1.20.3 La personne
malade comme obstacle à son éducation
Une relation, d'après Manoukian et Massebeuf (1997) est
une rencontre entre deux personnes au moins et particulièrement entre
deux caractères, deux psychologies et deux histoires. Dans le processus
d'accompagnement, nous assistons à une interaction entre l'infirmier et
la personne malade qui vie des expériences de santé-maladies. Les
soins infirmiers dans une approche humaniste consistent à faire
émerger des sentiments d'espoir et des croyances qui apportent de
l'énergie et permettent de transcender la tristesse et la souffrance
(Winock & Cavignaux, 2003).
C'est ce que l'un des informateurs Inf 3 déclare en
disant que « le malade étant déjà sur la
phase chronique est sur la défensive, c'est-à-dire qu'il sait
qu'il est sur le chemin de la mort. Ceci fait que quand tu veux lui parler de
quelque chose, peut être sur le plan de l'alimentation, il te dit qu'il
n'a pas de choix à faire. Il mange et boit ce qu'il voit. C'est
difficile ». La personne utilise des stratégies
d'adaptation pour faire face à sa maladie, ce qui amène
l'infirmier à le comprendre afin de lui être utile. Dans la
même logique, Buckley postule que « Les patients
craignaient aussi qu'en affichant trop ouvertement leur souffrance, tristesse,
colère ou culpabilité, ils fassent fuir les personnes qui
s'intéressaient encore à eux » (2011, p. 85). Ce
qui va induire des attitudes de replis sur soi. L'accompagnement infirmier est
jonché de sourire, de douceur et de bonne parole mais aussi d'amertume
et de déchirement. Ceci s'explique par le fait que la maladie peut
transformer une personne dans l'expression de ses demandes et de ses rapports
avec l'entourage (Manoukian & Massebeuf, 1997). Ainsi, le professionnel qui
veut manifester une présence utile ne peut plus se plaindre en ces
termes : « Il y a des malades parfois qui sont très
fermés, vraiment trop introvertis comme on dit, donc c'est difficile de
les aborder comme ça et de parler avec elles » Inf 1.Pour
d'autres :« Les malades sont résistants aux
changements » Inf 6. Un autre d'ajouter :
« Ils se disent qu'ils connaissent tout puisqu'ils ont
déjà duré avec la maladie » Inf 8. En effet
l'ETP n'est pas facile car il s'agit de transmettre des compétences
à un adulte non seulement nanti de connaissances et d'expériences
mais aussi psychologiquement abattu. De ce fait, l'accompagnement est
fondé sur le type de relation établie (Manoukian &
Massebeuf, 1997). Selon l'auteur, elle peut être dominant/dominé,
égal à égal ou dominé/dominant.
Ces comportements sont analogues au constat de Mvoa et Nkoum
(2014) qui révèlent qu'il arrive que les désirs de la
personne malade s'opposent aux valeurs de l'infirmier et que ce dernier estime
ne pouvoir prodiguer des soins.Les résultats de Morrisson cité
par Buckley (2011) signifiaient le sentiment de vulnérabilité
écrasante ressentit par les patients. A cet effet, les patients
faisaient face à cette vulnérabilité en arborant un visage
courageux et en étant, en apparence joyeux, en plus en ne posant pas de
question même s'il en avait envie.L'infirmier professionnel doit pouvoir
comprendre le non-dit de la personne malade et pouvoir agir convenablement et
efficacement. Ceci n'est pas du nouveau car Singer cité dans van
Meerbeeck et Jacques (2009, p. 298) font constater que :« Ce
que le malade vit, il est le tout premier à le vivre. Face à
cela, il n'y a que le non-savoir radical ». L'infirmier doit
pouvoir rentrer en relation avec son corps, sa parole et son
affectivité. Nous sommes conscients et d'accord avec Manoukian et
Massebeuf (1997) que malgré les soins ou les compétences des
infirmiers, il arrive que l'on soit mis en difficulté par des patients.
Néanmoins, l'infirmier doit pouvoir engager une négociation
devant aboutir à une véritable rencontre (Op. cit.)
En plus de cette difficulté, le patient est
confronté à la contrainte financière.En effet, sur le plan
financier les patients dialysés éprouvent d'énormes
difficultés. C'est ce que les infirmiers déclarent en ces
termes : « Un patient qui a une insuffisance rénale
généralement dépense plus » Inf 4. Un autre
d'ajouter : « D'autres sont délaissés à
eux-mêmes. Parfois, c'est nous qui donnons des compresses ici, des trucs
aux malades qui lui serviront dans sa dialyse. » Inf 3.
« Les patients dialysés se plaignent beaucoup plus du
coût des examens » Inf 4.Il est très facile de
demander à un patient de respecter un régime, mais s'il n'a pas
les moyens, on aurait prêché dans un désert car il ne
pourra pas obéir aux recommandations. D'autres patients ne sont pas
concentrer à écouter l'infirmier car ils pensent au ticket
modérateur de 5000/25000 frs CFA, aux examens complémentaires,
aux ordonnances, aux déplacements et aux repas quotidiens. N'est-ce pas
un proverbe populaire qui déclare qu'un ventre affamé n'a point
d'oreille ? En effet, il faut prévoir un budget d'au moins 200.000
frs CFA par mois pour couvrir les dépenses liées à
l'hémodialyse.
La dernière difficulté liée au patient,
surtout à son arrivée est son état. En effet des
observations, il ressort que l'accueil de la plus-part des patients se fait
dans un tableau d'urgence. Les infirmiers sont préoccupés
à lever l'urgence et n'ont plus de temps pour éduquer. L'urgence
n'est levée qu'après deux à trois séances
d'hémodialyse. En toute circonstance,même si les infirmiers ne
peuvent pas dialoguer avec le patient, la famille doit être suffisamment
éduquée.Cette vision est partagée par Mathieu, (2013, p.
22), en ces termes : « En étant mieux
informée, lafamille peut encourager le patient et comprendre ses
efforts ». Aussi, ceci va-t-il leur permettre de se
déstresser et apporter tout leur soutien à la personne malade.
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