, si elle est investie dans des activités productives, peut devenir un potentiel énorme pour le développement économique d'Haïti. Néanmoins, les transferts servent à très court terme, notamment en périodes de crise, à lisser la consommation des bénéficiaires restés en Haïti. Les IDE pour cette même période, ont représenté environ 0.022% dans la construction du PIB du pays contrairement à l'année 2000 où ils ont représenté environ 0.003%. 33 Selon les données recueillies sur le volume d'aide au développement accordé à l'économie haïtienne, nous avons constaté pour l'année 2000, ils ont représenté prés de 0.056% du PIB Haïtien. En 2012, ils ont atteint à peu prés 0.162% dans le PIB du pays. A travers cette comparaison, nous remarquons que pendant cette période de 12 ans les transferts privés, les investissements directs étrangers et l'aide publique au développement ont cru en moyenne respectivement de 0.78%,0.86% et de 0.65%. Le comportement acycliques des transferts privés peut être expliqué en raison de la croissance continue de la migration ou encore l'augmentation du revenus des ménages dans les pays d'accueil. Graphique 5: Evolutions des envois de fonds, de l'APD et de l'IDE en Haïti de 1996 à 2013 Evolution des envois de fonds, de l'APD et de l'IDE en Haiti 12 transferts prives IDE APD 0 Montant en dollars US 10 8 6 4 2 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Années Source : graphique fournit par Excel à partir des données de la Banque Mondiale Le graphique ci-dessus révèle que sur la période 1996-2013, les transferts de fonds se situent au-dessus de l'investissement direct étranger (IDE) mais sont plus faibles que l'aide publique au développement. Cependant, il apparaît clairement que ces transferts de fonds soient moins volatiles, donc plus stables que ces deux autres flux intérieurs de capitaux. L'économie Haïtienne reste toutefois l'une des plus dépendantes de l'aide étrangère dans l'Amérique depuis plus de deux décennies ; ce qui représente environ le double du volume des envois de fonds. Les transferts de fonds ont ainsi enregistré une forte croissance dont le montant 34 dépasse la barre de 1 milliard de dollars US á partir de 2006. Cette hausse peut également se justifier par la prolifération des sociétés de transferts urgents grâce á la densification du système financier qui a permis une meilleure comptabilité des flux. On estime en effet qu'une bonne partie des transferts de fonds dits informels ne transite pas par le système financier (banques et organisme de transferts). Au plan national, les transferts de fonds ont l'avantage d'être cyclique c'est-á-dire qu'ils augmentent en cas de ralentissement économique ou en cas des chocs macroéconomiques dus par exemple á des crises financières et dans un contexte de crise économique mondiale. Les envois de fonds permettent d'éviter à la demande intérieure de chuter trop lourdement. Ce sont des résultats macroéconomiques surprenants à attribuer aux simples transferts de fonds destinés principalement á soutenir des familles. 2.3.2. Niveau de dépendance de l'économie Haïtienne aux transferts de fonds. Les TFM sont des flux financiers extérieurs entrant pour le pays receveur. Pour pouvoir évaluer le niveau de dépendance de l'économie Haïtienne aux TFM, nous utilisons la méthode proposée par La Conférence des Nations-Unis sur le Commerce et de Développement Economique. Cette méthode comprend deux (2) phases : 1-Dans un premier temps, on constate que le ratio TFM/X =2.078 pour l'année 2008 (se référant au tableau III, Annexe I), ce qui permet de mesurer le poids des revenus générés par les transferts privés par rapport aux revenus d'exportations. Cette optique peut convenir à l'analyse des pays dits « exportateurs de travail » pour souligner l'importance des TFM. Dans ce cas, « l'export de migrants » correspond à une exportation de service, donnant lieu à un revenu. Cependant, le ratio TFM/X ne semble pas adapté pour rendre compte de la dépendance de l'économie aux TFM car il ne prend en compte que les secteurs exportateurs. 2-Dans un second temps, l'indice TFM/M=0.464 pour cette même année; il mesure également les variations conjointes des TFM et des importations. Cet indicateur permet de rendre compte du rôle des TFM dans le financement des importations. L'impact des TFM sur les importations dépend de la propension marginale à importer des ménages. Plus la propension est élevée, plus le ratio est proche de 1. Mais c'est l'évolution du ratio dans le temps, en fonction de la croissance des TFM qui est intéressante. Deux scenarios sont envisageables selon l'équation présentée par Kireyev en 200634. M = mY avec Y = y + R 34 Les déterminants et impacts macroéconomiques des transferts de fonds des migrants : une analyse du cas des pays fortement dépendants 35 Avec M les importations, m la propension à importer, Y le revenu global du ménage dans le pays receveur, (y) le revenu lié à l'activité du ménage dans le pays receveur et (R) les transferts d'un migrant à l'endroit du ménage dans le pays d'accueil.
