Section II : Situation économique
d'Haïti
2.2.1. Analyse du cadrage
macroéconomique
Normalement, si l'on veut analyser avec pertinence la
performance Macroéconomique d'Haïti, il est crucial de cerner notre
analyser sur l'évolution des quatre (4) grands secteurs de
l'économie à savoir : le secteur réel, le secteur
financier, le secteur externe et les finances publiques pour la période
sous-étude.
L'analyse de l'économie Haïtienne permet
d'observer les grands problèmes de la conjoncture notamment la baisse de
la production nationale, la hausse de l'inflation, la
détérioration du déficit budgétaire et commercial
et la forte dévaluation de la monnaie nationale. L'instabilité
politique a aussi influencé fortement cette faible productivité
de l'économie dont résulte la détérioration des
conditions de vie de citoyens Haïtiens.
Haïti est souvent décrit comme un pays «
essentiellement agricole ». Pourtant, la situation de ce secteur n'a pas
cessé de se détériorer, particulièrement depuis la
seconde moitié du 20ème Siècle. De plus,
au-delà du manque de performance occasionné par les carences de
la politique agricole, l'agriculture haïtienne souffre de toute une
série de facteurs qui sont très défavorables. Ces
facteurs-là, constituent un blocage pour l'agriculture quant à la
satisfaction de la demande locale et favoriser l'expansion des exportations.
Jusqu'à présent c'est une agriculture insuffisamment
26 Cf. Nelson, A., cité par Fritz DORVILIER «A
Theory of the Low-Level Equilibrium Trap in Underdeveloped Economies»,
American Economic Review, 46-5, 1956) ; Fièvre, N., « Trappe de
sous-développement et convergence macroéconomique : les
défis et perspectives d'Haïti par rapport aux pays de la
Caraïbe », in Davidas, L. et Lerat, C., Quels modèles pour la
Caraïbe ?, Paris, L'Harmattan, 2008, pp. 357-375.
27 Ministère de la
Planification et de la Coopération Externe, Document de Stratégie
Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté
(DSNCRP) (2008-2010), Port-au-Prince, Novembre, 2007, p. 32.
28 Ibidem., pp. 34-35.
25
diversifiée et modernisée, et reste encore
fortement dépendante des conditions climatiques. Ceux-ci constituent un
obstacle au développement de ce secteur. Compte tenu du niveau de risque
qui est associé à ce secteur, les institutions financières
sont très retissant de fournir du crédit à ce dernier,
ensuite l'inexistence d'une banque de développement agricole en
Haïti sont d'autant des facteurs qui freinent le développement de
ce secteur. L'agriculture occupe une place importante dans le PIB mais, de
moins en moins à cause de la tertiarisation. Centralisée dans
l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, l'économie
haïtienne fait face à un phénomène
démographique appelé exode rural qui commence exactement au
début des années 1980. En conséquence, le secteur agricole
connait une baisse continuelle. La contribution de l'agriculture dans le PIB
pour l'année 80 est de 32.21%. Dix ans plus tard, soit l'année
1990, le pourcentage est réduit d'environ 2.5%. En dessous de 30% depuis
le début des années 1990, le blocus économique
imposé au pays a eu un impact positif sur ce secteur puisque la
production agricole a progressé de 4.22% en 1992, par rapport à
l'année précédente. C'était d'ailleurs la plus
grande part de l'agriculture dans le PIB, soit 34.12% sur la période
considérée. Depuis lors, la tendance évolutive de ce
secteur est négative avec de légères progressions peu
considérables. Ce pays situé au large du bassin Caribéen,
est toujours à la croisée des intempéries qui en
général, provoquent d'énormes pertes. C'est un secteur
à tendance irrégulière, tantôt à la hausse,
tantôt à la baisse.
En dépit de ces faiblesses, l'agriculture reste un
secteur non négligeable dans la structure du PIB. Par exemple, pour
l'année 1986, l'agriculture représente 30.71% du PIB, en 2006, ce
secteur représente 26% du PIB haïtien.
La faible production favorise une nette expansion de
l'importation des produits pour satisfaire la demande globale. En
conséquence, l'économie haïtienne devient très
vulnérable aux chocs externes à cause de la dépendance de
l'extérieur.
Ce rapide survol a permis de jeter un peu de lumière
sur les complexités et les blocages qui caractérisent le monde
agricole haïtien. À cette réalité difficile
s'ajoutent les méfaits causés par la nature. En effet, la
position géographique d'Haïti la place dans l'oeil de la plupart
des ouragans qui frappent la Caraïbe. Les plus violents de ces cyclones
ont des effets désastreux sur la production agricole et le capital
déjà faible dont dispose le monde rural.
