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Le processus décisionnel dans la politique étrangère du cameroun: le cas du recours au règlement judiciaire dans le conflit de Bakassi


par Zoulica RANE MKPOUWOUPIEKO
Institut des Relations Internationales du Cameroun/Université de Yaoundé II - Master en Relations Internationales 2011
  

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A. L'affaire en question

A la faveur du plébiscite des 11 et 12 février 1961188, le Cameroun s'était vu privé d'une communauté humaine de 250 000 habitants et de 44 000 km2 de territoire189. Lors de ce plébiscite, les populations (camerounaises sous administration britannique) devaient voter soit pour une intégration dans la Fédération du Nigeria, soit pour une réintégration au Cameroun190. Malgré les résultats de ces consultations traduisant la volonté des populations du Cameroun septentrional (ou Northern Cameroons) de devenir nigérianes, le Cameroun n'acceptait pas l'idée de perdre ses ressortissants et son territoire. Qui plus est, « l'Etat camerounais établissait un rapport de causalité entre le non respect, par la Grande Bretagne, de la règle de l'unité du territoire placé sous sa tutelle et les différences observées dans les options politiques des Camerounais méridionaux191 et septentrionaux »192. En effet, sous les régimes successifs de mandat de la SDN et de tutelle de l'ONU, la Grande Bretagne n'avait pas respecté l'unité physique du territoire camerounais qui lui avait été confié après la défaite allemande (durant la première guerre mondiale). Pour marquer sa désapprobation contre ces résultats, la République camerounaise vota contre la résolution 1608 (XV) du 21 avril 1961 des Nations Unies qui prenait acte de ce plébiscite, et s'opposa au transfert d'une partie de son territoire au Nigeria. Le 1er Mai, il proposa à la Grande Bretagne de conclure un compromis à l'effet de saisir la C.I.J. Celle-ci rejeta ladite proposition le 26 Mai 1961193.

Le Cameroun, qui était conscient des graves irrégularités qui avaient entachés ce scrutin, était convaincu que « la seule solution acceptable pour éviter qu'une monstrueuse injustice ne soit commise » était « d'annuler le plébiscite dans le Cameroun septentrional »194 Deux jours avant la fin du régime de tutelle, en l'occurrence le 30 Mai 1961, le Cameroun déposa, sur la base d'une clause de l'Accord de tutelle justificative de la compétence de la Cour, une requête devant la C.I.J. Il y évoquait les griefs ci-après : méconnaissance de l'unité administrative du territoire sous-tutelle ; non réalisation des objectifs énoncés par l'Accord de tutelle ; non respect de la résolution 1473 du

188 Ce plébiscite avait été organisé en vue de faciliter l'accession des territoires camerounais sous administration britannique à l'indépendance ; en l'occurrence, le Northern et le Southern Cameroons, ainsi divisé par la Grande Bretagne.

189Anicet OLOA ZAMBO, L'affaire du Cameroun septentrional Cameroun/Royaume-Uni, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 34 et p. 116.

190 Les questions posées étaient les suivantes :

1. Désirez-vous accéder à l'indépendance en vous unissant à la Fédération Nigériane indépendante ? ou

2. Désirez-vous accéder à l'indépendance en vous réunissant à la République Camerounaise indépendante ? Voir Ibid., p. 119.

191 Le Southern Cameroons (Cameroun méridional) avait choisi d'accéder à l'indépendance en réintégrant le Cameroun.

192 Narcisse MOUELLE KOMBI, 1996, op. cit., p.189.

193 Lire à cet effet, André-Hubert ONANA MFEGUE, 2002, op cit, p. 160-162.

194 « Position de la République du Cameroun à la suite du plébiscite des 11 et 12 février 1961 dans la partie septentrionale du territoire du Cameroun sous administration du Royaume-Uni de Grande Bretagne D'Irlande du Nord ». Voir, Anicet OLOA ZAMBO, 2007, op. cit., pp. 176-177.

