B. Les Enzymes coagulantes
Les protéases (également appelées enzymes
protéolytiques ou protéinases) désignent un groupe
d'enzymes dont la fonction catalytique consiste à hydrolyser les
liaisons peptidiques des protéines. Celles-ci sont largement
distribuées dans tous les végétaux, animaux et
microorganismes (Guevara et Raul, 2018).
Elles sont impliquées dans une grande diversité
de processus cellulaires, notamment la photo-inhibition dans les chloroplastes,
les mécanismes de défense, la mort cellulaire programmée
et la photo morphogenèse chez les jeunes plants en développement
(Mockaitis et Estelle, 2008).
Les protéases sont également impliquées
dans tous les aspects du cycle de vie des plantes, de la mobilisation des
protéines de stockage pendant la germination des graines au lancement
des programmes de mort cellulaire et de sénescence (Guevara et Raul,
2018).
II.1. Présure
La présure est un coagulant du lait essentiel à
la fabrication du fromage. Elle fait passer le lait de l'état liquide
à l'état solide. Le phénomène de coagulation du
lait est rendu possible
20
grâce à la caséine (protéine
contenue dans le lait). La caséine réagit lorsqu'elle est
placée dans un milieu acide généralement obtenu lorsqu'on
ajoute de la présure ou des ferments lactiques dans le lait.
Il existe divers types de présures non issus des sucs
gastriques d'animaux. En effet, la technique de coagulation du lait n'est pas
unique, puisque d'autres méthodes quoique plus lentes permettent cette
étape. Entre autres, il y a la présure microbienne, dont l'enzyme
coagulante est issue de la fermentation de champignons comme le Rhizomucor
miehei, le Rhizomucor pusillus, le Mucor miehei. Des
présures végétales, extraites de plantes comme le figuier,
le gaillet jaune, le petit artichaut sauvage ou les fleurs de chardon sauvage
existent également (Guevara et Raul, 2018).
La présure est toujours considérée comme
étant l'enzyme la plus adaptée pour coaguler le lait dans la
production fromagère, cependant, son utilisation est confrontée
à la contrainte de sacrifice des jeunes veaux (Mohanty et al., 2003). En
conséquence l'industrie fromagère subit une crise dans
l'approvisionnement de ce coagulant et cette situation a donné une
impulsion aux recherches sur les enzymes de remplacement de la présure,
elles concernent diverses sources potentielles de protéases (Zikiou,
2013).
La production de fromage est en croissance constante et il est
prévu que, dans un prochain avenir, l'utilisation des protéases
d'origine végétale vont augmenter, produisant un nouveau fromage
de spécialité favorisant le marché aux fromages (Guevara
et Raul, 2018).
II.1.1. Chymosine
La chymosine est sécrétée inactive sous
forme de « pro-chymosine » dans la caillette. Sous l'action de
l'acidité provenant du suc gastrique, elle se transforme en «
chymosine active ». C'est une protéase acide aspartate. Son poids
moléculaire est de 30 700 Da. Elle est constituée d'une seule
chaîne peptidique renfermant 323 acides aminés (Foltmann et
al.,1979).
II.1.2. Pepsine
La pepsine est une protéase acide
sécrétée dans le sac gastrique de tous les
mammifères après sevrage sous forme de précurseur inactif
appelé pepsinogène d'un poids moléculaire de 42000
daltons. Contrairement à la chymosine, la pepsine à une
acidité plus élevée et une activité coagulante
faible (Soumeya, 2017).
II.2. 21
Cynarases et Cardosine
La Cardosine A est une protéase aspartique
identifiée dans les cellules du chardon Cynara cardunculus. La
cardosine A a été isolée il y a plus de 20 ans et a
été montré qu'elle s'accumule dans les vacuoles de
réserve et les vacuoles lytiques des tissus floraux, et dans les corps
protéiques des graines (Pereira, 2015).
Les fleurs des espèces de plantes à cardon
(C. cardunculus et C. scolymus) contiennent beaucoup de
protéases de coagulation du lait (cardosines et cynarases) ayant des
propriétés catalytiques similaires à la chymosine (Guevara
et Raul, 2018). Elles appartiennent au même groupe de chymosine
(protéinase aspartique, EC. 3.4.23), considérée jusqu'ici
comme la meilleure des protéases pour la fabrication du fromage (Guevara
et Raul, 2018).
Pendant longtemps, elle est utilisée dans la
fabrication de divers fromages à pâte molle au Portugal et en
Espagne, en raison de son activité de coagulation du lait. Cette
activité coagulante est due à l'existence de protéinases
aspartiques présentes dans les fleurs (Pereira, 2015).
II.3. Succédanés de la
présure
La présure traditionnelle telle que la chymosine est
très utilisé dans les industries fromagères. La forte
demande subite l'approvisionnement de la présure est plus difficile. Des
travaux ont été lancés afin de trouver d'autres sources
potentielles de protéase pour remplacer la présure nommées
des succédanés de présure (Nouani et al., 2009).
Les enzymes coagulantes appelées aussi les
succédanés de présure sont classées en 3
catégories selon l'origine de l'enzyme :
· Succédanés de présure d'origine
animale.
· Succédanés de présure d'origine
végétale.
· Succédanés de présure d'origine
microbienne.