En effet, l'observation du ratio TFM/M permet d'estimer la modification des dépenses des ménages au niveau macroéconomique. Si le ratio reste relativement stable voire diminue, alors les TFM sont corrélés positivement aux importations, pouvant déclencher une forme de syndrome hollandais. En conclusion, le ratio TFM/M nous permet d'analyser le rôle que peuvent jouer les TFM dans le financement des importations, ainsi que l'évolution de la propension á importer des ménages récipiendaires. Toutefois, cet indice n'est pas suffisamment efficace pour apprécier l'impact global des TFM sur l'économie nationale, et en particulier sur la production et l'investissement. De l'autre côté, le ratio TFM/X est également limité du fait qu'il permet de comparer les TFM seulement aux richesses produites à des fins d'exportation. 36 Structure des transferts Privés en Haïti Dans un rapport publié en 2008, la Banque Centrale Haïtienne a fait mention que pour la période allant de 2004 à 2007, les transferts privés proviennent dans différents régions de la planète dont les États-Unis d'Amérique occupent la première place. Pas de manière surprenante puisque les États-Unis est considéré comme la plus grande économie mondiale; d'autre en plus en 2010 environ 1.2 millions Haïtiens ont résidé dans ce pays. Tableau 2: Répartition géographique des transferts sans contrepartie 2004- 2007
Source : BRH 2008, mesure et évaluation des transferts dans le cas Haïtien Industrie des transferts privés en Haïti Il existe deux canaux principaux par lesquels transitent les transferts internationaux en Haïti : ceux qui se passent par le canal des Institutions (formels) et ceux qui se passent par voie informelle. Les canaux Institutionnels regroupent les entités qui disposent des permis émis par les autorités pour réaliser ces opérations. Dans le cas haïtien, le canal institutionnel, au travers duquel sont réalisés les transferts formels, devrait être conformé par les Maisons de Transferts (MT) et les banques commerciales. Ces institutions ont pour mission de collecter les informations sur les montants des transferts ainsi que leur origine sur une base mensuelle afin de les transférer à la Banque Centrale. C'est ainsi, qu'on retrouve 7 Maisons de Transfert en Haïti qui fonctionnent comme émettrices et réceptrices de transferts vers Haïti et de l'extérieur avec des parts de marché inégalement répartie. En terme de montant de transferts reçus dans le pays en 2012, Sogexpress est le principal payeur avec 31% des transferts reçus, suivi de Caribbean Air Mail (C.A.M) avec 25% et d'Unitransfer avec 19%. Ces trois payeurs rassemblent 75% du marché de paiement de remises en Haïti. Compte tenu du taux de l'économie informelle en Haïti, il est évident que bon nombre de change se fait sur ce marché et que la Banque Centrale ne parvient pas à capter l'importance de ce marché sur le taux de change d'équilibre. Graphique 6: Concentration du marché institutionnel des transferts en Haïti en 2012 Pourcentages du total du marché CWT- WESTERN Part du marché des Maisons de transfert en 2012 UNITRANSFER 19% MONEY GRAM (BUH CAPITAL 2% TRANSFER 8% MONEY Caribbean 25% Source : BRH Évaluation et recommandations sur le système de mesure des transferts en Haïti, 16 Décembre 2013 Cependant, il faut toutefois reconnaitre que bons nombres de transferts ne passent pas dans le circuit formel. Ce qui pourrait changer probablement l'écart existant entre les maisons de transferts. 