WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

De la grève en droit du travail congolais, analyse et perspectives.

( Télécharger le fichier original )
par Jean claude junior MANDE MUNGOBO
Université de Lubumbashi - Licence 2014
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

SECTION III. EVOLUTION ET HISTORIQUE DE LA GREVE

Dans cette section nous allons aborder l'analyse, l'évolution de la grève en République Démocratique du Congo et son histoire pendant la période coloniale et la période post coloniale.

§1. La période coloniale

Le droit de grève n'était reconnu qu'aux blancs45 et les noirs n'avaient pas le droit de grève.

Au lendemain de la première guerre mondiale lorsqu'on restaura la parité entre le franc belge et le franc congolais. On enregistra la baisse du franc belge, cette situation avait créé une disproportion entre les salaires payés en franc belge aux agents belges, et ceux payés en livres sterlings aux Anglais, aux Australiens et aux Sud-africains46.

« La disproportion des salaires avait provoqué des remous parmi le personnel européen, cela a amené à un déclenchement des grèves dont les meneurs étaient les sud-africains qui voulaient imiter ce qui se passait dans les mines de Johannes bourg et réclamaient le rattachement du personnel blanc du Katanga aux syndicats Sud-africains »47.

Cette attitude des Sud-africains avait conduit l'Union Minière du Haut-Katanga d'enregistrer beaucoup de cas de grève entre 1919 et 192048.

La longue grève de cinq semaines qui avait eu lieu entre septembre et octobre 1920 avait paralysé les activités de l'entreprise et avait pour conséquence la chute de la production ; l'Union minière du haut Katanga produisait 23 000 tonnes de cuivre en 1919 contre 19000 en 1920, cette baisse de la production avait poussé l'opinion belge à réclamer la nationalisation de l'entreprise49.

45 .LUWENYEMA LULE, op.cit, p.386.

46 DIBWE DIA MWEMBO, BANA SHABA : abandonné par leur père structure de l'autorité et histoire sociale de la famille ouvrière au Katanga (1910-1997), Harmattan, 2001, p.13.

47 Ibidem.

48 Ibidem.

49 Ibidem.

[19]

C'est à partir des événements cités ci-haut que certaines fonctions occupées jadis par les blancs, ont été confiées aux noirs telles que la conduite des locomotives50.

En 1920 les personnels européens de l'UMHK et du BCK avaient déclenché une grève pour revendiquer l'augmentation de salaire, l'activité industrielle se poursuivait avec les travailleurs autochtones51.

Nous pouvons comprendre par là que les noirs ne connaissaient pas leurs droits malgré le maigre salaire qu'ils percevaient, ne les inquiétait à rien leur objectif était de travailler sans tenir compte des conditions de travail leur imposées par leur employeur.

En 1941, à l'usine de l'UMHK de Lubumbashi une grève déclenchée par les travailleurs autochtones fut durement réprimée par l'armée52.

Cette grève était réprimée du seul fait que, le droit de grève n'était pas reconnu aux noirs, il était reconnu aux seuls blancs, or la grève de 1920 des personnels européens n'était pas réprimée et les noirs eux, continuaient à travailler53.

A la même année les travailleurs expatriés avaient déclenché une série de mouvement de grève parce qu'ils n'avaient pas trouvé satisfaction à leurs revendications, les usines continuaient à fonctionner normalement grâce au concours de seuls travailleurs autochtones54.

Les autochtones étaient mis en confiance par « le coup d'éclat » technique, ils réclamaient à leur tour des augmentations de salaire pour compenser la hausse des prix des biens de consommation.

A cette époque, l'exercice de droit de grève était discriminatoire, il était reconnu aux blancs.

50 DIBWE DIA MWEMBO, BANA SHABA : abandonné par leur père structure de l'autorité et histoire sociale de la famille ouvrière au Katanga (1910-1997), Harmattan, 2001, p.13.

51 MWABILA MALELA, Travail et travailleurs aux Zaïres, PUZ, 1979, p.85.

52 MWABILA MALELA, op.cit, p.84.

53 Ibidem, p.85.

54 Ibidem, p.86.

[20]

Les événements cités ci-haut nous montrent clairement que les travailleurs noirs n'étaient pas considérés par rapport aux blancs malgré les promesses que les recruteurs leur faisaient pendant la période de recrutement, l'union minière du haut Katanga avait mis en oeuvre différents procédés dans ses recrutements en vue d'attirer la sympathie et la confiance de la main d'oeuvre55.

Elle avait utilisé les procédés suivants :

Le premier procédé fut la propagande de l'entreprise ; cette stratégie consistait à implanter des dispensaires dans les milieux de recrutement où la population était soignée gratuitement pour montrer la richesse et la générosité56.

Ce procédé visait tout simplement à faire voir aux recrues qu'ils devraient vivre une très bonne vie ; au contraire la durée de ces équipements hospitaliers était fonction de la durée de la mission de recrutement dans la région.

Cette propagande était utilisée jusqu'à la malhonnêteté : paroles mensongères et promesses non tenues.

