Yaoundé - Douala : Détournements massifs
autour du titre foncier
YAOUNDE 23 JANVIER
2008Derrière la suspension récente des conservateurs
fonciers du Mfoundi et du Wouri se cache la mise à nu d'un vaste
réseau de manipulation du livre foncier et d'arnaque des usagers. Une
enquête policière est ouverte pour cerner les
malversations.Le 13 décembre dernier, le ministre des Domaines
et des Affaires foncières (Mindaf) suspendait de leurs fonctions les
délégués départementaux du Mindaf dans le Mfoundi
et le Wouri ainsi que les conservateurs fonciers desdits départements.
Pascal AnongAdibimé décidait dans la foulée de remplacer
les responsables suspendus par des intérimaires. Cet acte était
le dernier d'une série de mesures entamées cinq jours plus
tôt, le 7 décembre, avec l'apposition des scellés dans les
services du cadastre et les conservations foncières des
départements concernés. Mutations s'était fait
l'écho de toutes ces mesures tout en précisant que certains des
scellés placés dans le service départemental du cadastre
du Mfoundi avaient été brisés. Votre journal indiquait que
les décisions prises faisaient suite à des soupçons de
corruption et de malversations financières dans ces administrations
chargées de délivrer des titres fonciers.
Les investigations menées ces dernières semaines
permettent d'être plus précis sur ce qui s'est passé au
Mindaf. Tout est parti des renseignements faisant état de trafics divers
dans la procédure de délivrance des titres fonciers à
Douala et à Yaoundé. Selon une source bien informée, il
avait été signalé au ministre l'existence de titres
fonciers irréguliers ou parallèles dans ces deux plus grandes
métropoles du pays. Les mêmes renseignements indiquaient que des
livres fonciers du Mfoundi et du Wouri présentaient des feuillets
déchirés ou vierges. Dans le même temps, certains
responsables du Mindaf étaient accusés d'extorquer de l'argent
aux usagers en échange de services publics en principe gratuits. La
situation paraissait d'autant plus grave qu'elle concerne le titre foncier,
document qui requiert une sécurité sans faille. Le ministre
AnongAdibimé décidait alors d'engager une opération coup
de poing, dans le but de contrôler et de vérifier les informations
portées à sa connaissance.
Une commission d'enquête était rapidement
constituée autour de l'Inspecteur général et de la Cellule
de lutte contre la corruption du Mindaf. Pour agir par surprise et
éviter que d'éventuels documents compromettants ne soient
retirés de la circulation, les préfets du Mfoundi et du Wouri
étaient mis à contribution pour sceller les bureaux avant
l'arrivée de la commission d'enquête sur le terrain. Cette mesure
conservatoire a fait paniquer des responsables départementaux du Mindaf.
Certains ont décidé de rompre les scellés dans quatre des
cinq bureaux du service départemental du cadastre à
Yaoundé. A Douala, les scellés n'auraient pas été
apposés sur une porte de sécurité donnant accès
à l'un des bureaux de la conservation foncière, ce qui aurait
facilité la fuite de documents compromettants, selon nos sources.
Corruption
Lors de leurs
descentes sur le terrain du 11 au 13 décembre, les membres de la mission
d'enquête présidée par Emmanuel Ndjere, magistrat et
inspecteur général au Mindaf, ne sont cependant pas
rentrés bredouilles. Selon notre source, un système d'extorsion
de fonds à tous les usagers de la conservation foncière du
Mfoundi a été mis à nu. Pour la constitution d'un dossier
technique de morcellement d'un terrain, nécessaire à l'obtention
du titre foncier, la commission d'enquête constate que le
dépôt de la demande timbrée s'accompagne du versement d'une
somme indue de 2000 Fcfa destinée au conservateur. En cas d'approbation
de ce dernier, le même montant est exigé " pour l'achat du lait
des archivistes ". C'est à la suite qu'un géomètre
communique à l'usager les conditions financières exigées
pour la constitution du dossier technique de morcellement.
Ainsi,
le formulaire de l'état de cession est vendu à l'usager à
1000 Fcfa. Ce dernier doit verser en plus dix mille Fcfa entre les mains d'une
certaine Mme Mani, un agent du service départemental du cadastre. 15.000
Fcfa doivent encore être déboursés à raison de 5000
Fcfa pour le responsable du cadastre, le bureau du contrôle et le bureau
de mise à jour. A cela s'ajoutent des frais liés aux levers
topographiques, à la confection des plans et, naturellement, les frais
réglementaires payables à la recette des domaines
constitués des droits de l'état de cession majorés de 10%.