37 38 2.3.3. Dynamique de la dollarisation de l'économie haïtienne Généralement, on définit la dollarisation comme étant le recours par les agents économiques à une devise afin de régler les transactions à l'intérieur d'une économie ayant sa propre monnaie nationale. Mercedes García-Escribano et Sebastián Sosa35 définissent la dollarisation financière comme le processus par lequel la majeure partie des actifs et des dettes des agents économiques résidents d'un pays sont libellés en dollar US au détriment de la monnaie nationale. Il est á retenir que la dollarisation peut être totale ou partielle, dans le premier cas, une monnaie étrangère est adoptée comme monnaie ayant cours légal dans le pays, à titre d'exemple l'Equateur en janvier 2000. Un autre cas de figure consiste à garder sa monnaie nationale en circulation tout en permettant d'effectuer des paiements et des transactions en monnaie étrangère : c'est la dollarisation partielle, ou de fait ou officieuse (avant novembre 200836, l'économie zimbabwéenne a été frappée par l'hyperinflation, ce qui a été la base d'une dollarisation dite officieuse). Très souvent, la dollarisation naît des épisodes de crises, d'instabilités économiques par une inflation élevée, voire l'hyperinflation. Les agents économiques y recourent, alors, pour se prémunir des éventuels risques de dépréciation, en voulant ainsi diversifier et protéger leurs avoirs. En Haïti le phénomène de dollarisation est marqué d'une part, par la poursuite de la dollarisation financière par les dépôts qui est en augmentation graduelle. Elle s'accompagne d'une dollarisation des paiements car la plupart des entreprises importatrices libellent les prix de leurs produits en gourdes et de plus en plus, des salaires et contrats sont libellés et payés en dollars. D'autres parts la dollarisation par le crédit, en croissance rapide depuis le début des années 90, a amorcé une baisse depuis l'exercice fiscal 2009-2010 dans un contexte de change moins volatile, d'une dépréciation plus lente et d'amélioration de la stabilité macroéconomique. En outre, la prédominance du dollar dans les transactions financières et sur des actifs (assurances, biens immobiliers, etc.). Par ailleurs, le taux de change nominal affiche une nette tendance à la hausse et une réduction de sa volatilité, il est marqué par un pic en 2003 à un niveau non encore atteint depuis. La période 2002-2008 s'est caractérisée par une volatilité prononcée du change. 35 What is Driving Financial De-dollarization in Latin America? IMF Working paper, january 2011. 36 À partir de novembre 2008, la dollarisation allait devenir légale au Zimbabwe. 39 Malgré les différentes mesures37 prises par les autorités monétaires pour limiter la dépréciation continue de la gourde, le processus de dollarisation par les dépôts (ratio dépôts en $/dépôts totaux) continue de se raffermir davantage au cours des 20 dernières années. Par contre, la dollarisation par les crédits (Crédit $/Crédit total) a une tendance baissière depuis la fin de septembre de 2008. En effet, il est passé de 56.5% en octobre 2008 pour atteindre 40.3% en septembre 2013. Ce résultat est le fruit d'un réajustement dans la gestion des coefficients de réserves obligatoires entamée depuis octobre 2007. Le graphique ci-dessous montre l'évolution de ces indicateurs au cours de la période sous-étude. Graphique 7 : Evolution de l'indice de dollarisation de l'économie haïtienne (Sept 1995 à Sept 2013) 250 200 150 100 50 0 Sep-95 May-96 Jan-97 Sep-97 May-98 Jan-99 Sep-99 May-00 Jan-01 Sep-01 May-02 Jan-03 Sep-03 May-04 Janv.05 Sep-05 May-06 Jan-07 Sep-07 May-08 Janv.09 Sep-09 May-10 Jan-11 Sep-11 May-12 Jan-13 Sep-13 Indicateurs de la dollarisation Dépot $/Dép.tot. Crédit $/Dépot $ Crédit $/Crédit total Dépot $/M3 Source : rapport annuel de la BRH La substitution du dollar américain à la gourde est croissante. Elle renforce la dollarisation de l'économie et sa dépendance vis-à-vis de l'économie Américaine. Les facteurs de la dollarisation de l'économie sont : le ratio des prêts en dollar / dépôts en dollar, la part des dépôts en dollar par rapport aux dépôts en gourde et le ratio des dépôts en dollar par rapport à M3. La part des dépôts et le ratio de ces derniers en dollar accuse une tendance croissante. 37 Depuis novembre 2007, la BRH applique des coefficients de réserve obligatoire plus élevés sur les passifs des Banques Commerciales (bc) libellés en dollar (voir circulaire 86-12G). Cette tendance avait été renforcée au 16 mars 2009 et maintenue jusqu'à date (voir circulaires # : 87, 86-12K, 86-12L, 88-13-M et 89). En février 2013, les taux de réserves ont été augmentés de 5% sur tous les passifs. 