Cette propagande était chaque fois combattue par les travailleurs rapatriés qui regagnaient leurs villages et pour lesquels l'union minière était une dévoreuse d'hommes57.

Le second procédé utilisé par l'union minière du haut Katanga était la prime de recrutement, cette prime était payée aux chefs coutumiers lorsque la politique de propagande échouait, elle contenait les tissus, l'argent et les fusils58.

C'est en 1946 que les colons belges ont reconnu aux travailleurs autochtones la liberté de constituer des syndicats, et cette liberté syndicale émanait des agents autochtones de l'administration et non des travailleurs59.

Cette ordonnance de 1946 préconisa en outre la création des comités et commissions du travail pour le progrès social, la mise en place des conseils

55 DIBWE DIA MWEMBO, op.cit, p.16.

56 Ibidem.

57 DIBWE DIA MWEMBO, op.cit, pp.16-17.

58 Ibidem, p.17.

59 MWABILA MALELA, op.cit, p.85.

[21]

indigènes d'entreprises afin de maintenir des contacts permanents entre les travailleurs d'une part et l'administration d'autre part ; elle réglementait la procédure de conciliation en cas de conflits collectifs du travail et de cessations collectives du travail60.

Le traumatisme causé par la grève sanglante de 1942 restait encore dans l'esprit de beaucoup de travailleurs du fait de la répression armée qu'ils avaient eu de la part des militaires61.

L'administration coloniale assimilait la grève à l'anarchie à cause de l'insuffisance de la formation ouvrière des autochtones, c'est pour cela que l'organisation syndicale était ensuite intégrée à l'ordre politique62.

A cause de cette insuffisance de la formation ouvrière, la grève était dès lors associée à la contestation si non à l'opposition politique incompatible, selon les pouvoirs publics, à l'effort de reconstruction nationale63.

Il convient de constater que 66% des travailleurs de l'échantillon n'ont participé à aucune grève au cours de leur carrière professionnelle64.

Ce qui a justifié la non participation de beaucoup de travailleurs parce que le mouvement de grève était réprimé par l'autorité publique65.

Les buts poursuivis dans la grève consistaient en l'augmentation de salaire, l'amélioration des rapports professionnels, les conditions de travail66.

Sur les travailleurs ayant participé à une grève, près de 83% considéraient l'augmentation de salaire comme la motivation première de la grève67.

Pour les travailleurs noirs les conditions de travail ne les préoccupaient pas, ce qui était important pour eux c'était le salaire.

60 MWABILA MALELA, op.cit, p.85.

61 Ibidem, p.152.

62 Ibidem.

63 Ibidem.

64 Ibidem.

65Ibidem, p.153.

66 MWABILA MALELA, op.cit, p.153. 67Ibidem.

[22]

En 1941, les travailleurs blancs de grandes entreprises mécontents de conditions de travail revendiquèrent le droit à la pension, à partir de cette revendication la grève fut déclenchée au Katanga et se propagea dans tout le reste du pays68.

Au Shaba alors Katanga, trois blancs (QUENON, HEYMEN et MOSSOUX) furent les meneurs, ils formulèrent une revendication à l'union minière du haut Katanga au sujet de la pension69.

Suite à cette situation la réaction de l'employeur fut brutale en licenciant QUENON et les deux autres menacés de sanctions disciplinaires70.

Les ouvriers blancs de l'union minière, siège de Jadotville (actuelle LIKASI), se mirent en grève pour protester contre les puissances alliées ; le but de ces travailleurs était que cet Italien puisse être licencié, mais malgré le licenciement la grève avait persisté pour s'intensifier et se propager dans tout le Katanga71 .

Pour remettre de l'ordre dans l'entreprise suite à la grève en date du 18 octobre 1941, la direction générale de l'union minière avait sommé en vain les travailleurs blancs de reprendre le travail sous peine de licenciement72.

A la suite d'un jugement qui condamna à trois mois de prison avec sursis HEYMEN et DUTRON, tous deux membres du personnel de l'union minière, siège de Jadotville, et membres de la fédération syndicale du Katanga, en Août 1942, les travailleurs se concertaient pour faire grève dans toute la province73.

De telle grève peut être qualifiée de grève de solidarité interne qui vise à soutenir un travailleur en cas des difficultés.

68 LUWENYEMA LULE, op.cit, p.495.

69 Ibidem.

70 Ibidem.

71 Ibidem.

72 Idem, p.496. 73Ibidem.

[23]

Edifiés par l'exemple des travailleurs blancs, les travailleurs noirs se réunirent devant le bureau du chef de camp (un blanc) pour revendiquer l'augmentation des salaires74.

Les travailleurs noirs ont pris conscience, lorsqu'ils constatent que les difficultés dues à leur pouvoir d'achat était très faible, il fallait formuler les revendications auprès de l'employeur, comme les blancs réclamaient des augmentations salariales et le droit à la pension, l'employeur avait reçu leurs revendications à travers les délégués des travailleurs, malheureusement les négociations n'avaient pas abouti.

Le lundi 8 décembre 1941, les ouvriers de l'équipe du premier poste arrêtèrent le travail et se mirent en grève.

