Paragraphe 2 : La variable de rôle
La question que se pose l'analyste ici est celle de savoir si
les fonctionnaires impliqués dans la prise de décision ont bien
rempli les rôles qui leurs sont dévolus et dans quelle mesure leur
qualité professionnelle a influencé la décision prise.
Dès lors, il convient de ressortir (autant que possible) le rôle
joué par les fonctionnaires des Ministères
intéressés (A) et celui des fonctionnaires de SG/PRESICAM (B).
A. Le rôle des fonctionnaires des Ministères
intéressés
Dans sa pré théorie de la politique
étrangère, James ROSENAU démontre l'influence que peut
avoir le rôle des individus impliqués dans la prise de
décision, sur le comportement extérieur de l'Etat279.
Le « rôle » renvoyant ici au statut des fonctionnaires
représentant chacune des administrations impliquées dans la prise
de décision ainsi qu'aux attentes de leur environnement en
général et de leur hiérarchie en particulier (en
l'occurrence le Chef de l'Etat auquel ils ont des comptes à rendre). En
d'autres termes, cette variable postule que le statut et les nombreuses
attentes vis-à-vis des fonctionnaires impliqués dans la prise de
décision du Cameroun ont influencé cette dernière. La
capacité d'influence des individus représentants une
administration sur la décision finale est dès lors fonction du
professionnalisme280 et de l'aptitude de chacun à rapprocher
ses
278 Entretien avec Maître Douala MOUTOME, op.
cit.
279 James ROSENAU, The Scientific Study of Foreign
Policy, New York, Free Press, 1971, pp. 108-109.
280 Le professionnalisme renvoie à la compétence
(« skill ») dans l'exercice de son métier.
propositions de la vision et des orientations
générales du Chef de l'Etat en matière de politique
étrangère.
En l'espèce, les témoignages recueillis montrent
que les fonctionnaires représentants les institutions impliquées
dans la prise de décision jouaient pleinement leurs rôles. Tous
voulaient répondre aux attentes du Chef de l'Etat en remplissant au
mieux les missions qui leur avaient été confiées par ce
dernier. L'une des raisons à même d'expliquer ce professionnalisme
est le pouvoir que confère la Constitution au Président de la
République de nommer les Ministres et Vice-ministres qui sont
responsables devant lui, et de mettre fin à leurs
fonctions281.
Au MINREX, le Ministre (diplomate de carrière) s'est
entouré d'une équipe de trois collaborateurs dont deux diplomates
de carrière et un contractuel d'administration en service dans ledit
Ministère. Conformément aux missions qui leur étaient
statutairement confiés en matière de mise en oeuvre de la
politique étrangère du Cameroun, et de par les informations et
les connaissances qu'ils avaient du conflit frontalier282, ces
individus ont procédé à une analyse de la situation et ont
soumis leur conclusion au Chef de l'Etat par le biais du SG/PRESICAM.
De par non seulement les responsabilités qui leur sont
confiées en tant que représentants d'un Département
statutairement chargé de la mise en oeuvre de la politique militaire de
défense du Cameroun, mais aussi, des attentes du Chef de
l'exécutif, les fonctionnaires du MINDEF se sont investi pour trouver la
solution la mieux à même de régler de manière
définitive le conflit de Bakassi. A titre illustratif, de nombreuses
autorités de ladite structure ont fait des descentes sur le terrain du
conflit283. Le même souci a guidé le Secrétaire
Général de PRESICAM et ses collaborateurs qui ont
effectués des voyages dans différents pays du monde afin de
rassembler des éléments matériels permettant de prouver la
capacité du Cameroun à défendre la «
camerounité » de Bakassi devant la C.I.J.
281 Article 8 de la Constitution du 2 Juin 1972.
282 Il convient de rappeler que le Ministre des Relations
Extérieures et ses collaborateurs se sont déployés sur le
terrain diplomatique dès le début du conflit. A titre
illustratif, le Ministre a été dépêché par le
Président Camerounais à Abuja le 13 janvier 1994, porter un
« message de paix et de conciliation » au Général
ABACHA. Il a conduit la délégation camerounaise lors de la
rencontre entre le Nigeria et le Cameroun les 9 et 10 février 1994
à Buea (comme il est mentionné plus haut, l'objet de cette
rencontre était de trouver une solution diplomatique au conflit de
Bakassi) ; ainsi que durant les travaux de la deuxième session ordinaire
de l'Organe Central du Mécanisme de l'O.U.A. sur la prévention,
la gestion, et le règlement des conflits en Afrique, les 24 et 25 mars
1994 à Addis Abeba où, il a été question du conflit
de Bakassi.
283 Le 25 février 1994, le Ministre
délégué à la Présidence chargé de la
défense conduit sur le front une délégation comprenant
certains officiers généraux à la tête de
l'armée, afin d'inspecter les troupes déployées à
Bakassi.
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