Section 1 : Les variables sociétales
Les variables sociétales se rapportent à
l'ensemble des aspects non gouvernementaux (nationaux) qui influence le
comportement international d'un pays sur un problème donné. Il
s'agit de la culture nationale, de l'opinion des acteurs de la
société civile, des médias, des citoyens, des leaders
politiques (Paragraphe I) ; et enfin, du contexte socio-économique et
politique intérieur (Paragraphe II).
Paragraphe 1 : La culture et l'opinion publique
nationales
La culture nationale renvoie à l'ensemble des valeurs
collectives partagées par la population, et auxquelles elle attache du
prix. En tant que contrainte inconsciente, elle exerce une grande influence sur
la politique étrangère (A). Bien que son influence sur la prise
de décision n'ait pas été aussi importante que celle de la
culture nationale, l'opinion publique nationale (B), compte parmi les variables
sociétales explicatives de la décision camerounaise.
A. L'influence de la culture nationale
Le Cameroun, comme beaucoup d'autres pays, a ses valeurs et
ses particularités336. Le peuple camerounais est connu comme
un peuple profondément épris de paix. NKOBENA relève
à ce propos qu'une étude de l'attitude générale de
cette population, face à certains problèmes, montre
335 Jean BARREA, 1981, op. cit., p. 262.
336 Paul BIYA, 1987, op. cit., p. 13.
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que les Camerounais entretiennent une culture de paix.
Lorsqu'une question de nature à diviser le pays au point de mettre
à mal sa stabilité survient, la population camerounaise
préfère généralement la paix à la
violence337. Cet attachement profond s'explique sans doute par
l'histoire de ce pays d'Afrique centrale, qui est avec l'Algérie, l'un
des rares pays africains à avoir acquis son indépendance de haute
lutte. En effet, le mouvement nationaliste camerounais incarné par
l'Union des Populations du Cameroun (U.P.C.) a âprement lutté
contre les autorités coloniales françaises, pour
l'indépendance et la réunification du Cameroun. Le traumatisme de
cette guerre de libération qui a eu pour conséquence des milliers
de mort, a selon les termes de Jean Pierre FOGUI : « vaccinés
le peuple camerounais contre le virus de l'aventure et les gênes de la
violence ; car ce qui fait la marque distinctive de ce peuple depuis
l'indépendance, aussi bien sur la scène continentale que dans le
concert des Nations, c'est le refus de la guerre, donc l'attachement
viscéral à la paix, à la stabilité et à la
coopération entre les peuples »338.
Depuis l'indépendance, les rares tensions qui sont
survenues au Cameroun ont été ponctuelles339. Dans un
pays de plus de 250 nations culturelles, de pluralité religieuse
(catholicisme, protestantisme, islam et animisme), il existe parfois des
antagonismes ethniques, mais le plus souvent instrumentalisés sous
forme, selon la terminologie de Luc SINDJOUN, de « rente identitaire
»340. Aucun affrontement ethnique à l'échelle de
ceux survenus dans d'autres pays africains tels que le Nigeria, le Rwanda ou le
Burundi, n'a encore été enregistré au Cameroun. Le
Cameroun apparaît ainsi comme une exception face à
l'instabilité qui caractérise la sous région à
laquelle il appartient, en l'occurrence l'Afrique centrale.
Cette culture de paix a pesé de manière
inconsciente sur le choix d'un règlement pacifique du conflit par la
C.I.J. Le Chef de l'Etat qui évoque souvent dans ses discours
l'attachement constant du peuple camerounais à la paix341,
l'a reconnu en ces termes au lendemain de la rétrocession de la
péninsule de Bakassi : « Je crois que nous devons surtout en
retenir que l'option que nous avons prise - c'est-à-dire de recourir aux
moyens de droit plutôt qu'à l'usage de la force - s'est
trouvée pleinement justifiée, car nous sommes un peuple
profondément épris de paix »342.
337 Pour une illustration de ladite culture de paix, lire NKOBENA
Boniface FONTEM, 2008, op. cit., p. 124.
338 Jean Pierre FOGUI, 2010, op. cit., p. 28.
339 Le Cameroun n'a connu que des tensions limitées
dans le temps, que ce soit au début des années 1990 avec les
fameuses opérations « villes mortes », ou plus
récemment avec les perturbations de février 2008.
340 Lire à ce sujet, Luc SINDJOUN, Construction et
Déconstruction locales de l'ordre politique au Cameroun. La
sociogenèse de l'Etat, Thèse de Doctorat d'Etat
Université de Yaoundé II, 1994.
341Message du Président Paul BIYA, à
la Nation à la suite du retrait de l'administration et des forces
nigérianes de la presqu'île de Bakassi, le 14 Août 2008.
342 Message du Président Paul BIYA à la Nation, le
14 Août 2008, op. cit.
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