B. Conflit Inhérent au Principe de
Non-ingérence
On l'a vu, le droit international réprimé dans
son principe toute forme d'ingérence dans les affaires
intérieures d'un Etat de son côté le droit humanitaire et
les conventions de Genève qui le définissent en grande partie,
respectant ces mêmes principes de souveraineté et de
Non-ingérence, ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de conflits
interétatiques et ne permettent des lors pas les interventions
humanitaires en cas d'atteintes aux droits de l'homme constatées d'un
Etat. L'application du devoir d'ingérence humanitaire s'arrête
là où commence la souveraineté étatique.
L'égalité souveraine des Etats, et son
corollaire, la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un
Etat, sont les principes sur lesquels repose l'entièreté du droit
international. Ces principes se trouvent pourtant confrontés au respect
d'autres principes, parfois même juger supérieurs, ceux-là
mêmes de la sauvegarde des droits fondamentaux de la personne.
Pendant longtemps, le principe de non-ingérence a
représenté une sorte de mur entre les agissements d'un Etat,
contraires au respect des droits de l'homme et le droit de regard des autres
Etats. Ainsi, pendant la décolonisation, la non-ingérence a
souvent été invoquée par les métropoles pour
s'opposer à toute intervention des Nations-Unies ou d'un Etat tiers dans
les efforts d'autodétermination de leurs colonies. La France s'est par
exemple retranchée derrière une interprétation stricte des
prescrits de la charte de manière à dénier à
l'O.N.U toute compétence dans l'affaire Algérienne. Dans un autre
registre, lorsque l'Italie a soulevé le débat sur l'abolition de
la peine de mort à l'Assemblée générale en 1994,
elle s'est heurtée aux contre arguments de nombreux Etats, notamment
islamistes.55
Le principe de souveraineté des Etats,
nécessaire dans un ordre international ou tous les Etats sont
considérés comme égaux. De l'autre, la
réalité. Un monde inégal injuste, un monde où
certains Etats sont les témoins de violations quotidiennes des droits de
la personne ; certains personnages éminents, certaines organisations
humanitaires des acquis la certitude que les droits fondamentaux de la personne
méritent qu'on les fasse respecté, dans
55 SUZANNE BASTID, « La thèse
Française est basée sur l'article 2§7 de la charte »,
Le Monde Diplomatique
26
son propre Etat et même dans un autre. C'est pour
trouver une issue à ce dilemme combien sensible que les pères des
droits d'ingérence tels que Mario BETTATI et Bernard KOUCHNER ont
tenté de mettre à jour ce nouveau droit d'ingérence
humanitaire. Cette doctrine, bien qu'elle relève une mutation profonde
de l'ordre international, une prise en compte de l'inégalité
intrinsèque à cet ordre, n'a cependant pas la prétention
de dire que cet ordre existe plus. Il s'agit d'adapter le droit international
afin de le mettre en phase avec l'ordre qu'il entend diriger, non de la mettre
à mort.56
C'est ainsi que le devoir d'ingérence humanitaire se
situé à contre-courant des principes fondamentaux du droit
international le principe de la souveraineté des Etats et celui de la
Non-ingérence qui en découle. L'ingérence peut même
contrevenir au principe d'interdiction au recours à la force dans le cas
où elle s'accompagne d'opérations militaires. La première
justification de cette violation flagrante de ces principes fondamentaux de la
charte de l'O.N.U a été la dimension profondément
humanitaire de l'ingérence. Le devoir ne peut être que dans la
mesure où elle intervient au nom de l'humanité, des droits de
l'homme et des libertés fondamentales et où elle tend à
sauvegarde le plus fondamental d'entre eux : le droit à la vie, le
devoir d'ingérence humanitaire constitue un dépassement du
principe de non-ingérence sans pour autant remettre totalement en cause
le principe de souveraineté des Etats. Selon les termes de Mario
BETTATI, il s'agit d' « aménager un nouvel espace juridique ou se
trouveraient indissolublement lié à la légitimation de
l'intervention humanitaire et le principe fondamental de l'indépendance
et la non soumission de l'Etat à l'égard de l'extérieur
».57
|