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12 Décembre 1959 demandant la séparation administrative du Cameroun septentrional du Nigeria ; anomalies dans la préparation et le déroulement du plébiscite195. Pour ces raisons, il demandait à la Cour de juger que le Royaume-Uni n'avait pas respecté certaines clauses de l'Accord de tutelle. Afin de démontrer l'incompétence de la C.I.J. à connaître de cette requête, la Grande Bretagne souleva des exceptions préliminaires. Dans ces exceptions, il affirmait que la Cour n'avait pas été saisie selon les conditions requises par l'article 19 de l'Accord de tutelle196 ; qu'elle était incompétente ratione temporis, car la date du différend ou, du moins, celle des questions soulevées était antérieure au 20 septembre 1960, date d'admission de la République Fédérale du Cameroun aux Nations Unies ; et enfin, que le Cameroun ne poursuivait aucun recours, ne recherchait pas une décision quelconque de la Cour, mais visait « à obtenir de la Cour un avis consultatif sur l'exécution de l'accord de tutelle »197.

La Cour rejeta l'ensemble de ces exceptions préliminaires, mais, refusa de statuer au fond sur la demande du Cameroun. Elle affirma que le Cameroun ne pouvait lui demander de rendre un arrêt au fond sur le non respect par la Grande Bretagne d'un Accord expiré, conformément à la résolution 1608 des NU, le 1er juin 1961. Tout en reconnaissant la possibilité pour elle de prononcer un jugement déclaratoire, la Cour affirma que « même si une fois saisie d'une requête, elle estime avoir compétence, elle n'est pas obligée d'exercer cette compétence dans tous les cas »198. La C.I.J. constata qu'une décision selon laquelle l'autorité administrative aurait violé l'Accord de tutelle n'établirait pas un lien de cause à effet entre cette violation et le résultat du plébiscite. Qu'en déclarant les allégations du Cameroun justifiées au fond, elle serait réduite à « trancher une question éloignée de la réalité »199 et se trouverait dans l'impossibilité de rendre un arrêt effectivement applicable ; car selon elle, cet arrêt « n'infirmerait pas les décisions de l'Assemblée Générale200. L'arrêt ne remettrait pas en vigueur et ne ferait pas revivre l'accord de tutelle. L'ancien territoire sous tutelle du Cameroun septentrional ne serait pas rattaché à la République du Cameroun. L'union de ce territoire avec la République du Nigeria ne serait pas invalidée »201. Jugeant tout arrêt pouvant être prononcé dans ce litige sans objet, elle refusa comme l'avait

195 Voir à ce propos, Narcisse MOUELLE KOMBI, 1996, op. cit., p. 190-191.

196 Cet article subordonnait la compétence de la Cour à quatre conditions : l'existence d'un différend ; ce différend devant être soulevé entre l'autorité chargée de l'administration (en l'espèce la Grande Bretagne) et un autre membre des Nations Unies ; et s'élevant à l'interprétation ou à l'application des dispositions dudit accord ; enfin, ce différend devait pouvoir être réglé par négociations ou autre moyen. Voir, Anicet OLOA ZAMBO, 2007, op. cit., p. 190.

197 Voir, Anicet OLOA ZAMBO, 2007, op. cit., pp. 190-191.

198 Voir, ibid., p. 193.

199 Narcisse MOUELLE KOMBI, 1996, op. cit., p. 193.

200 Il s'agit notamment ici de la Résolution 1608 (XV) de l'AG de l'ONU, approuvant les résultats du plébiscite des 11 et 12 février 1961.

201 Cité par Narcisse MOUELLE KOMBI, op. cit., p. 193.

demandé le Cameroun de prononcer un simple énoncé de droit qui « constituerait...son témoignage vital pour le peuple Camerounais »202.

Cette décision causa un traumatisme énorme au Cameroun.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery