UNIVERSITE JEAN MOULIN LYON 3 Année Universitaire
2013-2014
MEMOIRE EN VUE DE L'OBTENTION D'UN MASTER
SPECIALITE : AFFAIRES INTERNATIONALES OPTION :
MANAGEMENT INTERNATIONAL
THEME :
« QUELLES STRATEGIES
D'IMPLANTATION A L'EXPORT DES
ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES
AFRICAINES : CAS DE DAFANI SA? »
|
Rédigé et soutenu publiquement par: Sous la
direction de:
NABA Boureima Catherine Mercier-Suissa
Enseignants-Maître de conférence, Université
Jean Moulin Lyon 3.
1
SEPTEMBRE 2014
2
INTRODUCTION
Parfois qualifié de « village planétaire
», le monde est marqué, depuis la fin des années 1980, par
de fortes mutations des échanges de biens et services entre pays ou
entre groupes de pays.
Ces changements ont inspiré de nombreux chercheurs qui
ont démontré que l'évolution du processus de globalisation
pourrait être source d'opportunités comme de menaces pour les
entreprises quels qu'en soient leur taille ou leur lieu d'implantation.
En effet, le dynamisme du commerce international est à
l'origine de la globalisation de l'économie et donc d'une interconnexion
complexe entre plusieurs acteurs, notamment des entreprises à travers le
monde. Par conséquent, la réussite d'un engagement international
d'une entreprise exige une gestion performante des instruments de veille
économique.
Mais, il apparaît que les recettes à l'export
additionnelles escomptées sont parfois surévaluées alors
que les coûts des investissements y relatifs sont sous
évalués. D'autres contraintes relatives aux évolutions
imprévisibles et incontrôlables de l'environnement international
(variation des taux de change, instabilité des pays), les
barrières culturelles et la recrudescence des pressions protectionnistes
ne facilitent pas l'accès au marché international.
En dépit des enjeux y relatifs, de nombreuses
entreprises fondent leur développement sur l'accroissement de leur
chiffre d'affaires à l'export face à une stagnation de la
croissance de leurs activités au niveau national et la progression de la
concurrence dans leur pays d'origine. En outre, l'accès au marché
international des biens et services d'une entreprise constitue pour elle un
atout majeur pour acquérir des technologies innovantes, améliorer
sa compétitivité, étendre les risques à travers
plusieurs pays, se spécialiser et tirer profit des avantages
concurrentiels.
De même, en se fondant sur la théorie
néo-classique du commerce international, les pays dotés d'une
main d'oeuvre qualifiée à bon marché, d'une abondance de
la matière première agricole et d'une technologie de production
performante, devraient avoir un avantage comparatif susceptible de favoriser le
développement du potentiel de leur industrie agroalimentaire. Ces atouts
peuvent dans certains cas compenser le difficile accès au financement et
aux technologies innovantes, les coûts élevés de
l'énergie, l'inadéquation des infrastructures, la faiblesse du
pouvoir d'achat des consommateurs, la faiblesse des marchés
intérieurs.
Cependant, bien que les marchés internationaux soient
des débouchés potentiels capables de contribuer au
développement de l'industrie agroalimentaire africaine, cela doit se
faire en tenant compte des contraintes d'accès et de la dynamique des
rapports internationaux. D'où l'intérêt pour les industries
agroalimentaires africaines de chercher à développer des
stratégies adaptées à leur capacités
opérationnelles pour accroître la présence de leurs
produits sur les différents marchés extérieurs tout en
faisant face aux barrières d'accès et aux risques encourus.
Malgré la faiblesse du commerce intra-africain (entre 2
et 3% du commerce international) et les barrières à l'exportation
vers l'Europe, il convient de souligner que ces deux continents
représentent un marché potentiel pour l'industrie agroalimentaire
africain.
Pour des raisons pratiques, la présente
réflexion étudiera le cas particulier de la société
burkinabè DAFANI, spécialisée dans la production de jus de
fruits à base de mangue, orange et ananas, pour répondre aux
trois questions essentielles suivantes :
· Quelles sont les principales contraintes qui se
dégagent lors du processus d'exportation des jus de fruits de DAFANI SA
en Europe et en Afrique?
·
3
Quelles pourraient être les clefs de réussite
à l'accès au marché européen et africain pour les
industries agroalimentaires africaines ?
· Quelles sont les différentes stratégies
commerciales à l'international adaptées à une industrie
agroalimentaire africaine ?
Pour tenter de répondre à ces questions, il
sera passé en revue le concept de l'internationalisation, analysé
le potentiel du marché européen et africain de jus de fruits et
les entraves d'y accéder, établi un diagnostic export de DAFANI
SA. Partant de ce qui précède, des marchés potentiels
seront sélectionnés et des stratégies de
développement des activités à l'export de DAFANI-SA seront
proposées.
CHAPITRE I : INTERNATIONALISATION DES INDUSTRIES AGROALIMENTAIRES
|
|
4
L'émergence de la globalisation de l'économie
depuis la seconde moitié du XXe siècle1
s'est accompagnée par le développement de firmes multinationales
(FMN). En effet les FMN, caractérisées par une application de
différentes stratégies de développement de leurs
activités dans de nombreux pays à partir d'un centre de
décision unique, se sont développées grâce à
des options stratégiques d'intégration, de spécialisation
et de diversification des systèmes de production et des marchés.
En particulier l'intégration internationale des marchés a
été favorisée par :
· l'abaissement des barrières tarifaires et
l'harmonisation des normes ;
· l'ouverture des marchés financiers et bancaires
;
· les progrès en matière de techniques de
transport ;
· les convergences observées en matière de
styles de vie et de mode de consommation ;
· l'accélération des innovations et des
technologies.
Pour bon nombre d'auteurs2, l'internationalisation
des entreprises est un des moteurs de la mondialisation voire de la
globalisation des différentes économies. Elle revêt
plusieurs définitions non consensuelles. Selon le sociologue Guy Rocher
: « l'internationalisation se réfère aux échanges de
diverses natures, économiques, politiques, culturels, entre Nations, aux
relations qui en résultent, pacifiques ou conflictuelles, de
complémentarité ou de concurrence... » Mais, dans le cadre
de cette réflexion, le choix se portera sur la dimension
économique de cette notion qui peut être définie comme une
stratégie de développement d'une entreprise au-delà de son
marché national d'origine.
Pour Catherine Mercier, l'internationalisation n'est pas un
phénomène économique éphémère, mais
elle est une révolution irréversible qui influence le
comportement des différents acteurs face à la survie
économique et sociale. Bien qu'elle s'avère parfois indispensable
pour la croissance dans certains secteurs d'activités, le choix de
l'internationalisation d'une entreprise doit s'effectuer suivant des approches
scientifiques rigoureuses (étude de marché, diagnostique export,
sélection de marché, positionnement stratégique, etc.).
L'internationalisation de l'entreprise qui revêt aussi bien des avantages
que des inconvénients, nécessite ainsi une vision
stratégique claire, à long terme, de l'entreprise sur les
marchés ciblés.
Au regard de ses multiples facettes, il convient avant tout
de comprendre les enjeux et le processus d'internationalisation des entreprises
et de s'inspirer des expériences à l'internationalisation des
entreprises agroalimentaires au niveau des pays développés et des
pays africains.
1.1. Les enjeux de l'internationalisation des
entreprises
1 Même si des entreprises ont entamé
des activités hors de leur pays d'origine, c'est pratiquement entre 1945
et 1990 que l'internationalisation des entreprises a connu une forte
progression en faveur de la mise en place du libre échange dans de
nombreux pays à travers le monde.
2 Le concept d'internationalisation a été
initialement introduit par Coase en 1937 avant d'être
développé par d'autres auteurs (Williamson en 1975, Andreff en
1987, Bodnar, Tang et Weintrop en 1999, etc.).
5
Une entreprise qui décide d'étendre ses
activités hors du pays d'origine peut en tirer des
bénéfices mais aussi s'exposer à des risques susceptibles
de menacer sa pérennité.