40 D'après la BRH (2001), la part des dépôts en dollar par rapport à ceux en gourde est passée de 29,34% en 1998 à environ 40% en juin 2001, le ratio des dépôts en dollar de 31% en juin 2000 à 33% en juin 2001 en glissement annuel. Selon DOURA (2003), les dépôts en US comptaient pour 47,5 % du total des dépôts en janvier 2003 contre 38% en juin 2000 alors qu'en juin 2003, 52,5 % des prêts consentis par les banques commerciales au secteur privé étaient libellés en US contre 41 en juin 2000. Les principaux facteurs responsables dudit phénomène sont l'incertitude relative à la situation politico-économique, l'utilisation de certains instruments de politique monétaire, l'imposition d'un coefficient obligatoire de réserve particulièrement élevé sur les dépôts en gourdes par rapport à ceux en devises (DOURA, 2003). Le dollar US remplit actuellement le rôle que devrait jouer la gourde. Il est à la fois vecteur d'échange, unité de compte et réserve de valeur. Cette substitution progressive du dollar à la gourde traduit déjà une dollarisation partielle de l'économie haïtienne. L'indice de dollarisation comme proportion du total des dépôts en dollars en Haïti croit en moyenne annuelle de 131% pour la dernière décennie et 95% pour l'année 2011. De plus, il faut aussi remarquer la tendance à la hausse des transferts vers Haïti contre le niveau pratiquement constant des investissements directs. Si les transferts de la diaspora haïtienne sont chiffrés en milliards de dollar, les investissements directs n'ont jamais atteint 200 millions de dollars, car leur niveau le plus élevé, atteint en 2011, est évalué à 181 millions38. Bref, les transferts de la diaspora haïtienne représentent environ 13 fois les investissements directs en Haïti. Quand on sait que la participation des investissements directs en Haïti en 2011 n'a représenté que 11% du total des dépôts en dollar et que le montant envoyé par les haïtiens de l'extérieur en est 95%, on peut facilement conclure que la tendance vers la dollarisation d'Haïti est expliquée pour une large part par les transferts de la diaspora. Pour Grégoire N. (2012, 1 juin), les organisations non gouvernementales constituent en toute évidence un groupe déterminant dans la dollarisation en Haïti. Selon lui, Actuellement, l'aide internationale passe par les ONG et l'Etat haïtien n'en reçoit qu'une mince partie. Au passage, il est bon de rappeler que les ONG 38Transferts de devises vers Haïti et vers la République Dominicaine Par Joseph Harold Pierre *Soumis à AlterPresse le 27 octobre 2012, consultation : 3 mai 2015 à 10h30PM. 41 multiplient dans le pays. Elles sont 10 mille environ, suivant les données du gouvernement, parmi lesquelles seulement 400 sont enregistrées au Ministère de la planification39 Dilemme gourde/dollar américain Historiquement, comme tout le monde peut se le rappeler, le régime de change en Haïti était un régime de change fixe où la gourde a été définie par rapport à l'étalon dollar (il fallait 5 gourdes pour acheter un dollar américain: 1/5 c'est-à-dire 1 US = 5 Gourdes). À partir des années 1991, on a eu un régime de taux de change flexible, avec pour objectif de stabiliser le taux de change (celui-ci est déterminé par les conditions du marché), afin d'éviter toute perte de compétitivité du pays. Cette flexibilité étant l'une des exigences importantes des politiques des gouvernements (politiques d'ajustement structurel vers la fin des années 1980). Bien avant la décennie 2000, la gourde fut déjà en état de dépréciation par rapport au dollar américain. Ce qui parait étonnant c'est la rapidité de la chute de notre monnaie. En effet, le taux de change passait de 5 gourdes en 1980 à 20 gourdes en 2000, ou de façon opérationnelle, entre 1991-1994, la gourde se dépréciait progressivement par rapport au dollar, le taux de change de référence passait de 7,45 Gourdes en 1991 à 15,10 Gourdes en 1994 pour des taux d'inflation de 22.8% et 40% respectivement en 1991 et 1994. Ce passage ne venait qu'entériner en quelque sorte ce qui se passait déjà sur le marché non officiel, celui de l'informel. Cependant entre 19941999 on a eu une stabilité du taux de change qui a entraîné une faible appréciation de la gourde comparativement à 1991-1994. Cette situation peut être due à la reprise timide des activités économiques dans le pays et à l'assistance économique externe après les trois ans de marasme économique40. Vers les années 2000, l'ampleur de la dépréciation s'est accrue, le taux de change augmente continuellement, voire de façon exponentielle. En effet, le taux de change est passé brutalement de 28,33 Gourdes pour 1 dollar en septembre 2000, à 42,03 Gourdes en septembre 2003, et pour le reste de la décennie il n'est jamais tomber au-dessous de 36 gourdes. En fait, le taux de change n'avait cessé de s'accroitre de 2003 à 2013, mais arrivant à l'année 2010, le taux de change suit un rythme exponentiel, soit 39,94 gourdes en 2010 ; 40,87 en 2011 ; 42,32 en 2012, et atteignant cette dernière année 43,74 gourdes. Beaucoup ont cité l'instabilité politique comme étant à l'origine de l'évolution anormale de la gourde, mais il est beaucoup plus sensé de 39 Grégoire N. (2012, 1 juin). "Les priorités du gouvernement débattus en Conseil des ministres", Le Nouvelliste. http://lenouvelliste.com/article4.php?newsid=105790 article consulté 10 octobre 2015, 8h30PM. 40 Voir Cahier de la BRH, paru en Janvier 2008. 42 penser que c'est le régime de change flexible lui-même et les comportements spéculatifs qu'il induit qui en sont responsable. La dualité gourde / dollar US n'est pas une pratique nouvelle en Haïti. Plus d'un demi-siècle, soit en décembre 1991, cité par Châtelain (1954) et rapporté par DOURA (2003), le gouvernement haïtien accordait le pouvoir libératoire illimité sur le territoire de la République à la monnaie des USA. D'où son statut de monnaie nationale. Désormais, l'accès au dollar paraît difficile car la gourde dépréciée éclipse le dollar. Ce qui est en conformité avec la loi de Gresham « selon laquelle lorsque dans l'économie d'un pays donné, deux monnaies ont droit de cité, l'une étant considérée comme bonne et l'autre comme mauvaise, la mauvaise monnaie chasse la bonne celle qui n'est pas dépréciée». Graphique 8: Évolution du taux de change nominal de 1980 à 2013 taux de change nominal 40 30 20 10 50 0 tx change Sources : calcul de l'auteur à partir des statistiques financières de la BRH 43 CHAPITRE III : SITUATION DES TRANSFERTS PRIVÉS EN HAÏTI ; UNE ANALYSE ÉCONOMÉTRIQUE Comme nous l'avons mentionné dans les chapitres antérieurs, l'étude portant sur la situation des TFM présente des controverses chez les théoriciens, chercheurs depuis plus d'un demi-siècle. Ainsi, ce chapitre vise à présenter une analyse empirique sur les TFM en Haïti pour la période 1996-2013. Dans cette partie, nous allons confronter les principaux résultats théoriques élucidés à la réalité Haïtienne. De ce fait, il est organisé en trois grandes sections : la section 1 présente la modélisation, la section 2 est consacrée à la présentation des différents tests statistiques et la troisième section présente l'interprétation et l'analyse des résultats empiriques du modèle spécifié. Justification des variables explicatives et signes attendus Dans cette partie, nous proposons la justification de ces variables ainsi que le signe attendu pour chacune des variables : Transferts privés Les transferts privés, quel que soit son utilisation, peuvent exercer un effet positif sur la croissance économique même s'ils ne sont pas souvent utilisés à des fins d'investissement. Compte tenu de l'évolution des transferts en Haïti, nous nous attendons alors à un signe positif pour cette variable. Importation L'importation qui consiste à acheter des produits dans des pays étranger, représente une sortie de ressources financières pour le pays, en conséquence, à court terme, l'importation massive des facteurs de production détériore la production locale. De ce fait, nous attendons un signe négatif à court terme de l'importation sur la croissance. Indice de dollarisation Il permet aux ménages de protéger leurs patrimoines financiers et à les prémunir contre la perte du pouvoir d'achat. En effet, nous attendons à un effet positif sur la croissance. Taux de change Le taux de change est un indicateur clé permettant d'apprécier l'état de santé d'une économie. Si l'on se réfère à la condition de Marshal-Lerner qui stipule que toute hausse du taux de change augmentera les exportations c'est-à-dire amélioré la balance commerciale, donc porteuse de croissance. En effet, vue la faiblesse de notre appareil productif, cette condition n'est pas adaptée à la réalité haïtienne. Donc toute hausse du taux de change engendre des effets négatifs, elle occasionne entre autre, la hausse des prix, ce qui constitue un obstacle pour les investissements en agissant sur les coûts de production, cette hausse du cout de production décourage les producteurs, donc on est obligé de se détourner vers les importations pour satisfaire la demande locale au détriment de la production nationale ; ce qui alimente la hausse des importations, d'où le déficit de la balance commerciales. Ce constat nous permet d'attendre à un signe négatif pour la variable taux de change Tableau 3: Liste des variables explicatives ainsi que les signes attendus Variables explicatives Notation Résultats attendus Signes LTSPt Positif + Transferts privés Importation LMt Négatif - Indice de dollarisation IDOLt Positif + Taux de change txCHNGt Négatif - |
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