Le même jour que les travailleurs avaient arrêté de travailler, ils ont été invités par la direction de l'union minière à se présenter le jour suivant à la plaine de football du camp où le gouverneur de province, Monsieur MARON, devait les entretenir75.

Le jour suivant, un millier de travailleurs, certains accompagnés de leurs familles, se sont rassemblés au lieu indiqué pour écouter le gouverneur ; avant son arrivée des soldats armés étaient déjà dépêchés sur les lieux ; l'administrateur local Mr MARSHALL avait lancé des appels à la reprise du travail, les travailleurs eux, gardaient leur position de ne pas reprendre le travail76.

Du fait de leur résistance le gouverneur avait ordonné aux soldats de tirer en l'air, pris de colère, le gouverneur ordonna aux soldats de tirer sur la foule et il y eut plus de 60 morts et plus de 100 blessés77.

Après cette tragédie, l'employeur avait accordé aux travailleurs noirs le quintuple de leur revendication, soit 2,50francs par jour or avant la grève ils percevaient 0,50francs par jour78.

74 LUWENYEMA LULE, op.cit, p.497.

75 Ibidem.

76 Ibidem.

77 Ibidem.

[24]

? la grève de Matadi de 1945

La grève était déclenchée le 25 décembre 1945 couvée par les travailleurs de l'ONATRA, elle se généralisa dans tous les secteurs à Matadi79.

Cette grève avait pour origine un mouvement d'arrêt de travail par les marins congolais du MIV Albertville qui réclamaient une augmentation salariale ; profitant de cette occasion les ouvriers noirs de l'ONATRA se décidèrent eux aussi de se mettre en grève pour réclamer une augmentation salariale de 100%80.

Cette grève avait pour meneur principal le contre maître VANGU James, surnommé « NTANGWA-SAKA » ; les grévistes étaient déployés aux sorties de quartiers indigènes afin d'interdire aux travailleurs de se rendre au travail du coté du port où résidaient les blancs et où étaient concentrées les entreprises, c'est à partir de ce moment là, la grève était devenue générale81.

A cause du caractère général de la grève l'administrateur du territoire Mr DASSELET cherchait à dialoguer avec les grévistes qui exigeaient une augmentation effective des salaires avant la reprise du travail ; son initiative était vaine à l'égard des travailleurs.

La grève s'était dégénérée, un groupe de grévistes avait déplacé les rails de chemins de fer et avait même coupé les fils téléphoniques en vue de couper la route aux renforts éventuels des forces de l'ordre, car les forces de l'ordre étaient toujours envoyées en cas de grève, c'est pour cela que les grévistes avaient totalement coupé les fils téléphoniques pour empêcher la communication.

A cette époque, la reprise du travail par les grévistes n'était pas seulement l'affaire des autorités mais de tout le monde.

C'est pour quoi les kimbanguistes exhortaient les grévistes dans leur quartier indigène sous le rythme de leurs fanfares afin de reprendre le travail.

78 LUWENYEMA LULE, op.cit, p.497.

79 Ibidem, p.498.

80 Ibidem

81 Ibidem.

[25]

Le deuxième jour, soit le 26 novembre 1945 le mouvement gagna toute la population noire de Matadi et la revendication passa de 100% à 500% d'augmentation de salaire par noirs82.

Les travailleurs persistaient de ne pas travailler malgré les négociations entreprises.

Ce qui avait poussé l'administrateur a ordonné de tirer sur les grévistes afin de les disperser ; cette fusillade avait fait sept morts et de nombreux blessés83.

Les grévistes étaient poursuivis et arrêtés, les travailleurs arrêtés étaient jugés et condamnés à des peines d'emprisonnement.

? La grève de 1945 de Léopoldville

Cette grève a été déclenchée par les travailleurs de l'OTRACO chemin de fer Léo/Matadi.

Ils condamnaient le régime de la ration alimentaire et réclamaient la contre valeur en argent84.

Au cours de cette grève certains grévistes étaient arrêtés par la police, mais libérés lorsque leurs collègues, épouses et enfants s'étaient présentés au commissariat de police.

Nous pouvons dire que la grève pendant la période coloniale était discriminatoire, et elle était tellement réprimée par l'autorité coloniale d'où au lieu que l'employeur puisse négocier avec les travailleurs grévistes mais il y avait toujours l'intervention de l'armée pour négocier avec les grévistes. Cet état des choses n'avait pas tellement permis aux travailleurs de se sentir à l'aise sur le lieu de travail.

82 LUWENYEMA LULE, op.cit, p.497

83 POUPART P., Première esquisse de l'évolution du syndicalisme au Congo, éd. IS.Solvay, 1960. Cité par LUWENYEMA LULE, op.cit, p.499.

84 LUWENYEMA LULE, op.cit, p.499.

[26]

Lorsque les belges ont compris que les noirs avaient aussi les droits de revendiquer des mauvaises conditions de travail, d'augmentation de salaire, il a fallu qu'ils puissent promulguer une ordonnance en 1946 pour reconnaitre aux salariés noirs le droit de former des syndicats.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle