Pourquoi et en quoi la communication suscite- t- elle une
interrogation éthique? La recherche contemporaine donne trois
principales réponses à cette question, réponses qui
constituent autant de fondements de l'éthique de la communication : la
thèse de l'Inhérence, l'analyse du raisonnement éthique et
l'analyse du jugement éthique en communication.
II.1.3.2.1. La thèse de
l'inhérence
L'éthique de la communication repose sur une
présomption nécessaire: La présence, au sein du
phénomène de la communication, d'une variable morale. II faut
bien, en effet, que la communication comporte quelque trait ou implique quelque
incidence d'ordre moral pour qu'une recherche
54 P. DE OLIVERA, Ethique de la communication
sociale. Vers un nouvel ordre humain de l'information dans le monde, Fribourg,
éditions universitaires suisse, 1987, p.43, in MWEZE, Ch, NK, op.cit,
p.45
55 J. KINYONGO, art.cit, ^p.15
56 Conseil pontifical pour les communications
sociales, l'Eglise et Internet, Libreria éditrice vaticana, p.7
57 G. WILLET(dir), la communication
modélisée. Introduction aux concepts, aux modèles et aux
théories, Ottawa, éd.Du Renouveau pédagogique, 1992,
p.549-556
éthique puisse être menée a son sujet. Un
certain nombre d'auteurs font valoir, a cet égard, que la
dimension morale ne fait pas partie de la donne
communicationnelle de façon incidence, mais qu'elle en est plutôt
un élément constitutif. Ils adoptent donc le point de vue selon
lequel la question morale est intrinsèque à la communication.
Bien qu'ils ne s'expriment pas explicitement dans ces termes, il est possible
de considérer qu' soutiennent ce qu'on peut nommer la thèse de
l'Inhérence » de l'aspect éthique de la communication.
La thèse de l'inhérence s'enracine dans la
tradition rhétorique américaine néo - classique, dont
Burke (1941 et 1966) et Weaver (1970) sont les principales figures de
prône. Ces auteurs ont mis en évidence la dimension morale
intrinsèque du langage et, partant, de la communication. Ainsi, Burke
distingue de la signification sémantique habituelle des mots et des
phrases, neutre et amorale, une signification « poétique »
comprenant une dimension morale. Suivant cette vision des choses, le langage
comporterait, en marge de sa portée « objective »,
pouvons-nous dire, un aspect évocateur en vertu duquel il peut avoir des
effets au-delà de ce qui est simplement dit et, par le fait même,
une incidence morale. Weaver, quant a lui, soutient que le langage est
partiellement de nature « sermonique », c'est-à-dire que son
emploi est toujours prédicatif et « moralisateur » en ce
consiste toujours -- partiellement -- en l'expression de valeurs, de
préceptes, de références et de préférences
morales.
Pour Sproule (1980), c'est également en vertu du fait
qu'elle nécessite le recours au langage que la communication peut
être dite intrinsèquement d'ordre moral. Selon lui, la contrainte
éthique qui se pose au langage et, par vole de conséquence,
à la communication, prend la forme de deux exigences distinctes qui
peuvent être appelées « altruiste » et «
ontologique ».
La responsabilité « altruiste » découle
du problème de confiance que posent le langage et la communication. Ce
problème de confiance découle de deux présomptions : le
locuteur sait de quoi il parle, et il s'efforce de dire la
vérité.
C'est au point de rupture de ces deux présupposés
que l'éthique s'immisce, pour ainsi dire, dans la communication : une
préoccupation morale apparait parce qu'il est possible de parler et donc
de communiquer de façon ignorante et trompeuse. De son coté, la
responsabilité « ontologique » a trait non pas aux
interlocuteurs mais à la réalité : la fonction du langage
et de représenter et donc de recréer et même de «
créer » la réalité ; cette capacité va de pair
avec le devoir de rendre compte adéquatement des choses, de ne pas
« défigurer » la réalité, de ne pas en proposer
une « représentation » inexacte ou tronquée.
