CHAPITRE I : LA JUSTICE ARBITRALE INSTITUTIONNELLE
L'arbitrage institutionnel est celui administré par une
institution spécialisée d'arbitrage selon son
règlement20. Cette institution n'est en principe pas une
juridiction, sa fonction est d'administrer, de fournir des infrastructures et
des moyens humains aux arbitrages qu'elle administre.
La première caractéristique résulte de
l'existence d'une autorité chargée d'administrer les arbitrages.
La deuxième caractéristique réside dans l'existence d'un
règlement d'arbitrage qui a pour objet de régir l'instance
arbitrale.
La troisième caractéristique consiste en
l'existence d'un secrétariat qui assume certaines tâches d'ordre
matériel et qui assure la liaison entre les parties, les arbitres et le
cas échéant les experts.
Dans l'espace OHADA, l'arbitrage institutionnel se
déroule soit sous l'égide de la CCJA, soit sous l'égide
des institutions nationales.
SECTION I : L'ARBITRAGE INSTITUTIONNEL SOUS L'EGIDE DE
LA CCJA
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage a été
créée par le traité de l'OHADA signé le 17 octobre
1993. Ce traité lui a dévolu une compétence arbitrale en
dehors de ses attributions juridictionnelles et consultatives. Ainsi la CCJA
constitue un centre d'arbitrage21. Cependant elle n'a pas le
monopole de l'arbitrage institutionnel dans l'espace OHADA.
En effet, l'article 21 du traité dispose que «
toute partie peut soumettre un différend d'ordre contractuel à la
procédure prévue par le présent titre ».
L'utilisation du verbe "pouvoir" montre le caractère
facultatif de la saisine de la CCJA en matière d'arbitrage.
20 Pierre MEYER, Droit de l'arbitrage,
l'OHADA Bruylant, Bruxelles 2002
21 La CCJA exerce des fonctions de centre
administratif chargé d'appuyer et d'encadrer le déroulement de la
procédure d'arbitrage sans trancher elle-même les
différends.
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L'analyse de l'arbitrage institutionnel sous l'égide de
la CCJA impose de répondre à la question de savoir comment se
déclenche la procédure d'arbitrage rendue sous l'égide de
la CCJA.
Ensuite devra suivre l'étude du système arbitrage
de la CCJA22.
PARAGRAPHE I : L'ORIGINALITE DU SYSTEME D'ARBITRAGE DE
LA CCJA
Le déclenchement de la procédure d'arbitrage de
la CCJA est purement facultatif, il n'est mis en oeuvre que lorsque deux
parties ont exprimé leur commune volonté de s'y
référer dans une convention d'arbitrage classique. C'est dire que
la convention d'arbitrage est véritablement l'expression de la
volonté des parties. De même, l'originalité de ce
système d'arbitrage est appréciée par rapport au
rôle dévolu au centre d'arbitrage de la CCJA.
A- LE RÔLEROLE DE LA VOLONTE DES PARTIES DANS
L'ARBITRAGE CCJA
La volonté des parties est exprimée dans la
convention d'arbitrage. Cette convention reste autonome.
La forme habituelle de la convention d'arbitrage est la clause
compromissoire insérée dans le contrat entre les parties avant la
naissance de tout différend. Néanmoins les parties peuvent
conclure une convention d'arbitrage, alors appelée compromis,
généralement à la naissance d'un différend entre
elles lors de l'exécution du contrat.
Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de l'acte uniforme
relatif au droit de l'arbitrage ; « les parties ont toujours la
faculté d'un commun accord de recourir
22 Philippe FOUCHARD, « Le système
d'arbitrage de l'OHADA : le démarrage », petites affiches du 13
octobre 2004, n°205 p. 52
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à une convention d'arbitrage même lorsqu'une
instance a été déjà engagée devant une autre
juridiction ».
La convention d'arbitrage doit être faite par
écrit ou par d'autres moyens permettant d'en administrer la
preuve23.
La convention d'arbitrage en tant qu'expression de la
volonté des parties, postule que celles-ci sont libres de choisir le
type d'arbitrage pour leur litige. Elles ont le choix entre l'arbitrage
institutionnel et l'arbitrage ad 'hoc.
La convention d'arbitrage est un contrat et en tant que tel,
elle est soumise aux conditions générales de validité des
contrats.
Ces conditions de validité relativement aux parties
tiennent à la fois à la capacité de celles-ci, aux
pouvoirs du représentant en cas de représentation, et au
consentement. S'agissant de la capacité et du pouvoir, l'article 2
alinéa 1 qui pose le critère de l'arbitrabilité dispose
que « toute personne physique ou morale peut recourir à l'arbitrage
sur les droits dont elle a la libre disposition. » Cette disposition
suppose que la personne qui passe une convention d'arbitrage doit avoir la
capacité de contracter et la libre disposition du droit visé.
Elle suppose également pour les personnes morales, que la convention
soit passée par les organes sociaux disposant du pouvoir de les
engager.
Quant au consentement, il est donné dans les formes du
droit commun, il ne doit être entaché d'aucun vice24
.
S'agissant de l'autonomie, elle consiste à tenir pour
indépendante la convention d'arbitrage par rapport au contrat qui la
contient de sorte qu'elle n'est pas affectée par l'invalidité de
ce dernier. C'est ce qui est exprimé dans l'article 4 de l'acte uniforme
de l'OHADA relatif à l'arbitrage selon lequel « la convention
23 Le législateur OHADA a conçu
l'instrument de la convention d'arbitrage avec un peu trop de souplesse en
pondérant l'exigence de l'écrit, en indiquant dans l'article 3 de
l'Acte Uniforme que la convention peut être faite « par tout autre
moyen permettant d'en administrer la preuve, notamment par la
référence faite à un document la stipulant. »
24 Selon l'article 1109 du code civil, il n'y a
point de consentement valable si le consentement n'a été
donné que par erreur, s'il a été extorqué par
violence ou surpris par dol
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d'arbitrage est indépendante du contrat principal. Sa
validité n'est pas affectée par la nullité de ce contrat.
»
De même, le règlement d'arbitrage de la CCJA pose
le principe d'autonomie de la convention d'arbitrage. Aux termes de l'article
10 al.4 dudit règlement «Sauf stipulation contraire, si l'arbitre
considère que la convention d'arbitrage est valable et que le contrat
liant les parties est nul ou inexistant l'arbitre est compétent pour
déterminer les droits respectifs des parties et statuer sur leurs
demandes et conclusions.» C'est dire qu'en vertu du principe d'autonomie,
l'arbitre n'est pas seulement compétent malgré l'argument de
l'unité du contrat principal, mais il peut aussi prononcer la
nullité et statuer sur ses conséquences. Il en va ainsi lorsque
l'arbitre ordonne des restitutions entre les parties ou prononce l'allocation
de dommages et intérêts.
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