Pour retirer son dossier technique des services du cadastre, des frais de "
dédouanement " de 2000 Fcfa sont exigés à l'usager avant
l'apposition des cachets par la secrétaire.
Par ailleurs, la délivrance du certificat de
propriété elle-même offrirait le prétexte à
la spoliation des usagers. " Au lieu d'acheter la quittance à 5.000 Fcfa
comme le veut la réglementation, Mme Mani exigeait 15.000 Fcfa à
tout le monde ", dit un agent sous anonymat. Curiosité : la mission
d'enquête va constater des cas où un même numéro de
quittance avait été porté sur plus de... dix titres de
propriété. En clair, il s'agit de détournement de fonds
publics opérés avec la probable complicité des
responsables de la recette domaniale. Plus grave : le conservateur foncier du
Mfoundi aurait délivré des certificats de propriété
à des usagers sur des terrains dont le titre foncier faisait l'objet
d'une hypothèque. Toute chose qui ruine la crédibilité du
document. C'est ainsi, apprend-on de nos sources que, sur la base d'un
acte notarié imaginaire, le conservateur foncier du Mfoundi a
donné son onction, le 30 novembre 2007, à une mutation du titre
foncier n°30191 sur lequel était inscrite, depuis le 31 octobre
2007, une hypothèque de 375 millions Fcfa au profit de "La plazza Sarl".
Ce n'est pas le seul exemple du même type de manipulation. De même,
la mission d'enquête a constaté sur certains volumes du livre
foncier des feuillets vierges ou partiellement remplis et souvent non
signés alors que le titre foncier avait été
délivré... Selon la réglementation en vigueur, les titres
fonciers délivrés sur la base de telles
irrégularités seront annulés de plein
droit.
Enquêtepolicière
A
Douala, la moisson est moins abondante mais révèle quand
même des situations assez graves. En attendant des investigations plus
poussées, la mission a enregistré des irrégularités
semblables à celles constatées à Yaoundé. Un
exemple : on a trouvé des traces de cinq dossiers d'immatriculation au
profit d'un même groupe d'usagers sous la dénomination de
MbangoTéclaire et consorts. Pour de vastes terrains dont les superficies
s'étendent de 19 à 87 hectares (292 ha au total) dans la zone de
Bonaberi, un numéro identique de quittance (3827238) est porté
sur chacun de ces dossiers. Le montant des frais à verser à
l'Etat varie pourtant d'un dossier à un autre et se situe entre 1 et 13
millions Fcfa. Les cinq dossiers portent la même date d'entrée au
service départemental du cadastre : 10 octobre 2007. Même si l'on
se rend curieusement compte que certaines opérations administratives ont
été menées un an plus tôt, entre le 12 et le 20
octobre... 2006. Le cas MbangoTéclaire et consorts, pour lequel
le trésor public n'a encaissé que 11 millions Fcfa sur les 43
millions en principe attendus, n'est pas unique. Il aurait été
aussi expérimenté à Yaoundé. Dix dossiers portant
sur 50 ha de terrain chacun et appartenant à une même
communauté ont donné lieu au paiement d'une redevance de 5
millions Fcfa sur les... 30 réglementaires. Les responsables
départementaux du cadastre du Wouri ont plusieurs fois utilisé
l'artifice du numéro de quittance identique sur plusieurs dossiers
distincts appartenant aux mêmes usagers. " Cette stratégie
présentait le double avantage de morceler illicitement de vastes
étendues de terrains pour contourner certains obstacles
réglementaires (l'immatriculation des propriétés
foncières de plus de 100 ha faisant l'objet d'une attention
particulière, Ndlr) et soutirer aux usagers de l'argent dont une petite
partie seulement se retrouve dans les caisses de l'Etat ", explique un
informateur. Le préjudice pour le Trésor public de ce
système de rapine ne serait pas encore évalué. Mais l'on
apprend que c'est " au moins 60% des recettes domaniales qui auraient
été détournées à Yaoundé et à
Douala, sans compter les sommes illicitement extorquées aux usagers ".
La commission d'enquête aurait découvert des dossiers de certains
usagers qui, pour avoir refusé de répondre aux sirènes de
la corruption, ont été " sanctionnés ". Non seulement les
frais à payer au trésor public ont été
surévalués dans leur cas, mais aussi les titres fonciers n'ont
jamais été délivrés, malgré le paiement des
sommes surévaluées.