II.1.3.2.2. L'analyse du raisonnement éthique en
communication
50
L'éthique de la communication présuppose
également l'existence d'une rationalité morale a
la conduite communicationnelle. Nous examinerons d'abord cette
logique de la communication par rapport aux décisions et aux choix
d'ordre moral comporte l'exercice des diverses pratiques de communication
L'analyse du raisonnement éthique porte sur la «
mécanique rationnelle » qui régit fondamentalement la
composante morale de la communication.
Le raisonnement éthique est analysé dans une
perspective intéressante et prometteuse : celle de la Potter Box, une
grille d'interprétation du dilemme moral que pose les pratiques de
communication, opérationnalisée et expérimentée par
Christians, Rotzoll et Fackler (1983 et 1987) a partir du modèle propose
par Potter (1972). La Potter Box est en fait un procédé qui
permet d'éclairer les
différentes étapes du raisonnement éthique.
Elle comporte quatre sous-ensembles, intègres sous la
forme d'un
boîtier, qui constituent autant des stades dans la prise de
décision morale en communication : une définition de la
situation, (identification de valeurs, la détermination de principes
d'action et la mise en lumière d'allégeances ou de
loyautés. Voici la représentation graphique qu'en proposent
christians, Rotzoll et Fackler.
Définition de la session
Allégeance
Valeurs
Principes
51
La Potter Box est un instrument d'analyse qui
comporte quelques avantages manifestes. II faut d'abord noter
qu'elle peut servir tout autant à rendre compte a
posteriori d'une position morale, c'est à dire d'une
décision déjà prise, qu'à
éclairer les différents aspects d'une décision qui n'a pas
encore été prise.
Elle est ainsi d'un intérêt à la fois
théorique et pratique. Un second mérite de la Potter Box est de
faire clairement ressortir le fait que l'éthique comporte des dilemmes,
des options et des alternatives et que la décision morale relève
d'un choix entre différents partis possibles qu'elle donne de
préciser le ou les points de désaccord moral entre des
décisions divergentes : c'est en vertu d'une mésentente au sujet
des faits, des valeurs ou des *les d'action que peuvent être prises des
positions antagonistes impliquant des
52
loyautés distinctes. A ce propos, ii est
intéressant de souligner que la Potter Box tient compte de la
distinction, notoire en éthique et probablement indispensable à
un traitement théorique adéquat de toute question morale, entre
énoncés de fait et énoncés de valeur : les premiers
constituent la définition de la situation alors que les seconds
relèvent des valeurs et des principes. Autre avantage non
négligeable : la Potter Box intègre une composante d'ordre
sociologique, les allégeances, les allégeances et loyautés
qu'implique une décision morale sont effet relatives à des
solidarités et donc a des appartenances sociales.
En dépit de ses indéniables mérites, la
Potter Box, telle que Christians, Rotzoll et Fackler font jusqu'à
maintenant caractérisée, présente quelques
déficiences dont la correction permettrait de perfectionner grandement
l'analyse du raisonnement éthique en communication. Son plus grand
défaut est certes son imprécision : elle souffre d'ambigües
et même de contradictions internes, au moins virtuelles, relatives aux
notions des de valeur et de principe, qui en affectent largement
l'utilité.
II.1.3.2.3. L'analyse du jugement éthique en
communication
La logique morale propre à la communication intervient
non seulement dans les choix ou les décisions qui définissent une
conduite a adopter, mais elle fonde également le jugement qui peut
être porte sur cette même conduite.
Comme toute forme d'action, le journalisme, les relations
publiques, la publicité, la communication politique, les
différentes productions mass médiatiques et toutes les autres
pratiques de communication peuvent donner lieu a une estimation ou a une
évaluation éthique. Le jugement éthique en communication
prend même aujourd'hui des formes institutionnelles ; c'est le cas
notamment, des sentences ou « décisions » d'organismes comme
les conseils de presse. S'il est effectivement possible de cerner une
rationalité éthique spécifique à la communication,
le jugement éthique est très certainement l'un des lieux ou il
devrait être le moins difficile de localiser sa mise en oeuvre.
L'analyse du jugement moral en communication consiste a en
repérer les principaux constituants et a en démontrer la
structuration. L'un des rares travaux marquants à cet égard est
celui de Johannesen (1975) sur les « perspectives » du jugement
éthique en communication. Selon cet auteur, la thèse de
l'inhérence le fait de la question éthique soit
intrinsèque à la communication implique la possibilité
d'une évaluation morale : En effet, les fins, les moyens et
stratégies adoptés dans la conduite personnelle qu'est la
communication sont susceptibles d'approbation ou reprobation morale. Autrement
dit,
53
parce qu'elle comporte une composante morale, la communication
fait toujours l'objet, au moins potentiellement, d'appréciations ou de
jugements éthiques. Ainsi que Johannesen le considère, ces
jugements sont formulés suivant les standards éthiques. Ces
standards(ou guidelines) se cristallisent ou se condensent, pourrait on dire,
dans ce que Johannesen appelle une perspective éthique. Lui-même
identifie et caractérise sept perspectives: religieuse, utilitariste,
légale, politique, ontologique, dialogique et situationnelle.
II.1.3.3.3 Ethique de la communication et
cybercriminalité : les inférences à tirer
Au premier abord, il est une lapalissade que la
cybercriminalité, pour autant qu'il relève d'un comportement
humain empreint d'une intention nocive, subversive et surtout compromettante,
est un mépris avéré de l'éthique de la
communication qui constitue, à n'en point douter, le soubassement de
toute communication technologique fût elle en l'occurrence de la
société de l'information.
En effet, la cybercriminalité à proprement parler
les cybercriminels font cette bonne communication promotrice du vrai, du beau
et du bien qui sont les transcendaux, ils les violent systématiquement.
Si bien que BANGA JALUMWECI s'interroge si les internautes sont tous conscients
de la responsabilité éthique qu'ils endossent lorsqu'ils logent
des informations sur des sites web, sans se faire épier directement par
une instance morale ou encourir une sanction pénale, du fait de
l'impossibilité d'un contrôle efficace.58
Pourtant, la déclaration de principes du premier sommet
mondial dans ses dimensions éthiques est on ne peut plus clair en
réaffirment que : de la société de l'information devrait
respecter la paix et préserver les valeurs fondamentales que sont la
liberté, l'égalité, la solidarité, la
tolérance, le partage des responsabilités et le respect de la
nature.
Nous reconnaissons l'importance de l'éthique pour la
société de l'information, qui devrait favoriser la justice, ainsi
que la dignité et la valeur de la personne humaine. La famille devrait
bénéficier de la protection la plus large possible pour
être en mesure d'assumer son rôle dans la société.
L'utilisation des TIC et la création de contenus devrait respecter les
droits de l'homme et les libertés fondamentales d'autrui, notamment la
vie privée ainsi que la liberté d'opinion, de conscience et de
religion conformément aux instruments internationaux pertinents.
Tous les acteurs de la société de l'information
devraient prendre les mesures appropriées,
58 BANGA JALUMWECI, information
médiatisée et responsabilité éthique. Esquisse
d'une éthique de la représentation médiatisée des
événements et des réalités, en synergie avec
l'autre, dans une société de droit, en vue de la commission.
Thèse de doctorat, Leuven( Belgique) , KUL, 1999, p.50
notamment préventives, déterminées par la
loi, pour empêcher les utilisations abusives des TIC, par exemple les
actes délictueux dictes par le racisme, la discrimination raciale et la
xénophobie, ainsi que l'intolérance, la haine et la violence qui
en résultent et la pornographie infantile, ainsi que la traite et
l"exploitation d'êtres humains »
Tout compte fait, cybercriminalité rime avec
illégalité, par conséquent, le droit pourrait avoir des
réponses adéquates face à cette criminalité sui
generis ainsi l'étude des enjeux juridiques, est plus que jamais de
mise.