Le processus décisionnel dans la politique étrangère du cameroun: le cas du recours au règlement judiciaire dans le conflit de Bakassipar Zoulica RANE MKPOUWOUPIEKO Institut des Relations Internationales du Cameroun/Université de Yaoundé II - Master en Relations Internationales 2011 |
Paragraphe 2 : Le règlement militaireCLAUSEWITZ, dans son célèbre ouvrage De la Guerre, affirme que la « guerre est un véritable instrument de la politique, une poursuite de relations politiques, une réalisation de celles-ci par d'autres moyens »154. Conformément au principe du théoricien Prussien, le Cameroun, face à l'intransigeance du Nigeria, aurait pu opter pour une solution militaire du conflit de Bakassi (A). Mais ce pays d'Afrique centrale « n'avait ni le goût, ni les moyens de contester par la force les agissements de son puissant voisin »155 (B). A. Une solution envisageableLa solution à un conflit peut à tout moment résulter de la vigueur et de l'efficacité du recours à la force156. Face à l'occupation nigériane d'une portion de son territoire, le Cameroun aurait pu recourir à la force afin de l'y déloger. Cette solution était d'autant plus envisageable que, Yaoundé avait une Convention d'alliance militaire avec Paris. Les alliances étant destinées à agir sur la scène internationale en équilibrant influences, forces et manoeuvres, cette coalition était propre à contrebalancer le rapport de force entre le Cameroun et le Nigéria, puissance régionale. Par ailleurs, l'un des aspects de la politique de défense du Cameroun est le concept de « Défense populaire ». Il renvoie à la « capacité de la nation à mobiliser toutes les énergies susceptibles d'assurer la sécurité du pays et la sauvegarde de ses conquêtes dans la voie du progrès »157. C'est la participation de tout un peuple à l'effort de défense en vue de s'opposer par tous les moyens à l'invasion du territoire national158. En d'autres termes, les civils sous différentes formes auraient pu apporter leur appui armé ou non aux forces régulières. Autre facteur, l'Etat-nation nigérian était à l'époque en crise. Il était menacé par le haut (du fait du fédéralisme et du régionalisme) et par le bas du fait de l'ethnicité159. Depuis 1980, le pays 154 Karl Von CLAUSEWITZ, De la Guerre, Paris, Editions Minuit, 1950, p. 67, cité par Raymond ARON, 1962, op. cit., p. 35. 155 Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria, Observations de la République du Cameroun sur les exceptions préliminaires du Nigeria, Livre I, 30 Avril 1996, [En ligne], http://www.icj-cij.org, consulté le 26 Juin 2011, Introduction, paragraphe 23. 156 Alain PLANTEY, 2000, op. cit., p. 432. 157 Paul BIYA, Messages du Renouveau, Tome 2, Triomphe des promotions Rudolphe Douala Manga Bell et Martin Paul Samba de l'EMIA », Yaoundé, 12 juillet 1983, pp. 177-178, cité par ELA ELA Emmanuel, La politique de défense du Cameroun depuis 1959 : contraintes et réalités, Mémoire, Yaoundé, IRIC, 2001, p. 151. 158 ELA ELA Emmanuel, op. cit., 2001, p. 151. 159 Lire à ce propos, Hamadou MGBALE MGBATOU, 2001, op. cit., p. 232. Comme il est évoqué plus loin, c'était également le cas au Cameroun, mais la situation était plus critique au Nigeria. 45 faisait face à une récession économique qui avait contraint le Gouvernement à une restriction budgétaire de l'armée nigériane, et à une négligence de l'entretien de l'équipement militaire160. Qui plus est, faisant face à une occupation militaire de son territoire et après maintes tentatives de négociation, l'engagement militaire du Cameroun aurait pu être justifié aux yeux du monde par le souci de défendre son intégrité territoriale. A ce titre, il existait des exemples dans l'histoire où, un conflit territorial avait été réglé par le recours à la force. C'était le cas notamment du conflit des Malouines où, le Royaume-Uni avait réussi en 1982 à déloger par la force l'Argentine des îles Malouines (en anglais, îles Falkland) et de la guerre d'Ogaden par laquelle une contre-offensive militaire avait permi à l'Ethiopie d'obliger en 1978, les Somaliens à se retirer de la région de l'Ogaden occupée depuis 1977. Malgré tous ces arguments, le règlement militaire avait plus d'inconvénients que d'avantages. |
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