Dans le cas de Yaoundé
où la mission d'enquête a réussi à surprendre un
individu dans l'un des bureaux sur lequel les scellés avaient
été rompus, Pascal AnongAdibimé a saisi le Commissariat
central n°1 pour l'ouverture d'une enquête. Des plaintes additives
pour " faux et usage de faux et détournement de deniers publics en
complicité et en coaction " ont également été
déposées à Douala comme à Yaoundé. Les
enquêtes porteront autant sur la rupture des scellés que sur
certains cas de fraude constatés. Elles devront aussi cerner l'ampleur
du préjudice subi par l'Etat entre le 30 septembre 2005, date du
démarrage des activités des conservations foncières du
Mfoundi et du Wouri, et le 19 décembre 2007. Ce qui laisse
déjà présager des poursuites pénales contre les
fraudeurs. Après les sanctions administratives prises le 13
décembre 2007.
Bobiokono& Leger Ntiga
Affairisme : Quand le
fractionnement des terrains fait recette
Des
individus bénéficient des complicités auprès des
agents publics pour s'approprier de vastes parcelles de terrain au franc
symbolique.
Ce n'est pas un hasard si, pour
cerner le préjudice subi par l'Etat dans le cadre de la procédure
de délivrance du titre foncier dans le Mfoundi et le Wouri, le ministre
des Domaines et des Affaires foncières a prescrit à la police
judiciaire de mener les enquêtes entre le 30 septembre 2005 et le 19
décembre 2007. Cette dernière borne correspond à la date
de suspension des responsables des services cadastraux et des conservations
foncières de ces deux départements alors que la première
marque leur entrée en fonction, du reste, en même temps que leurs
homologues des 56 autres conservations foncières que compte le pays
aujourd'hui suite à la Réforme du titre foncier.
En effet, par décret
signé le 16 décembre 2005, le président de la
République a modifié la procédure de délivrance du
titre foncier qui était en vigueur au Cameroun depuis avril 1976. Dans
le précédent Régime d'immatriculation, le Cameroun
comptait une conservation foncière dans chacune de ses dix provinces en
plus de la conservation foncière du Moungo, la 11ème du pays.
Avec le nouveau régime, chacun des 58 départements du pays compte
sa conservation foncière. Parallèlement, la nouvelle
réglementation, en même qu'elle procède à une
certaine décentralisation de la prise de décision, raccourcit la
procédure et les délais d'obtention du titre
foncier.
Ainsi, le ministre chargé des Domaines n'est plus
l'arbitre des litiges liés aux oppositions de même que les visas
d'immatriculation directe issus des tenues de palabres ne sont plus
accordés par le directeur des Domaines. Ces compétences sont
aujourd'hui assumées respectivement par les Gouverneurs des provinces et
les chefs de service provinciaux des Affaires foncières. Les titres
fonciers sont eux-mêmes désormais délivrés par les
Conservateurs fonciers (départementaux) et non plus par le chef de
service provincial des Domaines comme c'était le cas avant
décembre 2005. En plus, comme le relève le communiqué
rendu public par le ministre chargé des Domaines au lendemain de la
signature du décret du 16 décembre 2005, " des délais
contraignants sont imposés aux responsables à toutes les phases
du traitement des dossiers, en vue d'accélérer leur acheminement
aux étapes suivantes ".
Immatriculationsdirectes
Ce dispositif, qui avait été conçu pour
alléger les peines et les attentes des usagers dans la délivrance
du titre foncier - parcours du combattant qui durait souvent plus de deux ans -
semble avoir ouvert la brèche aux fraudeurs, qui abusent de leurs
prérogatives pour arnaquer les usagers et spolier l'Etat de ses
ressources financières. On aura constaté une inflation des
procédures d'immatriculation des parcelles de terrain vastes de
plusieurs dizaines voire de centaines d'hectares avec l'entrée en
vigueur de la nouvelle réglementation. A Douala et à
Yaoundé surtout. En fait, quelques escrocs, en s'appuyant sur des
complicités au Mindaf, ont souvent profité de l'application
viciée de la nouvelle procédure pour s'approprier des vastes
espaces du domaine national et se constituer des réserves
foncières, au détriment de certaines communautés et de
l'Etat.
