B. L'incidence de l'affaire
Le jugement du 2 décembre 1963 brisa tous les espoirs
des autorités camerounaises de voir un jour le Cameroun septentrional
être réintégrer au Cameroun comme cela fut le cas avant la
colonisation franco-britannique. La décision de la C.I.J. fut
perçue comme une « non décision
»203, un « déni de justice » 204
au détriment du Cameroun. Cette affaire eu un impact énorme dans
l'imaginaire collectif des Camerounais (tout au moins ceux qui en avaient
connaissance). La C.I.J. fut perçue comme un organe au service des
intérêts des grandes puissances205. Des manifestations
de rues parfois conduites par des Ministres ou des Députés furent
organisées à Yaoundé « contre la Grande Bretagne,
le Nigeria et la C.I.J. »206. Le Chef de l'Etat de
l'époque Ahmadou AHIDJO décréta la journée du 11
février 1961 (date du plébiscite) journée de deuil
national. Il en fit de même pour la journée du 2 décembre
1963 (jour du jugement de la C.I.J.). Toutefois, ces mesures n'eurent aucun
effet. Ce jugement entraîna la désaffection des autorités
Camerounaises à l'égard de la Cour, et une vive déception
populaire. Il fut ressenti comme un échec politique douloureux.
Le traumatisme provoqué par cette affaire sur
Yaoundé instaura un climat de méfiance qui contribua à
rebuter le Cameroun de la C.I.J. A titre illustratif, les autorités de
Yaoundé ont hésité pendant longtemps à souscrire
à la clause facultative de juridiction obligatoire de la Cour, et ont
maintenu leurs distances par rapport aux instruments pluri ou
multilatéraux instituant la compétence de la C.I.J207.
Ce n'est que le 3 mars 1994 qu'elles se sont décidées à
ratifier, auprès du Secrétariat Général des Nations
Unies ladite clause. En revanche, le Cameroun s'est tout de même
aménagé une échappatoire. En effet, ladite
déclaration qui a été prévue pour rester en vigueur
pendant une période de cinq ans, continuera ensuite à produire
effet jusqu'à notification contraire ou modification écrite par
le Gouvernement de la République du Cameroun208.
202 Demande adressée par le Cameroun à la C.I.J.
lors de l'affaire du Cameroun septentrional, citée par Anicet OLOA
ZAMBO, 2007, op. cit., p. 194.
203 Narcisse MOUELLE KOMBI, 1996, op. cit., p. 192.
204 Anicet OLOA ZAMBO, 2007, op. cit., p. 198.
205 Lire à ce propos, ibid., pp. 196-199.
206 Antoine ZANGA, L'OUA et le règlement pacifique des
différends, Paris, 1987, Editions ABC, p. 28, cité par
André-Hubert ONANA MFEGUE, 2002, op cit, p. 161.
207 Narcisse MOUELLE KOMBI, 1996, op. cit., p. 195.
208 Affaire de la frontière terrestre et maritime entre
le Cameroun et le Nigeria, Observations de la République du Cameroun
sur les exceptions préliminaires du Nigeria, op. cit.,
Chapitre 1, Première exceptions préliminaires : la Cour
n'aurait pas la compétence pour connaître de cette requête,
Paragraphe 1.03.
Il convient, néanmoins, de reconnaître qu'il y
avait évolution en la matière ; on était ainsi
passé de la méfiance vis-à-vis de la C.I.J., au retour de
la confiance209. Ceci résultait sans doute de la prise de
conscience des atouts que pouvait receler le recours à l'organe
judiciaire principal des Nations Unies.
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