1.19 L'approche humaniste dans l'implication des acteurs de
l'ETP dialysé
L'approche du caring sur laquelle est basée la
discussion prend ses racines dans un système de valeurs humanistes
solides qu'il appartient à l'infirmière de cultiver. Ce
système de valeurs doit intégrer des connaissances scientifiques
pour guider les activités de l'infirmière (Watson, 1998).Il nous
conduit à comprendre la perception des infirmiers sur l'importance de
l'ETP, la place de l'infirmier et du patient dans cette pratique et les
compétences attendues des patients.
1.19.1 L'importance
de l'ETP dialysé
L'objet des sciences infirmières c'est le soin à
la personne.Cette personne qui vit des expériences de
santé/maladie. Or, dans le cadre des maladies chroniques en
générale et de l'insuffisance rénale chronique en
particulier, le soin infirmier est enraciné dans une approche
éducative. Ce point de vue est partagé par l'informateur Inf
3« Je pense que c'est sur le plan de la prise en charge que le
concept d'éducation est en premier lieu très important pour la
survie du malade dialysé ».Idier en (1984) est
arrivé au même résultat. Dans ce contexte,l'infirmier n'est
qu'un accompagnateur capable de puiser dans toutes les ressources du patient
pour sa restauration. L'ETP permet d'utiliser des méthodes pour la
reconnaissance des compétences du patient.
Tous les infirmiers ont reconnu la place primordiale de l'ETP
dans la dialyse. La science infirmière dans sa quête d'autonomie
encourage les infirmiers dans une approche humaniste-scientifique et altruiste
d'éducation, à axer leurs actions sur la promotion de la
santé (Watson, 1998). Pour atteindre cet objectif, ce denier propose
l'éducation thérapeutique des patients basée sur les
moyens de lutte contre le stress. Aussi, l'insuffisance rénale chronique
provoque une perte définitive du mode de vie antérieur. Le
patient doit à travers son éducation, devenir responsable de son
traitement (Dialyse) afin de contrôler sa vie et de dépendre moins
des infirmiers (Vincent, Loaëc, & Fournier, 2009). Nous retenons ainsi
que l'ETP a pour avantage de retarder les complications de l'insuffisance
rénale chronique, de réduire la dépendance envers
l'infirmier et d'apprendre à vivre au quotidien sa nouvelle vie.Par
contre, Osbone et al. (2009) reconnaissent qu'en Australie l'ETP ne
revêt pas autant d'importance aux yeux de nombreux cliniciens. Les
infirmiers camerounais formés dans un modèle holistique et
promotionnel de la santé, incorporent la dimension éducative
à leur pratique.
1.19.2 La place de
l'infirmier dans l'ETP dialysé
Dans une approche d'interdisciplinarité, tous les
professionnels de la santé sont impliqués dans l'ETP
dialysé(Volle, 2007). Tous nos intervenants ont reconnu que l'infirmier
a un rôle incontournable dans l'ETP. Le soin infirmier a une dimension
éducative qui implique l'infirmier dans le soin relationnel et
d'accompagnement. En effet, l'infirmier dans cette interdisciplinarité,
doit être le coordonnateur de cette activité ; ce qui le met
au coeur des actions (ONI, 2010). Cette vision est partagée par un
informateur qui déclare que « C'est l'infirmier, puisque
c'est lui qui est à côté du malade, qui voit comment le
malade se comporte et qui rend compte au médecin »Inf 3.
Cette position est partagée par Roland (2013) qui trouve que l'ETP est
au centre du rôle infirmier dans le chemin clinique du patient. Ainsi,
dans une approche relationnelle, les infirmiers doivent percevoir leur
rôle éducatif comme étant indispensable au traitement par
la dialyse. Aussi, l'intégration d'une approche paradigmatique et
épistémologique contraint l'infirmier à accompagner
efficacement le patient dialysé. C'est dans cette optique que Sonna
(2012) recommande que les infirmiers s'impliquent dans l'éducation des
patients dialysés pour leur permettre d'accepter le traitement.
Par contre, tous les infirmiers se sont mis d'accord sur le
fait que dans la phase de prise de décision de la dialyse, seul le
médecin pouvait intervenir dans l'ETP. Nous prenons à
témoin cet infirmier qui déclare que « C'est le
médecin, puisque c'est le médecin qui met le patient sur dialyse.
Il doit informer énormément le patient avant de le mettre sur
dialyse parce que, c'est lorsque le malade est sur dialyse que nous les
infirmiers, nous avons l'occasion de le voir. Avant cela, nous n'avons pas
cette occasion. Ça se passe avec lui et son consultant. Donc, c'est le
consultant qui doit bien préparer son patient avant de le mettre sous
hémodialyse » Inf 2.Comment
l'infirmier-coordonnateur pourrait attendre le patient en salle de
dialyse ? Notons que Sonna (Op. cit.) a fait remarquer dans ces
résultats que la majorité des patients à qui le
médecin a proposé la dialyse l'a refusée ou mieux l'a
retardée de peur de mourir. Les infirmiers en abandonnant leur
rôle dans cette première phase d'accompagnement risquent
d'attendre les patients en vain en salle de dialyse. Les complications dues au
retard de la dialyse seraient imputables à leur passivité et leur
laxisme. Dans une démarche qualité, le service de consultation de
néphrologie doit associer les infirmiers au processus de décision
de la dialyse. Cette position corrobore avec celle de Buckley (2011, p. 91) qui
soutient que : « Aider à la prise de décision
en toute connaissance de cause est indispensable au travail en
partenariat[avec le patient]». La personne malade dans une approche
humaniste basée sur le modèle holistique ne peut se
résumer à sa maladie mais à toute sa personnalité.
Le « caring » des patients à qui la dialyse est
proposée doit surpasser leur « curing » dans une
approche humaniste-altruiste et scientifique comme le réclame Watson,
(1998) et Hesbeen, (1999). Cette position est renforcée par une
étude réalisée au Brésil par Lino(2013)dont les
conclusions sont :
· Si la prise en charge précoce des patients par
le néphrologue permet d'améliorer les paramètres cliniques
et biologiques à leur arrivée en dialyse, les consultations
médicales telles quelles sont faites ne permettent pas aux patients
d'acquérir des connaissances précises sur leur maladie ni
d'envisager l'avenir avec la dialyse.
· Les patients incriminent la durée trop courte
des consultations et le langage employé par les médecins. Enfin,
même les patients ayant rencontrés plusieurs médecins sont
insuffisamment informés, et la prise en charge par tel ou tel
médecin n'explique pas le manque de connaissance des patients.
La position des infirmiers s'explique par l'organisation de la
consultation dans le service. L'infirmier étant sollicité
uniquement pour la mise en oeuvre des prescriptions du médecin (dialyse)
par rapport au diagnostic d'insuffisance rénale, il lui est difficile de
discuter avec la personne malade avant qu'elle n'intègre la salle de
dialyse.
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