Heureusement, depuis quelques mois, le Mindaf a donné
des instructions pour que la gestion de ces vastes terrains fasse l'objet d'une
attention particulière. En principe, selon les dispositions du
Régime foncier, les immatriculations directes, très
prisées par les escrocs, ne concernent que les terrains appartenant au
Domaine national de 1ère catégorie, c'est-à-dire les
terrains mis en valeur avant le 5 août 1974, date de publication de
l'ordonnance du 6 juillet 1974. Les autres terrains du domaine national, que
l'on range dans le domaine national de 2ème catégorie, plus de
98% de l'ensemble, selon certaines estimations, sont entièrement
gérés par l'Etat. Ils ne font l'objet d'une immatriculation
qu'à travers une mise en concession préalable (provisoire, puis
définitive) basée sur un projet de mise en valeur, des
concessions faites exclusivement par le ministre des Domaines. C'est une
procédure relativement longue (en moyenne plus de cinq ans) qui
nécessite en outre le paiement de redevances foncières ou de
loyers.
Pour contourner l'obstacle de la mise en concession, quelques
usagers généralement nantis s'attachent la complicité de
certains cadres du Mindaf pour immatriculer directement à leur compte
des vastes superficies de terrain. Et c'est cette complicité qui conduit
à des opérations comparables à celle de la
communauté MbangoTéclaire et consorts à Douala. Comme
indiqué dans l'enquête ci-contre, cette communauté s'est
engagée à immatriculer 292 ha de terrain fractionné (comme
dans la technique illicite du fractionnement des crédits) en cinq
parcelles distinctes. Selon un responsable du Mindaf, il est arrivé que
des titres fonciers soient ainsi établis sur des parcelles de terrain
qui enjambent curieusement deux départements différents ou qui
englobent et des cours d'eau, et des routes (qui appartiennent pourtant au
domaine public qui est inaliénable). Et un doigt accusateur se pointe
dès lors sur les Commissions consultatives chargées des descentes
sur le terrain et présidées par les chefs de terre. Ainsi va le
titre foncier nouvelle formule.
André Marie Ndongo : Un habitué des
limogeages
Il a été
récemment suspendu de ses fonctions de conservateur par le ministre des
Domaines.
La nouvelle est tombée au
cours de l'édition d'information de 20h à la Cameroon Radio And
Television (Crtv) dans la soirée 13 décembre 2007. Le ministre
des Domaines et des Affaires foncières (Mindaf), Pascal AnongAbidime a
alors suspendu de leurs fonctions à cette occasion, le conservateur par
ailleurs délégué départemental des Domaines et des
Affaires foncières du Mfoundi, André Marie Ndongo et le chef de
service du cadastre, Joël NjohFambeGoufan. Les deux responsables
sanctionnés ont été respectivement remplacés par
Janvier Onana, inspecteur de la comptabilité matières et M.
MenoungaNkoa.
La mesure gouvernementale est
intervenue une semaine après le passage du préfet du Mfoundi dans
cette administration où Joseph BetiAssomo a apposé des
scellés sur cinq portes dont celles du service des archives, du service
de l'immatriculation, de celui de l'enregistrement, du conservateur et du chef
de service départemental du cadastre pour cause de corruption et
escroquerie des responsables concernés. Dans la foulée, le mardi
11 décembre, l'inspecteur général du Mindaf, Emmanuel
Ndjere, le représentant du préfet et les officiers de police
judiciaires rendus à la délégation départementale
des Domaines du Mfoundi ont constaté que les scellés avaient
été brisés sur trois des quatre portes de ces services
déconcentrés du Mindaf logés à l'immeuble
Tchanqué, au quartier Elig-Essono à Yaoundé.
Les scellés apposés
sur la porte du chef du service du cadastre avaient été
arrachés ainsi qu'en témoignaient au sol des bouts de ficelles et
les brûlis de bougie. "Les scellés apposés le 07
décembre dernier, ont été brisés en violation de la
loi. Car, il était question que nous venions les lever à 10h, le
mardi 11 décembre, sur instruction du ministre, afin de mener une
enquête en interne", a laissé entendre l'inspecteur
général qui trouvait ambigu que le délégué
départemental ait transformé son bureau en celui de la
conservation. Selon le ministre AnongAdibime, il est reproché aux agents
sanctionnés "plusieurs cas avérés de corruption, de faux
et usage de faux, et faux en écriture".
Raison pour laquelle dans une
correspondance confidentielle et à la suite "des informations
récurrentes et concordantes", M. AnongAdibime a donné instruction
au préfet du Mfoundi, Joseph BetiAssomo, à l'effet d'apposer des
scellés dans ces services. Une mission qu'il a accomplie le vendredi 07
décembre peu avant 18h.
