La présomption d'innocence en cas d'infractions flagrantes en droit procédural congolaispar Dominique Mutongo Hamisi Université Officielle de Bukavu - Graduat 2020 |
A. Quelques limites du principe de l'égalité de tous devant la loiConcrètement, l'égalité devant la justice se traduit par la consécration d'un droit au juge naturel : les justiciables se trouvant dans une situation identique doivent être jugés par un même tribunal, selon les mêmes règles de procédure et de fond. 1. Par rapport au juge naturel L'égalité d'accès aux institutions judiciaires est reconnue à tous les justiciables par la Constitution de la RDC qui commence par affirmer catégoriquement que « tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois50(*)». Aussi, « Aucun Congolais ne peut, en matière d'éducation et d'accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l'objet d'une mesure discriminatoire, qu'elle résulte de la loi ou d'un acte de l'exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique.51(*)» C'est à l'article 19, alinéa, de la Constitution de la RDC que se fonde le droit de tout Congolais d'avoir accès au prétoire sans discrimination et d'être jugé par son juge naturel. On y lit en effet que « Nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent52(*)». Le droit au juge naturel a un autre contenu qui permet à tout le monde de saisir le juge compétent pour connaître de sa cause sans discrimination. La possibilité de saisir les juridictions ou toute autre autorité compétente doit exister même si la violation aurait pu être commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. Il s'ensuit que par un tel recours, l'intéressé doit pouvoir défendre des droits de l'homme non seulement contre les organes de l'Etat, mais aussi contre d'autres personnes privées. Après avoir posé le principe de l'égalité de tous devant les tribunaux et les cours de justice, le PIDCP du 16 décembre 1966 souligne en son article 14 al. 1er, certains droits que toute justice digne de ce nom se doit de respecter. Ces droits sont pareillement repris par la constitution de la transition de 2003 qui a précédé celle de février 2006. Il s'agit des droits suivants : - la cause doit être entendue équitablement et publiquement ; - le tribunal doit être compétent, indépendant et impartial ; - le procès et le jugement doivent être publics, sauf exceptions dans l'intérêt des mineurs et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. En conséquence, pour certaines raisons, certaines personnes sont soustraites de leurs juges naturels ; ce qui cause des bouleversements à l'économie du principe de l'égalité des citoyens devant la justice. Il s'agit des privilèges de juridiction. 2. Les privilèges de juridiction Le privilège de juridiction est le droit donné à certaines personnes de comparaître devant une juridiction autre que celle à laquelle les règles du droit commun procédural attribuent la compétence. C'est ainsi que les magistrats, les avocats, avoués, notaires et en général les auxiliaires de justice (on dit aussi collaborateurs de justice) qui sont partie à une instance civile, peuvent s'ils sont demandeurs saisir une juridiction limitrophe de celle auprès de laquelle ils exercent leurs fonctions. S'ils sont défendeurs ils disposent pareillement du droit d'obtenir le renvoi de la cause devant une juridiction territorialement voisine choisie dans les mêmes conditions53(*). Le privilège de juridiction constitue une exception à la règle de l'égalité des citoyens devant la justice. S'agissant des membres du gouvernement et des députés, l'existence de privilège de juridiction s'explique par le fait que le juge naturel de ces autorités peut être influencé par leur personnalité, surtout que dans certains cas, la composition du siège n'est pas collégiale. La règle de l'égalité n'est pas sacrifiée car ces autorités perdent un droit, celui d'exercer un recours54(*). On constatera que toutes ces raisons ne sont pas valables pour les militaires. En outre, le mécanisme de la cassation garantit aux justiciables une interprétation identique de la loi sur l'ensemble du territoire national. Ainsi dit, même si privilégiés de juridiction, la loi applicable aux différents citoyens doit garder sa valeur et sa portée. Le principe d'égalité devant la justice souffre cependant de quelques aménagements : a) la multiplication des juridictions d'exception spécialisées (tribunal de commerce, tribunal pour enfants, tribunal du travail et les juridictions militaires), ce qui favorise indirectement un traitement différencié entre les justiciables ; b) l'existence de deux ordres juridictionnels (judiciaire et administratif), ce qui conduit l'administration à ne pas être traitée comme les autres justiciables : les modalités d'exercice des voies de recours ou la mise en oeuvre à son encontre de l'exécution forcée lui sont, par exemple, plus favorables qu'aux particuliers. * 50Const. RDC, art. 12. * 51 Const. RDC, art. 13. * 52Idem, Art. 19 al. 1 et 2, p. 16. * 53Juritravail.Com, « Privilège de juridiction », in http://www.juritravail.com/lexique/Priviljuridiction.html, p.1. * 54KISAKA KIA NGOY,
Cours de l'organisation et de la compétence judiciaire, T.I.,
1ère graduat, Faculté |
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