Les conséquences de ces aléas se sont
aggravées ces derniers temps. S'il est vrai que tout au long de son
histoire le pays n'a pas cessé de panser les blessures souvent mortelles
infligées par les
26
dégâts naturels, les premières
années du 21ème siècle se sont montrées
particulièrement fatales. Quelques statistiques suffiront à le
montrer (The Economist, 2009 ; Gd'H, 2008).
En 2004, le cyclone Jeanne provoquait une inondation massive
au sein même de la ville des Gonaïves, la quatrième ville
d'Haïti, après avoir tué plus de 3 000 personnes et
provoqué des dévastations évaluées à 7 % du
produit intérieur brut (PIB) du pays. À la fin de
l'été 2008, quatre cyclones balayèrent le territoire
haïtien dans l'espace d'un mois. Ils causèrent la perte de 60 % de
la récolte de l'année, l'extermination de 160 000 caprins, 60 000
porcs et 25 000 bovins et, en fin de compte, des dégâts
estimés à quelque 900 millions de dollars américains, soit
l'anéantissement de 14,6 % du PIB haïtien.
L'évidence est claire : les catastrophes naturelles
récurrentes ont la capacité de donner les coups les plus
terribles au monde agricole haïtien. Dès lors, en plus d'autres
raisons tout aussi pertinentes, il est très difficile de planifier de
manière systématique, soutenue et durable le développement
économique du pays sur la base du seul secteur agricole.
2.2.2. Investissement
L'investissement étant considéré comme
l'accélérateur de la croissance économique des nations est
une condition préalable pour garantir une croissance soutenue.
Cependant, en analysant l'évolution de ce dernier que ce soit public ou
privé, nous pouvons constater que ce dernier n'augmente pas suffisamment
pour résorber le taux de chômage très élevé
que connait Haïti. Plusieurs raisons peuvent être justifiées
cette situation : tout d'abord, l'instabilité politique pourrait
empêcher de grands investissements dans le pays, en second lieu, le taux
de croissance du pays n'est pas assez stable pour attirer les investissements
étrangers. Les pays à haut taux de croissance ou à
croissance continue, attirent beaucoup d'investissements étrangers.
L'un des meilleurs indicateurs pour constater
l'évolution de l'activité économique d'un pays est le taux
d'investissement. Il est le rapport de l'investissement sur le niveau du PIB.
En 1994, le taux d'investissement a connu son taux le plus faible, soit 10.76%.
Ceci est la résultante des troubles politiques qu'a connus le pays
durant cette période. En effet, cette même année,
l'investissement a chuté de 34.94% après avoir connu un taux de
croissance de -26.01% en 1993 et -0.56% en 199229. Apres l'embargo,
on a eu une relance de l'activité économique soit en 1995,
d'où une remontée des dépenses d'investissement a vu le
jour. Ces derniers ont cru de 123.43% par rapport à l'année
précédente.
29 Bulletins économiques IHSI
27
2.2.3. Produit Intérieur Brut
(PIB)
Le PIB est l'agrégat le plus important lorsqu'il s'agit
de mesurer la richesse d'un pays. Il est définit comme l'ensemble de
tous les biens et services produits à l'intérieur d'une
économie. Il est le produit de tout un ensemble de facteurs internes et
externes : les investissements nationaux et internationaux, la stabilité
sociopolitique, les ressources naturelles, la population, les
formations, les conditions climatique
En effet, une forte croissance implique un niveau de PIB fort
et intéressant. Pour le début du millénaire, les
politiques économiques avaient visé un niveau de croissance de
2.5%. Mais, qu'en est-il de la réalité ? Les estimations de
l'Institut Haïtien de Statistique et d'informatique indiquent au cours de
l'exercice 2004-2005 un taux de croissance de 1.8%, certes inférieur
à 2.5% prévus, mais qui traduisent une hausse
légère des activités par rapport au taux de croissance
négatif enregistré au cours de l'exercice
précédente de -3.5% et au très faible taux de croissance
de 0.4% de 2002-2003. En effet, l'économie de ce pays est souvent
bousculée par des instabilités sociopolitiques, une
économie avec une quasi-totalité des entreprises appartenant au
secteur informel (95%), avec un taux de chômage qui reste très
élevé environ 60.% de la population active, on ne peut
espérer grand-chose sinon des rentabilités en dents de scie.