Les succédanés de présure doivent
représenter un certain nombre de conditions pour pouvoir les utiliser
:
· L'activité protéolytique doit être
faible comparativement à l'activité coagulante.
· La spécificité protéolytique sur
la â-caséine doit être faible, sinon l'amertume se produit
dans le fromage (Kelly, 2000 ; Fox, 2011).
· La pureté chimique et la qualité
microbiologique doivent être élevées.
·
22
Le rendement fromager devrait être identique à celui
de la présure
· Prix nettement inférieur à celui de la
présure de veau (Nouani et al., 2009).
? Caractéristiques physico-chimiques de
succédanés de présure
A Bonne solubilité dans l'eau :
celle-ci conditionne la répartition du produit et permet l'obtention
d'une coagulation homogène dans toute la masse du lait.
A Une odeur et couleur faible ou nulle de
façon à ne pas modifier l'aspect et les qualités
organoleptiques du fromage.
A Un degré de pureté
élevée, indispensable pour éviter divers accidents dus
à la prolifération des micro-organismes indésirables ou
à des activités d'enzymes contaminants.
A Absence de toxicité pour le
consommateur.
A Activité antibiotique nulle de
façon à ne pas perturber le développement des ferments
lactiques au cours du processus d'élaboration du fromage.
A Activités protéolytique et
lipolytique faibles (Soumeya, 2017).
II.3.1. Succédanés de présure
d'origine animale
Les succédanés de présure d'origine
animale les plus utilisés sont d'origine bovine, porcine et du poulet.
La pepsine A provient de l'estomac d'animaux adultes, sa masse
moléculaire est de 33370 Da et contient 313 acides aminés (Fox,
2011). La pepsine bovine a une activité protéolytique proche de
celle de la chymosine, cette activité dépend du pH du milieu, et
est généralement active dans des milieux acide ou le pH est de
1.5 à 2 et l'activité soit plus élevée. Par contre
dans des milieux basique pH supérieure de 6.3, l'activité baisse
rapidement et le lait ne coagule pas (Eck et Gillis, 1997).
Nommée aussi pepsine B d'origine porcine, elle a une
particularité plus limitée que la pepsine bovine et
dégrade faiblement l'hémoglobine (Linden et Humbert, 1991). Elle
est composée d'une seule chaine polypeptidique de 321 résidus
d'acides aminés et sa masse moléculaire est de 35000 Da (Kageyama
et Takahashi, 1976).
Nommée aussi pepsine C, elle a une forte
activité vis-à-vis l'hémoglobine (Linden et Humbert,
1991). Elle est extrait de pro ventricule de poulet utilisé pour la
fabrication du fromage à pâte molle, les résultats obtenus
sont comparés avec un fromage fait par la présure confirme qu'il
n y a aucune différence dans le rendement et la qualité du
fromage.
23
II.3.2. Succédanés de présure
d'origine végétale
Des travaux très récents menés sur des
substrats de plantes ont été publiés montrant le nouvel
intérêt que suscite les protéases d'origine
végétale (Chazarra et al., 2007; Petropoulos et al., 2019). Il
existe plusieurs préparations coagulantes issues de règne
végétale et sont extraite par macération de
différentes parties de plantes supérieures (Eck et Gillis,
1997).
Parmi les espèces connues de climat
tempéré on peut citer : le gaillet, l'artichaut et le chardon
(Silva et Malkata, 2005). Actuellement la tendance tend vers les coagulants
végétaux grâce à la disponibilité de
matériel végétale et la forte stabilité de
coagulase (Nadhour et Belloul, 2003).
II.3.3. Succédanés de présure
d'origine microbienne
Plusieurs protéases d'origine microbienne ont
été utilisées dans la fabrication du fromage car ils ont
le même fonctionnement que celle de la chymosine. Elles sont produites
par fermentation. Elles présentent des inconvénients telle que
une grande activité protéolytique, un rendement faible dans la
fabrication fromagère (Harboe et al., 2010).
Parmi les espèces microbiennes utilisées pour la
fabrication à grande échelle sont : Rhizomucor miehei,
Rhizomucor pusillus, Cryphonectria parasitica (Claverie-Martìn et
Vega-Hernàndez, 2007). D'après Germonville (2003), la
protéase aspartique produite par Rhizomucor miehei est la plus
utilisée dans les industries fromagères. En Algérie une
protéase transgénique d'origine microbienne Aspergillus niger
var. awamori est actuellement utilisée par les fromagers dans la
coagulation du lait.
II.4. Coagulation du lait II.4.1.
Définition
La coagulation du lait est provoquée par la
dénaturation de la caséine, protéine majoritaire du lait.
Les différentes caséines sont organisées en micelles qui
sont des agrégats de plusieurs molécules de caséine. C'est
un complexe de protéines phosphorées précipitant à
pH 4,6 ou bien sous l'action d'enzymes spécifiques comme par exemple la
chymosine,
24
extrait de macération de la caillette de veau qui, avec
une autre enzyme, la pepsine, forment la présure.
La coagulation enzymatique est une étape essentielle
dans la plupart des fromages où la composante caséine du
système protéique du lait forme un réseau de gel qui
piège les graisses. La chymosine bovine est l'enzyme
préférée utilisée à cette fin; cependant,
des protéases d'origine animale, microbienne et végétale
ont également été utilisées avec succès
(Guevara et Raul, 2018).
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