Le dynamisme de l'internationalisation des entreprises
s'explique par plusieurs facteurs avantageux dont les plus importants à
mettre en évidence sont entre autres :
+ une recherche de débouchés
commerciaux
Dans le processus de croissance d'une entreprise, il est
possible qu'à un moment donné, le marché domestique
n'offre plus des opportunités en raison soit de son étroitesse ou
du déclin du produit vendu sur ce marché. Pour éviter la
faillite, les entreprises s'intéressent aux marchés
extérieurs dans lesquels leurs offres peuvent correspondre aux besoins
de consommateurs du fait des différences culturelles et du dynamisme de
certains marchés étrangers. Par exemple, la FMN «
Nestlé » a rapidement développé ses activités
hors des frontières de la Suisse face à l'étroitesse des
marchés locaux.
En outre, l'internationalisation est une voie pour une
entreprise de remédier aux pertes de parts de marché national
provoquées par l'irruption de nouveaux concurrents ou le ralentissement
de la croissance économique dans le pays d'origine. Elle offre
également des possibilités aux entreprises d'accroître
leurs revenus sans avoir à augmenter la pression concurrentielle sur
marché intérieur, d'élargir son portefeuille clients et
d'augmenter ses ventes.
De façon spécifique, les ventes ou
l'implantation dans un pays étranger permettent de contourner des
barrières tarifaires et/ou non tarifaires qui entravent l'accès
à son marché intérieur, de soutenir l'évolution du
cycle de vie international du produit et d'accompagner le prolongement naturel
d'une stratégie de spécialisation.
+ une diversification du risque
L'internationalisation de l'entreprise, réduit sa
dépendance vis-à-vis du marché interne et de ses clients
habituels et lui donne du coup l'opportunité de diversifier ses risques.
De plus, au niveau des devises et des taux de change, l'internationalisation
est bénéfique pour une entreprise dans la mesure où elle
lui favorise son indépendante au niveau monétaire,
c'est-à-dire : « d'être moins à la merci d'une seule
économie grâce à des revenus répandus sur plusieurs
pays.» (SARRAILH, 2010).
+ une réalisation d'économie
d'échelle
Une l'implantation à l'international peut
également favoriser la diminution des prix de revient d'un produit final
à partir de l'exploitation de matières premières à
moindre coût dans un autre pays en raison de l'efficacité de la
technologie, de réglementations plus souples, de conditions de travail
plus souples et du faible coût de la main d'oeuvre.
En particulier, la quête d'une main d'oeuvre bon
marchés et parfois hautement qualifiée justifie les implantations
dans les pays en voie de développement. De même, l'augmentation de
la demande suite à une internationalisation de ses activités
pourrait entrainer à la fois un accroissement de la production de
l'entreprise et une réduction du coût unitaire du produit en cours
de fabrication.
+ une exploitation des opportunités
conjoncturelles
Des entreprises investissent à l'international pour
satisfaire à des demandes spontanées reçues, par exemple,
lors de leur participation à des manifestations commerciales, des
rencontres
6
fortuites de représentants d'entreprises. Toutefois, un
examen approfondi est conseillé pour s'assurer que les
opportunités de marché sont fiables et viables pour
l'entreprise.
Un autre facteur d'opportunité peut se
présenter à une entreprise à suite d'une hausse importante
de sa production dont l'exportation de l'excédent serait un premier coup
d'expérimentation de l'extension de ses activités à
l'internalisation.
Si l'internationalisation offre des avantages aux
entreprises, elle peut également être sources de certains risques
cachés, incontrôlables ou sous-estimés. Il s'agi
principalement :
+ de l'instabilité politique et économique
dans le pays d'accueil
Un des défis majeurs de l'internationalisation d'une
entreprise est la menace récurrente de l'instabilité
endémique due en grande partie aux défaillances de la gouvernance
économique, politique et sociale. Cette instabilité est
caractérisée par une inefficacité des politiques
socio-économiques, une fragilité des institutions politiques et
administratives, un développement de la corruption et parfois par des
conflits sociaux, ethniques ou religieux. Or dans de tels contextes, il est
difficile voire impossible de sécuriser des investissements et de
rentabiliser durablement des affaires, en occurrence pour les investissements
à long terme3.