Confrontée par l'inégalité et la pauvreté
extrême, plus de 70% de la population haïtienne vivait sous le seuil
de moins de $US 2.00 dollars américains par jour (2010). Haïti est
parmi les pays à faible revenu soit 827 dollars américains par
tête. Quant à la distribution des revenus, c'est la
débâcle : les plus pauvres reçoivent 0.7% du revenu
national pour 50% alloués à aux plus riches. 2.2.4.
Situation de l'inflation au cours de la période
La dévalorisation de la gourde par rapport au dollar
américain et la hausse continuelle du volume des importations le long de
la période est un élément fondamental dans l'explication
du niveau des prix en Haïti. En 1980, l'économie haïtienne a
été au stade d'inflation rampante avec un taux de 18%.
L'année subséquente, ce taux est passé de 18 à 11%.
Pendant les cinq années d'après, il y eut une tendance
désinflationniste caractérisée par une baisse de 8% en
moyenne sur les six (6) premières années de l'échantillon
pris en compte. L'inflation fût négative en 1987, avec un taux
négatif (-11%) puis, devient positive l'année suivante (4%). Le
niveau des prix est à la hausse passant de 7% (1989) à 21% (1990)
; restant à un taux élevé, 19% en 1992, 30% en 1993 et 39%
en 1994. Entre 1994 et 1999, la pente affichée par cet indice est
décroissante. Le niveau des prix dépasse encore une fois la barre
des 30% soit 39% exactement en 2003. L'inflation est un élément
nocif pouvant déstabiliser l'économie. Ses effets sont nombreux
non seulement au
28
niveau micro mais aussi au niveau macroéconomique. Au
niveau micro, l'inflation pénalise les créditeurs, les
détenteurs de monnaie, les exportateurs, les ménages et les
salariés. Au niveau macro, l'inflation augmente en général
le niveau des prix et le loyer. Elle fait hausser le taux de crédit et
le niveau de la dette ; elle réduit les incitations à investir et
l'efficience des dépenses publiques.
Graphique 3 : Evolution du taux de croissance de
l'économie et de l'inflation pour la période
2000-2012
-10
40
50
30
20
10
0
Evolution du taux de croissance du PIB et de l'IPC
2000-2012
% du PIB % IPC
Source : graphique fourni par Excel à partir
des données obtenues de la BRH
Une analyse globale de ce graphe nous montre comment le PIB
évolue d'une année à l'autre. Sur certaines années
nous pouvons constater une augmentation, sur d'autres une diminution.
Généralement, c'est le deuxième cas qui se
répète. C'est pour la cinquième année
consécutive (2004-2009) que le PIB a évolué à un
rythme croissant. Mais en 2010, l'économie n'a pas pu tenir son rythme,
et cette tendance a été chutée cette
année-là pour passer de 2.9% en 2009 à - 5.4%. Cette
situation est la résultante du séisme catastrophique qui a
frappé l'économie Haïtienne le mardi 12 janvier 2010. Par
contre, nous pouvons aussi remarquer que dans les années qui suivent,
l'économie a commencé à se refaire pour prendre timidement
sa vitesse de croisière. En dépit de tout, la croissance moyenne
de l'activité économique pendant ces dernières
années (2,20 %) demeure insuffisante au regard de la croissance
démographique de 2,5 % l'an. Par conséquent, des rythmes de
croissance plus élevés et plus soutenus s'avèrent
nécessaires pour la réduction de la pauvreté et
l'amélioration des conditions de vie de la population. En outre, le
niveau général des prix (IPC) ne fait qu'augmenter allant de
295.50 gourdes pour un
29
panier de biens en 1990 à 1125.70 gourdes ce même
panier de bien en 2005. Il est important de noter que le passage du taux de
change de 7.112gourdes pour 1 USD en 1990 à 42.3 en 2012 n'est pas le
fruit du hasard. La production nationale baisse, la population augmente, donc
de nouvelles bouches à nourrir. D'où la nécessité
des importations.
2.2.5. Situation de la Balance commerciale
d'Haïti
Généralement, on définit la balance
commerciale comme le solde des exportations et des importations.
Structurellement, la balance commerciale d'Haïti est déficitaire,
cependant, la balance des capitaux affiche un surplus surtout dans sa
composante « prêt ». Cette situation se révèle
inquiétante, dans la mesure où son excédent correspond
à des investissements directs, liés surtout à des
prêts. Ce qui se traduit que, dans le cas d'Haïti, le pays vend des
actifs nationaux, par conséquent, vend son potentiel productif, pour
payer l'excédent des importations souvent alimentaires, de luxes et
quelques biens d'équipements30.
