B. Le rôle des fonctionnaires de SG/PRESICAM
Le Chef de l'Etat s'était entouré à
l'époque de fonctionnaires dévoués, compétents dans
leur domaine respectif et préoccupés par la violation
nigériane de l'intégrité territoriale du Cameroun ; ce qui
avait fait peser la balance en faveur du règlement judiciaire,
c'était non seulement la vigueur des arguments de ses
partisans284, mais surtout l'aptitude de ces derniers à faire
correspondre leur vision aux orientations générales du Chef de
l'Etat en matière de politique étrangère ; en
l'occurrence, la recherche d'une solution pacifique et définitive. Ceci
explique l'éviction de l'option militaire par nature violente et de la
solution diplomatique, susceptible d'être remise en cause.
L'option judiciaire était apparue lorsque le
Secrétaire Général de par ses responsabilités
d'autorité chargée du suivi de l'exécution des
instructions données par le Président de la République, et
de la supervision de l'organisation du travail gouvernemental285,
s'était rendu compte, après vérification, que le Nigeria
avait souscris à la clause facultative de juridiction obligatoire. Le
Cameroun qui n'avait jusque là pas ratifié ladite clause devait
agir rapidement afin de préserver cette option. En vue d'exploiter au
mieux cette opportunité, les partisans de l'option judiciaire se sont
servis pour faire peser la balance en leur faveur de l'exemple du Portugal dans
l'affaire du droit de passage en territoire indien286.
En effet, dans cette affaire, le Portugal avait accepté
la juridiction obligatoire par une déclaration du 19 décembre
1955 et saisi la Cour par une requête contre l'Inde trois jours plus
tard. Cette célérité avait pour but d'empêcher
l'Inde de retirer sa déclaration.
En outre, pour faire valoir auprès du Chef de l'Etat
cette option, il avait encore fallu réunir des informations et
éléments matériels prouvant la capacité du Cameroun
à défendre devant la Cour la « camerounité » de
la péninsule de Bakassi. C'est ainsi que, des fonctionnaires du
Secrétariat général, par exemple, avaient parcouru de
nombreux pays afin de rassembler des informations287. Quand la
décision a été prise, cette tâche est revenue au
MINJUSTICE.
Au regard de la décision finale, il ressort que les
fonctionnaires du SG/PRESICAM ont eu plus d'influence que les autres
fonctionnaires sur la prise de décision.
284 En l'occurrence, le Secrétariat
Général de PRESICAM représenté par le
Secrétaire Général le Pr. Joseph OWONA, l'expert
universitaire le Pr. Maurice KAMTO, et plus tard le MINJUSTICE
représenté par Maître Douala MOUTOME.
285 Article 2 (2) du Décret N°90/951 du 29 mai 1990
portant organisation de la Présidence de la République.
286 Voir, Droit de passage sur territoire indien,
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil, 1957 ; fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1960.
287 Entretien avec le Professeur Joseph OWONA, op.
cit.
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Quelle que soit la pertinence d'une option, la décision
finale revient au Chef de l'Etat qui, selon son tempérament et sa
culture, choisit la solution qui lui paraît la plus appropriée. Il
est selon Ferry DE KERCKHOVE, « le décideur de base
»288.
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