+ des différences de modes de consommation selon
les pays
Il existe d'énormes différences dans un pays et
entre pays quant aux comportements des consommateurs dans le choix de la
qualité, du volume, de la gamme des divers produits. C'est pourquoi
l'étude préalable du changement des modes de consommation dans un
pays ciblé est indispensable pour une entreprise afin de lui permettre
de choisir et d'adapter le produit à lancer, de définir les
objectifs de vente et d'élaborer un budget convenable au financement de
ses activités à l'international.
+ de la multiplication de cadres légaux
différents
Malgré les actions d'harmonisation des cadres
réglementaires et juridiques régissant plusieurs domaines
d'activités au niveau international, des différences persistent
toujours entre pays et même entre ceux appartenant à une zone de
libre échange. Ces différences sont parfois à l'origine
d'entraves aux échanges et à la création d'entreprise dans
un pays donné. La conformité aux différents cadres
légaux engendre également des coûts additionnels qui
influencent négativement sur la compétitivité des firmes
transnationales.
+ des différences culturelles
De plus en plus, les entreprises s'occupent des distances
entre les cultures4 et les religions dans leur stratégie
managériale aussi bien dans leur pays d'origine qu'à
l'étranger car il serait une erreur monumentale de croire que la
mondialisation réduirait les particularismes culturels. En effet, selon
Philippe d'Iribarne : « les différences ethniques, liées
à la langue, la religion ou la race, continuent d'être de
puissants facteurs d'identités. ». Par conséquent, la prise
en compte de l'évolution et de la diversité des cultures se
présente comme une condition incontournable pour réussir la
pénétration d'un produit sur un nouveau marché ou
l'implantation d'une filiale à l'étranger.
3 En effet, la
découverte puis la conquête de nouveaux marchés exige
parfois de gros investissements et de longs délais avant le début
des premières affaires concrètes et du retour sur
investissement.
4 Elles sont une sorte de normes et de pratiques qui
orientent les manières d'être, d'agir, de ressentir, de s'exprimer
et de communiquer d'un groupe ou d'une société.
7
A titre illustratif, la FMN « Mac Donald » adapte sa
communication commerciale à la coutume musulmane pour montrer que ses
produits peuvent être consommés par les musulmans même
durant le mois de ramadan.
+ des difficultés de gestion et d'organisation
des activités
Si les grands groupes n'éprouvent pas parfois ces
difficultés, les petite et moyennes entreprises (PME), par exemple, ont
la plupart du temps du mal à assurer une bonne gestion internationale de
ses ressources humaines en raison des coûts élevés et
l'accroissement de la taille.
En effet, pour étendre ses activités à
l'international les entreprises de tailles réduite doivent
réaliser des opérations d'exploration, des études de
marchés à l'international, sont des opérations très
onéreuses dont la plupart des PME ne peuvent en supporter seules, les
coûts.
En ce qui concerne la taille, la plupart des PME sont de
taille très modeste et se lancent généralement dans des
activités destinées aux marchés locaux.
En outre, l'internationalisation sous-entend une distance
géographique qui rend parfois difficile la relation managériale
et la localisation des activités de gestion.
+ de l'instabilité des taux de change et les
impayés
Toutes activités humaines sont pavées de
risques internes et externes qui peuvent mettre en péril sa survie. Les
vulnérabilités des entreprises s'accroissent une fois qu'elles
entreprennent des relations économiques (commerciales ou productives)
à l'étranger. Elles sont le plus souvent liées aux risques
de change et d'impayés dus à la volatilité accrue des
devises et à l'inadaptation des modes de paiement.
En somme, l'internationalisation d'une entreprise n'est pas
une fin en soi, mais elle pourrait être considérée comme
une stratégie complémentaire aux trois autres options
stratégiques (spécialisation, intégration et
diversification) dans un contexte de globalisation. Elle devrait donc se mener
de façon progressive avec plus de prudence.
|