Mais M. Ndongo n'est pas à
son premier coup du genre. Administrateur civil principal formé à
l'Ecole nationale d'administration et de magistrature (Enam), l'ancien
sous-préfet de Garoua et d'Ambam a été trois fois
relevé de ses fonctions. Sa dernière suspension pourrait donc
être considérée comme une sanction de plus tant au
lendemain de chacune de ses sanctions, André Marie Ndongo a
été promu à un autre poste de
responsabilité. Un peu comme ce fut le cas avec cet ancien
directeur adjoint du courrier (Dac) à la présidence de la
République où il fut relevé de ses fonctions en 1999 pour
faux, usage de faux et faux en écriture. Au moment des faits, les
couloirs du Palais de l'Unité bruissaient de nouvelles sur des dizaines
de millions que le Dac d'alors aurait extorqué à un directeur
général bien connu de la scène camerounaise, contre la
promesse de le faire entrer au gouvernement. Avec son physique
athlétique, très proche des milieux sportifs, l'ancien
secrétaire général et président par intérim
de la fédération camerounaise d'athlétisme, a tenté
un coup de force l'an dernier contre EssombaEyenga pour s'emparer de la
direction du Tonnerre Kalara de Yaoundé. Il reste pour autant à
ce quinquagénaire, le contrôle total du comité
d'organisation du semi marathon de Yaoundé dont il est le
président du comité d'organisation.
Léger
Ntiga
Commentaire:Action Il y a
quelques années encore, le titre foncier donnait à son
détenteur une certaine considération dans la
société.
Titre de propriété alors
très sécurisé, le titre foncier offrait la capacité
de bénéficier d'un crédit bancaire. C'était en
effet une garantie très courue. Certains en usaient comme contribution
dans la constitution des entreprises en création. On le gardait loin, au
fond de la cantine, tellement il était important. Bref, c'était
la preuve irréfutable que son titulaire était potentiellement
riche. Surtout que la procédure de délivrance du document,
fortement centralisée, constituait un véritable parcours du
combattant.
La situation a-t-elle
changé aujourd'hui ? Il y a lieu de le penser, tant les trafics sur la
propriété foncière, et singulièrement les
contestations portant sur le titre foncier, occupent beaucoup de place dans les
rôles des cours et tribunaux du pays. Même en usant de l'influence
qu'on leur connaît, certaines banques éprouvent désormais
de la peine à réaliser certaines hypothèques sur des
propriétés foncières. Le titre foncier n'offre plus la
même sécurité qu'il y a quelques années. La faute
à la cupidité de quelques agents publics et à l'audace
sans frontière et à l'égoïsme sans limite des
nouveaux " riches ", ceux-là qui comptent sur l'épaisseur du
chéquier et sur leurs positions sociales pour tout accaparer- y compris
les biens inaliénables de l'Etat - au détriment de la
communauté. La faute à la corruption.
En faisant simplement preuve de
sens pratique, le ministre des Domaines et des Affaires foncières vient
donc de mettre en difficulté, à Douala et à
Yaoundé, des réseaux de faussaires qui avaient instauré
l'affairisme au centre de la procédure d'immatriculation des terres. Il
est important que l'oeuvre de salubrité publique ainsi entamée,
en dehors de tout discours verbeux, aille jusqu'au bout et atteigne toutes les
autres conservations foncières pour que le titre foncier recouvre toute
sa crédibilité. En quelques mois au gouvernement, Pascal
AnongAdibimé, qui a déjà montré sa
témérité dans la récupération des
propriétés publiques illégalement confisquées par
d'anciens serviteurs de l'Etat, et son autorité, en traduisant devant la
justice le Cabinet Atou, qu'il accuse d'avoir abusé des biens
résiduels du portefeuille de certaines entreprises publiques en
liquidation, doit rester dans l'action. Et le gouvernement doit tirer toutes
les conséquences du résultat des enquêtes policières
instruites par Pascal AnongAdibimé, s'il veut donner un sens à
son discours contre la corruption.
Il est important que les
responsables publics développent leurs capacités d'écoute
et fassent preuve de perspicacité dans l'exploitation des
renseignements, que certains usagers abusés mettent gratuitement
à leur disposition, pour prendre certains fraudeurs la main dans le sac.
Comme son collègue des Domaines et des Affaires foncières, le
ministre du Commerce le fait déjà avec les moyens du bord dans le
cadre de la lutte contre l'inflation. D'autres devraient leur emboîter le
pas. Le recul d'une certaine corruption est à ce prix. Et l'action
recommandée par le chef de l'Etat passe par là.
Christophe
Bobiokono
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