Si le commerce et certains services non porteurs peuvent
assurer une rotation plus ou moins rapide du capital investi, ils n'ont en
général pas une vertu qui est essentielle au développement
économique : celle de promouvoir la création de la valeur. Un
pays ne s'enrichit par le commerce que lorsqu'un État stratège
compétent et diligent établit un système approprié
d'incitations propres à encourager les entrepreneurs commerciaux, petits
et grands, à se réorienter vers des activités productives,
génératrices de plus-values pour l'économie. Ainsi
émerge, au fur et à mesure, une nouvelle classe d'entrepreneurs
et, même, de capitaines d'industrie, fer de lance de la dynamisation de
l'économie et de son essor soutenu grâce à ces taux de
croissance à deux chiffres dont nous avons parlé tantôt.
Une telle stratégie permet non seulement de satisfaire
de plus en plus les besoins du marché intérieur en biens et
services, particulièrement en produits manufacturés, mais aussi
de dégager un surplus pour l'exportation, virant ainsi au positif une
balance commerciale couramment déficitaire avant la nouvelle donne.
Haïti n'en est pas encore là. Depuis les
années 1980, le commerce resserre sa prise sur l'économie tandis
que la capacité productive se détériore. De nos jours, le
pays enregistre un niveau d'exportation anémique alors que 72 % de la
consommation intérieure globale provient des importations31.
Au sein de celle-ci, les denrées agricoles et produits alimentaires
occupent
30 Fred DOURA « Economie
d'Haïti, dépendance, crise et développement, vol. 2
»
31 Institut Haïtien de
Statistique et d'Informatique, 2011
30
une place grandissante. Haïti est devenu plus
dépendante des États-Unis et de son voisin limitrophe, la
République Dominicaine, pour nourrir son peuple.
Aujourd'hui, le pays est encore plus appauvri qu'il ne l'a
jamais été et ce, depuis bien avant le séisme
dévastateur du 12 janvier 2010. Pour alimenter ses diverses sortes de
commerce, Haïti importe dudit voisin pour près de 2 milliards de
dollars de biens et services alors qu'il n'y exporte que pour 50
millions32.
Les exportations de biens et services dépendent de la
demande du marché extérieur pour la production Haïtienne,
des manques de capacités de production et surtout de la
compétitivité c'est-à-dire la capacité de
l'économie haïtienne à vendre ses produits sur le
marché étranger. Tandis que les importations représentent
une offre provenant du reste du monde servant à satisfaire une fraction
de la demande globale en Haïti. Dans le cas de notre économie,
cette fraction est très importante, car nous importons presque tout,
surtout les produits de premières nécessités. Du fait que
notre importation excède toujours nos exportations, cela crée un
déséquilibre chronique dans la balance commerciale
d'Haïti.
Graphique 4: situation de la balance commerciale
d'Haïti 1995-2013
solde de la balance commerciale d'Haiti
-8.2
montant en millions de dollars us
|
-8.4
-8.6
-8.8
-9 -9.2 -9.4 -9.6
|
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|
solde commerciale
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Source : données provenant de l'OMC
Le graphe ci-dessus présente l'évolution de la
balance commerciale d'Haïti pour la période 1995-2013. Il importe
de constater que durant cette période la balance commerciale
présente un déficit chronique et que ce dernier tend à
perdurer d'années en année. Le déficit structurel de la
balance commerciale résultant du faible volume des exportations par
rapport à celui des
32 Ministère de l'économie et des
Finances, 2011
31
importations, a créé une forte pression sur la
monnaie nationale aboutissant ainsi à une dépréciation
continue de la gourde.
Le taux de couverture représente le rapport des
exportations en valeur sur les importations en valeur sur une période.
C'est la mesure qui indique dans quelle proportion les importations sont
couvertes par les exportations au cours d'une période donnée.
Ainsi, dans le graphique précédent, nous constatons que le solde
durant toute la période étudiée a été
déficitaire. Cela traduit que les exportations haïtiennes
n'arrivent pas à compenser les importations. Ce qui oblige les
commerçants à emprunter de l'extérieur pour financer leurs
importations. En plus une analyse sur le taux de couverture des importations
sur les exportations pendant cette période, nous apercevons que les
exportations ont financé faiblement les importations. C'est le cas
notamment de 2004, 2007 et 2009 où ce taux s'élevait
respectivement à 32.695, 33.99% et 27.11%. Ce taux tend à
diminuer progressivement du fait le volume des importations continuent à
grimper continuellement.
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